Les vrais boucliers contre le cancer
5. L'exercice physique : un bouclier anti-promotion redoutable
Il est difficile de comprendre pourquoi de plus en plus de gens abandonnent l’exercice physique, au vue de ses innombrables bienfaits. Ce sont les études qui le disent : plus la pratique sportive est importante (c'est-à-dire longue, régulière et intense), plus on réduit le risque de cancer1. En mai 2005, un article paru dans le JAMA2 sur le lien entre le cancer du sein et l’exercice physique avait fait sensation. Chez 3000 infirmières souffrant d’un cancer du sein et suivies pendant dix ans, le simple fait de marcher durant 3 à 5 heures par semaine a réduit d’environ 50 % leur risque de décéder prématurément comparativement à un groupe de femmes ne faisant pas d’exercice. Comment expliquer ce phénomène ? Outre la diminution de la masse graisseuse, les chercheurs ont avancé des explications liées à la promotion cancéreuse :
§ L’activité physique fait baisser le taux des hormones (œstrogène et testostérone) impliqués notamment dans les cancers du sein, de l’utérus et de la prostate.
§ Elle retarde l’âge de premières règles et allonge les cycles menstruels, diminuant ainsi le nombre total de cycles dans la vie d’une femme.
§ Elle stimule les défenses immunitaires contre les cellules anormales.
6. Les étapes de l'invasion et de la colonisation
Nous arrivons au troisième épisode du développement du cancer. Des cellules cancéreuses sont apparues et se sont multipliées massivement. Il leur reste du chemin à faire pour devenir particulièrement dangereuses : envahir l’organisme tout entier. Or, quelque soit le tissu dans lequel elles apparaissent, ce dernier est entouré de frontières solides : les muscles sont délimités par des fascias, les organes d’une capsule, les os d’un périoste... Comment peuvent-elles traverser ces frontières a priori rigoureusement hermétiques ? En mutant à nouveau.
Théoriquement, toutes les cellules possèdent les capacités de toutes les autres cellules puisqu’elles ont le même matériel génétique que la cellule œuf unique à partir de laquelle elles dérivent toutes. Une cellule musculaire est différente d’une cellule immunitaire parce que certains programmes ont été bloqués par des agents spéciaux. Si ces blocages sont forcés (on parle de déméthylation), les cellules peuvent acquérir des capacités interdites comme la synthèse de protéines destructices. C’est cette capacité qui leur permet d’effectuer des raids dans les tissus voisins et menacer d’autres périmètres de l’organisme. Lorsqu’elles sont capables de créer d’autres foyers (on parle demétastases) dans l’organisme, en passant notamment par le sang, c'est l'étape de la colonisation. Le cancer devient alors particulièrement difficile à contrôler et soigner.
Note : pour qu’un cancer soit détectable, il doit mesurer au moins 1 centimètre cube, c'est-à-dire compter plus d’un milliard de cellules. A ce stade, le traitement du cancer ne dépend plus de l’alimentation. Dans le meilleur des cas, elle peut y jouer un rôle auxiliaire.
7. Les boucliers qui restent à confirmer
La gestion du stress
Le lien entre le risque de cancer et le stress n’est pas scientifiquement avéré, bien que largement soupçonné. Une étude avait montré que le travail de nuit, source intense de stress, augmentait de 50 % le risque de cancer du sein. Mais, cette augmentation du risque est-elle liée au seul stress ou à d’autres facteurs causés par le facteur nocturne ? Difficile à dire. Toujours est-il que des études ont montré l’intérêt de la gestion du stress et du soin mental pendant le traitement des cancers. Le professeur Spiegel a été le premier à le démontrer en 1989 : le taux de survie avait été doublé chez des femmes soignées pour un cancer ayant participé à des groupes de soutien et ayant été formée à l’auto-hypnose par rapport à des femmes témoins (trois ans au lieu de un an et demi). Une autre étude sur des souris2 a montré que le stress induit chez ces dernières rendait les traitements moins efficaces. Peut-on transposer cela chez l’humain ? Il est trop tôt pour le dire.
Les anti-inflammatoires
C’est un constat scientifique : les personnes qui prennent régulièrement de l’aspirine ou des anti-inflammatoires comme l’ibuprofène pour des maux de tête ou des douleurs musculaires, sont moins à risque des cancers digestifs ou du sein que les autres3. Ce phénomène n’a pas été retrouvé chez les personnes qui prennent des antidouleurs sans effet anti-inflammatoire comme le paracétamol.
Mieux, la réduction du risque serait proportionnelle à la durée de la prise et à son dosage. Évidemment, cela ne signifie pas qu’il faut se ruer sur les aspirines car ils ne conviennent pas à tout le monde, mais cela vaudrait donc la peine de se traiter avec ces derniers lorsque c’est nécessaire.
Les statines
Controversées pour leur intérêt dans l’hypercholestérolémie, les statines diminueraient le risque de cancer du pancréas, de l’œsophage, de la prostate, du sein, du poumon et du côlon4 ! Rien que ça ! Les chiffres demandent encore à être confirmés mais on peut déjà avancer que les personnes qui prennent des statines en prévention des risques cardio-vasculaires, diminuent probablement leur risque de cancer.
La vitamine D
Une méta-analyse de 63 études5 a révélé que plus notre taux sanguin de vitamine D était élevé, mieux nous étions protégés contre les cancers. Cela pourrait expliquer le nombre de cancers plus élevé chez les populations peu ensoleillées : les rayons ultraviolets en permettent la formation au niveau de la peau.
L’allaitement
Allaiter ses enfants contribuerait à prévenir les cancers de l’utérus (avec notamment une réduction du risque de 72 %)6. Ce bénéfice serait proportionnel à la durée de l’allaitement et même au nombre d’enfants allaités. L’OMS recommande six mois d’allaitement complet (sans autre nourriture), tandis que l’Unicef ajoute que l’idéal se situe au-delà de deux ans.
Note : l’usage de boucliers et de protection en tout genre ne permet jamais de garantir à 100 % la non-survenue d’un cancer. Il y a une partie de hasard indéniable. Certains pensent que les boucliers préventifs sont beaucoup plus efficaces avant trente ans, car les cellules se reproduisent plus souvent.