Les yeux languides…
Chronique du jour
Ici mieux que là-bas
22 Mars 2015
Les yeux languides…
Par Arezki Metref
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Depuis un moment, j’avoue que je me sens quelque peu addict à Facebook. Un peu camé même, mais juste un brin ! Oh non, je n’y passe pas tous mes mois bissextiles mais j’y fais tout de même obligatoirement ma petite balade bucolique quotidienne. Une sorte de parcours de santé à revers. Une façon d’accomplir, en travestissant le commandement philosophique, cette prière du matin que Hegel identifiait à la consultation de la presse du jour.
Quand j’ai rejoint le réseau social, j’étais lesté d’un principe d’airain, et je voulais m’y tenir mordicus. Moyen fantastique de partager avec des gens, proches ou inconnus, des choses intéressantes, je me suis promis de faire dans le dense, le lourd, le consistant, si tu vois ce que je veux dire ! Que ça rapporte des mille et des cents à Marc Zuckerberg, je n’y voyais pas d’inconvénient. Au point où nous en sommes du masochisme, ce n’est qu’un cran de plus…
Je m’aperçus très vite que c’était là un vœu pieux, voire hypocrite. Difficile, réalisai-je, de bannir cette frivolité parfois facétieuse à laquelle invite la réalisation instantanée de la communication avec des gens qui vaquent aux quatre coins du monde. Je me suis promis, comme ça, que je ne publierai rien qui ne possède la plus-value qui dope de son écot le débat.
Je déchantai allègrement. Très vite, l’exercice allait me cingler avec une réponse banale à pleurer. Eh oui, mon bon monsieur, ainsi est l’être humain ! Les gens sont comme ça, tu vois, ingrats, indiscrets, inconséquents, jaloux, envieux, comme on dit au Café du quartier qui est l’agora de notre civilisation de la déglingue arriviste et de la vanité ontologique.
Entre ce qu’on proclame et ce qu’on fait, il y a un univers entier peuplé de tautologies. Quand je m’essore ce qui me reste de neurones pour publier sur mon mur un texte qui me paraît justiciable d’un débat, genre article, étude, réflexion, ou que je «partage» l’œuvre de quelqu’un d’autre, souvent, soit ça suscite une belle indifférence générale, soit quelques amis condescendants me gratifient d’un petit like de politesse.
Un clic du cœur virtuel et le tour est joué. Pause : faut pas généraliser, tout de même. Dans la population de Facebook, il n’y a pas que du vaporeux. Il y a, et c’est même une majorité, des maquisards du principe qui résistent farouchement aux sirènes du colifichet ou plutôt aux colifichets des sirènes.
En revanche, quand il s’agit de futilités, là ça y va ferme ! Les souris dansent tout ce qu’elles savent… Il y a alors de la générosité dans l’air. J’ai des tonnes de commentaires inspirés, caustiques, chiadés, ciselés, approbateurs, désapprobateurs, hostiles, conciliants…. Tout le monde va au charbon sans rechigner. C’est la ruée !
Mais ce n’est pas cela, le plus grave. Je me suis aperçu, à ma grande honte, que moi-même qui me pose en partisan et en praticien de la densité, je me surprends à privilégier la futilité, la frivolité, l’amusette…Je vais plus volontiers vers la vétille…
Plus facile à lire. Plus marrant. Pourquoi s’embêter avec de la sentence et de la gravité ? Tu sais, on n’a qu’une vie… L’insoutenable légèreté de l’être… Et puis, les gens sont comme ça ! Le mur de Facebook, comme celui de Berlin après la chute, quand seuls des pans ont subsisté, est là pour qu’on y taggue ce qui nous touche, fût-ce de la broutille.
Du coup, j’ai dégoté le truc. Pour faire réagir la peuplade Facebook engoncée comme je le suis moi-même désormais dans ses rites de la breloque, je balance quelquefois quelques lignes de sottise provocatrice. En vérité, j’ai appris cela d’un frangin qui, quand il veut rigoler un coup, lance comme une bouteille à la mer : «qu’est-ce qu’il est con !» Indéfini ! Personne ! No body ! Eh bien, il y a du répondant à ce type de post. Les commentaires pleuvent, qui culminent dans la philosophie…
Bien entendu, je ne vais pas t’assommer avec mes histoires de Facebook qui ressemblent du reste à celles de tous les facebookers de la Création. Si je commence par ce bout de la lorgnette, c’est parce que ça à avoir avec ce dont j’ai choisi de parler. Avant d’entrer dans la chanson, une dernière note du Facebook. Il permet quand même un échange fabuleux, instantané, avec une multitude de gens. Et surtout, on a la possibilité de publier des tas de choses, textes, musiques, photos, vidéos.
L’autre jour, je suis tombé sur la version de Chehlat Layaâni de Kamel Messaoudi. J’aime bien sa façon d’alléger des classiques et d’en faire de la variétoche. Il avait la voix pour. J’ai publié cette version avec ce commentaire à l’intention première de mon ami Nadjib Stambouli que je tiens pour l’héritier de la mémoire de la culture algéroise. Rien qui puisse lui échapper.
«Est-ce que Nadjib Stambouli me contredirait si j'avançais que Kamel Messaoudi tient la meilleure version de Chehlat Laâyani créée en 1958 par Abdelhakim Garami devenue un tube de chaâbi algérois grâce à Mohamed Zerbout qui l'a enregistrée pour la première fois en 1959 chez la maison de disques Dounia.
Ce tube de chaâbi est tiré d'un boléro cubain, Quizas Quizas, Quizas, écrit par le Cubain Osvaldo Farrés (tiens, ce ne serait pas un de nos Farrés qui aurait jadis émigré?) en 1947.
Ce post innocent a déclenché un échange riche qui nous en fait savoir davantage sur Abdelhakim Garami.
Un mec discret et talentueux, et qui mérite d’être connu au moins autant que son œuvre devenue un poncif. Mais on me fait signe que c’est fini pour aujourd’hui. Je causerai de lui et de sa chanson Chehlat Laâyani (que je traduis, faute de mieux, et avec la complicité de Nadjib Stambouli, par les Yeux languides ) tantôt….
A. M.
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