01 Février 2015
Les convictions voyagent très mal,
en général !
Par Hakim Laâlam
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Handball. Il s’appelle comment déjà, le coach du Qatar ? Je
crois que c’est un certain Card.
Master Card !
Ah ! La délégation qui doit se rendre à Alger ! J’ai lu comme vous cette information. Une délégation de notables et de personnalités d’In-Salah doit se rendre très prochainement dans la capitale pour y discuter avec de «hauts responsables» de gaz de schiste. J’écris «ah ! La délégation» parce que ça me rappelle des choses, cette histoire de notables conviés à palabrer au Palais ou dans l’une de ses succursales discrètes. Combien de «délégations» bien faites, bourrées de gens honnêtes, probes et propres ont perdu leur âme durant ce voyage, à l’issue de ce
pèlerinage ? Beaucoup ! Des tonnes ! Combien de quidams bien intentionnés, déterminés à ne rien lâcher, chevillés à leurs convictions honorables sont revenus transformés de ce périple algérois ? Je ne saurais vous dire, tant il y en a eu. Processus étrange et jamais vraiment ni sérieusement étudié qui voit un bonhomme ou une bonne femme, militant d’une cause prendre un bus ou un avion spécial pour Alger et en revenir méconnaissable. Méconnaissable pour sa famille. Méconnaissable pour ses amis. Mais accueilli à bras ouverts par son banquier soudain redevenu prévenant avec lui. On ne sait pas si c’est durant le trajet aller que la métamorphose touche la délégation. A moins que ce ne soit une fois sur place, dans le Palais. Je n’accorde que peu de crédit à la théorie qui voudrait faire accroire que le changement, c’est pendant le trajet retour. De témoignages de chauffeurs d’autobus et de pilotes d’avion, je tiens que lorsqu’ils réembarquent pour revenir au pays profond, les membres de la délégation ont déjà tous ou presque ces mêmes yeux. Des yeux étranges. Pas comme d’habitude. Des yeux comme hagards. Des yeux qui regardent un point fixe, perdu dans des limbes à l’incandescence terrible. J’ai même obtenu cet aveu incroyable d’un conducteur d’autocar qui jure que plusieurs membres d’une délégation qu’il transportait sur le chemin retour avaient les lèvres qui bougeaient intensément. Il m’a assuré sur son petit dernier que de ces lèvres et de ces bouches sortaient des chiffres, des additions, des multiplications, rarement des soustractions. Va savoir ! Une chose est sûre, cependant, et là, je n’ai besoin ni de chauffeurs de bus ni de pilotes d’avion, ni de directeurs d’agences bancaires locales pour me le confirmer : les délégations qui se rendent à Alger pour y parler avec les gens du Palais se brûlent les yeux. Pour la plupart. Les autres, les rares rescapés s’en sortent. En les fermant, leurs yeux. Pour toujours. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
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