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Discussion: Kiosque arabe

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    Post Haro sur Ibn-Taymia !

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    23 Février 2015
    Haro sur Ibn-Taymia !


    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Katia Bengana ne lira pas cette chronique qui lui est dédiée. Elle a été assassinée le 24 février 1994 par les croquemitaines de la fatwa. Ils lui ont ôté la vie, juste parce qu'elle refusait de vivre voilée, selon leur désir. Et Dieu n'avait rien à voir dans tout ça !
    Des confrères ont posé cette question naïve : comment l'Égypte, au bord de la ruine, va-t-elle payer les avions Rafale qu'elle vient de commander à la France ? Une première réponse de spécialiste : ce sera avec l'argent prêté à l'Égypte par des banques françaises, on appelle ça des crédits fournisseurs, je crois. La semaine dernière, une autre réponse, sans doute la plus pertinente, nous est parvenue, lorsque les Égyptiens ont commencé à bombarder les positions de Daesh en Libye. Le prétexte avancé est l'exécution atroce de 21 Coptes égyptiens par les miliciens islamistes libyens, mais ceci expliquant cela, la décision d'intervenir est bien antérieure à l'annonce du meurtre collectif, dimanche dernier. Au demeurant, il est difficile de croire que les autorités égyptiennes vouent une sollicitude sans faille aux Coptes du pays, sachant la situation qui est la leur. Très opportunément, et pour cause, le sociologue égyptien Sadeddine Ibrahim se réfère aux dernières nominations aux postes de gouverneur, pour mettre en doute le prétexte officiel. Il note que dans la liste des nouveaux gouverneurs, on ne trouve aucun Copte, alors que ces derniers représentent environ 10 % de la population égyptienne. S'agissant des femmes d'Égypte (51 % selon le sociologue), le pouvoir n'a donné aucune bribe d'élément aux bardes ou aux «meddahs», pour qu'ils puissent entonner un refrain en leur honneur.
    C'est d'ailleurs, et sans doute possible, le seul élément d'accord, voire de communion, entre les communautés musulmane et chrétienne dans l'Égypte d'aujourd'hui.
    Le chroniqueur du quotidien londonien Al-Quds, Salim Azzouz, rappelle lui aussi que c'est depuis le mois d'octobre 2014 que des médias égyptiens ont annoncé des attaques contre la Libye, «dans les mois prochains». Aussi est-il compréhensible que l'initiative du pauvre Sissi n'ait pas eu les effets escomptés, aussi bien auprès des alliés traditionnels que potentiels, et les réactions ont été plutôt glaciales. Les États-Unis, soupçonnés à juste raison de soutenir en sous-main Daesh ont désapprouvé les attaques, sous prétexte qu'un règlement négocié de la crise est préférable. Les Européens n'ont pas été plus indulgents, même si la France de Bernard Henri Lévy se frotte les mains, et les monarchies du Golfe ont fait de sérieuses réserves, dans la foulée du virevoltant Qatar.
    En effet, la crise cyclique entre les deux pays est relancée avec les bombardements égyptiens sur Derna, et la campagne médiatique qui s'en est suivie. Des confrères égyptiens sont même allés jusqu'à conseiller au Président Sissi de frapper au cœur plutôt qu'à la périphérie, et de bombarder le Qatar au lieu de la Libye, ce qui n'est pas tout à fait exagéré. Tout le monde sait, désormais, qu'il y a une cloison très mince entre les factions islamistes armées, et qu'une autre, plus perméable encore, les sépare des militants de l'Islam politique. Les deux alliés naturels s'appuient sur les mêmes références religieuses pour justifier leurs actes, leurs rapines et leurs crimes, sous forme de fatwas émises par des théologiens peu inspirés. Comment peut-on demander, de nos jours, à Ibn-Hanbal si l'utilisation régulière du téléphone portable peut occasionner le cancer ?
    Les théologiens d'aujourd'hui ne trouvent pas de réponse aux problèmes qui leur sont posés, alors ils vont au plus simple, au plus facile, ils interdisent. «C'est ainsi qu'ils ont interdit le café en 1548 qu'ils ont interdit le vélo, et ont proscrit les postes radio en 1932, en Arabie saoudite, note notre confrère libyen Maged Swehli. L'un de leurs cheikhs a dit : “celui qui fait entrer une radio chez lui est assimilable à celui qui y ramène une prostituée.” Tout ce qui est nouveau et vient de l'Occident, ou d'ailleurs, est décrété illicite, au premier abord, puis il est déclaré licite, et même islamique, par la suite. Ce qui a mis à nu les hésitations et les idées fausses des théologiens, c'est l'apparition, inattendue pour eux, des groupes qui ambitionnent de faire de la religion un système politique. Et là, il ne faut pas faire de distinction entre les Frères musulmans et Daesh, car ils poursuivent tous le même objectif et partagent les mêmes idées. Des idées qui ne varient pas d'un théologien à un autre, mais qui sont plus nettes chez Ibn-Taymia, qui n'aurait pas eu une telle notoriété s'il n'avait pas été réédité et mis en application par les Saoudiens, avec Mohamed Ibn-Abdelwahhab. Sinon, comment expliquer que l'on inscrive sur son drapeau la double profession de foi, et au-dessous, une épée ? Ceci ne veut-il pas dire que l'on a la volonté de propager sa religion par l'épée? Pourquoi alors s'opposeraient-ils à Daesh alors que ce dernier tient le même discours, et qu'Ibn-Abdelwahhab a fait, avant eux, tout ce qu'ils ont fait : il a attaqué, tué, réduit en esclavage, incendié les récoltes et détruit les maisons ?», interroge Maged Swehli.
    En fait, les atrocités commises par l'État islamique au Levant, et au couchant, sont un vrai cauchemar pour les islamistes, au pouvoir ou dans l'opposition. Ils ne peuvent pas se taire, devant les horreurs perpétrées en leur nom, et ils ne veulent pas admettre que ces monstres sont nés de leur sein.
    Alors, procédant par petites touches, sans avoir l'air d'y toucher, et pour ne pas risquer une guerre avec l'Occident, qu'ils ne peuvent vaincre, et qui leur est nécessaire, ils tentent de timides remises en cause. Ibn-Tayma n'est pas encore près du bûcher, mais les plus opportunistes de ses partisans le montrent déjà du doigt, quand ils n'entassent pas les fagots. Ces derniers jours, est apparu dans la presse locale arabophone un appel à «démanteler» la pensée d'Ibn-Taymia, autrement dit à reconsidérer toutes ses fatwas et toutes ses recommandations. Il est signé de l'ex-femme de Karadhaoui, qui avait attaqué Mohamed Arkoun, lorsqu'elle se nourrissait à la mamelle d'Ibn-Taymia, par l'entremise du cheikh qatari. Notre consœur Hada Hazem s'étonne de ce soudain changement, qui n'est en réalité qu'un recul tactique, alors que la même personne l'avait vouée aux gémonies, il n'y a pas longtemps. C'était lorsque l'éditorialiste du quotidien Al-Fadjr avait eu la hardiesse de demander que l'on brûle les œuvres d'Ibn-Taymia qui ne servent qu'à alimenter l'intolérance et la violence. Il ne faut pas vous étonner, Madame : du point de vue de ces gens-là, seuls les contemplateurs ont le droit de devenir contempteurs. Pour eux, il n'y a que les adorateurs des icônes qui sont habilités à les brûler, quand l'opportunité se fait sentir. N'étant pas de leur bord, ne crions pas haro sur Ibn-Taymia ! N'incitons pas aux autodafés, l'une de leurs armes les plus meurtrières au fil des siècles.
    A. H.


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    Post L'impossible pari d'aller en Chine

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    02 Mars 2015

    L'impossible pari d'aller en Chine

    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    Tout le monde sait que Tayip Erdogan, le président turc, rêve de rétablir la dynastie ottomane, abusivement qualifiée de khalifat, sur toute l'étendue de ce qui est appelé la "Terre d'Islam". On sait aussi qu'Erdogan est un intégriste, bon teint, arborant cravate et femme voilée au bras, une image valorisante en Occident. Le programme du parti d'Erdogan, qui dirige le pays, doit tout aux fondements de l'Islam politique, chers aux islamistes, du Levant au Couchant, de Hassan Al-Bana à Baghdadi, «khalife» de Mossoul. C'est précisément dans cette ville d'Irak que les miliciens Daesh ont entrepris d'appliquer l'un des articles de la constitution islamiste: l'autodafé archéologique. Tous les ministres de la Culture du monde dit civilisé, ou assimilé, ont proclamé leur indignation, à la suite de la destruction systématique des trésors historiques du musée de Mossoul. Presque tous les ministres de la Culture, devrais-je dire puisque je n'ai trouvé nulle part un signe d'Ankara, hormis celui compatissant, mais expéditif, émis lors du décès de l'écrivain kurde, et forcément turc, Yechar Kamel. L'auteur de Mémed le mince, écrivain universel, mais ne partageant pas les mêmes valeurs qu'Erdogan, ne pourra de ce fait prétendre au culte voué à un Suleïman Shah.
    Cet illustre inconnu, grand-père du fondateur de l'Empire ottoman, Osman 1er, reposait dans son mausolée situé en territoire syrien, au nord d'Alep, et près de la frontière turque, sans gêner outre mesure. Ce mausolée était gardé, en vertu d'un accord international, par des soldats d'Erdogan, puisqu'il constituait une enclave turque, encerclée mais jamais attaquée par les milices islamistes. Ces dernières qui font la loi sur cette portion de territoire appliquent l'une de leurs règles favorites : ne jamais laisser subsister un monument funéraire, ou autre, susceptible de contrarier la «vraie foi», la leur. Or, Daesh et consorts ont systématiquement détruit, en Syrie et en Irak, tous les mausolées qui peuvent constituer des lieux de pèlerinage. Mais si les tombeaux du prophète Jonas, en Irak, et ceux d'augustes compagnons, comme Hadjar Benaouda et Amar Benyasser, en Syrie, n'ont pas échappé à la furie islamiste, celui de Suleïman Shah a échappé au massacre. Certes, les milices «djihadistes» ont menacé de s'attaquer au site funéraire turc, mais sans jamais passer aux actes, la Turquie ayant menacé aussi d'intervenir militairement pour protéger le mausolée. Ce privilège, rare en la circonstance, doit certainement à la décision des autorités d'Ankara de ne pas s'engager dans la «bataille» engagée contre Daesh par la coalition internationale. Erdogan a toujours affirmé, à cet égard, qu'il considérait les Kurdes comme plus dangereux que le «khalifat» de Mossoul.
    Toujours est-il que cette entente cordiale qui ne dit pas son nom a sans doute volé en éclats, puisque le 22 février dernier, des soldats turcs appuyés par des chars ont transféré le tombeau de l'aïeul au pays d'Erdogan.
    Que cette action ait eu lieu une semaine avant le saccage, et la profanation des trésors archéologiques de l'Irak, ne semble pas avoir soulevé la moindre interrogation chez les alliés de la Turquie. Dans certains pays européens, on se serait empressé, devant la concordance et la quasi-simultanéité des deux évènements, de parler de "délit d'initié", mais le partenaire Erdogan est au-dessus de tout soupçon. Or, depuis le déclenchement des hostilités en Syrie, la Turquie a bien été le sanctuaire et la profondeur stratégique des groupes islamistes, même si les armes et le nerf de la guerre viennent d'ailleurs. Fondamentalement, d'ailleurs, il n'y a aucune différence entre le rêve d'Erdogan de rétablir le khalifat ottoman, et le projet de khalifat, entrepris par Daesh. De là à voir une action concertée entre l'opération de Mossoul et celle du mausolée, il n'y a qu'un pas de fantassin, que des confrères arabes n'ont pas hésité à franchir. Ainsi en est-il de Mohamed Elouadi, dans Elaph qui affirme même que c'est l'évacuation des restes de Suleïman Shah qui a donné le signal du début des destructions au musée de Mossoul. Il s'étonne d'ailleurs comment des centaines de soldats et des dizaines de chars ont pu pénétrer en territoire syrien, sous contrôle des milices sunnites, et en revenir sans essuyer un seul coup de feu. Au passage, le chroniqueur rappelle les méfaits de l'occupation turque dans les pays arabes, battant en brèche certaines théories, en vogue aussi chez nous, sur les «bienfaits de la colonisation» ottomane. De son côté, le Libanais Ali Amine revient sur l'incapacité des théologiens musulmans, soi-disant modérés, à contrecarrer les arguments religieux de «l'État islamique». Il rappelle que Daesh ne commet aucun acte répréhensible, aux yeux de l'opinion, «sans se référer à des textes religieux, puisés dans le Coran ou les Hadiths. Ces sentences existent dans les livres de théologie communs aux sunnites et aux chiites. De cette manière, Daesh dit aux musulmans, et au monde, qu'il applique à la lettre les commandements de la Charia et qu'il s'appuie sur des textes et des règles que reconnaissent la majorité des institutions théologiques islamiques». De fait, les réseaux sociaux pullulent actuellement de discours, émanant en particulier de cheikhs wahhabites qui volent au secours des thèses de Daesh. Lorsqu'ils n'applaudissent pas aux horreurs commises en Irak et en Syrie, ces cheikhs, qui ont pignon sur rue, s'ingénient à fortifier l'ignorance et à propager l'obscurantisme chez les fidèles.
    Les dernières élucubrations de ces alliés providentiels du terrorisme de Daesh, remettent en cause la rotondité et la rotation de la Terre, comme le fait la théorie chère à Ibn Albaz. Bandar Ibn Suleïman Khaïbari, l'un des prédicateurs attitrés d'Arabie Saoudite, nous recommande de ne pas voyager en avion vers la Chine, au risque de ne jamais y arriver.
    Ce partisan de l'immobilité de la terre et de l'immuabilité du dogme s'adressait à de jeunes étudiants saoudiens, peu suspects d'humour. En admettant que la terre tourne autour du soleil, dit-il, et que l'avion vole au-dessus, en sens inverse, il y a de fortes chances pour que vous ne puissiez jamais aller chercher la science jusqu'en Chine.
    Et c'est encore pire, si votre avion reste en suspension dans l'air, tandis que la Chine passe et repasse sous son nez. Bien sûr, vous avez la ressource, en vous y prenant bien, d'atterrir au moment où la Chine passe à proximité, mais c'est à vos risques et périls! Ce discours s'entend dans un pays qui a payé, très cher, pour faire voyager le «premier cosmonaute arabe» (le propre fils du roi Salman) dans l'espace, et lui permettre de constater de visu l'aveuglement d'Ibn-Albaz.
    A. H.

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    Dernière modification par zadhand ; 02/03/2015 à 22h18. Motif: L'impossible pari d'aller en Chine
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    Post Battre sa coulpe, ou battre sa femme ?

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    09 Mars 2015


    Battre sa coulpe, ou battre sa femme ?

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Quand ils sont à court d'arguments convaincants, ils vous brandissent le Coran, avec la même mauvaise foi, et la duplicité d'un Muawya accrochant le saint livre au fer des lances de ses soldats. La guerre est une affaire de ruse, surtout lorsque la ruse et la roublardise servent à désarmer, puis à éliminer un frère, et l'imam Ali n'était-il pas le frère en religion de l'illustre usurpateur ? Quatorze siècles plus tard, et roulant en quatre-quatre, ou voyageant en jet, ils substituent le Coran au chéquier ou au bâton, pour nous faire injonction de nous conformer au Coran. Mettons de côté la question, pourtant récurrente, de savoir combien de musulmans sur le milliard et demi que compte la planète, vivent réellement en accord avec les commandements divins. Ne nous arrêtons pas au problème lancinant que constitue aujourd'hui la difficulté de suivre à la lettre le mode de vie et les modèles de comportement que nous propose la Sunna. Bornons-nous simplement à relever, toujours avec le même étonnement naïf, le niveau de maîtrise des prescriptions religieuses chez nos concitoyens, et dans des domaines très précis. Qu'il me soit permis de rendre hommage, au passage, à l'énergie et au zèle que déploient les Algériens, engagés ou pratiquants discrets, à puiser dans le Coran les passages providentiels du moment.
    Dès qu'il s'agit du statut de la femme, sur la question de l'héritage et de la polygamie notamment, nous nous éveillons brusquement à cette piété fulgurante, qui nie la raison, même déclinée au masculin. Il y a plus de trente ans, l'honorable Assemblée dont il est question ici était entraînée dans un débat, disons décalé, sur la longueur de l'auguste badine, devant servir à l'éducation des femmes. Aujourd'hui, il apparaît que nous avons régressé au point d'avoir abandonné le recours à des instruments, somme toute anodins, et d'invoquer le droit de battre, sa femme… à mains nues. Simplement parce que le Coran l'autorise et que ses exégètes improvisés se réservent le droit singulier de n'en retenir que ce qui les arrange, au détriment de tout le reste. Au moment où il est urgent de battre sa coulpe, nos contemporains remettent sur le tapis le pourquoi et le comment battre sa femme. Aussi, la pénalisation et le châtiment de la violence maritale iraient-ils à l'encontre du message divin et seraient une source de discorde conjugale et de dislocation des foyers, selon nos bons islamistes, dont la bonté n'est pas souvent le point fort. Certains ont vu dans la place de la femme au sein du foyer, l'équivalent d'une aire à battre, une «ligne rouge» à ne pas dépasser. Paradoxe de cette «ligne rouge», aussi mouvante que les règles morales que les politiciens s'acharnent à transgresser, selon leur bon plaisir. Et nous savons combien ils peuvent payer de leur personne, lorsqu'il s'agit de se faire plaisir.
    La ruse avec les textes pour le bien commun, chère à l'illustre Abou Hanifa, semble avoir inspiré d'autres commentateurs de cette loi, tant décriée qui vient d'être votée par l'Assemblée. Dans le quotidien arabophone Echourouq, il y a comme un air de parenté avec ce qui s'est dit au sein de l'APN, même s'il y a un semblant d'attachement à arrondir les angles, comme pour ne pas blesser. Or, il s'agit justement de blessures, en l'occurrence, et de celles que subissent plus souvent les épouses, que les époux, même s'il faut admettre qu'il y a des hommes soumis, voire battus, des «Lalla Mergaza» par vocation. L'un des chroniqueurs attitrés du quotidien, Nacer Hamdadouche, s'arrête au verset brandi par les islamistes pour justifier leur position (sourate des Femmes. Verset 34). Certes, il est question de frapper les femmes, soupçonnées de légèreté ou d'insoumission, mais avant les coups, il y a la recommandation de leur tourner le dos ou de déserter la chambre conjugale. Et de nous expliquer par d'autres textes que le mariage en Islam est fondé sur l'affection et le respect mutuel, ce dont nous sommes tous convaincus. En fait, nous dit le chroniqueur, ce verset est avant tout à usage préventif, puisqu'il vise à mettre en garde les femmes, et à les prémunir contre la violence du mari. Mais, il conclut que la loi votée par l'Assemblée s'oppose au Coran «comme si les accords et les engagements internationaux avaient la primauté sur les orientations divines», note-t-il.
    Sans s'armer de précautions, et contrairement à celui qui précède, Hocine Laqraa qualifie carrément le texte de l'APN, de «loi d'émasculation de l'homme». Une petite halte, ici, pour préciser que l'auteur utilise le mot «tathine», que nous avons traduit plus pudiquement par émasculation, alors qu'il signifie plus couramment «cocufiage».
    Le «tahan» (le «ha», fricative pharyngale sourde) étant généralement le mari compréhensif, voire aveugle et insensible aux frasques diverses et immorales de son épouse. Commentant donc cette loi, le chroniqueur affirme d'entrée qu'elle ne servira qu'à «la dislocation des familles, l'augmentation du pourcentage des divorces, la perdition des enfants et la dépravation des mœurs». Il s'emploie lui aussi à expliquer que l'Islam est contre l'emploi de la violence excessive envers les épouses. Sans s'arrêter au fait que la loi en question vise justement à punir cette violence excessive que proscrit justement l'Islam, mais dans ce cas d'espèce, on n'en restera jamais à une contradiction près. En fin de compte, il nous prédit un scénario catastrophe, dans le sillage de cette loi, c'est-à-dire que nos sociétés finiront par ressembler aux sociétés occidentales, «où la permissivité est la règle, où le mariage est l'exception, et où la majorité des enfants ne savent pas qui est leur père». Diabolique Occident : tu nous fascineras toujours, et même nos injures à ton égard retentissent comme des déclarations d'amoureux transis !
    A. H.

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    Post Des histoires pour enfants

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    16 Mars 2015
    L'alternative du diable
    Par Ahmed Halli
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    Qui a reconquis la ville de Tikrit, en Irak, occupée par Daesh ? C'est l'armée irakienne, appuyée par des milices chiites, répondent les communiqués officiels. Rien n'est plus faux, répliquent des comptes-rendus de presse, provenant de la ville après la bataille. Il se confirme, en effet, que s'il y a bien des milices chiites dans la bataille de Tikrit, la seule armée engagée est celle de l'Iran. Nous voici donc à nouveau au cœur de l'équation religieuse et du conflit intercommunautaire, avec d'un côté le «califat» sunnite, les «méchants», et de l'autre les «gentils» chiites libérateurs. À première vue, entre l'enfant monstrueux, venu d'Europe, assassinant sans frémir un pseudo-espion israélien, et le général iranien Suleïmani, le vainqueur de Tikrit, il n'y a pas photo. La sauvagerie des brigands de Daesh, qui se réclament d'un sunnisme sanglant enrobé de versets et de hadiths, suffit à faire accepter le «péril persan». Depuis des mois, ces bourreaux ont commis tant d'horreurs que n'importe quel envahisseur, aussi malintentionné qu'il fût, serait accueilli en héros. On en viendrait presque à y croire et à se jeter dans les bras de Téhéran, pour défaire l'étreinte de Djeddah, s'il n'y avait pas la même lueur de fanatisme dans le regard de l'une et de l'autre.
    Comme pour signifier qu'un califat rétrograde peu en cacher un autre, un représentant des mollahs a salué cette victoire historique et prédit la restauration de l'Empire perse sassanide(1), avec Baghdad pour capitale. C'est en substance ce qu'a affirmé Ali Younsi, conseiller du «modéré» président iranien, après l'entrée triomphale(2) des troupes iraniennes dans Tikrit. Quelques jours auparavant, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al-Fayçal, avait déclaré que l'Iran exerçait désormais sa domination sur l'Irak, comme en témoignait la présence du général iranien Kassem Suleïmani. Il avait également cité comme forces d'intervention iranienne, le «Bataillon Al-Quds», fer de lance des «Gardiens de la révolution», ainsi que le «Bataillon Badr». La presse du royaume s'emploie d'ailleurs à entretenir un certain alarmisme concernant les visées iraniennes sur une partie du monde arabe, ce qui contrarierait évidemment les projets du wahhabisme. Je ne vois toujours pas au nom de quoi nous serions sommés de choisir entre la peste et le choléra, pourquoi l'on devrait se résigner à l'alternative du diable. Ceci étant, et dans les cas de violente tempête, il est parfaitement compréhensible que l'on se jette sur Charybde, juste pour éviter Scylla.
    Bref, ayons le sens des opportunités, comme nous l'enseignent si bien des organisations aguerries comme les Frères musulmans, avec leurs branches orientales et maghrébines, ou leurs théologiens attitrés. Même lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec les méthodes de Daesh, les islamistes du monde arabe argumentent sur des problèmes de forme et non pas de fond. Ainsi, lorsqu'ils voient les supporters, forcés ou consentants, de l'État islamique, lapider une femme pour adultère, ils ne sont pas choqués par la cruauté du châtiment, mais par les carences du jugement. Ils ne remettent pas en cause la sentence et son exécution, mais demandent pourquoi le partenaire adultérin est absent, et pourquoi on ne voit pas les quatre témoins de l'acte délictueux. «S'il n'y a que ce détail qui vous pose problème, nous allons y remédier à la prochaine lapidation», pourraient rétorquer les théologiens de Daesh, qui puisent dans le même arsenal. Et il est fort à parier, comme le note notre confrère syrien Alouane Zaïtar, que les juges et bourreaux de l'État islamique tiendront compte de ces réserves de forme, lorsqu'ils commettront de nouveaux crimes.
    D'où la nécessité de rénover, voire de changer le discours religieux, comme le réclament depuis des siècles les esprits les plus éclairés du monde musulman, sans qu'ils soient entendus. Parmi ces contestataires, plus intéressés par la qualité de la lame que par l'usage qui en est fait, on pourrait ranger Al-Azhar, selon notre ami Khaled Mountassar, pourfendeur de la bêtise de l'ignorance sacrée. Dans un récent article, paru sur le journal électronique arabe El-Watan, il s'étonne que le recteur de l'institution millénaire ait recommandé la lecture du livre d'un guide des Frères musulmans. Il s'agit de l'ouvrage de Hassan Hodheibi, intitulé Prêcheurs et non pas juges(3), publié dans les années soixante-dix et considéré comme un rejet de l'utilisation de la violence. Khaled Mountassar estime, en effet, que ce n'est pas la meilleure manière de répondre au discours intolérant des Frères musulmans que de citer l'un de leurs dirigeants. Or, dit-il, lorsque Hodheibi prêche la persuasion, c'est juste comme une première étape avant l'action et la soumission des gens au diktat de l'organisation. Comme tous les militants et dirigeants de son mouvement, Hodheibi estimait que sa piété et sa dévotion l'élevaient au-dessus du commun des mortels. Pourquoi au lieu de Hodheibi, ne pas conseiller la lecture du magistrat Mohamed Saïd Achemaoui, qui est l'un des rares à avoir démonté les ressorts de l'Islam politique(4) ? interroge Khaled Mountassar, qui ne se fait guère d'illusions, d'ailleurs, sur la capacité d'Al-Azhar à se réformer. Quant à croire que l'institution est capable de rénover le discours religieux, il n'y a que Sissi qui semble encore le croire.
    A. H.

    (1) La dynastie sassanide qui englobait l'Irak et une partie de la Syrie et de la Turquie, avant de disparaître après les conquêtes arabes, avait pour capitale Cétiphon, appelée Al-Madaïn (les villes) par les Arabes. Ce n'est pas par hasard que la chaîne satellitaire fondée par le transfuge d'Al-Jazeera, Ghassan Bendjeddou, s'appelle aussi Al-Madaïn.
    (2) Je ne peux m'empêcher, à ce propos, de rappeler la mésaventure d'un confrère de la Radio Chaîne 3, au moment de la guerre indo-pakistanaise pour le Bangladesh, dans laquelle l'Algérie soutenait alors le Pakistan. Arrivé in extremis au studio pour le flash de 17h, et sur la foi d'une dépêche d'agence, il avait annoncé «l'entrée triomphale des troupes indiennes» dans Dacca. Licencié pour avoir eu raison trop tôt, puisque l'Algérie a fini par reconnaître le Bangladesh, notre confrère n'a jamais digéré sa «sortie décevante» de la RTA.
    (3) Le livre publié en 1977, soit quatre ans après le décès de son auteur présumé, a suscité des doutes. Les idées défendues étaient en contradiction avec l'idéologie dominante professée alors par le livre de Sayed Qotb, Repères sur la route, que Hodheibi avait lui-même préfacé. Les véritables auteurs seraient des dirigeants du mouvement des Frères musulmans, sous la coupe des services égyptiens.
    (4)«L'Islam politique» de Saïd Achemaoui, a été réédité en Algérie, en 1990, par l'ENAG, sous la direction du regretté Mohamed Benmansour, et il ne me semble pas avoir vu récemment des exemplaires du livre dans nos librairies.
    A. H.
    Ahmed HALLI

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    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    23 Mars 2015

    Le wahhabisme,navire en perdition ?

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Chaque fois que les barbares d'aujourd'hui, et j'entends ceux qui se livrent à des actes de barbarie, commettent des horreurs quelque part dans le monde ou sous nos fenêtres, nous nous révoltons. Nous cherchons à savoir pourquoi, et au nom de quoi, tout en sachant, en toute bonne logique, que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Alors, nous trouvons souvent dans les médias et sur les réseaux sociaux des citoyens bien intentionnés et bien documentés, qui se font un plaisir de nous rappeler tous les crimes des autres. Images d'archives à l'appui, ils nous parlent du massacre des Indiens d'Amérique, du nord et du sud, s'attardent sur les enfumades du Dahra, et sur la sauvage répression du 8 Mai 1945. Ils en appellent à Bugeaud, à Cavaignac, à Bigeard, et même à pharaon, pour ne pas se brûler le palais à prononcer des noms trop proches, trop évocateurs du présent. Avec la plus mauvaise foi du monde, ces avocats du diable justifient consciemment les abominations du présent au nom de la stigmatisation des crimes du passé, ou de ceux plus actuels d'Israël. Et pour peu qu'ils aient conservé un certain sens de l'humour, ils iraient jusqu'à dire que si Daesh a détruit les statues de Mossoul, Clovis n'a pas hésité à casser le vase de Soissons.
    Heureusement qu'il y a des «justificateurs» qui ménagent nos montures, et se soucient de ne pas nous entraîner trop loin dans les méandres de l'Histoire, tout en rafraîchissant nos mémoires. Ainsi procède le magazine électronique Elaph, qui nous rappelle incidemment que la destruction des richesses archéologiques d'Irak n'a pas commencé en février 2015, mais bien avant. Cette destruction a commencé, en réalité, le 20 mars 2003 lorsque les États-Unis ont envahi l'Irak, à la tête d'une coalition occidentale, et ont fait émerger cet État irakien impuissant. C'est à ce moment-là par exemple que les soldats américains, puis polonais ont établi leurs campements dans les ruines de la ville antique de Babel. Ils ont détruit les anciennes rues, et les turbulences engendrées par leurs hélicoptères ont provoqué l'effondrement de plusieurs temples. A l'époque déjà, les scientifiques avaient parlé de bêtise et d'ignorance, pour qualifier l'installation des troupes alliées sur ce site. Ils disaient que c'est comme si l'on édifiait une base militaire au pied de la grande pyramide d'Égypte. Avant même l'invasion de l'Irak, des archéologues américains avaient mis en garde contre le danger qui menaçait 8 000 ans d'histoire de l'humanité.
    En janvier 2003, une délégation de scientifiques avait rencontré des responsables du Pentagone pour les convaincre de protéger les sites archéologiques d'Irak. Mais d'autres intérêts étaient en jeu, et un responsable de la propriété culturelle américaine était même allé jusqu'à affirmer que le meilleur moyen de protéger les pièces archéologiques était de les laisser à la loi du marché. Ce qui avait été interprété à l'époque comme un appel et un encouragement au pillage. De fait, ce pillage fut méthodiquement mené, puisque 15.000 pièces archéologiques ont disparu du musée central irakien. On déplore également l'incendie la bibliothèque nationale de Baghdad, entre le 10 et le 12 avril 2003, ainsi que la destruction de 70% des ouvrages de la bibliothèque universitaire de Bassora, entre autres. Des précisions utiles, mais qui ne justifient pas que des Irakiens, ou d'autres, en viennent à abattre leurs propres maisons, sous prétexte que des étrangers ont percé des trous dans le toit.
    Plus accessible désormais aux réalités, et pour cause, le journal saoudien Al-Hayat relie ces destructions à l'attaque contre le musée du Bardo à Tunis, et note que cet attentat visait un triple objectif, humain, économique et historique.
    Du point de vue de l'Histoire et de la religion précisément, le quotidien rappelle que selon certains théologiens, l'Islam a interdit les statues et les images de personne. Cette interdiction s'appuie sur le fait que les premiers musulmans ont détruit les statues et les idoles, à l'intérieur et autour de la Kaâba, après la conquête de La Mecque. Toutefois, et à l'encontre des postulats établis plus tard par le wahhabisme, l'éditorialiste saoudien note que les conquêtes musulmanes n'ont pas détruit les sites historiques. Et il cite parmi les plus connus, les vestiges archéologiques d'Égypte, de l'Afghanistan (avant l'arrivée des talibans wahhabites) et de l'Inde. Al-Hayat va ensuite puiser dans le Coran, une référence aux statues, avancée par l'islamiste égyptien Mohamed Amara, pour justifier leur existence, à savoir le verset 13 de la sourate 34 (Saba). «Ils fabriquaient pour lui ce qu'il voulait: des sanctuaires, des statues, des chaudrons grands comme des bassins et de solides marmites.»
    Citant encore le même Mohamed Amara, le journal relève que les choses ont changé sous le patriarche Ibrahim, lorsque les hommes ont délaissé Dieu pour adorer les idoles, tout comme ce fut le cas dans la Djahilia. Ce qui fait dire à Amara que la position du Coran, par rapport aux représentations, est fonction «des objectifs assignés à ces statues». Plus inattendu, enfin, Al-Hayat estime que Mohamed Amara, l'un des théoriciens de l'Islam politique, est en accord avec Mohamed Abdou, éminente figure du réformisme musulman. Pour ce dernier, «les monuments et vestiges historiques ne constituent pas un danger pour la foi en un Dieu unique. Ils sont simplement une partie de la mémoire historique des peuples». Diantre ! Les jours du wahhabisme seraient-ils comptés, et serait-il déjà lâché par les siens, comme un navire en perdition ? Ses fossoyeurs, dont nous attendons des actes de repentance, seraient-ils issus du sérail wahhabite lui-même?
    Décidément en veine d'audace, le quotidien s'appuie aussi sur certains épisodes de la vie personnelle du Prophète. Aïcha, son épouse, avait acheté du tissu imprimé, avec des images idolâtres, pour en garnir ses fenêtres, et le Prophète lui avait demandé de les retirer, car il était incommodé par leur vue lorsqu'il priait. Elle les retira effectivement, mais elle les utilisa pour en recouvrir des coussins sur lesquels s'appuyait le Prophète. Ce qui a fait dire à certains théologiens que si le Prophète avait eu l'intention de les interdire, il ne s'en serait pas servi, pour s'y accouder ou s'y adosser. Et pour couronner le tout, le quotidien saoudien rapporte le fameux épisode de la poupée d'Aïcha, que certains de nos théologiens ignorent systématiquement, sauf lorsqu'il s'agit de parrainer des poupées voilées, pour concurrencer les «Barbie».
    A. H.
    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    30 Mars 2015


    Des histoires pour enfants

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Tout d'un coup, les événements s'enchaînent : on ne parle plus de Daesh, mais du nouvel ennemi public numéro un, les Houtistes du Yémen. L'offensive irako-iranienne contre la ville irakienne de Tikrit, occupée par Daesh, est stoppée net, alors qu'elle semblait devoir être irrésistible. La ville stratégique du nord-ouest de la Syrie, Idlib, tombe entre les mains d'on ne sait qui, Al-Qaïda dit-on ici et là, Al-Nosra et ses alliés, réplique-t-on ailleurs. Ce qui laisse supposer que les «ouvreurs», ou conquérants d'Idlib pourraient tout aussi bien venir de Mossoul. Les Saoudiens qui ont touillé dans toute cette mangeoire stoppent la chasse aux athées, les séances de flagellation des opposants, et se lancent dans une vraie guerre au Yémen. Comme ils sont définitivement contre l'innovation, source de mécréance, ils reprennent à leur compte un code opérationnel militaire ancien, «Tempête du désert» qui devient «Tempête de la fermeté». Les Américains qui ont expérimenté cette «tempête» en 1995 contre l'Irak de Saddam Hussein ont leur part puisqu'ils assurent le ravitaillement en vol des avions saoudiens.
    Washington, le seul vrai allié indéfectible, comme on dit, de la monarchie wahhabite, comparé aux alliés de circonstance, comme l'Égypte, ou l'inattendu Pakistan. L'Égypte qui a mangé son pain noir au Yémen, de 1962 à 1967, jusqu'à hypothéquer durablement son pain blanc, remet ça, mais dans le «bon camp» cette fois-ci. En 1962, Nasser faisait intervenir son armée pour soutenir le républicain Sallal, contre les royalistes, soutenus par l'Arabie Saoudite. À la fin de cette guerre, tout le monde a trouvé son compte, sauf l'Égypte qui a beaucoup perdu, humainement et financièrement, et qui perdra encore plus en juin 1967. L'Égypte, on la comprend, mène à l'intérieur de ses frontières une bataille acharnée contre le terrorisme des Frères musulmans, qui ont une religion, sauf lorsqu'ils ne sont pas au pouvoir. En l'état actuel des choses, et compte tenu des plans élaborés ailleurs que dans la région, le pouvoir égyptien a tout lieu d'être satisfait de son alliance avec l'Arabie Saoudite, et les monarchies du Golfe.
    Mais le Pakistan? Que vient faire le Pakistan dans cette intervention militaire, dans «l'éveil arabe», comme se sont empressés de le claironner les éditorialistes que vous savez ? Le Pakistan, c'est pourtant loin, comme dirait un guide saharien. Sauf à considérer, à l'instar du regretté Khaddafi, que tout ce qui est musulman est arabe, et tout ce qui est arabe est musulman, une confusion prégnante. Alors que la participation militaire pakistanaise à la «Tempête de la fermeté» n'est pas confirmée, l'Arabie Saoudite a reçu le soutien de Hinan Rabani Khar. Fille de notables du Penjab, femme d'affaires avisée et soupçonnée de corruption, elle est décrite comme la «Balqis» du Pakistan, en référence à la fameuse reine de Saba. Très influente dans son pays, Hinan Rabani Khar est la première Pakistanaise à être élue députée, hors du quota réservé aux femmes, et à occuper le poste de ministre des Affaires étrangères, de 2011 à 2013. Elle a dénoncé sur son compte Twitter la tentative des Houtistes de s'emparer du pouvoir au Yémen, et elle a affirmé que la sécurité du Pakistan était tributaire de la sécurité du Golfe.
    Le Pakistan est une «République islamique», fortement teintée de wahhabisme, et disposant qui plus est de la bombe atomique, avec la bénédiction conjointe des États-Unis et d'Israël. L'Iran chiite, contrarié dans ses projets nucléaires par les deux précités, aura beau jeu de crier à une alliance guerrière sunnite, approuvée par Obama et applaudie par Netanyahou. Ce qui serait de la pure mauvaise foi, si l'on peut dire, considérant que l'Iran des ayatollahs n'est mu, lui aussi, que par ses affinités religieuses. Outre ses appuis militaires et financiers aux factions chiites engagées en Irak, en Syrie et au Liban, l'Iran rêve tout haut du seul patrimoine durable des Saoudiens : les Lieux Saints de l'Islam. Quant à «l'éveil arabe» qui tend, par effet de mode, à se substituer provisoirement à l'éveil islamique, les droits d'auteur de la formule devraient revenir à Al-Azhar. Critiquée vertement pour sa léthargie, face au terrorisme islamiste, la célèbre et ancienne université du Caire est régulièrement accusée d'être noyautée par les Frères musulmans. Pour nombre de journalistes et de penseurs égyptiens, Al-Azhar, si prompt à censurer des livres jugés non orthodoxes, a fermé les yeux sur les dérives des programmes scolaires.
    Devant cette inertie, le ministère égyptien de l'Éducation a décidé récemment de procéder sans attendre à la révision de certains manuels scolaires, dans l'enseignement primaire, jugés nuisibles pour l'image de l'Islam. Ainsi le récit «Okba Ibn Nafaâ, le conquérant de l'Afrique", a-t-il été amputé de plusieurs chapitres ou passages qui incitent à la violence et à la haine, selon le ministère. Parmi ces passages, il y en a qui accréditent l'idée répandue en Occident selon laquelle l'islam s'est propagé par la force de l'épée, et de citer celui-ci : «Okba Ibn Nafaa est entré dans le village, et a tué ses habitants pendant qu'ils dormaient.» Ce passage a été expurgé, parce qu'il porte atteinte à l'Islam, et qu'il incite à tuer des civils innocents à l'intérieur de leurs maisons, a expliqué un responsable du ministère. Un autre passage supprimé raconte la manière brutale avec laquelle Okba a réprimé les actes d'apostasie en Afrique du Nord.
    Pour faire sans doute contrepoids, et suivant les mêmes arguments, le ministère a biffé des passages concernant les guerres menées par Saladin contre les croisés et pour la libération d'Al-Quds. Est-il nécessaire d'ajouter que ces petites corrections de textes scolaires ont été mal accueillies par les islamistes et assimilés, qui y voient encore l'influence des États-Unis et d'Israël réunis. C'est le cas du responsable du parti fondamentaliste Al-Nour, allié transitoire du régime contre les Frères musulmans, qui a déploré ce qu'il a estimé être une atteinte à deux grandes figures de l'Islam, Okba et Saladin. Il a prédit qu'à leur place, les écoliers retrouveront à la prochaine rentrée des histoires sur Le Héros Richard Cœur de Lion, et Napoléon le conquérant. Gageons que cette petite réforme des manuels scolaires va s'arrêter net, pour la seule raison qu'il s'agira encore de faire échec à la main de l'étranger, des histoires pour enfants, un cauchemar pour adultes.
    A. H.

    Ahmed HALLI

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    Post Tempête dans un verre d'eau

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    06 Avril 2015

    Tempête dans un verre d'eau


    Par Ahmed Halli
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    Puisqu'il n'y a plus de «printemps arabe», en dépit de la saison, pourrait-on alors taxer de «miracle arabe» cette levée de boucliers sunnites contre l'Iran chiite? Peut-être faudrait-il parler plutôt de «miracle iranien», car ce que réalise Téhéran ces derniers jours est quasiment miraculeux. Depuis Saladin, on n'avait pas vu cela : réunir autant de capitales, coaliser autant d'armées arabes, mettre en attente la Palestine, pour libérer le Yémen, si ce n'est pas un miracle, ça pourrait être son frère. Et pour porter ce miracle sur les fonts baptismaux, quoi de plus valorisant que la bénédiction d'Israël ? Le Raminagrobis du Moyen-Orient a de quoi se pourlécher les babines, en effet, car il ne s'agit plus de libérer Al-Quds, mais d'empêcher les Iraniens, ou les chiites, de lorgner de trop près vers les Lieux Saints. Yasser Arafat rêvait jadis d'aller prier à Al-Quds, il s'agit désormais de faire barrage à ces chiites qui ambitionnent de faire le pèlerinage à La Mecque, mais en conquérants. Oubliée la ville sainte, priorité aux Lieux Saints et à la défense de l'Islam wahhabite contre l'intégrisme chiite, véhiculé par un nationalisme persan, vindicatif et revanchard.
    Toutefois, l'Iran ne semble pas s'émouvoir outre mesure de ces cris de guerre qui se perdent dans les vallons escarpés du Yémen, après un transit sur les chaînes satellitaires à la botte. Les mollahs et les Iraniens, abusés, ne pensent qu'à célébrer un accord sur le nucléaire, vu comme un triomphe. Apparemment, l'hostilité aux États-Unis et l'intransigeance paient puisqu'à la déception et aux menaces d'Israël, font écho les réprobations feutrées des membres de l'alliance militaire sunnite. Cependant, des voix égyptiennes s'élèvent, avec plus de force, pour critiquer cette politique, au point de susciter, au niveau des médias, une polémique qui ne semble pas près de s'éteindre. Ainsi, l'un des éditorialistes du quotidien Al-Misri al-youm, Ala Al-Dib, a lancé hier cet appel pathétique : «N'allez pas là-bas, je vous en prie !» Et il explique qu'en faisant valoir le devoir de solidarité de leur pays avec le Yémen, comme en 1962, les responsables égyptiens ne vont pas au secours du peuple yéménite. Ils s'engagent plutôt aux côtés d'une faction, d'une alliance de circonstance, entre les Houthistes et la tribu de l'ancien président Abdallah Saleh.
    Notre confrère dénonce ce duo formé par une faction zaydite, conduite par un imam intégriste, et un clan tribal. Le chef de ce clan, Abdallah Saleh, a dirigé le pays durant trente-trois ans, plus que Moubarak en Égypte, et il devrait être tenu pour responsable de la situation actuelle. Quant aux Houthistes qui se réclament du zaydisme, ils sont en réalité des Djaroudistes, des adeptes de l'imam Abou Djaroud, du Khorasan, souligne Ala Al-Dib. Ils sont différents des chiites iraniens, en dépit de leur entraide et de la convergence d'intérêts, et ils ont les mêmes slogans, avec plus de dureté : «Allah Akbar, mort à l'Amérique et à Israël, maudits soient les juifs.» Tout le monde doit déclamer ces slogans à haute voix, dans les mosquées et les places publiques, et ceux qui ne les entonnent pas avec assez de vigueur sont châtiés. Ils se déplacent dans des véhicules américains, ont des armes américaines, et ils ont soutenu la révolution populaire, avec les mêmes calculs que les Frères musulmans en Égypte.
    Ibrahim Aïssa, le célèbre chroniqueur de l'ONTV, n'est pas du même avis, en ce qui concerne les Houthistes. Il affirme que ces derniers ne sont pas des terroristes, alors que la majorité de ceux qui se font exploser en Irak et en Syrie sont des Saoudiens. Même Al-Azhar est noyautée par le wahhabisme, et il n'y a plus aucun espoir de rémission. D'ailleurs, ajoute-t-il, les bombardements saoudiens ne visent pas des bases terroristes, mais les aéroports et les infrastructures du pays. Quant aux Houthistes, ils font partie du peuple yéménite, dit-il, et les attaques de la coalition profitent surtout aux Frères musulmans. «Je ne comprends pas que les Saoudiens soient hostiles à ce mouvement en Égypte, et qu'ils s'allient aux Frères musulmans du Yémen contre les chiites», a-t-il ajouté. Toutefois, on peut relever dans les attaques d'Ibrahim Aïssa contre l'Arabie Saoudite une critique indirecte de l'engagement de l'Égypte aux côtés de l'Arabie Saoudite, et des déclarations belliqueuses de Sissi. Ce dernier a multiplié, en effet, durant ces derniers jours, les gestes de solidarité avec Riyad, pour ne pas paraître ingrat. Cependant, ses compatriotes craignent qu'il ne se laisse tenter par une nouvelle aventure au Yémen, qui serait encore plus désastreuse que celle entreprise par Nasser, dans un contexte moins favorable.
    Sans attaquer frontalement le pouvoir, un autre chroniqueur de l'ONTV, Youssef Al-Husseini, a tourné en dérision l'appellation de «Tempête de la fermeté», qui ressemblerait, pour l'heure, à une tempête dans un verre d'eau. Il a mis en doute le professionnalisme de ses confrères saoudiens qui avaient accusé la presse égyptienne d'être subordonnée au pouvoir. Le journaliste, un tantinet méprisant et hautain, a ainsi répliqué aux attaques des journalistes saoudiens contre son collègue, Ibrahim Aïssa, cible régulière des cheikhs wahhabites. Le propriétaire et éditorialiste unique de la chaîne Al-Faraeen s'est mis aussi de la partie, en brodant sur le même thème de la tempête et tournant en dérision les maigres résultats obtenus. Relevons, enfin, les propos désabusés de l'islamiste Tarek Ezzamr, l'un des instigateurs de l'assassinat du Président égyptien, Sadate, et dirigeant du parti Édification et développement. Emprisonné jusqu'en 2011, et ayant officiellement renoncé à la violence, Tarek Ezzamr a suggéré de changer de slogan et de crier «mort à l'Amérique» durant les trente prochaines années. Autrement dit, de se comporter comme l'Iran : «Ainsi, au bout de cette période de trente ans, nous verrons pousser de l'uranium enrichi sur la terre d'Égypte», a-t-il prédit.
    A. H.
    Ahmed HALLI

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    Post Les pyromanes du «tanouir»

    Kiosque
    Chronique du jour
    13 Avril 2015

    Ceux qui devraient faire peur

    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    Au détour d'un échange, sur un plateau de télévision, entre le laïc tunisien Mohamed Talbi, et son compatriote, l'islamiste Abdelfattah Mourou, intervient la réplique de ce dernier : «Parce que je t'aime, cher maître, j'ai peur pour toi.» Précisons pour ceux qui ne les connaissent pas que Mohamed Talbi est un islamologue qui préconise de se passer de la Sunna, et de s'en tenir au seul Coran. L'argument majeur et fondé de ceux qu'on appelle couramment les «coranistes», est que la Sunna est truffée de hadiths apocryphes ou manipulés, utilisés pour justifier notamment les actes terroristes. À l'opposé, le courant islamiste auquel appartient Abdelfattah Mourou, par ailleurs ancien élève de Mohamed Talbi à l'école de droit, est consommateur du tout-venant. L'ancien vice-président en retrait du parti Ennahdha est un redoutable tribun qui louvoie, ondoie, et se fait onctueusement rassurant, tout en restant dogmatiquement figé. Toutefois, il est incontestablement plus convaincant qu'un Abassi Madani demandant à sa proie potentielle : «Mais pourquoi as-tu donc peur de l'Islam, mon fils ?» Sachant que la réponse la plus évidente de son interlocuteur devrait, ou aurait dû être : «Ce n'est pas de l'Islam que j'ai peur, puisque j'y suis né, mais ce sont des musulmans comme vous qui me font peur, effectivement.»
    Au passage, il serait peut-être grand temps d'appeler un chat un chat, et de parler de «musulmanophobie», qui me semble plus appropriée qu'islamophobie. Il n'est pas sage, ni juste, de faire porter à une religion quelconque les errements et les divagations de ses adeptes, même s'ils se réclament à cor et à cri de ses textes sacrés. De ce point de vue, donc, le cheikh Abdelfattah Mourou est un homme dangereux, parce qu'il rassure, voire qu'il hypnotise sa «victime», et à ce titre, il est infiniment plus dangereux qu'un Belhadj brandissant une épée au-dessus de nos têtes. «Parce que je t'aime, cher maître, j'ai peur pour toi.» Admirez la manière avec laquelle le Tunisien décline, par avance, toute responsabilité dans ce qui pourrait arriver ! Certes, on peut penser, au premier abord, que Mourou est sincère, et qu'il craint, en bon musulman, que son ancien professeur ne subisse les tourments de l'enfer. Mais il sait très bien que ce n'est pas l'une des préoccupations majeures d'un Mohamed Talbi qui a voué sa vie et son œuvre à expliquer à ses semblables la différence entre la foi et la croyance aveugle.
    C'est pourquoi il faut craindre ces gens, surtout lorsqu'ils font des cadeaux, comme disait Cassandre à propos des Grecs, et du fameux cheval de Troie. Car la mouvance islamiste nous a tellement habitués à se préoccuper de nos malheurs, dans l'Au-delà, au point d'abréger nos souffrances ici-bas, qu'il faut rester en état d'alerte, même lorsqu'elle semble somnoler.
    A fortiori, quand ils manient l'humour, quasiment à la perfection, comme le fait l'avocat Abdelfattah Mourou qui ne fait pas de différence entre le prétoire et la mosquée, il y a des raisons sérieuses d'avoir peur, mais pour l'avenir immédiat. C'est sans doute le sentiment, plus ou moins mitigé, qu'a éprouvé le penseur égyptien Farag Fodda en sortant d'un débat avec un «islamiste rassurant». Ceci, avant de se faire assassiner par des illuminés qui ne l'avaient jamais lu ou entendu, mais qui n'étaient pas restés sourds aux exhortations homicides de leur «islamiste rassurant». Comme vous l'avez sans doute compris, cet «islamiste rassurant» n'est autre que le maléfique cheikh Ghazali, que nos gouvernants d'alors, en rupture avec Johnny Walker, ont cru bon d'appeler à la rescousse de leurs angoisses métaphysiques. Cet imam, dont nous avons fait un demi-dieu, a causé des dégâts irrémédiables chez nous, et nombre d'agités qui nous abreuvent aujourd'hui de leurs «fatwas» démentielles, lui doivent d'être ce qu'ils sont et se réclament de lui.
    Abdelfattah Mourou, c'est du vitriol dans un flacon odorant et suave de Chanel, un Ghazali qui aurait troqué son masque de Buster Keaton contre la tête hilare de Stan Laurel, mais il est tout aussi malintentionné. À l'instar de son compère, et néanmoins rival Ghannouchi, il est la réplique exacte du nouvel islamisme qui refuse de gouverner, pour ne pas risquer de perdre en popularité. Mais il s'emploie dans le même temps à préserver les fondamentaux de l'idéologie islamiste, quitte à faire des concessions de pure forme, et tout en n'allant au débat contradictoire qu'avec l'assurance d'en sortir indemne, à défaut de victoire. À la différence de Mohamed Talbi, penseur réformiste et défenseur d'un Islam des lumières, actuellement sous éteignoir, Abdelfattah Mourou ne laissera aucune trace dans l'Histoire, hormis celle d'agitateur de foules et non d'idées. Et lorsque Talbi s'en prend à ses détracteurs islamistes en leur demandant de montrer ce qu'ils ont écrit, il s'adresse à tous les théologiens et producteurs de fatwas, qui ne cessent d'ânonner les mêmes redites depuis des siècles. Pourquoi donc iraient-ils condamner les crimes de Daesh, sachant pertinemment que ces crimes sont justifiés par les mêmes textes auxquels se réfère l'Islam politique ?
    Au nom de quelle idée nouvelle et salutaire, les tenants d'un Islam obscurantiste, et violent iraient-ils condamner les fatwas absurdes, comme celle de cet imam saoudien proscrivant le mariage avec les Tunisiennes? Ceci, après avoir décrété, il y a peu, que nos voisines de l'Est étaient assez croyantes et respectables, pour la pratique du «djihad sexuel» chez les miliciens armés en Syrie. Quant à cet autre cheikh cannibale qui proclame qu'en plus de dévorer la femme des yeux, on peut la manger, en cas de cruelle nécessité, elle ne fait que confirmer la proximité physique des deux appétits qui tiraillent la gent masculine. Au niveau du langage, par exemple, où ces grands esprits se rencontrent, il est courant d'entendre certains d'entre eux se vanter d'avoir «mangé» telle femme d'abord impossible. Le mépris pour la femme, objet sexuel à volonté et comestible à l'occasion étant la «vertu» la mieux partagée sous nos cieux, il faut juste prier Dieu qu'il nous préserve de la famine. Et c'est sans doute le lieu de rappeler ce proverbe, bien de chez nous, que nous avons tendance à oublier : «Crains le mort de faim lorsqu'il est rassasié, mais ne crains pas le rassasié quand il meurt de faim !»
    A. H.

    Kiosque
    Chronique du jour
    20 Avril 2015
    Les pyromanes du «tanouir»


    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    En 1925, l'Égyptien Ali Hassan Abderrazzaq, enseignant à Al-Azhar et cadi, crée une ouverture dans les portes, fermées à double tour, de «l'ijtihad» avec son livre L'Islam, et les fondements du pouvoir. Cela se passait un an après l'abolition du califat ottoman par Mustapha Kemal Atatürk(1), en Turquie, mais l'Égypte officielle, Al-Azhar en tête, rêvait de reprendre la couronne de la dynastie déchue. Ce n'était donc pas le moment, pour proclamer que le califat n'était pas une prescription divine, mais un système inventé par des hommes. Il n'était pas politiquement correct de prôner la séparation du religieux et du politique, alors que le roi Fouad 1er ambitionnait de devenir calife à la place du calife. Cette Égypte-là ne pouvait tolérer qu'un roturier, fût-il un enseignant érudit, se mêle de remettre en cause un ordre dûment établi. Abderrazzaq perdit donc son poste d'enseignant, et sa charge de cadi, en vertu d'une loi de 1901 destinée à réprimer les tentatives de discorde («fitna»), ce qui équivalait à le condamner à vivre de la charité de ses proches.
    C'est ainsi qu'il entama une très longue traversée du désert qui ne se termina que vingt ans plus tard, alors que se profilait à l'horizon la chute de la monarchie. Le livre iconoclaste fut interdit par Al-Azhar et retiré de la vente, mais il n'y eut pas d'autodafé public, le souvenir des œuvres d'Ibn-Rochd brûlées en Andalousie étant encore vivace. On sait comment les Européens s'emparèrent d'Ibn-Rochd, ostracisé par les siens, et utilisèrent ses œuvres pour en faire l'une des pierres sur lesquelles ils ont bâti leur prospérité. L'Égypte, formellement indépendante depuis 1923, mais qui subissait toujours le joug d'une de ces puissances européennes, la Grande-Bretagne précisément, ne pouvait se permettre d'aller trop loin. Et puis, disons-le tout net : les excités d'avant-hier et d'hier étaient moins sanguinaires que ceux d'aujourd'hui, adeptes furieux d'un Islam «m'as-tu-vu» et belliqueux.
    Les chaînes du pouvoir et les boulets des théologiens, ayant toujours fait bon ménage et cause commune, l'œuvre unique d'Ali Abderrazzaq échappa au bûcher, mais elle est condamnée au cachot. L'auteur et son œuvre sont extirpés de temps à autre de leurs oubliettes, pour être vilipendés, voire incendiés, mais rarement pour être honorés ou promus comme auteur et livre essentiels. Lorsque les Frères musulmans ont été chassés du pouvoir en Égypte, au nom du respect de «l'État civil» (la laïcité étant un mot qui fait peur aux laïcs eux-mêmes), on avait cru à un retour en force des idées d'Ali Abderrazzaq, un authentique réformiste(2). Puis, quand le ministère égyptien de l'Éducation a décidé d'expurger des manuels scolaires certains textes incitant à la haine et à la violence, on s'était dit : «ça bouge enfin !» D'autant plus que les nouveaux dirigeants ne cessaient de proclamer la nécessité de réformer et de moderniser la théologie, pour mieux lutter contre le terrorisme, et au nom du «tanouir» (3).
    Mais il arrive que les meilleures intentions produisent les pires effets, et que les causes les plus nobles soient desservies par les actions affligeantes de citoyens trop zélés ou trop opportunistes. La semaine dernière, la direction de l'éducation de Gizeh, la grande banlieue du Caire, a ainsi mobilisé ses enseignants et cadres pour une action affligeante : un autodafé, abondamment filmé par des chaînes de télévision ameutées à cet effet. Il s'agissait pour les organisateurs d'apporter leur contribution à la destruction d'ouvrages, incitant au terrorisme et/ou signés par «des Frères musulmans, réfugiés au Qatar». Parmi ces auteurs, qui dirigent des actions terroristes à partir du siège d'Al-Jazeera, figure un certain Ali Abderrazzaq, dont le livre L'Islam, et les fondements du pouvoir a été livré au «supplice» du feu. Comment ces enseignants, ces éducateurs en sont arrivés à jeter des ouvrages au bûcher, après les avoir exhibés devant les caméras ? Et surtout, qu'est-ce qui a amené Ali Abderrazzaq, censé être une source d'inspiration, à ressusciter comme «terroriste» au Qatar, comme l'a relevé un confrère égyptien?
    La réponse la plus plausible est que ces enseignants et ces enseignantes, accoutrés selon les canons actuels de la mode wahhabite, n'ont pas lu Abderrazzaq ni les autres ouvrages détruits. On peut supposer que ces voilés du cerveau n'ont regardé que les titres des ouvrages et ont supposé, ce qui est leur droit, que les Frères musulmans sont là où figure le mot Islam. Ce qui reviendrait à dire que «L'Islam et les fondements du pouvoir» aurait été brûlé par erreur, au milieu d'un tas d'autres livres, ce qui est le comble pour une œuvre qui a toujours été ignorée, sinon soumise à quarantaine. On a appris ensuite qu'Ali Abderrazzaq n'avait pas été la seule victime, présumée innocente de l'autodafé honteux de Gizeh, mais que d'autres auteurs ont subi le même sort. Le ministère égyptien de la Culture a protesté contre cet acte, en précisant que même des titres, édités sous sa supervision et portant sur la lutte contre la drogue, ou sur les droits de la femme, avaient été brûlés. Du coup, la directrice de l'éducation, à l'origine de l'autodafé, a été suspendue, mais ses collègues, incendiaires ou non, ont manifesté leur solidarité devant le ministère de l'Éducation. En principe, les manifestations publiques sont interdites au Caire, mais quand il s'agit de pyromanes…
    A. H.

    (1) Je suis un admirateur de Mustapha Kemal, mais je pense qu'il a laissé passer une chance de réformer la langue arabe, en la libérant de la gangue du sacré dans laquelle elle est toujours enlisée. Imaginons une Turquie ne quémandant pas l'entrée dans l'Europe, mais chef de file d'un ensemble arabophone (et non pas arabe) où la séparation du spirituel et du temporel serait la règle. Il n'y aurait sans doute pas d'Erdogan, et encore moins de Daesh et autres Nosra mortifères.
    (2) À ne pas confondre avec «réformateur», un mot jadis à la mode et dont se gargarisaient certains de nos confrères, jusqu'à s'en réclamer sur leurs cartes de visite.
    (3) Personnellement, je préfère traduire ce mot qui annonce en pure perte l'avènement du nouveau «Siècle des lumières», par luminescence, plutôt que par illumination, ce dernier étant par trop péjoratif et pouvant viser aussi les pyromanes du «tanouir».
    Ahmed HALLI





    Dernière modification par zadhand ; 20/04/2015 à 22h07. Motif: Les pyromanes du «tanouir»
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    Post Ils sèment, nous récoltons…

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    Chronique du jour
    27 Avril 2015
    Ils sèment, nous récoltons…

    Par Ahmed Halli
    [email protected]

    Je n'aime pas ceux qui tentent d'atténuer, voire de justifier la cruauté ou l'ampleur d'un massacre qui se commet de nos jours, sous nos yeux, en invoquant des faits similaires antérieurs. On a vu ainsi de bonnes âmes invoquer pêle-mêle l'équipée sanglante des Templiers sur les côtes de Syrie, le nettoyage ethnique des Indiens des Amériques, ou les crimes de la colonisation en Algérie. On a même entendu le dirigeant turc Erdogan sommer la France de cesser d'invoquer le million et demi d'Arméniens, tués par les Turcs entre 1915 et 1918, au nom du même nombre de tués en Algérie. C'est de bonne guerre au demeurant, car on peut difficilement rêver tout haut de rétablir le califat ottoman et nier le génocide arménien, l'emprise obscurantiste sur l'Islam du pourtour méditerranéen. Alors, à chacun ses célébrations, ses reconstitutions funèbres et ses deuils préférés, ainsi que ses anathèmes récurrents. Il faut certes commémorer le génocide arménien, ainsi que l'Holocauste juif dont il a été le prélude, puisque les Allemands viennent de reconnaître leur responsabilité dans l'un, comme ils l'ont fait dans l'autre. On commémore les crimes passés, dit-on, pour éviter les crimes à venir, sans pour autant pouvoir ou vouloir arrêter la machine infernale des meurtres collectifs et des pogroms méthodiques.
    Et si le génocide peut et doit être apprécié à l'aune des statistiques démographiques, joignons nos mains, en regardant vers Erevan, et n'oublions pas les Aztèques, les Indiens, les Aborigènes et les Palestiniens, chassés de leurs terres et voués, tôt ou tard, à rejoindre la filière. Des chiffres, encore des chiffres qui se bousculent sur nos lucarnes : 700 morts par noyade en Méditerranée, la semaine dernière, après avoir payé leur billet à deux passeurs, l'un tunisien et l'autre syrien. Les deux persuadés, sans doute, qu'ils étaient de bons musulmans, exerçant un métier conforme à «leur» religion et à «leur» morale, et derrière eux une relève assurée, dans la prospère industrie du malheur. Je vous livre rapidement ici les derniers mots du «testament» d'un naufragé syrien, dont je ne garantis pas l'authenticité, mais qui sent le vrai, le vécu : «Que l'administration des réfugiés se rassure, je ne serai pas un fardeau pour elle. Merci à la mer, merci à toi qui nous as accueillis sans visas et sans passeports. Merci à tes poissons qui se repaîtront de ma chair sans me poser de questions sur ma religion ou sur mon appartenance politique. Merci aux chaînes d'information qui parleront de notre mort, toutes les heures, pour cinq minutes, et pendant deux jours. Merci à vous, à tous ceux qui ressentiront du chagrin en apprenant la nouvelle. Je suis désolé de m'être noyé.»
    Un autre chiffre : celui des jeunes filles françaises qui ont rejoint Daesh en Syrie et en Irak, et qui surpasserait celui des garçons, qui ont épousé, si l'on peut dire, la même cause, même si ce n'est pas pour les mêmes services. Selon le quotidien londonien Al-Quds, la proportion garçons filles, en partance vers la Syrie, qui était de 53% contre 47%, il y a quelques mois, est en train de s'inverser.
    Ainsi, en mars dernier, les services concernés du ministère français de l'Intérieur ont reçu 136 avis de disparition de filles, parties combattre en Syrie et en Irak, contre 125 pour les garçons. Selon le journal qui cite des sources officielles, d'avril 2014 à avril 2015, quelque 3 670 jeunes Français, dont une majorité de filles, sont allés rejoindre les groupes islamistes en Syrie et en Irak. Ces candidats au djihad sont recrutés essentiellement via les réseaux sociaux, sur le Net, de plus en plus actifs, et qui font appel à un nombre de plus en plus élevé de recruteurs féminins. Les cibles principales de ces recruteurs sont généralement des adolescentes qui ont un faible caractère, très peu de culture religieuse, et qui sont donc plus facilement manipulables. Plus prosaïquement, une sociologue du cru explique cette attraction de l'aventure syrienne par le désir de fonder un foyer, après une déception sentimentale et avec un djihadiste, perçu comme le mari idéal.
    Quant aux parents, ils font le plus souvent semblant de ne rien voir et jouent les étonnés, lorsque leur progéniture verse dans le terrorisme actif ou dans les réseaux de soutien au terrorisme. Quand ils ne protestent pas de l'innocence de leurs enfants qu'ils «n'ont pas élevés comme ça», les parents se réfugient dans le déni habituel et dans un argumentaire plus propice à nourrir l'islamophobie qu'à la désarmer. Lorsqu'un imam saoudien emmène sa jeune et troisième épouse faire une «omra» à La Mecque, en guise de voyage de noces, et pour rendre grâce au ciel, cela peut faire sourire. Et quand, il profite de l'absence momentanée, avec sa permission, de la troisième, pour en épouser une quatrième, il peut, à bon droit, remercier Dieu pour ces justes et légales noces. Nous sommes libres aussi de nous offusquer de cette goujaterie, à laquelle on associe sans sourciller la divine providence.
    Mais on notera que ceci se passe à l'intérieur des frontières d'un pays d'Islam, même si c'est celui d'un Islam contestable, l'essentiel étant que notre huile ne déborde pas de notre semoule. Il importe surtout de ne pas s'évertuer à partager une certaine folie avec autrui et avec les gens qui y sont habituellement réfractaires, de surcroît. Mais si le même illuminé quitte la citadelle pour s'installer en Australie, pays de tradition chrétienne et laïque et qu'il y ouvre une «école islamique» pour y enseigner que le sprint fait courir aux filles le risque de perdre leur virginité, il y a comme un non-sens, pour ne pas dire hérésie.
    Et pourtant, ils l'ont fait, les adeptes et exportateurs du wahhabisme, tellement sûrs d'eux et assurés de notre passivité ou soumission, qu'ils sèment à tous vents les graines de l'islamophobie. Au risque de nous condamner à récolter.
    A. H.
    Ahmed HALLI
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