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Les biotechnologies ou les médicaments du futur
25 Janvier 2015_(1re partie)
Par Pr. Kamel Sanhadji (*)
«On peut toujours plus que ce que l'on croit pouvoir.»
Joseph Kessel, 1898-1979, journaliste, aviateur, romancier
Les biotechnologies représentent, aujourd’hui, un ensemble de méthodes et de techniques faisant appel à des composants du vivant (molécules, organites, cellules, organismes) pour rechercher, modifier ou produire des substances chimiques ou des éléments d’origine végétale, animale ou microbienne.
Partant de cette définition, on peut donc affirmer que les êtres humains utilisent le procédé de la biotechnologie depuis des milliers d’années pour fabriquer tout ce qui leur est nécessaire : produits alimentaires, textiles, etc. Ainsi, de nombreux produits qui nous sont familiers – le pain au levain, les yaourts, les fromages, le vin, le vinaigre… ont tous ce même point commun : ils sont fabriqués grâce à la culture de micro-organismes (fermentation).
Il y a quelque 10 000 ans, lorsqu’il est passé du stade de cueilleur-chasseur à celui d’agriculteur-éleveur, l’homme, en sélectionnant les espèces végétales ou animales dont il avait besoin, en semant ses récoltes et en faisant se reproduire son bétail, commençait déjà à modifier le monde vivant qui l’entourait pour améliorer son ordinaire. Puis, il a observé et mis à profit les phénomènes de fermentations dus à des micro-organismes dont il ignorait, évidemment, à l’époque, l’existence même. Il constate, ainsi, que des matières premières sont modifiées. Des levures ou des bactéries convertissent le sucre en alcool ; d’autres, l’alcool en acide acétique (vinaigre) ; d’autres encore peuvent fermenter dans la farine et faire lever la pâte du pain. Des bactéries se multiplient dans du lait pour le transformer en lait caillé et en yaourt. Inventés souvent fortuitement, vin, fromage apparaissent ainsi, dans l’histoire des civilisations humaines, en différents points de la planète, plusieurs millénaires avant Jésus-Christ.
Une première étape de rationalisation de ces pratiques résulte des travaux de Louis Pasteur (1822-1895) qui, d’une part, mettent en évidence l’existence de micro-organismes, leur rôle de ferments, et, d’autre part, expliquent leur action.
Ces recherches débouchent sur une amélioration des pratiques industrielles. Des levures, des moisissures, des bactéries sont sélectionnées pour leurs qualités particulières. C’est la période du développement des biotechnologies traditionnelles. L’hygiène, l’asepsie, la stérilisation des instruments font, peu à peu, leur entrée dans ce monde industriel où foisonnent les micro-organismes.
Le 20e siècle voit l’apparition d’une biologie fondamentale qui, après avoir été longtemps une science essentiellement descriptive, devient progressivement une science explicative du vivant.
Cette meilleure compréhension du monde vivant constitue la seconde étape du développement des biotechnologies dites modernes qui sont désormais fondées non seulement sur l’emploi de micro-organismes, mais aussi sur l’utilisation de certains de leurs constituants et, finalement, sur l’acide désoxyribonucléique (ADN), molécule essentielle de la vie, support de l’information génétique. Les biotechnologies vont ainsi connaître, entre 1970 et 1990, un essor sans précédent. Elles deviennent des technologies diffusantes, utilisées dans des domaines très variés : le médicament et la santé, l’environnement, l’aquaculture, l’agriculture, l’industrie agroalimentaire, la chimie lourde, l’industrie minière...
Depuis le milieu du vingtième siècle, le terme « biotechnologie » désigne l’utilisation de la génétique et de toutes les techniques qui en dérivent. Il s’agit désormais d’une définition commune à tout un champ d’applications, depuis la médecine jusqu’à l’agriculture.
Aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique produit des médicaments issus de molécules déjà naturellement produites par le corps humain. La biotechnologie désigne dans ce cas précis le procédé par lequel ces composants naturels sont reproduits dans des quantités suffisantes pour un usage thérapeutique. Il s’agit d’un procédé de fabrication appelé «protéines recombinantes». Pour créer les protéines recombinantes, les scientifiques utilisent le plus souvent les techniques issues du génie génétique, et notamment celle de l’ADN recombinant : ils utilisent des bactéries, des levures, ou des cellules d’origine animale, dans lesquelles ils sélectionnent et intègrent des gènes humains contenant l’information (code génétique du gène d’intérêt) pour obtenir la protéine thérapeutique souhaitée. Après cette étape, ces cellules peuvent être mises en culture dans de grands fermenteurs où elles se reproduisent en grande quantité.
Fabriqués de cette manière, ces composants sont donc théoriquement identiques (similaires ou «biosimilaires» à ceux naturellement «fabriqués» par le corps humain. Ce sont le plus souvent des protéines, et elles ont une activité physiologique très spécifique. A l’inverse, les médicaments traditionnels sont fabriqués à partir d’une synthèse chimique, et ont souvent un rôle moins spécifique.
La biotechnologie a permis de découvrir et de développer une nouvelle génération de médicaments à usage humain. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la biologie cellulaire et de la biologie moléculaire, les scientifiques ont identifié et développé tout un éventail de nouvelles thérapies. Ces molécules qui ont des effets cliniques significatifs ont rendu possible la mise à disposition de nouvelles avancées thérapeutiques pour des pathologies encore sans traitement connues incluant les maladies rares (maladies orphelines). Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics s’engagent, dès maintenant, à développer ces produits innovants qui améliorent la qualité de vie des patients.
La biotechnologie : un outil découlant de l’évolution des connaissances scientifiques
Trois bouleversements sont à l’origine de l’essor des biotechnologies modernes : le développement d’outils moléculaires très performants ; l’explosion des connaissances dans le domaine de la génétique ; et, enfin, l’accumulation de données biologiques issues des vastes programmes internationaux de séquençage des génomes (génomique). Les outils moléculaires du génie génétique (enzymes de restriction, polymérases, transcriptases inverses, ligases, intégrases), découverts dans les années 1970, permettent de découper finement et spécifiquement la molécule d’ADN, de la copier, de l’intégrer dans une autre séquence ADN, de la ressouder dans cet ADN, etc. Il devient alors possible d’isoler rapidement, puis de caractériser des gènes. L’ADN étant universel dans le monde du vivant, il est alors possible de transférer des gènes dans des cellules (micro-organismes ou autres) afin de leur faire produire des molécules d’intérêt, produits de ces gènes.
Cette première révolution constitue le fondement du renouveau des biotechnologies modernes et leur confère une importance économique et industrielle majeure. Des molécules très complexes (des hormones comme l’insuline, l’érythropoïétine ou l’hormone de croissance, des anticorps, etc.) qui, jusque-là, ne s’obtenaient que très difficilement, par extraction-purification, à partir d’organes ou de cellules animales ou humaines (comme l’hormone de croissance extraite de l’hypophyse) deviennent aisément disponibles et en quantité illimitée. La puissance de ces méthodes bouleverse les stratégies industrielles, en particulier dans les industries pharmaceutique et médico-chirurgicale, non seulement en produisant simplement et rapidement des biomolécules d’intérêt médical, mais aussi en caractérisant de nouvelles «cibles» pour la recherche de médicaments classiques.
La génétique – qu’elle soit humaine, végétale ou animale – va bénéficier de l’évolution de la biologie qui est devenue, en quelques années, moléculaire. Elle s’intéresse à l’hérédité, c’est-à-dire aux mécanismes de transmission des caractères biologiques au cours des générations et, en médecine, aux gènes responsables de pathologies héréditaires rares (maladies neuromusculaires, mucoviscidose, etc.), mais aussi aux gènes qui prédisposent aux pathologies multifactorielles fréquentes telles que l’obésité, le diabète, l’hypertension, le cancer, etc. La composante génétique de toutes ces pathologies devient alors accessible avec comme conséquences des apports déterminants dans le domaine du diagnostic (une maladie souvent mal définie et mal connue auparavant acquiert un statut plus solide) et la mise en évidence de voies d’approche originales pour de nouveaux médicaments. La protéine codée par un gène «altéré» devient alors une cible dont il faut corriger (thérapie génique) le dysfonctionnement et, par là, les effets délétères.
Le séquençage du génome humain en 2003 : une révolution incontestable pour la biotechnologie
La connaissance des séquences nucléotidiques de l’ADN constitue le niveau le plus fin de l’information génétique. Dans les années 1990, la biologie à grande échelle naît de la nécessité d’augmenter fortement la puissance des techniques de séquençage de cette molécule géante, en particulier pour le génome de l’homme, constitué de 3 milliards de paires de bases (nucléotides). Les méthodes utilisées jusque-là étaient artisanales et seuls certains génomes de virus, de quelques centaines à quelques milliers de nucléotides, avaient pu être séquencés. Avec ces méthodes, il aurait fallu, pour déterminer la totalité du génome d’espèces «supérieures», dont l’homme, des délais de l’ordre de vingt à quarante ans. L’automatisation du séquençage a permis de traiter rapidement les opérations répétitives. Des marqueurs fluorescents, des lecteurs lasers, la séparation par électrophorèse capillaire ont contribué de leur côté à l’amélioration du débit. Grâce au développement fulgurant de ces technologies, le projet public international de séquençage du génome de l’homme, qui associait seize laboratoires de séquençage dans le monde, fut «achevé» en 2003.
D’autres génomes ont été, depuis, séquencés dans le monde animal et végétal. La biologie à grande échelle a transformé certains laboratoires de recherche en de véritables «usines de production de données». L’informatique est évidemment essentielle pour stocker et exploiter les données obtenues, dont le nombre double tous les sept mois.
Cette biologie, très innovante, conduit à d’autres développements comme la transcriptomique, qui étudie l’expression simultanée de plusieurs milliers de gènes d’une cellule ou d’un organe, ou la protéomique, qui analyse des ensembles de protéines d’une cellule, d’un organe ou d’un organisme. Ces nouvelles technologies, qui ont comme caractéristique essentielle de viser à l’exhaustivité du résultat (on cherche, dans ces deux exemples cités, à caractériser la totalité des gènes exprimés ou la totalité des protéines présentes, à un instant donné, et leur fonctionnalité), constituent une nouvelle approche du vivant, beaucoup plus globale, moins réductionniste que par le passé et, par conséquent, probablement mieux à même de comprendre la complexité du fonctionnement du vivant. Les biotechnologies modernes ont profité directement de ces trois révolutions, ainsi que des progrès effectués dans les domaines de la culture cellulaire, de l’hybridation cellulaire, du clonage... pour prendre une importance économique et sociétale que personne ne pouvait seulement imaginer dans les années 1970.
Elles sont généralement divisées en quatre catégories, en fonction de leur domaine d’application : les biotechnologies rouges (domaine de la santé) ; les biotechnologies vertes (agriculture), les biotechnologies bleues (domaine aquatique) ; et les biotechnologies blanches (fabrication de produits). Les biotechnologies relatives au traitement de problèmes environnementaux sont parfois dissociées des biotechnologies blanches pour former une cinquième catégorie.
L’avenir des biotechnologies
Les activités générées par les biotechnologies sont le type même d’activités dites diffusantes, c’est-à-dire qui interviennent de manière diverse dans de très nombreux secteurs industriels. Leurs applications, plus nombreuses que celles qui étaient postulées au départ, sont appelées à se développer, tant quantitativement que qualitativement. Encore aujourd’hui, le monde des biotechnologies bénéficie surtout des progrès d’une biologie essentiellement analytique qui met progressivement à disposition de ces technologies des outils et des procédés dérivés de l’étude des êtres vivants, en particulier des micro-organismes, dont l’extraordinaire biodiversité et l’exceptionnelle capacité d’adaptation fournissent des solutions très innovantes pour aborder les problèmes de la chimie, de l’environnement, des matériaux, etc. On peut prédire, sans risque de se tromper, que les biotechnologies n’en sont qu’à leur début et que des ruptures technologiques de grande importance se produiront. Deux développements scientifiques (au moins) seront à l’origine de ces ruptures : la biologie systémique et la biologie de synthèse.
La biologie systémique résulte directement des nouvelles technologies nées du développement de la génomique (transcriptome, protéome, métabolome) et capables d’appréhender désormais le vivant à un niveau de complexité qui impose une bio-informatique solide (calculs complexes de modélisation informatique) susceptible de stocker les innombrables données obtenues mais aussi d’aider à leur interprétation en permettant de conceptualiser la signification profonde de ces résultats en termes d’interactions ou d’interdépendances.
Quant à la biologie de synthèse, il s’agit d’un tout nouveau champ de recherche qui a déjà des applications biotechnologiques potentielles. De fait, à l’approche du biologiste qui analyse le vivant pour en comprendre, pas à pas, le fonctionnement, il substitue la démarche de l’ingénieur qui essaie de fabriquer de nouveaux systèmes à partir de constituants élémentaires du vivant. Là où le généticien isole, caractérise, transfère un gène d’un organisme à l’autre, d’une cellule à l’autre, le biologiste de synthèse va concevoir un gène nouveau, à partir de morceaux d’autres gènes ou le synthétiser de toutes pièces.
Il s’agit, en quelque sorte, de considérer le vivant comme un immense meccano (jeu de construction en maquette), à partir duquel sont imaginés et construits de nouvelles entités (bactéries), des micromachines (autoreproductibles ou pas), des systèmes qui n’existent pas dans la nature, des voies métaboliques originales... On peut ainsi conditionner une bactérie pour l’obliger à fabriquer une substance jusque-là impossible à obtenir par voie biotechnologique. Les développements actuels ne peuvent pas aller sans une réflexion approfondie, sans un questionnement sur le sens profond de projets qui exigent, peut-être plus que tout autre, un débat dans une société préoccupée légitimement par son avenir et qui s’interroge désormais sur le sens même du mot progrès.
Une usine de pointe pour la fabrication des médicaments du futur : la cellule
Les différentes étapes de la production d’une protéine recombinante (futur médicament comme l’insuline, l’érythropoïétine…) font appel à un fragment d’ADN étranger (un gêne d’intérêt contenant le code génétique de la molécule à fabriquer) qui sera inséré à l’intérieur d’un plasmide (petit fragment d’ADN bactérien de forme circulaire). Le nouveau plasmide «recombinant» transportant le gène humain est alors introduit à l’intérieur d’une autre cellule bactérienne. Une fois à l’intérieur de la cellule, le gène d’intérêt qui est dans le plasmide peut être lu par le système de fabrication des protéines de la cellule. Au préalable, il serait nécessaire de définir les notions de gène, d’ADN, d’ARN, de code génétique et de protéine.
Les gènes sont composés d’ADN qui codent les informations nécessaires aux cellules pour fabriquer les protéines. Chez les êtres humains, cette relation apparaît sous la forme de caractéristiques héréditaires, telles que la couleur des yeux ou la couleur des cheveux.
Dans les microorganismes tels que les bactéries et les levures, le patrimoine génétique apparaît généralement sous la forme de caractéristiques biochimiques, comme la capacité d’une cellule à proliférer avec un sucre et non avec un autre.
L’ADN de nombreux organismes, y compris celui des animaux, des levures, et des moisissures, se trouve à l’intérieur d’un noyau cellulaire. En groupes, ces organismes sont appelés eucaryotes, ce qui signifie «vrai noyau». Dans les cellules eucaryotes, l’ADN peut aussi se présenter sous forme de structures plus grandes, appelées les chromosomes (ADN renfermant toute l’information génétique de la cellule), et qui peuvent être, dans certains cas, vues au microscope lors de la division cellulaire. Certains chromosomes ont aussi une forme distincte ; c’est le cas du chromosome X (détermine le sexe, ici il s’agit d’une fille) par exemple.
Contrairement aux eucaryotes, les bactéries n’ont pas de noyau. De plus, le chromosome bactérien consiste en un unique grand cercle d’ADN, plutôt qu’en une superstructure distincte comme chez les organismes supérieurs. Du fait de leur manque de noyaux, les bactéries sont classées dans un groupe distinct appelé organismes procaryotes.
Chez tous les microorganismes, l’ensemble du matériel génétique s’appelle le génome. C’est à partir de l’ADN qu’est initiée la fabrication des protéines qui sont considérées comme les molécules-clés cellulaires car elles sont essentielles au bon fonctionnement du corps humain. Ainsi, les hormones jouent le rôle de messagers des cellules, elles-mêmes formées d’un cytosquelette (molécules structurelles). Les enzymes (protéines catalysant le déroulement des réactions chimiques dans la cellule) sont les médiateurs du métabolisme cellulaire, tandis que les anticorps et lymphokines sont parmi les principaux composants de défenses immunitaires de l’organisme.
Leur importance biologique fait des protéines un excellent candidat pour des médicaments lorsque l’on cherche à en restaurer ou à en augmenter leurs fonctions naturelles. Les gènes, sous forme d’ADN, sont la base de notre savoir pour créer des protéines d’intérêt.
Les protéines sont codées par les gènes. Les gènes, eux, sont composés d’Acide Désoxyribo Nucléique (ADN). Le nom «Acide Désoxyribo Nucléique» se réfère à la fois à la composition chimique de la molécule et au fait qu’elle réside à l’intérieur du noyau. L’extraordinaire singularité de l’ADN est sa capacité à coder tous les gènes nécessaires à l’expression de la biodiversité sur terre. La clé de cette capacité est liée à sa fameuse structure composée d’une « double hélice », décrite en 1953 par James Watson et Francis Crick et qui leur a valu le prix Nobel.
Cette double hélice peut être comparée à une longue échelle spiralée dont les montants sont constitués de sucre et de groupes phosphates. Les barreaux sont composés de bases azotées. Une unité individuelle est composée de séquences associant un sucre, un groupe phosphate et une base azotée est appelée nucléotide.
Les séquences de nucléotides, sont «accrochées» les unes aux autres par une liaison chimique.
L’ADN ne contient que quatre bases azotées différentes : Adénine (A), Thymine (T), Guanine (G), et Cytosine (C).
Ces quatre bases s’associent entre elles selon l’appariement suivant : A avec T et G avec C. Donc, en connaissant les séquences de bases sur un côté (brin) de l’ADN, on peut en déduire la séquence sur le brin d’en face en suivant cette règle d’appariement. C’est l’ordre, la séquence de ces «lettres», qui constituent l’information ou code génétique), comme le feraient les mots qui constituent un texte.
La fabrication d’une protéine se déroule dans le cytoplasme (espace cellulaire) alors que l’information (ADN) codant pour cette fabrication est localisée dans le noyau (membrane enveloppant l’ADN à l’intérieur du cytoplasme). Pour que l’information sorte du noyau, la cellule utilise une molécule intermédiaire appelée Acide Ribo Nucléique (ARN), et plus précisément un type d’ARN : l’ARN messager (ARNm). L’ARN a une structure très similaire à l’ADN, mais avec trois différences majeures : le sucre est un ribose (et non un désoxyribose), au niveau des bases azotées, la Thymine est remplacée par l’Uracile, et dans la plupart des cas, l’ARN n’a qu’un seul brin. L’ARNm est formé dans un processus appelé transcription, en utilisant un seul brin (appelé le brin «sens») de l’ADN en tant que modèle. L’ARNm est ensuite transporté vers le cytoplasme où il est lu, et «converti» (traduit) en protéine.
Ce processus de lecture exige des structures complexes existant dans le cytoplasme de la cellule : les ribosomes, le réticulum endoplasmique et des molécules d’ARN appelées ARN de transfert (ARNt). Les ribosomes agissent comme un échafaudage, tenant l’ARNm dans la bonne position afin qu’il puisse être lu par l’ARNt, qui transporte les acides aminés (unités élémentaires entrant dans la composition d’une protéine). Dans ce processus, les acides aminés sont assemblés entre eux, formant la protéine dont l’information était à l’origine stockée dans l’ADN. L’ensemble de ce processus peut être rapidement résumé par une formule considérée comme le dogme de la biologie moléculaire : «l’ADN fait l’ARN, et l’ARN fait la protéine».
En ce qui concerne le code génétique, il est composé dans l’ADN de séquences de nucléotides formant un alphabet simple qui repose sur les quatre bases azotées (ATCG). Cet alphabet peut coder pour les vingt acides aminés qui sont retrouvés dans les protéines.
Le langage du code génétique se compose de codons : ce sont les mots qui désignent les acides aminés de façon individuelle. Chaque codon est long de trois lettres (triplet) : un gène peut donc être pensé en une phrase composée exclusivement de mots de trois lettres (trois bases azotées). Cet alphabet peut sembler trop limité. Mais utiliser les quatre lettres A, T, C, G en combinaison de mots de trois lettres permet d’obtenir 64 (43) combinaisons possibles, c’est-à-dire plus qu’il n’en faut. Un acide aminé peut donc correspondre à plusieurs codons différents. On parle de redondance du code génétique.
Le mécanisme de base du code génétique est similaire à beaucoup d’organismes. Grâce à cette similitude, il est donc parfois possible de prendre un segment d’ADN appartenant à une première source et de prédire son comportement au sein d’un autre organisme. Par exemple, un segment d’ADN humain introduit dans l’organisme d’une bactérie, provoque la production de protéine humaine au sein de cette bactérie. C’est toute la clé du génie génétique. La première observation qui a été faite après la découverte de la structure en double brin de l’ADN est sa capacité à être copiée. Comme l’Adénine s’apparie toujours avec la Thymine, et la Guanine avec la Cytosine, chaque brin d’ADN peut servir pour constituer la réplique en miroir de la molécule et en faire une copie identique.
A l’époque il était difficile de comprendre comment une molécule possédant une variabilité reposant uniquement sur quatre bases azotées, pouvait contenir l’information permettant l’élaboration de molécules aussi complexes et différentes que les protéines.
Les protéines sont, elles aussi, des molécules «ordonnées», composées par l’enchaînement, dans un ordre déterminé et propre à chacune d’elles, de leurs composants fondamentaux : les acides aminés. Il existe 20 acides aminés différents. C’est l’enchaînement des bases A-T-G-C dans l’ADN qui détermine l’enchaînement des acides aminés dans les protéines.
(A suivre)
K. S.
* professeur des universités, directeur de recherches service d’immunologie des transplantations CHU de Lyon, France
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