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Discussion: Kiosque arabe

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    Kiosque arabe :22 Décembre 2014

    Ghazali est toujours parmi nous !


    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Retour à la décennie noire : le 8 juin 1992, le penseur et militant des droits de l'Homme égyptien Farag Foda était criblé de balles à la sortie de son bureau, au Caire, par un groupe islamiste. Quelques mois auparavant, il avait participé, au Salon du livre du Caire, à un débat contradictoire(1) avec le cheikh Ghazali, le célèbre imam que nous avions ramené en Algérie pour retrouver le sommeil. Avec des accents prémonitoires, il avait répliqué au défenseur de l'Etat au drapeau noir : «Dans l'État laïque, que je défends, vous pouvez rentrer chez vous, après ce débat, sans être inquiété, alors que dans votre État religieux, on me couperait la tête en sortant d'ici.» L'Égypte n'était pas encore un État religieux, mais c'était tout comme, puisque le simple fait de déplaire par ses propose ou par ses écrits valait sentence de mort. L'accusation d'apostasie, brandie bien avant cet assassinat, et suspendue encore de nos jours au-dessus des têtes pensantes, n'avait pas été formulée par Ghazali, mais il n'y était certainement pas étranger. C'est ainsi que lors du procès des auteurs de l'assassinat, le cheikh et hypnotiseur préféré des Algériens (2) justifiera le meurtre en affirmant que Farag Foda était un apostat. Or, a-t-il expliqué en substance, l'État égyptien n'ayant pas exécuté la sentence de mort, prévue pour les apostats, des citoyens s'en étaient chargés. Ce système de défense fera école, puisqu'il est désormais le «butin» commun à tous les tenants de l'Islam politique, comme ils persistent toujours à nous le faire savoir.
    L'assassinat de Farag Foda passa quasiment inaperçu chez nous, et seul l'écrivain Tahar Djaout prit l'initiative d'une pétition, publiée dans l'hebdomadaire Algérie-Actualité, et qui dénonçait le meurtre. Je ne crois pas vous surprendre en rappelant que cette pétition ne reçut pas l'accueil espéré, et elle recueillit si peu de signatures, que la chape de plomb qui pesait alors sur le pays nous parut encore plus lourde. Cette indifférence, sciemment attisée et entretenue, allait se briser momentanément moins d'une année plus tard, avec la mort de Djaout, le 2 juin 1993, soit presque un an après Farag Foda. L'un des meurtriers présumés de Tahar Djaout, élève de l'école de Ghazali, expliqua que la plume de l'éditorialiste «faisait mal aux musulmans». Par musulmans, on entendait, bien sûr, les militants islamistes qui se voyaient comme des pionniers de la vraie religion, cernés par des hérétiques. C'est du moins ainsi que se présentaient des dirigeants du FIS, apôtres de Dieu sur une terre reconquise par d'autres qu'eux. Ceci, alors que dans l'ombre de «L'éléphant»(3), animal auquel Abassi Madani comparait son parti), se glissaient et avançaient déjà des chacals craintifs, devenus lions par défaut.
    Si on n'ignore pas que Tahar Djaout a été tué, parce que sa plume «faisait mal» aux islamistes, on ne sait toujours pas, cependant, qui sont les véritables commanditaires du crime, à moins de considérer comme tel le repenti qui roule en 4/4. Quant aux auteurs de l'assassinat de Farag Foda, si deux d'entre eux furent exécutés, le troisième court toujours, si l'on peut dire, puisque lui aussi roulerait en 4/4. Il s'agit de Abou Al-Ala Abd-Rabo, condamné à perpétuité, puis gracié et libéré par l'ex-Président Morsi, dans le sillage de plusieurs milliers de militants islamistes, élargis, avant et après la chute de Moubarak. Abou Al-Ala est même apparu, en septembre 2012, sur la chaîne de télévision Al-Kahéra Wal-Nass, où il n'a pas renié grand-chose de ses actes passés. Il s'est dit prêt à rencontrer la fille du penseur, mais pas pour s'excuser du meurtre de son père. Et s'il a exprimé quelque regret d'avoir participé à l'assassinat de Farag Foda, il n'en a pas moins soutenu qu'il le considérait toujours comme un apostat. Il a admis, enfin, que ses compagnons et lui n'avaient jamais lu un livre ou un texte de Farag Foda, avant de le tuer.
    Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose du passé et du présent ? Au lendemain de la mort de Tahar Djaout, ses assassins reçurent un renfort inattendu en la personne d'un autre écrivain, Tahar Ouettar. Ce dernier proféra l'horreur du siècle en déclarant que Djaout ne serait pleuré que par la France. Tous ceux qui aiment Djaout, tous ceux qui ont pleuré ou compati à sa mort ne retiendront de Ouettar que ces quelques mots blessants, injurieux et sinistres. C'est pourquoi il faut saluer la réaction spontanée de deux écrivains arabophones que j'aime et que j'admire, Amine Zaoui et Ouassini Laredj, après la fatwa de mort d'un illuminé contre le talentueux écrivain et chroniqueur Kamel Daoud. Je ne m'attarderai pas sur la pétition initiée par un quarteron de pseudo-journalistes qui s'est érigé en défenseur de la Charia, sans oser revendiquer son préalable, «l'État islamique».
    A. H.

    (1) On peut revoir ce débat sur ce lien :

    (2) Le cheikh Ghazali a été ramené par Chadli Bendjedid, dans le cadre du PAP (Programme anti-pénuries), parce qu'il voulait rendre les Algériens heureux, selon l'appréciation d'un confrère français. Nous l'avons été jusqu'à la béatitude, et nombre d'entre nous refusent d'en sortir.
    (3) Je ne peux m'empêcher de rappeler la sortie de notre défunt confrère et ami Djamel Bensaâd, s'adressant à Abassi Madani, et lui demandant pourquoi il comparait le FIS à un éléphant, «sachant que si cet animal a un corps immense, il a peu de cervelle en revanche». Dans la salle, où il y avait vingt fois plus de militants islamistes que de journalistes, ce fut une tempête de vociférations et d'anathèmes contre Djamel, plutôt satisfait de l'effet provoqué. D'un geste de la main, Madani calma ses ouailles, et la conférence de presse put reprendre, sans que notre confrère n'ait eu de réponse à sa question, réponse qu'il n'attendait pas d'ailleurs.

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    Post La «zbiba», suprême distinction

    Kiosque arabe : 29 Décembre 2014

    La «zbiba», suprême distinction

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    À Abdou Benziane, parti sans crier gare le 31 décembre 2011.
    Dans une réunion publique, à la fin des années cinquante, le président Gamal Abdennasser raconte son entretien(1), en 1953, avec le guide suprême du mouvement des Frères musulmans. Or, dit-il, la première chose qu'il m'a demandée, c'est d'imposer le port du voile aux femmes d'Égypte. Je lui ai répondu qu'il devrait peut-être commencer à imposer ce voile à sa fille, étudiante à la faculté de médecine. Tu me demandes de faire porter le voile à dix millions de femmes égyptiennes, alors que toi, tu ne peux même pas obliger une seule, ta propre fille, à le porter. En 1970, Nasser meurt, et son vice-président, Anouar Sadate, ancien membre des Frères musulmans, joue la carte du tout religieux : il n'ose pas se proclamer commandeur des croyants, mais il impose son image de président-croyant. Il voulait passer pour un monument de piété, et pour ce faire, il entretenait soigneusement sa tache de prosternation. Ce stigmate est communément appelé «zbiba», en raison de sa ressemblance avec le grain de raisin sec du même nom. Cette marque apparaît ordinairement sur le front des fidèles, après des années de pratique, et moult prosternations sur des tapis de prière rêches et rugueux. On considérait, autrefois avant tout ce désordre spirituel et moral, que la marque de piété était l'apanage des personnes assez âgées, après toute une vie consacrée à la prière et aux dévotions. Toutefois, il est courant aujourd'hui, à notre époque de tapis de laine, de la voir trôner sur les fronts de jouvenceaux, ou de dévots, de fraîche conversion.
    On peut même se demander s'il n'y en a pas qui sont nés avec, tant on s'acharne à nous faire croire que la «zbiba» est parfois un divin miracle. L'idée la plus répandue est que lors de la résurrection, une lumière jaillira de cette tache de prosternation pour distinguer le croyant zélé ou engagé, du croyant mollasson, techniquement voué à l'enfer. Pour le poète populaire, Abderrahmane Al-Abnoudi, tout cela n'est que poudre aux yeux : «Les Égyptiens sont connus pour leur religiosité depuis les temps anciens, mais la pratique religieuse est devenue une mode aujourd'hui. C'est ainsi que certains se frottent sciemment le front contre le sol, de façon à afficher la marque du musulman pieux.»
    Pour en revenir à l'ère Sadate, bien sûr Djihane, son épouse, ne sortait pas voilée, mais personne n'aurait osé ou pensé lui suggérer de le porter, partant du fait que son mari avait assez de foi pour deux. Ajoutez à ceci, l'opération de «dénassérisation», avec la politique de «l'Infitah», et la répression déclenchée contre les nassériens, et la gauche dite laïque en général. Ce qui n'empêcha pas le président-croyant de se faire assassiner par plus croyant et plus expéditif que lui, un an après sa «victoire» d'octobre 1973. Miraculeusement, ou judicieusement, épargné lors de la fusillade de la tribune qui coûta la vie à Sadate, son successeur Moubarak allait durer beaucoup plus longtemps, et même trop longtemps.
    Il réussit même l'exploit de convertir toutes les Égyptiennes au voile, à l'exception de son épouse Suzanne, sans les contraindre par décret, juste en laissant l'islamisme subjuguer la société. Les Frères musulmans, un temps reconnaissants, joueront d'ailleurs la carte Moubarak, au début de la révolution du 25 janvier, avant de changer leur fusil d'épaule, et de tirer sur le régime. Durant tout son règne, Moubarak a inspiré les auteurs et interprètes de chansons à sa gloire, sans jamais oublier d'entretenir lui aussi son image de président-croyant, moins la couronne de son prédécesseur. Au contraire de Sadate, Moubarak a encore tout le loisir de méditer sur le danger de se prendre pour Mu'awya et sur l'ingratitude des amis. Puis vint l'intermède, à oublier, de la présidence Morsi qui ne laissera de regrets qu'à ceux de ses partisans Frères musulmans qui croyaient avoir conquis pour longtemps le jardin des Hespérides. La volonté populaire, pour une fois en phase avec celle de l'armée égyptienne, a vite fait de mettre fin aux rêves de pouvoir sans partage des islamistes égyptiens, trop pressés d'ajouter la camisole au voile. Alors, Al-Sissi est arrivé, tout harnaché d'Islam, et de pied en cap, puisqu'il arbore les deux signes distinctifs de l'Islam, politiquement correct : le hidjab (2) de sa femme et la «zbiba» sur son front.
    Quant au discours, il a dérivé vers la sphère religieuse, comme le relève le chroniqueur égyptien Ahmed Lachine, dans le magazine Elaph, et il s'est emparé des thèmes chers aux Frères musulmans, tout en bataillant contre eux. «Il nous appartient à tous de dépasser la phase du discours religieux, de cesser d'attendre les fatwas d'Al-Azhar, ou des cheikhs du salafisme, qui attribuent une légitimité branlante dont nul n'a besoin.» Il estime que l'État, autrement dit le Président Sissi, ne devrait pas se consacrer au discours religieux, au détriment de réalisations concrètes sur le terrain. «Ce discours, ajoute-t-il, risque de nous jeter dans une mortelle bataille pour Dieu, alors que la société a besoin qu'on lui tienne un discours de raison et d'action.» Ahmed Lachine fait clairement allusion à la campagne, très médiatisée, lancée par les autorités contre le danger de l'athéisme, dénoncé précisément par le rectorat d'Al-Azhar. Avec un souci de la précision très étonnant de la part d'une institution qui n'a pas d'instruments de statistiques(3), Al-Azhar avance le chiffre de 866 athées qui menaceraient la stabilité de l'Égypte. Il me semble me souvenir que Sadate avait pratiquement commencé de façon similaire en lançant la chasse contre les «adorateurs du diable», en ce temps-là. L'Égypte repart encore du mauvais pied, et s'offre un nouveau front, avec une «zbiba» indélébile.
    A. H.

    (1) Je recommande cette vidéo, pour le propos de Nasser, l'accoutrement et les réactions du public présent dans la salle. Visible notamment sur ce site :
    NASSER : Les Frères musulmans et le voile islamique pour les femmes (1953)
    (2) Dans une société presque entièrement voilée, il n'est pas rare de voir des femmes se faire rappeler à l'ordre, voire insulter, et même recevoir des crachats, dans les rues du Caire.
    (3) On peut être d'autant plus étonné que la mention, très contestée, de la religion, musulmane ou copte, figure sur les cartes d'identité et les passeports égyptiens. L'athéisme serait donc un danger récent, tout comme l'a été récemment le chiisme, et il faut y voir encore la main de l'étranger.


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    Post Les terroristes de la fatwa

    Kiosque arabe : 05 Janvier 2015

    Les terroristes de la fatwa


    Par Ahmed Halli
    [email protected]

    C'est dans l'historique bibliothèque d'Alexandrie que l'Egypte a organisé, le week-end écoulé, une conférence arabe régionale sur la lutte intellectuelle contre l'extrémisme et le terrorisme. Le choix du lieu est très significatif, et renvoie à d'autres formes de terrorisme, ancêtres naturels de celui que nous subissons, qui ont valu à ce sanctuaire de la connaissance de subir trois destructions au fil des siècles. Le premier incendie aurait été d'ordre accidentel, lors de la guerre menée par Rome contre la révolte de Ptolémée, en 47 av. J.-C. Jules César avait fait incendier ses bateaux, ancrés dans la rade d'Alexandrie, afin qu'ils ne tombent pas entre les mains des insurgés. Ce qui aurait eu pour effet d'atteindre une partie de la bibliothèque, et d'occasionner la perte de milliers d'ouvrages, sous forme de rouleaux, à l'époque. Le second incendie, suivi d'autodafés, est attribué aux fanatiques chrétiens, sous la férule du prélat Théophile, engagé dans la lutte contre ce qui subsistait encore, de la philosophie grecque, incarnée par l'astronome et mathématicienne Hypatie.
    La profanation aurait été commise vers 415, après J.-C., année supposée du meurtre d'Hypatie, et la première cible de l'intransigeance monothéiste était déjà l'intelligence créatrice. Le troisième incendie de livres de la bibliothèque, et j'entends déjà les hurlements, serait l'œuvre du conquérant de l'Egypte, Amr Ibn Al'as, qui aurait fait brûler des ouvrages estimés non conformes.
    Tout un symbole que les participants à cette conférence ont mis en exergue, sans s'aventurer toutefois à en arpenter les arcanes, pour ne pas raviver de lointains souvenirs. Pour ne pas faillir à la tradition, certains ont soigneusement mis de côté les sujets qui peuvent fâcher les voisins, en évitant de donner des noms, et en pointant du doigt le terrorisme d'État pratiqué par Israël. La peur des mots étant le bien commun, on ne pouvait que protester contre les États-Unis, comme l'a fait le directeur de la célèbre bibliothèque. Ce qui est un comble quand on sait qu'après Israël, le rejeton adulé, c'est l'Egypte qui est le second bénéficiaire de l'aide américaine. Cela étant, il y a eu aussi des avancées significatives dans l'approche du terrorisme islamiste, et de ses objectifs, l'instauration du califat, aux dépens de l'État-nation, et de la citoyenneté. Mais tout ceci avait un air de déjà entendu, de déjà vu, qui n'incite pas à l'optimisme, quant aux résultats, et à l'issue de la lutte contre le terrorisme islamiste, que d'aucuns s'évertuent à appeler terrorisme, tout court. «Le terroriste poseur de bombes, égorgeur d'enfants n'existe que parce qu'un terroriste d'un autre genre, mais néanmoins un terroriste, a prononcé une fatwa légitimant les actes criminels du premier.(1) Voilà le texte déroulant qui aurait dû figurer sur l'écran de la salle de conférences, comme leitmotiv, et sujet prioritaire.
    Il faut reconnaître que les Égyptiens mettent actuellement les bouchées doubles pour s'assurer du soutien arabe et international à leur lutte contre le mouvement des Frères musulmans, recyclé dans le terrorisme. Juste après la réconciliation fraternelle avec le Qatar, hier ennemi juré de l'Égypte, les autorités du Caire ont fait un premier geste : rouvrir le procès des journalistes d'Al-Djazira(2), emprisonnés pour collusion avec les Frères musulmans. En échange, la chaîne qatarie a fermé sa station «Le Caire en direct» qui faisait la promotion des manifestations islamistes contre le pouvoir. Au début du mois de décembre dernier, c'est «Al-Azhar» qui s'est impliquée dans le combat, avec l'organisation d'une conférence internationale, et œcuménique, sur la lutte contre le terrorisme. Les cheikhs d'Al-Azhar, applaudis par les participants non musulmans, ont décidé de changer le discours religieux, reconnaissant ainsi que tout le monde faisait fausse route jusqu'ici. Pour ne pas dire que la célèbre université était parfois au diapason du discours intégriste, quand elle ne faisait pas cause commune avec les cheikhs de l'empire du mal. C'est ainsi qu'ils se sont fourvoyés dans la dénonciation du «danger athéiste», alors que les bombes des islamistes explosaient dans les rues du Caire, à proximité d'Al-Azhar. Leur dernier avatar a été de refuser d'excommunier (takfir) Daesh, sous prétexte que «seul Dieu sait ce qu'il y a dans les cœurs».
    Les vénérables cheikhs se désistaient ainsi du droit d'apostasier, qu'ils ont pratiqué avec abnégation, au profit des cheikhs, et des organisations terroristes. Cette dérobade a eu pour effet d'irriter Émile Chamoun Nouna, l'évêque de l'église chaldéenne de Mossoul, conquise et proclamée capitale de l'État islamique. «Refuser, comme l'a fait le cheikh d'Al-Azhar, d'excommunier l'État islamique équivaut à reconnaître Daesh, ses idées, et ses moyens d'action», a-t-il dit.
    L'Évêque de l'église chaldéenne a affirmé aussi que Mossoul n'aurait jamais pu être prise par les milices sunnites s'il n'y avait pas eu des complicités internes, reprochant implicitement aux sunnites leur proximité avec Daesh.
    Il a déploré, en outre, l'apathie de certaines communautés musulmanes, et leur tendance à se refermer sur elles-mêmes, au lieu de s'ouvrir sur les autres et d'accepter leurs différences. Ce qui rappelle cette affirmation quasi prémonitoire du chef d'État-major de l'ANP, en juillet 2002 : «le terrorisme islamiste est vaincu, mais l'intégrisme sévit toujours». Douze ans après, nous en avons chaque jour les preuves, du haut de nos minarets, ou sur nos écrans.
    A. H.

    (1) Le terrorisme islamiste : une menace transnationale (Djamel Bouzghaïa – Colloque international d'Alger sur le terrorisme — octobre 2002).
    (2) Il est intéressant de noter que l'avocate de deux d'entre eux n'est autre qu'un ténor du barreau libanais, Amal Alamuddin, plus connue désormais comme Me Amal Clooney, l'épouse du grand acteur américain Georges Clooney. Ses honoraires ont dû, au moins tripler, depuis son mariage. Elle se dit menacée d'arrestation par les autorités égyptiennes au cas où elle se rendrait au Caire.

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    Post L'Islam, entre Paris et Djeddah

    Kiosque arabe :12 Janvier 2015

    L'Islam, entre Paris et Djeddah

    Par Ahmed Halli
    [email protected]

    Ce qu'il y a de plus abject dans les commentaires, lus ou entendus çà et là, sur l'attaque terroriste contre un journal, hors normes, c'est la tentative de justification a posteriori d'un meurtre collectif. Ainsi, des caricatures offensantes parues dans un journal à faible audience, et donc peu influent, dans un pays occidental où la liberté est sacralisée, peuvent être punies de mort. Des individus, nés en France, et formés à cet «Islam de France», souvent lointain reflet, voire caricature, de l'Islam de leurs pères, peuvent assassiner au nom de la défense du Prophète. Sornettes : s'il n'y avait pas eu les dessins, il y aurait eu les pantalonnades de Bernard Henri Lévy, les remugles de Zemmour, ou les anticipations racistes d'un Houellebecq. Et d'abord, depuis quand, et pourquoi les terroristes islamistes, chercheraient-ils dans les événements d'avant-hier ou d'aujourd'hui des raisons de tuer, alors qu'ils ont des tonnes de hadiths apocryphes et de versets, mal interprétés? Pourquoi s'embarrasseraient-ils d'expliquer leurs actes à une «Oumma», plus sensible aux perspectives de l'au-delà, qu'aux impératifs de la vie ici-bas? Et puis, comment ne pas relever tout le ridicule de ces réactions indignées, de la part de croyants qui acceptent sans ciller des offenses sonores à Dieu, et qui fulminent pour des atteintes à son Prophète (1).
    Comme ils pratiquent le dribble à la perfection, par ailleurs, nos «musulmans engagés», qui privilégient systématiquement l'identité, et la fraternité religieuses à l'appartenance citoyenne esquivent. Lorsque vous leur faites remarquer que deux des victimes de l'attentat de Paris sont des musulmans, ils vous répondent immédiatement : «Mais, ce sont des Gaouris.» S'agissant précisément de la communauté musulmane de France, elle ne devrait pas se sentir rassurée par les commentaires élogieux sur sa religion, même s'ils sont sincères. Elle devrait plutôt s'interroger sur son indifférence, ses silences coupables, voire sa complicité, avec les extrémistes qui activent sous ses fenêtres, et en son nom. Elle n'a, certes, pas à s'excuser chaque fois que des illuminés tuent, ou se font exploser au nom de l'Islam, mais elle devrait agir, entendre, par exemple, les appels d'un Tarek Oubrou (2), au lieu de lui donner l'impression qu'il prêche dans le désert. Aux yeux de leurs concitoyens français, en effet, les musulmans se signalent plus par leurs attitudes, leurs accoutrements, et leur manie de se distinguer, que par leur volonté de s'intégrer. Ce n'est pas en se couvrant les cheveux, ou en arborant barbes et voiles intégraux que les musulmans de France pourront s'affirmer en tant que citoyens. Bien au contraire, ils ne font qu'enraciner et perpétuer l'image d'un Islam voilé(3), au détriment du véritable message religieux.La meilleure façon d'aider les Palestiniens, à se libérer de l'occupation israélienne, ce n'est pas d'invoquer la bataille de «Khaïbar», comme une litanie ennuyante. C'est de jouer pleinement son rôle dans la vie politique et sociale, dans une France laïque jusqu'à preuve du contraire, et à prendre exemple, pourquoi pas, sur cette communauté juive. Plutôt que de s'évertuer à pleurnicher sur l'influence du «lobby sioniste», et sa mainmise sur les médias, les musulmans de France feraient mieux d'étudier l'histoire du judaïsme français, et de s'en inspirer. Il suffit de voir comment ce judaïsme et l'État israélien, qui prétend en être l'incarnation, ont exploité la prise d'otages de l'hypermarché Casher, et la mort de quatre Français de confession juive. Au lieu de reprocher constamment aux Juifs de France leur attachement à Israël, ce qui relève de leur libre arbitre, les musulmans feraient mieux de s'affranchir de certaines influences. Je pense notamment à celle d'organisations intégristes, comme l'UOIF (Union des organisations islamiques de France), choyée par les autorités françaises, pour réduire le rôle de la Mosquée
    de Paris. Dans l'article qu'il a consacré hier aux attentats terroristes de Paris, le quotidien londonien Al-Charq-Al-Awsat évoque l'influence néfaste de certains courants religieux. Il désigne nommément le mouvement des «Frères musulmans», et son idéologie encline à la violence et au meurtre, idéologie dont s'imprègne justement l'UOIF.
    Le journal rappelle que c'est grâce à la liberté d'expression, que les minorités musulmanes peuvent construire des mosquées dans les pays occidentaux, pratiquer leur religion, et porter le voile. Il met en garde les musulmans contre la tentation de tronçonner la liberté, et de n'en accepter que ce qui leur est favorable, alors que le principal problème pour eux est de se faire accepter dans ces pays. Bien que prêchant la tolérance et la coexistence, ainsi que le respect de toutes les libertés, Al-Charq-Al-Awsat, journal saoudien rappelle-t-on, ne commente pas l'autre évènement de ce vendredi 9 janvier 2015. Ce jour-là, sur l'esplanade d'une mosquée de Djeddah, un jeune blogueur saoudien, contestant le wahhabisme, Raef Badaoui, a été fouetté publiquement. Il était condamné à recevoir 1 000 coups de fouet, répartis sur plusieurs séances, outre la peine d'emprisonnement et une lourde amende. Il aurait porté atteinte à l'Islam en dénonçant les dérapages de la police des mœurs saoudienne, chargée «d'ordonner le bien et de proscrire le mal». Si on est certain que des caricatures offensantes ne peuvent pas déstabiliser la foi de 2 milliards de musulmans, il n'est pas sûr que le supplice du fouet contribue à améliorer l'image de l'Islam en Occident.
    A. H.


    1. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de cette «Oumma», où les insultes du genre «Inaal dine rabbek» fusent à tous les coins de rue, alors que le nom du Prophète échappe à ces mauvais traitements. Voilà un mystère que Chemssou et consorts devraient tenter d'élucider.
    2. «Les musulmans de France ont un double devoir de citoyens, et de croyants. Ils doivent, comme citoyens, sortir dans la rue manifester leur colère, leur dégoût de cette succession de violences (…) En tant que musulmans, face aux graves risques que font peser les actes terroristes sur la cohésion sociale les croyants doivent sortir en masse dénoncer la barbarie commise au nom de notre religion.» (Le Monde du 10/01/2015)
    3. Il n'y a qu'à voir notamment comment les médias français diffusent abondamment la photo de Hayat Boumediène, la compagne d'Amédy Coulibaly, revêtu d'un voile intégral, et brandissant une arbalète.
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    Post Réformer l'Islam ou des musulmans ?

    Kiosque arabe :19 Janvier 2015


    Réformer l'Islam ou des musulmans ?


    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    10 morts au Niger, plusieurs églises détruites, ou l'art de venger une offense par une autre offense, et la liste reste ouverte. Sous prétexte de défendre Mohammed, on brûle l'Eglise de Jésus (Aïssa), alors que le pape en personne a dit son opposition à la liberté de s'attaquer au sacré, au nom de la sacro-sainte liberté d'expression. Cette guerre de prophètes, qui ne l'ont pas voulue, risque de perdurer, parce qu'il y a tant de casus belli, et plus nombreux encore sont les fauteurs de guerre. Après avoir épuisé le filon «Charlie», les vengeurs se tourneront sans doute vers Dante, et son enfer, avant de s'attaquer ensuite à Voltaire. Il suffira de traduire en arabe et de diffuser sur le Net ce qu'ils ont écrit sur le Prophète de l'Islam et l'étincelle jaillira. Pas celle de la vie ou de l'intelligence, mais l'étincelle de l'incendie, qui détruit de préférence des églises, voire des synagogues, et pourquoi pas des mosquées chiites. Il suffit qu'un prédicateur reprenne un texte, jusque-là ignoré, une vidéo jamais vue, pour que les survoltés de la piété entrent en action et se prennent à crier «Je suis Mohammed». Ils pourront toujours ajouter, in extremis, la préposition «avec», après s'être aperçus de l'infraction à leurs propres règles, mais le mal est fait, et par ceux-là mêmes qui mettent en garde contre l'imitation aveugle de l'Occident. Je n'ose imaginer ce qu'ils auraient trouvé si c'était Dieu, lui-même, qui avait été offensé ici, comme il l'est quotidiennement par ailleurs.
    Beaucoup d'intellectuels musulmans pensent que ces attitudes insensées proviennent d'une vision à œillères des textes religieux, voire de leur méconnaissance totale par la masse des manipulés. Ces intellectuels plaident pour une réforme salutaire de l'Islam, ce en quoi je suis entièrement d'accord, à un détail près, celui-ci : avant de réformer l'Islam, on pourrait penser à réformer les musulmans, à commencer par les plus fondamentalistes, avec une pension d'invalidité permanente. Je pense très sincèrement que lorsqu'un être humain renonce à utiliser, à temps plein, les organes, autres que ceux pilotés par l'instinct, dont la providence l'a pourvu, il doit être, au mieux soigné. Or, il semble bien qu'il y a des cohortes de plus en plus grandes de musulmans, dociles par cécité, qui suivent des mots d'ordre dictés directement de Mossoul. L'écrivaine palestinienne exilée à Londres, Ahlam Akram, rapporte les propos singuliers de ce cheikh, britannique de naissance, interrogé par la BBC sur les problèmes actuels. À la question de savoir s'il préférait la Charia à la démocratie en Grande-Bretagne, il répond qu'il œuvre personnellement à l'application de la Charia dans tous les endroits du monde.
    La journaliste lui fait remarquer alors que les sentences de la Charia, telles que les montrent les vidéos de Daesh, sont d'une sauvagerie et d'une barbarie incompatibles avec ce siècle. Et il répond : «C'est ce que Dieu a voulu, et nous sommes tenus d'exécuter ses volontés.» Lorsque l'animatrice de la BBC lui demande, enfin, pourquoi il ne va pas rejoindre Daesh, puisqu'il est d'accord avec les idées professées par l'État islamique, il répond, catégorique : «Si le gouvernement britannique ouvre les portes à ceux qui veulent abandonner la nationalité britannique et rejoindre le djihad, vous verrez des files de jeunes Britanniques qui veulent rejoindre l'armée de l'État islamique.» Dans une autre émission de la BBC, un imam demande à un groupe de musulmans britanniques combien d'entre eux approuvent les peines prévues par le Coran : la mort pour l'apostat et la lapidation pour la femme adultère. Tout le groupe a levé la main. L'écrivaine note également que sur une chaîne religieuse, le cheikh Haïthem Haddad, jouissant de sa liberté d'expression, affirme que «l'objectif fondamental des musulmans établis en Occident est d'y propager l'Islam». Est-il nécessaire de préciser de quel Islam il s'agit? Le Président égyptien semble avoir encore des espoirs concernant l'institution Al-Azhar qu'il vient d'appeler encore à se renouveler, à se réformer, voire lancer une véritable révolution religieuse.
    Lui-même en a provoqué une de révolution, bien modeste au demeurant, en faisant intrusion dans une église copte il y a une dizaine de jours, au moment où se célébrait la messe du Noël orthodoxe. Plus que la présence en elle-même, il faudra retenir surtout le discours qu'il a tenu à ses concitoyens coptes, depuis longtemps marginalisés, voire persécutés. Il a affirmé qu'il fallait dorénavant parler de citoyens égyptiens, sans distinction religieuse, cette distinction qui lèse surtout la minorité chrétienne. Quant à son discours d'Al-Azhar, si le Président égyptien a critiqué ouvertement l'institution pour ses carences et ses errements, il semble encore croire à sa rédemption. Ce qui n'est pas du tout le cas du journaliste et chroniqueur de télévision, Ibrahim Aïssa, persuadé qu'Al-Azhar est en grande partie responsable des dérives religieuses de ces dernières années. À l'instar du ministre égyptien des Waqfs, il affirme que l'institution millénaire est infiltrée et gangrenée par l'islamisme et ses avatars salafistes, et ce au vu et au su de ses dirigeants. «Comment peut-on confier le choix de réformer l'Islam à une institution qui a échoué non seulement en Égypte, mais dans le monde entier, et qui a permis aux groupuscules intégristes de faire la loi?», interroge-t-il. Pour lui, un failli ne peut entreprendre, et à ce titre, Al-Azhar peut être considérée comme une faillite monumentale. D'où son étonnement de voir Sissi faire encore confiance à Al-Azhar et lui abandonner l'initiative de renouveler le discours religieux et de lancer une réforme religieuse qu'elle est incapable de mener à bien.
    A. H.

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    Post Des chaînes à géométrie variable

    Kiosque arabe
    26 Janvier 2015


    Des chaînes à géométrie variable


    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    A quelque chose malheur est bon: celui des uns faisant le bonheur des autres, j'ai eu le loisir de constater que l'Arabie Saoudite qui vient juste de perdre son roi, n'est pas si à plaindre que cela. N'étant plus tenu par le devoir de réserve et de contrition, qu'imposent les trois journées de deuil national, je peux dénoncer ici la «guerre du pétrole» que le royaume wahhabite mène contre nous. Oui, contre nous, car sous prétexte de frapper Réza, c'est-à-dire l'Iran chiite et rival séculaire, on étrangle Abdelkader pour ne pas dire Ahmed, c'est-à-dire l'Algérie, que la surproduction saoudienne menace d'asphyxie. Ce qui est sûr, c'est que cette guerre du baril moins cher, fortement teintée de religiosité sunnite, ne va pas abattre l'Iran, mais nous atteindre par ricochet. Il est certain et visible aussi que les pays occidentaux, et principalement l'Europe, gros consommateurs de pétrole, se frottent les mains de satisfaction et tiennent à le faire savoir. En témoigne le défilé incessant de chefs d'État et de gouvernement qui viennent présenter leurs condoléances et féliciter le nouveau souverain wahhabite.
    Toutefois, le décès du roi Abdallah et les cérémonies funèbres qui l'ont accompagné ont révélé d'autres facettes de la puissance du royaume et de ses capacités de nuisance. J'ai compté au moins une trentaine de chaînes satellitaires, ayant diffusé à longueur de journée des versets du Coran, au lieu de leurs programmes habituels. Ceci, en tenant compte du fait que je ne bénéficie pas de la réception de toutes les chaînes, diffusant sur Nile Sat, avec ma parabole à demi-rouillée. Bien que l'initiative prête à sourire, je n'ai pas inclus dans la liste les chaînes de clips musicaux, régulièrement prises à partie par les rigoristes issus du giron saoudien. La vue de ces chaînes, appartenant en majorité à des émirs ou notables saoudiens, déverser des versets du Coran, au lieu des clips glamour ou torrides de Haïfa Wahbi, a quelque chose de surréaliste, en effet. Mais il doit y avoir dans l'abondante littérature fondamentaliste des textes que nous ignorons et qui autorisent à certains ce qui est interdit à d'autres. (Halaloun alaïhoum, haramoun alaïna !). Il y a aussi les chaînes dites religieuses et d'obédience wahhabite, mais il y a longtemps qu'elles ont atteint leur objectif de conquête des sociétés musulmanes. Elles se contentent désormais de fournir du «combustible» aux mouvements islamistes, comme Daesh et consorts, préposés à l'entretien de la flamme originelle.
    Quant aux chaînes satellitaires, supplétives ou sympathisantes, du «Dark Vador» islamiste, elles se comptent par dizaines, y compris en Algérie où les retournements de vestes et les réajustements sont monnaie courante. Dans les démonstrations de ferveur et les concerts de louanges adressées au roi défunt, les chaînes satellitaires égyptiennes se sont particulièrement distinguées. On peut les comprendre: l'Arabie Saoudite contribue, avec les émirats du Golfe, à maintenir l'économie égyptienne à flots, et soutient le régime contre le mouvement des Frères musulmans déchu. Dans cette affaire, seul le Qatar joue encore sur les deux registres, en se réconciliant, en apparence, avec le gouvernement égyptien, tout en continuant à soutenir les Frères musulmans. Ainsi, la chaîne Al Jazeera qui a cessé ses retransmissions en direct des manifestations du Caire contre le régime n'hésite pas à diffuser un colloque organisé aux États-Unis par les sympathisants islamistes. Une opération à la «Sant’Egidio» destinée à accréditer l'idée que la révolution du 25 janvier est l'œuvre de l'organisation intégriste et terroriste, écartée du pouvoir en juin 2013. Le choix du thème «La révolution, une volonté populaire» est sans équivoque au moment où les Frères musulmans ont appelé à de nouvelles violences en Égypte.
    Sur le terrain, la commémoration de la révolution du 25 janvier a déjà eu sa première victime, samedi dernier, en la personne de Sheyma Essabagh, une activiste membre de l'Alliance populaire socialiste. Les militants de ce parti de gauche, issu d'une scission du «Rassemblement», créé par Khaled Mohieddine, un officier libre proche de Nasser, s'opposent au retour des cadres de l'ancien régime. Le quotidien Al-Tahrir, qui se veut le porte-flambeau du 25 avril, abonde dans le même sens, et dénonce ouvertement les atteintes à cette révolution. Dans son édition d'hier, il a publié une liste de personnalités médiatiques et politiques qui œuvrent activement à dénaturer l'image de la révolution. Le quotidien demande, en particulier, où en est l'instruction ouverte en octobre dernier par la justice à l'encontre de cinq personnalités qui ont ouvertement injurié la révolution. Al-Tahrir cible notamment Tewfik Okacha, propriétaire de la chaîne Al-Faraeen, la célèbre animatrice de télévision Hayat Al-Dardiri, les journalistes de la chaîne Sada Al-Balad, Ahmed Moussa et Roula Kharssa, ainsi que le directeur du journal Al-Ousbou.
    De ces cinq personnes, deux sont plus particulièrement connues pour leur opposition virulente au mouvement des Frères musulmans, lorsqu'ils détenaient les leviers du pouvoir. Cependant, les deux, à savoir Tewfik Okacha et Mustapha Bakri, ont une réputation assez sulfureuse, et ils sont régulièrement accusés de collaboration avec l'ancien régime. Mustapha Bakri, ancien animateur du journal Al-Chaab, proche de la mouvance islamiste, a d'abord été député indépendant sous le règne de Moubarak. Puis il est entré en guerre ouverte contre les islamistes et leur figure de proue d'alors, le Président Mohamed Morsi. Le cas du propriétaire de la chaîne Al-Faraeen est assez édifiant, puisqu'il a été député du parti au pouvoir sous Moubarak, le Parti national démocratique. Après un moment d'observation, il s'est rallié à la révolution du 25 janvier, et a fini par se présenter comme l'un de ses principaux artisans. Après l'élection de Morsi, il s'est livré à une violente campagne contre Morsi, et sa chaîne a été fermée par la justice, avant de reprendre ses émissions après la mise hors-la-loi des Frères musulmans. Comme on peut le voir, ces gens-là n'ont rien à apprendre de nous.
    A. H.

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    Dernière modification par zadhand ; 26/01/2015 à 21h08. Motif: Des chaînes à géométrie variable
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    Post Les références des bourreaux

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    09 Février 2015
    Les références des bourreaux
    Par Ahmed Halli
    [email protected]


    Comme piqués au vif, les théologiens de l'islam politique et de l'absurdité, Al-Azhar en tête, se surprennent à crier aux faux Hadiths, eux qui en thésaurisent par milliers. Ils n'hésitent pas à se référer aux textes les plus controversés et les suspicieux, quand ceux-ci les arrangent. Mais lorsqu'il prend l'envie à des groupes ou à des individus de se référer aux mêmes sources, mais a contrario de la mode ou des règles du moment, c'est la levée de boucliers. De quoi s'agit-il ? Tout le monde sait ou subodore que Daesh et Cie, soit les militants et exploitants de l'islam politique, se préoccupent de l'Islam, autant qu'ils se soucient de leur première gandoura. Ils sont les plus gros consommateurs de hadiths, faibles ou apocryphes, ré-exhumés ou revalidés pour les besoins de leur cause, surtout s'il faut justifier la violence et le meurtre. Il y en a même qui se servent de hadiths authentiques pour les détourner de leur sens et suggérer d'autres pistes : un imam qui recommande de ne pas faire souffrir inutilement les animaux que l'on égorge, et a fortiori les êtres humains. C'est de l'horreur enveloppée dans des amulettes religieuses !
    Ces derniers jours, nous avons encore eu droit à une nouvelle démonstration de cruauté inutile et gratuite, de celles qu'il est déconseillé religieusement de commettre à l'égard des animaux sacrifiés. Il s'agit de l'assassinat du pilote jordanien Moaz Al-Kassassibé, brûlé vif dans une cage par les islamistes de Daesh, comme en témoigne une vidéo diffusée mardi 3 février dernier. Au lendemain de cette annonce, les autorités jordaniennes ont procédé, en représailles, à l'exécution de Sadjida Richaoui, l'une des terroristes qui a participé aux attentats du 11 novembre 2005 à Amman (1). Comme s'il s'agissait d'ajouter de l'horreur à l'horreur, faire oublier la lapidation et la décapitation, et mieux anesthésier les consciences, ils ont introduit le supplice du bûcher. Déjà en possession d'une panoplie d'édits religieux, sans doute appris ou apprêtés par des imams dits modérés, ils ont eu le besoin d'un autre justificatif. Ils sont donc allés en quête d'un précédent dans l'Histoire, celui d'une exécution par le feu qui aurait été ordonnée par le calife Abou-Bakr.
    Réagissant avec sa liberté de ton habituel à l'égard du fait religieux, le chroniqueur égyptien Ibrahim a affirmé que «la pensée islamique n'est pas étrangère à la sauvagerie de Daesh». Pour commettre ces crimes, cette organisation se réfère, selon lui, «à des méthodes, à des interprétations de versets et de hadiths qui existent réellement». Abou-Bakr Al-Seddiq a ordonné «de brûler vif un certain Al-Fadja Al-Silmi, et il est évident que Daesh s'est appuyé sur ce fait dans le cas de l'aviateur jordanien», a-t-il précisé, avant d'ajouter : «Personne ne peut se hasarder à critiquer le calife des musulmans là-dessus, sachant que des récits existent (2) attestant que ce dernier a regretté sa décision et s'en est excusé.»
    Auparavant, et après les attentats meurtriers du Sinaï, Ibrahim Aïssa s'en était pris ouvertement, dans son émission «25/30» sur la chaîne ONTV (3), au recteur d'Al-Azhar, Ahmed Tayeb. Pour Ibrahim Aïssa, la réalité est que «le Dr Ahmed Tayeb partage les mêmes idées que Daesh» et il a les mêmes objectifs : «La peine de mort pour les apostats et l'instauration de l'État islamique. Ils ne divergent que sur les moyens d'y parvenir.» Dans la même veine, et sur l'ONTV également, le journaliste Youssef Al-Husseini estime que les méthodes d'enseignement d'Al-Azhar sont responsables de l'assassinat du pilote jordanien par l'État islamique. Dans cet acte, a-t-il dit, «Daesh a appliqué ce qui se trouve dans les livres que l'on enseigne aux étudiants d'Al-Azhar». Même cas pour Boko-Haram, «dont la moitié des responsables sont diplômés d'Al-Azhar et ont étudié cette calamité», a-t-il ajouté. De son côté, Imen Azzedine, la célèbre animatrice de la chaîne Al-Tahrir a sommé Ahmed Tayeb de dire s'il persistait toujours dans son refus d'excommunier l'organisation Daesh. «Cette organisation, a-t-elle argumenté, viole de façon claire et franche les préceptes de la religion musulmane, et je pense qu'il faut l'excommunier. Car accepter son maintien dans l'Islam, c'est s'associer à la plus grande conspiration contre l'Islam lui-même».
    Le patron d'Al-Azhar a notamment justifié son refus d'excommunier Daesh par le fait qu'aucun musulman n'a le droit de décréter qu'un autre musulman est apostat. Refusant de rentrer en personne dans l'arène, il a chargé son adjoint, Tewfik Noureddine, de répondre aux critiques des médias. Ce dernier a estimé que ces critiques étaient en réalité «des attaques stipendiées». Il n'y a, selon lui, aucune raison à «ces attaques qui visent à nous éliminer du paysage actuel, au profit des laïcs». On sait désormais qui est l'adversaire le plus dangereux d'Al-Azhar, et qui fera l'objet de la prochaine fatwa d'excommunication.
    A. H.


    1. Pour ceux qui seraient tentés de s'apitoyer sur son sort, et il y en a, qu'ils sachent que l'attentat kamikaze auquel elle a pris part (sa ceinture n'a pas fonctionné) a coûté la vie à Mustapha Al-Akkad et sa fille. Pour rappel, Al-Akkad était le cinéaste auteur du film Le Message, qui a fait pour l'Islam beaucoup plus que les islamistes d'hier et d'aujourd'hui.
    2. Lire à ce sujet Al-Bidaya-Oualnihaya (Le Commencement et la fin) d'Ibn-Kathir.
    3. Le titre 25/30 a été choisi en référence aux dates du 25 janvier, jour-anniversaire de la révolution, et du 30 juin, jour de la grande marche qui a destitué le Président Morsi. Ce qui ne laisse pas de place à l'équivoque sur les idées politiques d'Ibrahim Aïssa.
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    Post Haro sur Ibn-Taymia !

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    23 Février 2015
    Haro sur Ibn-Taymia !


    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Katia Bengana ne lira pas cette chronique qui lui est dédiée. Elle a été assassinée le 24 février 1994 par les croquemitaines de la fatwa. Ils lui ont ôté la vie, juste parce qu'elle refusait de vivre voilée, selon leur désir. Et Dieu n'avait rien à voir dans tout ça !
    Des confrères ont posé cette question naïve : comment l'Égypte, au bord de la ruine, va-t-elle payer les avions Rafale qu'elle vient de commander à la France ? Une première réponse de spécialiste : ce sera avec l'argent prêté à l'Égypte par des banques françaises, on appelle ça des crédits fournisseurs, je crois. La semaine dernière, une autre réponse, sans doute la plus pertinente, nous est parvenue, lorsque les Égyptiens ont commencé à bombarder les positions de Daesh en Libye. Le prétexte avancé est l'exécution atroce de 21 Coptes égyptiens par les miliciens islamistes libyens, mais ceci expliquant cela, la décision d'intervenir est bien antérieure à l'annonce du meurtre collectif, dimanche dernier. Au demeurant, il est difficile de croire que les autorités égyptiennes vouent une sollicitude sans faille aux Coptes du pays, sachant la situation qui est la leur. Très opportunément, et pour cause, le sociologue égyptien Sadeddine Ibrahim se réfère aux dernières nominations aux postes de gouverneur, pour mettre en doute le prétexte officiel. Il note que dans la liste des nouveaux gouverneurs, on ne trouve aucun Copte, alors que ces derniers représentent environ 10 % de la population égyptienne. S'agissant des femmes d'Égypte (51 % selon le sociologue), le pouvoir n'a donné aucune bribe d'élément aux bardes ou aux «meddahs», pour qu'ils puissent entonner un refrain en leur honneur.
    C'est d'ailleurs, et sans doute possible, le seul élément d'accord, voire de communion, entre les communautés musulmane et chrétienne dans l'Égypte d'aujourd'hui.
    Le chroniqueur du quotidien londonien Al-Quds, Salim Azzouz, rappelle lui aussi que c'est depuis le mois d'octobre 2014 que des médias égyptiens ont annoncé des attaques contre la Libye, «dans les mois prochains». Aussi est-il compréhensible que l'initiative du pauvre Sissi n'ait pas eu les effets escomptés, aussi bien auprès des alliés traditionnels que potentiels, et les réactions ont été plutôt glaciales. Les États-Unis, soupçonnés à juste raison de soutenir en sous-main Daesh ont désapprouvé les attaques, sous prétexte qu'un règlement négocié de la crise est préférable. Les Européens n'ont pas été plus indulgents, même si la France de Bernard Henri Lévy se frotte les mains, et les monarchies du Golfe ont fait de sérieuses réserves, dans la foulée du virevoltant Qatar.
    En effet, la crise cyclique entre les deux pays est relancée avec les bombardements égyptiens sur Derna, et la campagne médiatique qui s'en est suivie. Des confrères égyptiens sont même allés jusqu'à conseiller au Président Sissi de frapper au cœur plutôt qu'à la périphérie, et de bombarder le Qatar au lieu de la Libye, ce qui n'est pas tout à fait exagéré. Tout le monde sait, désormais, qu'il y a une cloison très mince entre les factions islamistes armées, et qu'une autre, plus perméable encore, les sépare des militants de l'Islam politique. Les deux alliés naturels s'appuient sur les mêmes références religieuses pour justifier leurs actes, leurs rapines et leurs crimes, sous forme de fatwas émises par des théologiens peu inspirés. Comment peut-on demander, de nos jours, à Ibn-Hanbal si l'utilisation régulière du téléphone portable peut occasionner le cancer ?
    Les théologiens d'aujourd'hui ne trouvent pas de réponse aux problèmes qui leur sont posés, alors ils vont au plus simple, au plus facile, ils interdisent. «C'est ainsi qu'ils ont interdit le café en 1548 qu'ils ont interdit le vélo, et ont proscrit les postes radio en 1932, en Arabie saoudite, note notre confrère libyen Maged Swehli. L'un de leurs cheikhs a dit : “celui qui fait entrer une radio chez lui est assimilable à celui qui y ramène une prostituée.” Tout ce qui est nouveau et vient de l'Occident, ou d'ailleurs, est décrété illicite, au premier abord, puis il est déclaré licite, et même islamique, par la suite. Ce qui a mis à nu les hésitations et les idées fausses des théologiens, c'est l'apparition, inattendue pour eux, des groupes qui ambitionnent de faire de la religion un système politique. Et là, il ne faut pas faire de distinction entre les Frères musulmans et Daesh, car ils poursuivent tous le même objectif et partagent les mêmes idées. Des idées qui ne varient pas d'un théologien à un autre, mais qui sont plus nettes chez Ibn-Taymia, qui n'aurait pas eu une telle notoriété s'il n'avait pas été réédité et mis en application par les Saoudiens, avec Mohamed Ibn-Abdelwahhab. Sinon, comment expliquer que l'on inscrive sur son drapeau la double profession de foi, et au-dessous, une épée ? Ceci ne veut-il pas dire que l'on a la volonté de propager sa religion par l'épée? Pourquoi alors s'opposeraient-ils à Daesh alors que ce dernier tient le même discours, et qu'Ibn-Abdelwahhab a fait, avant eux, tout ce qu'ils ont fait : il a attaqué, tué, réduit en esclavage, incendié les récoltes et détruit les maisons ?», interroge Maged Swehli.
    En fait, les atrocités commises par l'État islamique au Levant, et au couchant, sont un vrai cauchemar pour les islamistes, au pouvoir ou dans l'opposition. Ils ne peuvent pas se taire, devant les horreurs perpétrées en leur nom, et ils ne veulent pas admettre que ces monstres sont nés de leur sein.
    Alors, procédant par petites touches, sans avoir l'air d'y toucher, et pour ne pas risquer une guerre avec l'Occident, qu'ils ne peuvent vaincre, et qui leur est nécessaire, ils tentent de timides remises en cause. Ibn-Tayma n'est pas encore près du bûcher, mais les plus opportunistes de ses partisans le montrent déjà du doigt, quand ils n'entassent pas les fagots. Ces derniers jours, est apparu dans la presse locale arabophone un appel à «démanteler» la pensée d'Ibn-Taymia, autrement dit à reconsidérer toutes ses fatwas et toutes ses recommandations. Il est signé de l'ex-femme de Karadhaoui, qui avait attaqué Mohamed Arkoun, lorsqu'elle se nourrissait à la mamelle d'Ibn-Taymia, par l'entremise du cheikh qatari. Notre consœur Hada Hazem s'étonne de ce soudain changement, qui n'est en réalité qu'un recul tactique, alors que la même personne l'avait vouée aux gémonies, il n'y a pas longtemps. C'était lorsque l'éditorialiste du quotidien Al-Fadjr avait eu la hardiesse de demander que l'on brûle les œuvres d'Ibn-Taymia qui ne servent qu'à alimenter l'intolérance et la violence. Il ne faut pas vous étonner, Madame : du point de vue de ces gens-là, seuls les contemplateurs ont le droit de devenir contempteurs. Pour eux, il n'y a que les adorateurs des icônes qui sont habilités à les brûler, quand l'opportunité se fait sentir. N'étant pas de leur bord, ne crions pas haro sur Ibn-Taymia ! N'incitons pas aux autodafés, l'une de leurs armes les plus meurtrières au fil des siècles.
    A. H.


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    Post L'impossible pari d'aller en Chine

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    02 Mars 2015

    L'impossible pari d'aller en Chine

    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    Tout le monde sait que Tayip Erdogan, le président turc, rêve de rétablir la dynastie ottomane, abusivement qualifiée de khalifat, sur toute l'étendue de ce qui est appelé la "Terre d'Islam". On sait aussi qu'Erdogan est un intégriste, bon teint, arborant cravate et femme voilée au bras, une image valorisante en Occident. Le programme du parti d'Erdogan, qui dirige le pays, doit tout aux fondements de l'Islam politique, chers aux islamistes, du Levant au Couchant, de Hassan Al-Bana à Baghdadi, «khalife» de Mossoul. C'est précisément dans cette ville d'Irak que les miliciens Daesh ont entrepris d'appliquer l'un des articles de la constitution islamiste: l'autodafé archéologique. Tous les ministres de la Culture du monde dit civilisé, ou assimilé, ont proclamé leur indignation, à la suite de la destruction systématique des trésors historiques du musée de Mossoul. Presque tous les ministres de la Culture, devrais-je dire puisque je n'ai trouvé nulle part un signe d'Ankara, hormis celui compatissant, mais expéditif, émis lors du décès de l'écrivain kurde, et forcément turc, Yechar Kamel. L'auteur de Mémed le mince, écrivain universel, mais ne partageant pas les mêmes valeurs qu'Erdogan, ne pourra de ce fait prétendre au culte voué à un Suleïman Shah.
    Cet illustre inconnu, grand-père du fondateur de l'Empire ottoman, Osman 1er, reposait dans son mausolée situé en territoire syrien, au nord d'Alep, et près de la frontière turque, sans gêner outre mesure. Ce mausolée était gardé, en vertu d'un accord international, par des soldats d'Erdogan, puisqu'il constituait une enclave turque, encerclée mais jamais attaquée par les milices islamistes. Ces dernières qui font la loi sur cette portion de territoire appliquent l'une de leurs règles favorites : ne jamais laisser subsister un monument funéraire, ou autre, susceptible de contrarier la «vraie foi», la leur. Or, Daesh et consorts ont systématiquement détruit, en Syrie et en Irak, tous les mausolées qui peuvent constituer des lieux de pèlerinage. Mais si les tombeaux du prophète Jonas, en Irak, et ceux d'augustes compagnons, comme Hadjar Benaouda et Amar Benyasser, en Syrie, n'ont pas échappé à la furie islamiste, celui de Suleïman Shah a échappé au massacre. Certes, les milices «djihadistes» ont menacé de s'attaquer au site funéraire turc, mais sans jamais passer aux actes, la Turquie ayant menacé aussi d'intervenir militairement pour protéger le mausolée. Ce privilège, rare en la circonstance, doit certainement à la décision des autorités d'Ankara de ne pas s'engager dans la «bataille» engagée contre Daesh par la coalition internationale. Erdogan a toujours affirmé, à cet égard, qu'il considérait les Kurdes comme plus dangereux que le «khalifat» de Mossoul.
    Toujours est-il que cette entente cordiale qui ne dit pas son nom a sans doute volé en éclats, puisque le 22 février dernier, des soldats turcs appuyés par des chars ont transféré le tombeau de l'aïeul au pays d'Erdogan.
    Que cette action ait eu lieu une semaine avant le saccage, et la profanation des trésors archéologiques de l'Irak, ne semble pas avoir soulevé la moindre interrogation chez les alliés de la Turquie. Dans certains pays européens, on se serait empressé, devant la concordance et la quasi-simultanéité des deux évènements, de parler de "délit d'initié", mais le partenaire Erdogan est au-dessus de tout soupçon. Or, depuis le déclenchement des hostilités en Syrie, la Turquie a bien été le sanctuaire et la profondeur stratégique des groupes islamistes, même si les armes et le nerf de la guerre viennent d'ailleurs. Fondamentalement, d'ailleurs, il n'y a aucune différence entre le rêve d'Erdogan de rétablir le khalifat ottoman, et le projet de khalifat, entrepris par Daesh. De là à voir une action concertée entre l'opération de Mossoul et celle du mausolée, il n'y a qu'un pas de fantassin, que des confrères arabes n'ont pas hésité à franchir. Ainsi en est-il de Mohamed Elouadi, dans Elaph qui affirme même que c'est l'évacuation des restes de Suleïman Shah qui a donné le signal du début des destructions au musée de Mossoul. Il s'étonne d'ailleurs comment des centaines de soldats et des dizaines de chars ont pu pénétrer en territoire syrien, sous contrôle des milices sunnites, et en revenir sans essuyer un seul coup de feu. Au passage, le chroniqueur rappelle les méfaits de l'occupation turque dans les pays arabes, battant en brèche certaines théories, en vogue aussi chez nous, sur les «bienfaits de la colonisation» ottomane. De son côté, le Libanais Ali Amine revient sur l'incapacité des théologiens musulmans, soi-disant modérés, à contrecarrer les arguments religieux de «l'État islamique». Il rappelle que Daesh ne commet aucun acte répréhensible, aux yeux de l'opinion, «sans se référer à des textes religieux, puisés dans le Coran ou les Hadiths. Ces sentences existent dans les livres de théologie communs aux sunnites et aux chiites. De cette manière, Daesh dit aux musulmans, et au monde, qu'il applique à la lettre les commandements de la Charia et qu'il s'appuie sur des textes et des règles que reconnaissent la majorité des institutions théologiques islamiques». De fait, les réseaux sociaux pullulent actuellement de discours, émanant en particulier de cheikhs wahhabites qui volent au secours des thèses de Daesh. Lorsqu'ils n'applaudissent pas aux horreurs commises en Irak et en Syrie, ces cheikhs, qui ont pignon sur rue, s'ingénient à fortifier l'ignorance et à propager l'obscurantisme chez les fidèles.
    Les dernières élucubrations de ces alliés providentiels du terrorisme de Daesh, remettent en cause la rotondité et la rotation de la Terre, comme le fait la théorie chère à Ibn Albaz. Bandar Ibn Suleïman Khaïbari, l'un des prédicateurs attitrés d'Arabie Saoudite, nous recommande de ne pas voyager en avion vers la Chine, au risque de ne jamais y arriver.
    Ce partisan de l'immobilité de la terre et de l'immuabilité du dogme s'adressait à de jeunes étudiants saoudiens, peu suspects d'humour. En admettant que la terre tourne autour du soleil, dit-il, et que l'avion vole au-dessus, en sens inverse, il y a de fortes chances pour que vous ne puissiez jamais aller chercher la science jusqu'en Chine.
    Et c'est encore pire, si votre avion reste en suspension dans l'air, tandis que la Chine passe et repasse sous son nez. Bien sûr, vous avez la ressource, en vous y prenant bien, d'atterrir au moment où la Chine passe à proximité, mais c'est à vos risques et périls! Ce discours s'entend dans un pays qui a payé, très cher, pour faire voyager le «premier cosmonaute arabe» (le propre fils du roi Salman) dans l'espace, et lui permettre de constater de visu l'aveuglement d'Ibn-Albaz.
    A. H.

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    Dernière modification par zadhand ; 02/03/2015 à 22h18. Motif: L'impossible pari d'aller en Chine
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    Post Battre sa coulpe, ou battre sa femme ?

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    09 Mars 2015


    Battre sa coulpe, ou battre sa femme ?

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Quand ils sont à court d'arguments convaincants, ils vous brandissent le Coran, avec la même mauvaise foi, et la duplicité d'un Muawya accrochant le saint livre au fer des lances de ses soldats. La guerre est une affaire de ruse, surtout lorsque la ruse et la roublardise servent à désarmer, puis à éliminer un frère, et l'imam Ali n'était-il pas le frère en religion de l'illustre usurpateur ? Quatorze siècles plus tard, et roulant en quatre-quatre, ou voyageant en jet, ils substituent le Coran au chéquier ou au bâton, pour nous faire injonction de nous conformer au Coran. Mettons de côté la question, pourtant récurrente, de savoir combien de musulmans sur le milliard et demi que compte la planète, vivent réellement en accord avec les commandements divins. Ne nous arrêtons pas au problème lancinant que constitue aujourd'hui la difficulté de suivre à la lettre le mode de vie et les modèles de comportement que nous propose la Sunna. Bornons-nous simplement à relever, toujours avec le même étonnement naïf, le niveau de maîtrise des prescriptions religieuses chez nos concitoyens, et dans des domaines très précis. Qu'il me soit permis de rendre hommage, au passage, à l'énergie et au zèle que déploient les Algériens, engagés ou pratiquants discrets, à puiser dans le Coran les passages providentiels du moment.
    Dès qu'il s'agit du statut de la femme, sur la question de l'héritage et de la polygamie notamment, nous nous éveillons brusquement à cette piété fulgurante, qui nie la raison, même déclinée au masculin. Il y a plus de trente ans, l'honorable Assemblée dont il est question ici était entraînée dans un débat, disons décalé, sur la longueur de l'auguste badine, devant servir à l'éducation des femmes. Aujourd'hui, il apparaît que nous avons régressé au point d'avoir abandonné le recours à des instruments, somme toute anodins, et d'invoquer le droit de battre, sa femme… à mains nues. Simplement parce que le Coran l'autorise et que ses exégètes improvisés se réservent le droit singulier de n'en retenir que ce qui les arrange, au détriment de tout le reste. Au moment où il est urgent de battre sa coulpe, nos contemporains remettent sur le tapis le pourquoi et le comment battre sa femme. Aussi, la pénalisation et le châtiment de la violence maritale iraient-ils à l'encontre du message divin et seraient une source de discorde conjugale et de dislocation des foyers, selon nos bons islamistes, dont la bonté n'est pas souvent le point fort. Certains ont vu dans la place de la femme au sein du foyer, l'équivalent d'une aire à battre, une «ligne rouge» à ne pas dépasser. Paradoxe de cette «ligne rouge», aussi mouvante que les règles morales que les politiciens s'acharnent à transgresser, selon leur bon plaisir. Et nous savons combien ils peuvent payer de leur personne, lorsqu'il s'agit de se faire plaisir.
    La ruse avec les textes pour le bien commun, chère à l'illustre Abou Hanifa, semble avoir inspiré d'autres commentateurs de cette loi, tant décriée qui vient d'être votée par l'Assemblée. Dans le quotidien arabophone Echourouq, il y a comme un air de parenté avec ce qui s'est dit au sein de l'APN, même s'il y a un semblant d'attachement à arrondir les angles, comme pour ne pas blesser. Or, il s'agit justement de blessures, en l'occurrence, et de celles que subissent plus souvent les épouses, que les époux, même s'il faut admettre qu'il y a des hommes soumis, voire battus, des «Lalla Mergaza» par vocation. L'un des chroniqueurs attitrés du quotidien, Nacer Hamdadouche, s'arrête au verset brandi par les islamistes pour justifier leur position (sourate des Femmes. Verset 34). Certes, il est question de frapper les femmes, soupçonnées de légèreté ou d'insoumission, mais avant les coups, il y a la recommandation de leur tourner le dos ou de déserter la chambre conjugale. Et de nous expliquer par d'autres textes que le mariage en Islam est fondé sur l'affection et le respect mutuel, ce dont nous sommes tous convaincus. En fait, nous dit le chroniqueur, ce verset est avant tout à usage préventif, puisqu'il vise à mettre en garde les femmes, et à les prémunir contre la violence du mari. Mais, il conclut que la loi votée par l'Assemblée s'oppose au Coran «comme si les accords et les engagements internationaux avaient la primauté sur les orientations divines», note-t-il.
    Sans s'armer de précautions, et contrairement à celui qui précède, Hocine Laqraa qualifie carrément le texte de l'APN, de «loi d'émasculation de l'homme». Une petite halte, ici, pour préciser que l'auteur utilise le mot «tathine», que nous avons traduit plus pudiquement par émasculation, alors qu'il signifie plus couramment «cocufiage».
    Le «tahan» (le «ha», fricative pharyngale sourde) étant généralement le mari compréhensif, voire aveugle et insensible aux frasques diverses et immorales de son épouse. Commentant donc cette loi, le chroniqueur affirme d'entrée qu'elle ne servira qu'à «la dislocation des familles, l'augmentation du pourcentage des divorces, la perdition des enfants et la dépravation des mœurs». Il s'emploie lui aussi à expliquer que l'Islam est contre l'emploi de la violence excessive envers les épouses. Sans s'arrêter au fait que la loi en question vise justement à punir cette violence excessive que proscrit justement l'Islam, mais dans ce cas d'espèce, on n'en restera jamais à une contradiction près. En fin de compte, il nous prédit un scénario catastrophe, dans le sillage de cette loi, c'est-à-dire que nos sociétés finiront par ressembler aux sociétés occidentales, «où la permissivité est la règle, où le mariage est l'exception, et où la majorité des enfants ne savent pas qui est leur père». Diabolique Occident : tu nous fascineras toujours, et même nos injures à ton égard retentissent comme des déclarations d'amoureux transis !
    A. H.

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