CE MONDE QUI BOUGE
18 Juin 2015
Hollande, Castro et Bouteflika
Par Hassane Zerrouky
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Avant sa visite au Président Bouteflika, François Hollande avait rencontré le 11 mai dernier à La Havane, l’ex-Président Fidel Castro, 89 ans, lequel, dit-on, se plie rarement aux obligations officielles, en raison sans doute de son état de santé. «J'ai été très surpris de le voir aussi au fait de l'actualité sur le climat, raconte Hollande. Il est très en pointe sur les questions d'alimentation, des risques liés à l'eau (…) surpris au meilleur sens du terme», affirmait-il. Ajoutant que l’ex-dirigeant cubain «a montré une acuité intellectuelle, de la réflexion» et que sa rencontre avec lui se voulait «un geste à l’égard du peuple cubain». Précisons, pour clore cette parenthèse, que Fidel Castro, totalement retiré des affaires depuis 2011, ne joue plus aucun rôle politique. Le parallèle avec l’Algérie s’arrête là. Mardi, Hollande accompagné de Laurent Fabius et plusieurs ministres mais aussi de Jack Lang, a donc rencontré Bouteflika. Et là, surprise, il a trouvé que le chef de l’Etat algérien dégageait «une impression de grande maîtrise intellectuelle». «C’est rare de voir un chef d’Etat avec cette alacrité et cette capacité de jugement», un homme qui «a toutes ses capacités pour apporter sa sagesse et son jugement pour régler les crises» et «la qualité de la discussion que nous avons eue pendant près de deux heures était particulièrement intense et particulièrement élevée.» Ce qui est frappant, ce sont les éléments de langage diplomatique tenus par le président français. Ils sont presque identiques à ceux employés au moins à deux reprises par son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius lorsqu’il avait été reçu par Abdelaziz Bouteflika en novembre 2014 et en mai 2015. Loin d’être rassurants, les propos du président français ont laissé comme une impression de malaise. «Avoir une grande maîtrise culturelle», «une capacité de jugement» est une chose, et être en capacité de diriger un pays, avoir un dessein (préparer l’après-pétrole par exemple), réagir avec la célérité voulue en cas de crise majeure, en est une autre. En réalité, le Président français a dit les mots que ses hôtes algériens voulaient entendre. N’est-il pas venu à l’invitation de l’Algérie pour voir Bouteflika, s’entretenir avec lui devant témoins et prendre acte que son homologue algérien dispose de toutes ses facultés ? Hollande voulait s’assurer que la santé du Président algérien n’affecterait pas la qualité des relations franco-algériennes. N’a-t-il pas rappelé que «la France est le premier partenaire économique», entend le rester et même entend encore développer sa présence ? Et de ce point de vue, il est reparti confiant. D’autant que l’Algérie n’est pas un pays endetté, du moins pas encore, et que ses hôtes algériens ne l’ont pas ennuyé avec la restitution de Baba Merzoug (voir le Soir d’Algérie de jeudi dernier), lequel peut continuer à trôner tranquillement à Brest. Intervenant dans un contexte de sourdes luttes au sein des cercles dirigeants du pouvoir autour de la succession d’Abdelaziz Bouteflika, la visite et les déclarations de François Hollande sont donc tombées à point nommé. Elles ont dû ravir et combler de joie les partisans du chef de l’Etat (y compris parmi ceux qui commençaient à être gagnés par un certain découragement), notamment ceux qui soutiennent mordicus qu’Abdelaziz Bouteflika a la haute main sur tous les dossiers et qu’il dirige bien le pays. D’autant que cela a été dit par un dirigeant d’une grande puissance, François Hollande, qui semble s’être fait une spécialité de juger les dirigeants en activité ou retirés des affaires comme Castro, qu’il rencontre au cours de ses voyages. Mais qui a toujours en ligne de mire les intérêts de son pays ! Quant à Ammar Saâdani, qui est sur un nuage, depuis son élection à la tête du FLN et depuis qu’il a été doublement soutenu à la fois par le chef de l’Etat et par le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major, le général Gaïd Salah, il ne ratera pas l’occasion de le faire savoir bruyamment.
H. Z.