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Discussion: Kiosque arabe

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    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    16 Mars 2015
    L'alternative du diable
    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    Qui a reconquis la ville de Tikrit, en Irak, occupée par Daesh ? C'est l'armée irakienne, appuyée par des milices chiites, répondent les communiqués officiels. Rien n'est plus faux, répliquent des comptes-rendus de presse, provenant de la ville après la bataille. Il se confirme, en effet, que s'il y a bien des milices chiites dans la bataille de Tikrit, la seule armée engagée est celle de l'Iran. Nous voici donc à nouveau au cœur de l'équation religieuse et du conflit intercommunautaire, avec d'un côté le «califat» sunnite, les «méchants», et de l'autre les «gentils» chiites libérateurs. À première vue, entre l'enfant monstrueux, venu d'Europe, assassinant sans frémir un pseudo-espion israélien, et le général iranien Suleïmani, le vainqueur de Tikrit, il n'y a pas photo. La sauvagerie des brigands de Daesh, qui se réclament d'un sunnisme sanglant enrobé de versets et de hadiths, suffit à faire accepter le «péril persan». Depuis des mois, ces bourreaux ont commis tant d'horreurs que n'importe quel envahisseur, aussi malintentionné qu'il fût, serait accueilli en héros. On en viendrait presque à y croire et à se jeter dans les bras de Téhéran, pour défaire l'étreinte de Djeddah, s'il n'y avait pas la même lueur de fanatisme dans le regard de l'une et de l'autre.
    Comme pour signifier qu'un califat rétrograde peu en cacher un autre, un représentant des mollahs a salué cette victoire historique et prédit la restauration de l'Empire perse sassanide(1), avec Baghdad pour capitale. C'est en substance ce qu'a affirmé Ali Younsi, conseiller du «modéré» président iranien, après l'entrée triomphale(2) des troupes iraniennes dans Tikrit. Quelques jours auparavant, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al-Fayçal, avait déclaré que l'Iran exerçait désormais sa domination sur l'Irak, comme en témoignait la présence du général iranien Kassem Suleïmani. Il avait également cité comme forces d'intervention iranienne, le «Bataillon Al-Quds», fer de lance des «Gardiens de la révolution», ainsi que le «Bataillon Badr». La presse du royaume s'emploie d'ailleurs à entretenir un certain alarmisme concernant les visées iraniennes sur une partie du monde arabe, ce qui contrarierait évidemment les projets du wahhabisme. Je ne vois toujours pas au nom de quoi nous serions sommés de choisir entre la peste et le choléra, pourquoi l'on devrait se résigner à l'alternative du diable. Ceci étant, et dans les cas de violente tempête, il est parfaitement compréhensible que l'on se jette sur Charybde, juste pour éviter Scylla.
    Bref, ayons le sens des opportunités, comme nous l'enseignent si bien des organisations aguerries comme les Frères musulmans, avec leurs branches orientales et maghrébines, ou leurs théologiens attitrés. Même lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec les méthodes de Daesh, les islamistes du monde arabe argumentent sur des problèmes de forme et non pas de fond. Ainsi, lorsqu'ils voient les supporters, forcés ou consentants, de l'État islamique, lapider une femme pour adultère, ils ne sont pas choqués par la cruauté du châtiment, mais par les carences du jugement. Ils ne remettent pas en cause la sentence et son exécution, mais demandent pourquoi le partenaire adultérin est absent, et pourquoi on ne voit pas les quatre témoins de l'acte délictueux. «S'il n'y a que ce détail qui vous pose problème, nous allons y remédier à la prochaine lapidation», pourraient rétorquer les théologiens de Daesh, qui puisent dans le même arsenal. Et il est fort à parier, comme le note notre confrère syrien Alouane Zaïtar, que les juges et bourreaux de l'État islamique tiendront compte de ces réserves de forme, lorsqu'ils commettront de nouveaux crimes.
    D'où la nécessité de rénover, voire de changer le discours religieux, comme le réclament depuis des siècles les esprits les plus éclairés du monde musulman, sans qu'ils soient entendus. Parmi ces contestataires, plus intéressés par la qualité de la lame que par l'usage qui en est fait, on pourrait ranger Al-Azhar, selon notre ami Khaled Mountassar, pourfendeur de la bêtise de l'ignorance sacrée. Dans un récent article, paru sur le journal électronique arabe El-Watan, il s'étonne que le recteur de l'institution millénaire ait recommandé la lecture du livre d'un guide des Frères musulmans. Il s'agit de l'ouvrage de Hassan Hodheibi, intitulé Prêcheurs et non pas juges(3), publié dans les années soixante-dix et considéré comme un rejet de l'utilisation de la violence. Khaled Mountassar estime, en effet, que ce n'est pas la meilleure manière de répondre au discours intolérant des Frères musulmans que de citer l'un de leurs dirigeants. Or, dit-il, lorsque Hodheibi prêche la persuasion, c'est juste comme une première étape avant l'action et la soumission des gens au diktat de l'organisation. Comme tous les militants et dirigeants de son mouvement, Hodheibi estimait que sa piété et sa dévotion l'élevaient au-dessus du commun des mortels. Pourquoi au lieu de Hodheibi, ne pas conseiller la lecture du magistrat Mohamed Saïd Achemaoui, qui est l'un des rares à avoir démonté les ressorts de l'Islam politique(4) ? interroge Khaled Mountassar, qui ne se fait guère d'illusions, d'ailleurs, sur la capacité d'Al-Azhar à se réformer. Quant à croire que l'institution est capable de rénover le discours religieux, il n'y a que Sissi qui semble encore le croire.
    A. H.

    (1) La dynastie sassanide qui englobait l'Irak et une partie de la Syrie et de la Turquie, avant de disparaître après les conquêtes arabes, avait pour capitale Cétiphon, appelée Al-Madaïn (les villes) par les Arabes. Ce n'est pas par hasard que la chaîne satellitaire fondée par le transfuge d'Al-Jazeera, Ghassan Bendjeddou, s'appelle aussi Al-Madaïn.
    (2) Je ne peux m'empêcher, à ce propos, de rappeler la mésaventure d'un confrère de la Radio Chaîne 3, au moment de la guerre indo-pakistanaise pour le Bangladesh, dans laquelle l'Algérie soutenait alors le Pakistan. Arrivé in extremis au studio pour le flash de 17h, et sur la foi d'une dépêche d'agence, il avait annoncé «l'entrée triomphale des troupes indiennes» dans Dacca. Licencié pour avoir eu raison trop tôt, puisque l'Algérie a fini par reconnaître le Bangladesh, notre confrère n'a jamais digéré sa «sortie décevante» de la RTA.
    (3) Le livre publié en 1977, soit quatre ans après le décès de son auteur présumé, a suscité des doutes. Les idées défendues étaient en contradiction avec l'idéologie dominante professée alors par le livre de Sayed Qotb, Repères sur la route, que Hodheibi avait lui-même préfacé. Les véritables auteurs seraient des dirigeants du mouvement des Frères musulmans, sous la coupe des services égyptiens.
    (4)«L'Islam politique» de Saïd Achemaoui, a été réédité en Algérie, en 1990, par l'ENAG, sous la direction du regretté Mohamed Benmansour, et il ne me semble pas avoir vu récemment des exemplaires du livre dans nos librairies.
    A. H.
    Ahmed HALLI

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    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    23 Mars 2015

    Le wahhabisme,navire en perdition ?

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Chaque fois que les barbares d'aujourd'hui, et j'entends ceux qui se livrent à des actes de barbarie, commettent des horreurs quelque part dans le monde ou sous nos fenêtres, nous nous révoltons. Nous cherchons à savoir pourquoi, et au nom de quoi, tout en sachant, en toute bonne logique, que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Alors, nous trouvons souvent dans les médias et sur les réseaux sociaux des citoyens bien intentionnés et bien documentés, qui se font un plaisir de nous rappeler tous les crimes des autres. Images d'archives à l'appui, ils nous parlent du massacre des Indiens d'Amérique, du nord et du sud, s'attardent sur les enfumades du Dahra, et sur la sauvage répression du 8 Mai 1945. Ils en appellent à Bugeaud, à Cavaignac, à Bigeard, et même à pharaon, pour ne pas se brûler le palais à prononcer des noms trop proches, trop évocateurs du présent. Avec la plus mauvaise foi du monde, ces avocats du diable justifient consciemment les abominations du présent au nom de la stigmatisation des crimes du passé, ou de ceux plus actuels d'Israël. Et pour peu qu'ils aient conservé un certain sens de l'humour, ils iraient jusqu'à dire que si Daesh a détruit les statues de Mossoul, Clovis n'a pas hésité à casser le vase de Soissons.
    Heureusement qu'il y a des «justificateurs» qui ménagent nos montures, et se soucient de ne pas nous entraîner trop loin dans les méandres de l'Histoire, tout en rafraîchissant nos mémoires. Ainsi procède le magazine électronique Elaph, qui nous rappelle incidemment que la destruction des richesses archéologiques d'Irak n'a pas commencé en février 2015, mais bien avant. Cette destruction a commencé, en réalité, le 20 mars 2003 lorsque les États-Unis ont envahi l'Irak, à la tête d'une coalition occidentale, et ont fait émerger cet État irakien impuissant. C'est à ce moment-là par exemple que les soldats américains, puis polonais ont établi leurs campements dans les ruines de la ville antique de Babel. Ils ont détruit les anciennes rues, et les turbulences engendrées par leurs hélicoptères ont provoqué l'effondrement de plusieurs temples. A l'époque déjà, les scientifiques avaient parlé de bêtise et d'ignorance, pour qualifier l'installation des troupes alliées sur ce site. Ils disaient que c'est comme si l'on édifiait une base militaire au pied de la grande pyramide d'Égypte. Avant même l'invasion de l'Irak, des archéologues américains avaient mis en garde contre le danger qui menaçait 8 000 ans d'histoire de l'humanité.
    En janvier 2003, une délégation de scientifiques avait rencontré des responsables du Pentagone pour les convaincre de protéger les sites archéologiques d'Irak. Mais d'autres intérêts étaient en jeu, et un responsable de la propriété culturelle américaine était même allé jusqu'à affirmer que le meilleur moyen de protéger les pièces archéologiques était de les laisser à la loi du marché. Ce qui avait été interprété à l'époque comme un appel et un encouragement au pillage. De fait, ce pillage fut méthodiquement mené, puisque 15.000 pièces archéologiques ont disparu du musée central irakien. On déplore également l'incendie la bibliothèque nationale de Baghdad, entre le 10 et le 12 avril 2003, ainsi que la destruction de 70% des ouvrages de la bibliothèque universitaire de Bassora, entre autres. Des précisions utiles, mais qui ne justifient pas que des Irakiens, ou d'autres, en viennent à abattre leurs propres maisons, sous prétexte que des étrangers ont percé des trous dans le toit.
    Plus accessible désormais aux réalités, et pour cause, le journal saoudien Al-Hayat relie ces destructions à l'attaque contre le musée du Bardo à Tunis, et note que cet attentat visait un triple objectif, humain, économique et historique.
    Du point de vue de l'Histoire et de la religion précisément, le quotidien rappelle que selon certains théologiens, l'Islam a interdit les statues et les images de personne. Cette interdiction s'appuie sur le fait que les premiers musulmans ont détruit les statues et les idoles, à l'intérieur et autour de la Kaâba, après la conquête de La Mecque. Toutefois, et à l'encontre des postulats établis plus tard par le wahhabisme, l'éditorialiste saoudien note que les conquêtes musulmanes n'ont pas détruit les sites historiques. Et il cite parmi les plus connus, les vestiges archéologiques d'Égypte, de l'Afghanistan (avant l'arrivée des talibans wahhabites) et de l'Inde. Al-Hayat va ensuite puiser dans le Coran, une référence aux statues, avancée par l'islamiste égyptien Mohamed Amara, pour justifier leur existence, à savoir le verset 13 de la sourate 34 (Saba). «Ils fabriquaient pour lui ce qu'il voulait: des sanctuaires, des statues, des chaudrons grands comme des bassins et de solides marmites.»
    Citant encore le même Mohamed Amara, le journal relève que les choses ont changé sous le patriarche Ibrahim, lorsque les hommes ont délaissé Dieu pour adorer les idoles, tout comme ce fut le cas dans la Djahilia. Ce qui fait dire à Amara que la position du Coran, par rapport aux représentations, est fonction «des objectifs assignés à ces statues». Plus inattendu, enfin, Al-Hayat estime que Mohamed Amara, l'un des théoriciens de l'Islam politique, est en accord avec Mohamed Abdou, éminente figure du réformisme musulman. Pour ce dernier, «les monuments et vestiges historiques ne constituent pas un danger pour la foi en un Dieu unique. Ils sont simplement une partie de la mémoire historique des peuples». Diantre ! Les jours du wahhabisme seraient-ils comptés, et serait-il déjà lâché par les siens, comme un navire en perdition ? Ses fossoyeurs, dont nous attendons des actes de repentance, seraient-ils issus du sérail wahhabite lui-même?
    Décidément en veine d'audace, le quotidien s'appuie aussi sur certains épisodes de la vie personnelle du Prophète. Aïcha, son épouse, avait acheté du tissu imprimé, avec des images idolâtres, pour en garnir ses fenêtres, et le Prophète lui avait demandé de les retirer, car il était incommodé par leur vue lorsqu'il priait. Elle les retira effectivement, mais elle les utilisa pour en recouvrir des coussins sur lesquels s'appuyait le Prophète. Ce qui a fait dire à certains théologiens que si le Prophète avait eu l'intention de les interdire, il ne s'en serait pas servi, pour s'y accouder ou s'y adosser. Et pour couronner le tout, le quotidien saoudien rapporte le fameux épisode de la poupée d'Aïcha, que certains de nos théologiens ignorent systématiquement, sauf lorsqu'il s'agit de parrainer des poupées voilées, pour concurrencer les «Barbie».
    A. H.
    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    30 Mars 2015


    Des histoires pour enfants

    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Tout d'un coup, les événements s'enchaînent : on ne parle plus de Daesh, mais du nouvel ennemi public numéro un, les Houtistes du Yémen. L'offensive irako-iranienne contre la ville irakienne de Tikrit, occupée par Daesh, est stoppée net, alors qu'elle semblait devoir être irrésistible. La ville stratégique du nord-ouest de la Syrie, Idlib, tombe entre les mains d'on ne sait qui, Al-Qaïda dit-on ici et là, Al-Nosra et ses alliés, réplique-t-on ailleurs. Ce qui laisse supposer que les «ouvreurs», ou conquérants d'Idlib pourraient tout aussi bien venir de Mossoul. Les Saoudiens qui ont touillé dans toute cette mangeoire stoppent la chasse aux athées, les séances de flagellation des opposants, et se lancent dans une vraie guerre au Yémen. Comme ils sont définitivement contre l'innovation, source de mécréance, ils reprennent à leur compte un code opérationnel militaire ancien, «Tempête du désert» qui devient «Tempête de la fermeté». Les Américains qui ont expérimenté cette «tempête» en 1995 contre l'Irak de Saddam Hussein ont leur part puisqu'ils assurent le ravitaillement en vol des avions saoudiens.
    Washington, le seul vrai allié indéfectible, comme on dit, de la monarchie wahhabite, comparé aux alliés de circonstance, comme l'Égypte, ou l'inattendu Pakistan. L'Égypte qui a mangé son pain noir au Yémen, de 1962 à 1967, jusqu'à hypothéquer durablement son pain blanc, remet ça, mais dans le «bon camp» cette fois-ci. En 1962, Nasser faisait intervenir son armée pour soutenir le républicain Sallal, contre les royalistes, soutenus par l'Arabie Saoudite. À la fin de cette guerre, tout le monde a trouvé son compte, sauf l'Égypte qui a beaucoup perdu, humainement et financièrement, et qui perdra encore plus en juin 1967. L'Égypte, on la comprend, mène à l'intérieur de ses frontières une bataille acharnée contre le terrorisme des Frères musulmans, qui ont une religion, sauf lorsqu'ils ne sont pas au pouvoir. En l'état actuel des choses, et compte tenu des plans élaborés ailleurs que dans la région, le pouvoir égyptien a tout lieu d'être satisfait de son alliance avec l'Arabie Saoudite, et les monarchies du Golfe.
    Mais le Pakistan? Que vient faire le Pakistan dans cette intervention militaire, dans «l'éveil arabe», comme se sont empressés de le claironner les éditorialistes que vous savez ? Le Pakistan, c'est pourtant loin, comme dirait un guide saharien. Sauf à considérer, à l'instar du regretté Khaddafi, que tout ce qui est musulman est arabe, et tout ce qui est arabe est musulman, une confusion prégnante. Alors que la participation militaire pakistanaise à la «Tempête de la fermeté» n'est pas confirmée, l'Arabie Saoudite a reçu le soutien de Hinan Rabani Khar. Fille de notables du Penjab, femme d'affaires avisée et soupçonnée de corruption, elle est décrite comme la «Balqis» du Pakistan, en référence à la fameuse reine de Saba. Très influente dans son pays, Hinan Rabani Khar est la première Pakistanaise à être élue députée, hors du quota réservé aux femmes, et à occuper le poste de ministre des Affaires étrangères, de 2011 à 2013. Elle a dénoncé sur son compte Twitter la tentative des Houtistes de s'emparer du pouvoir au Yémen, et elle a affirmé que la sécurité du Pakistan était tributaire de la sécurité du Golfe.
    Le Pakistan est une «République islamique», fortement teintée de wahhabisme, et disposant qui plus est de la bombe atomique, avec la bénédiction conjointe des États-Unis et d'Israël. L'Iran chiite, contrarié dans ses projets nucléaires par les deux précités, aura beau jeu de crier à une alliance guerrière sunnite, approuvée par Obama et applaudie par Netanyahou. Ce qui serait de la pure mauvaise foi, si l'on peut dire, considérant que l'Iran des ayatollahs n'est mu, lui aussi, que par ses affinités religieuses. Outre ses appuis militaires et financiers aux factions chiites engagées en Irak, en Syrie et au Liban, l'Iran rêve tout haut du seul patrimoine durable des Saoudiens : les Lieux Saints de l'Islam. Quant à «l'éveil arabe» qui tend, par effet de mode, à se substituer provisoirement à l'éveil islamique, les droits d'auteur de la formule devraient revenir à Al-Azhar. Critiquée vertement pour sa léthargie, face au terrorisme islamiste, la célèbre et ancienne université du Caire est régulièrement accusée d'être noyautée par les Frères musulmans. Pour nombre de journalistes et de penseurs égyptiens, Al-Azhar, si prompt à censurer des livres jugés non orthodoxes, a fermé les yeux sur les dérives des programmes scolaires.
    Devant cette inertie, le ministère égyptien de l'Éducation a décidé récemment de procéder sans attendre à la révision de certains manuels scolaires, dans l'enseignement primaire, jugés nuisibles pour l'image de l'Islam. Ainsi le récit «Okba Ibn Nafaâ, le conquérant de l'Afrique", a-t-il été amputé de plusieurs chapitres ou passages qui incitent à la violence et à la haine, selon le ministère. Parmi ces passages, il y en a qui accréditent l'idée répandue en Occident selon laquelle l'islam s'est propagé par la force de l'épée, et de citer celui-ci : «Okba Ibn Nafaa est entré dans le village, et a tué ses habitants pendant qu'ils dormaient.» Ce passage a été expurgé, parce qu'il porte atteinte à l'Islam, et qu'il incite à tuer des civils innocents à l'intérieur de leurs maisons, a expliqué un responsable du ministère. Un autre passage supprimé raconte la manière brutale avec laquelle Okba a réprimé les actes d'apostasie en Afrique du Nord.
    Pour faire sans doute contrepoids, et suivant les mêmes arguments, le ministère a biffé des passages concernant les guerres menées par Saladin contre les croisés et pour la libération d'Al-Quds. Est-il nécessaire d'ajouter que ces petites corrections de textes scolaires ont été mal accueillies par les islamistes et assimilés, qui y voient encore l'influence des États-Unis et d'Israël réunis. C'est le cas du responsable du parti fondamentaliste Al-Nour, allié transitoire du régime contre les Frères musulmans, qui a déploré ce qu'il a estimé être une atteinte à deux grandes figures de l'Islam, Okba et Saladin. Il a prédit qu'à leur place, les écoliers retrouveront à la prochaine rentrée des histoires sur Le Héros Richard Cœur de Lion, et Napoléon le conquérant. Gageons que cette petite réforme des manuels scolaires va s'arrêter net, pour la seule raison qu'il s'agira encore de faire échec à la main de l'étranger, des histoires pour enfants, un cauchemar pour adultes.
    A. H.

    Ahmed HALLI

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    Post Tempête dans un verre d'eau

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    06 Avril 2015

    Tempête dans un verre d'eau


    Par Ahmed Halli
    [email protected]
    Puisqu'il n'y a plus de «printemps arabe», en dépit de la saison, pourrait-on alors taxer de «miracle arabe» cette levée de boucliers sunnites contre l'Iran chiite? Peut-être faudrait-il parler plutôt de «miracle iranien», car ce que réalise Téhéran ces derniers jours est quasiment miraculeux. Depuis Saladin, on n'avait pas vu cela : réunir autant de capitales, coaliser autant d'armées arabes, mettre en attente la Palestine, pour libérer le Yémen, si ce n'est pas un miracle, ça pourrait être son frère. Et pour porter ce miracle sur les fonts baptismaux, quoi de plus valorisant que la bénédiction d'Israël ? Le Raminagrobis du Moyen-Orient a de quoi se pourlécher les babines, en effet, car il ne s'agit plus de libérer Al-Quds, mais d'empêcher les Iraniens, ou les chiites, de lorgner de trop près vers les Lieux Saints. Yasser Arafat rêvait jadis d'aller prier à Al-Quds, il s'agit désormais de faire barrage à ces chiites qui ambitionnent de faire le pèlerinage à La Mecque, mais en conquérants. Oubliée la ville sainte, priorité aux Lieux Saints et à la défense de l'Islam wahhabite contre l'intégrisme chiite, véhiculé par un nationalisme persan, vindicatif et revanchard.
    Toutefois, l'Iran ne semble pas s'émouvoir outre mesure de ces cris de guerre qui se perdent dans les vallons escarpés du Yémen, après un transit sur les chaînes satellitaires à la botte. Les mollahs et les Iraniens, abusés, ne pensent qu'à célébrer un accord sur le nucléaire, vu comme un triomphe. Apparemment, l'hostilité aux États-Unis et l'intransigeance paient puisqu'à la déception et aux menaces d'Israël, font écho les réprobations feutrées des membres de l'alliance militaire sunnite. Cependant, des voix égyptiennes s'élèvent, avec plus de force, pour critiquer cette politique, au point de susciter, au niveau des médias, une polémique qui ne semble pas près de s'éteindre. Ainsi, l'un des éditorialistes du quotidien Al-Misri al-youm, Ala Al-Dib, a lancé hier cet appel pathétique : «N'allez pas là-bas, je vous en prie !» Et il explique qu'en faisant valoir le devoir de solidarité de leur pays avec le Yémen, comme en 1962, les responsables égyptiens ne vont pas au secours du peuple yéménite. Ils s'engagent plutôt aux côtés d'une faction, d'une alliance de circonstance, entre les Houthistes et la tribu de l'ancien président Abdallah Saleh.
    Notre confrère dénonce ce duo formé par une faction zaydite, conduite par un imam intégriste, et un clan tribal. Le chef de ce clan, Abdallah Saleh, a dirigé le pays durant trente-trois ans, plus que Moubarak en Égypte, et il devrait être tenu pour responsable de la situation actuelle. Quant aux Houthistes qui se réclament du zaydisme, ils sont en réalité des Djaroudistes, des adeptes de l'imam Abou Djaroud, du Khorasan, souligne Ala Al-Dib. Ils sont différents des chiites iraniens, en dépit de leur entraide et de la convergence d'intérêts, et ils ont les mêmes slogans, avec plus de dureté : «Allah Akbar, mort à l'Amérique et à Israël, maudits soient les juifs.» Tout le monde doit déclamer ces slogans à haute voix, dans les mosquées et les places publiques, et ceux qui ne les entonnent pas avec assez de vigueur sont châtiés. Ils se déplacent dans des véhicules américains, ont des armes américaines, et ils ont soutenu la révolution populaire, avec les mêmes calculs que les Frères musulmans en Égypte.
    Ibrahim Aïssa, le célèbre chroniqueur de l'ONTV, n'est pas du même avis, en ce qui concerne les Houthistes. Il affirme que ces derniers ne sont pas des terroristes, alors que la majorité de ceux qui se font exploser en Irak et en Syrie sont des Saoudiens. Même Al-Azhar est noyautée par le wahhabisme, et il n'y a plus aucun espoir de rémission. D'ailleurs, ajoute-t-il, les bombardements saoudiens ne visent pas des bases terroristes, mais les aéroports et les infrastructures du pays. Quant aux Houthistes, ils font partie du peuple yéménite, dit-il, et les attaques de la coalition profitent surtout aux Frères musulmans. «Je ne comprends pas que les Saoudiens soient hostiles à ce mouvement en Égypte, et qu'ils s'allient aux Frères musulmans du Yémen contre les chiites», a-t-il ajouté. Toutefois, on peut relever dans les attaques d'Ibrahim Aïssa contre l'Arabie Saoudite une critique indirecte de l'engagement de l'Égypte aux côtés de l'Arabie Saoudite, et des déclarations belliqueuses de Sissi. Ce dernier a multiplié, en effet, durant ces derniers jours, les gestes de solidarité avec Riyad, pour ne pas paraître ingrat. Cependant, ses compatriotes craignent qu'il ne se laisse tenter par une nouvelle aventure au Yémen, qui serait encore plus désastreuse que celle entreprise par Nasser, dans un contexte moins favorable.
    Sans attaquer frontalement le pouvoir, un autre chroniqueur de l'ONTV, Youssef Al-Husseini, a tourné en dérision l'appellation de «Tempête de la fermeté», qui ressemblerait, pour l'heure, à une tempête dans un verre d'eau. Il a mis en doute le professionnalisme de ses confrères saoudiens qui avaient accusé la presse égyptienne d'être subordonnée au pouvoir. Le journaliste, un tantinet méprisant et hautain, a ainsi répliqué aux attaques des journalistes saoudiens contre son collègue, Ibrahim Aïssa, cible régulière des cheikhs wahhabites. Le propriétaire et éditorialiste unique de la chaîne Al-Faraeen s'est mis aussi de la partie, en brodant sur le même thème de la tempête et tournant en dérision les maigres résultats obtenus. Relevons, enfin, les propos désabusés de l'islamiste Tarek Ezzamr, l'un des instigateurs de l'assassinat du Président égyptien, Sadate, et dirigeant du parti Édification et développement. Emprisonné jusqu'en 2011, et ayant officiellement renoncé à la violence, Tarek Ezzamr a suggéré de changer de slogan et de crier «mort à l'Amérique» durant les trente prochaines années. Autrement dit, de se comporter comme l'Iran : «Ainsi, au bout de cette période de trente ans, nous verrons pousser de l'uranium enrichi sur la terre d'Égypte», a-t-il prédit.
    A. H.
    Ahmed HALLI

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    Post Les pyromanes du «tanouir»

    Kiosque
    Chronique du jour
    13 Avril 2015

    Ceux qui devraient faire peur

    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    Au détour d'un échange, sur un plateau de télévision, entre le laïc tunisien Mohamed Talbi, et son compatriote, l'islamiste Abdelfattah Mourou, intervient la réplique de ce dernier : «Parce que je t'aime, cher maître, j'ai peur pour toi.» Précisons pour ceux qui ne les connaissent pas que Mohamed Talbi est un islamologue qui préconise de se passer de la Sunna, et de s'en tenir au seul Coran. L'argument majeur et fondé de ceux qu'on appelle couramment les «coranistes», est que la Sunna est truffée de hadiths apocryphes ou manipulés, utilisés pour justifier notamment les actes terroristes. À l'opposé, le courant islamiste auquel appartient Abdelfattah Mourou, par ailleurs ancien élève de Mohamed Talbi à l'école de droit, est consommateur du tout-venant. L'ancien vice-président en retrait du parti Ennahdha est un redoutable tribun qui louvoie, ondoie, et se fait onctueusement rassurant, tout en restant dogmatiquement figé. Toutefois, il est incontestablement plus convaincant qu'un Abassi Madani demandant à sa proie potentielle : «Mais pourquoi as-tu donc peur de l'Islam, mon fils ?» Sachant que la réponse la plus évidente de son interlocuteur devrait, ou aurait dû être : «Ce n'est pas de l'Islam que j'ai peur, puisque j'y suis né, mais ce sont des musulmans comme vous qui me font peur, effectivement.»
    Au passage, il serait peut-être grand temps d'appeler un chat un chat, et de parler de «musulmanophobie», qui me semble plus appropriée qu'islamophobie. Il n'est pas sage, ni juste, de faire porter à une religion quelconque les errements et les divagations de ses adeptes, même s'ils se réclament à cor et à cri de ses textes sacrés. De ce point de vue, donc, le cheikh Abdelfattah Mourou est un homme dangereux, parce qu'il rassure, voire qu'il hypnotise sa «victime», et à ce titre, il est infiniment plus dangereux qu'un Belhadj brandissant une épée au-dessus de nos têtes. «Parce que je t'aime, cher maître, j'ai peur pour toi.» Admirez la manière avec laquelle le Tunisien décline, par avance, toute responsabilité dans ce qui pourrait arriver ! Certes, on peut penser, au premier abord, que Mourou est sincère, et qu'il craint, en bon musulman, que son ancien professeur ne subisse les tourments de l'enfer. Mais il sait très bien que ce n'est pas l'une des préoccupations majeures d'un Mohamed Talbi qui a voué sa vie et son œuvre à expliquer à ses semblables la différence entre la foi et la croyance aveugle.
    C'est pourquoi il faut craindre ces gens, surtout lorsqu'ils font des cadeaux, comme disait Cassandre à propos des Grecs, et du fameux cheval de Troie. Car la mouvance islamiste nous a tellement habitués à se préoccuper de nos malheurs, dans l'Au-delà, au point d'abréger nos souffrances ici-bas, qu'il faut rester en état d'alerte, même lorsqu'elle semble somnoler.
    A fortiori, quand ils manient l'humour, quasiment à la perfection, comme le fait l'avocat Abdelfattah Mourou qui ne fait pas de différence entre le prétoire et la mosquée, il y a des raisons sérieuses d'avoir peur, mais pour l'avenir immédiat. C'est sans doute le sentiment, plus ou moins mitigé, qu'a éprouvé le penseur égyptien Farag Fodda en sortant d'un débat avec un «islamiste rassurant». Ceci, avant de se faire assassiner par des illuminés qui ne l'avaient jamais lu ou entendu, mais qui n'étaient pas restés sourds aux exhortations homicides de leur «islamiste rassurant». Comme vous l'avez sans doute compris, cet «islamiste rassurant» n'est autre que le maléfique cheikh Ghazali, que nos gouvernants d'alors, en rupture avec Johnny Walker, ont cru bon d'appeler à la rescousse de leurs angoisses métaphysiques. Cet imam, dont nous avons fait un demi-dieu, a causé des dégâts irrémédiables chez nous, et nombre d'agités qui nous abreuvent aujourd'hui de leurs «fatwas» démentielles, lui doivent d'être ce qu'ils sont et se réclament de lui.
    Abdelfattah Mourou, c'est du vitriol dans un flacon odorant et suave de Chanel, un Ghazali qui aurait troqué son masque de Buster Keaton contre la tête hilare de Stan Laurel, mais il est tout aussi malintentionné. À l'instar de son compère, et néanmoins rival Ghannouchi, il est la réplique exacte du nouvel islamisme qui refuse de gouverner, pour ne pas risquer de perdre en popularité. Mais il s'emploie dans le même temps à préserver les fondamentaux de l'idéologie islamiste, quitte à faire des concessions de pure forme, et tout en n'allant au débat contradictoire qu'avec l'assurance d'en sortir indemne, à défaut de victoire. À la différence de Mohamed Talbi, penseur réformiste et défenseur d'un Islam des lumières, actuellement sous éteignoir, Abdelfattah Mourou ne laissera aucune trace dans l'Histoire, hormis celle d'agitateur de foules et non d'idées. Et lorsque Talbi s'en prend à ses détracteurs islamistes en leur demandant de montrer ce qu'ils ont écrit, il s'adresse à tous les théologiens et producteurs de fatwas, qui ne cessent d'ânonner les mêmes redites depuis des siècles. Pourquoi donc iraient-ils condamner les crimes de Daesh, sachant pertinemment que ces crimes sont justifiés par les mêmes textes auxquels se réfère l'Islam politique ?
    Au nom de quelle idée nouvelle et salutaire, les tenants d'un Islam obscurantiste, et violent iraient-ils condamner les fatwas absurdes, comme celle de cet imam saoudien proscrivant le mariage avec les Tunisiennes? Ceci, après avoir décrété, il y a peu, que nos voisines de l'Est étaient assez croyantes et respectables, pour la pratique du «djihad sexuel» chez les miliciens armés en Syrie. Quant à cet autre cheikh cannibale qui proclame qu'en plus de dévorer la femme des yeux, on peut la manger, en cas de cruelle nécessité, elle ne fait que confirmer la proximité physique des deux appétits qui tiraillent la gent masculine. Au niveau du langage, par exemple, où ces grands esprits se rencontrent, il est courant d'entendre certains d'entre eux se vanter d'avoir «mangé» telle femme d'abord impossible. Le mépris pour la femme, objet sexuel à volonté et comestible à l'occasion étant la «vertu» la mieux partagée sous nos cieux, il faut juste prier Dieu qu'il nous préserve de la famine. Et c'est sans doute le lieu de rappeler ce proverbe, bien de chez nous, que nous avons tendance à oublier : «Crains le mort de faim lorsqu'il est rassasié, mais ne crains pas le rassasié quand il meurt de faim !»
    A. H.

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    Chronique du jour
    20 Avril 2015
    Les pyromanes du «tanouir»


    Par Ahmed Halli
    [email protected]



    En 1925, l'Égyptien Ali Hassan Abderrazzaq, enseignant à Al-Azhar et cadi, crée une ouverture dans les portes, fermées à double tour, de «l'ijtihad» avec son livre L'Islam, et les fondements du pouvoir. Cela se passait un an après l'abolition du califat ottoman par Mustapha Kemal Atatürk(1), en Turquie, mais l'Égypte officielle, Al-Azhar en tête, rêvait de reprendre la couronne de la dynastie déchue. Ce n'était donc pas le moment, pour proclamer que le califat n'était pas une prescription divine, mais un système inventé par des hommes. Il n'était pas politiquement correct de prôner la séparation du religieux et du politique, alors que le roi Fouad 1er ambitionnait de devenir calife à la place du calife. Cette Égypte-là ne pouvait tolérer qu'un roturier, fût-il un enseignant érudit, se mêle de remettre en cause un ordre dûment établi. Abderrazzaq perdit donc son poste d'enseignant, et sa charge de cadi, en vertu d'une loi de 1901 destinée à réprimer les tentatives de discorde («fitna»), ce qui équivalait à le condamner à vivre de la charité de ses proches.
    C'est ainsi qu'il entama une très longue traversée du désert qui ne se termina que vingt ans plus tard, alors que se profilait à l'horizon la chute de la monarchie. Le livre iconoclaste fut interdit par Al-Azhar et retiré de la vente, mais il n'y eut pas d'autodafé public, le souvenir des œuvres d'Ibn-Rochd brûlées en Andalousie étant encore vivace. On sait comment les Européens s'emparèrent d'Ibn-Rochd, ostracisé par les siens, et utilisèrent ses œuvres pour en faire l'une des pierres sur lesquelles ils ont bâti leur prospérité. L'Égypte, formellement indépendante depuis 1923, mais qui subissait toujours le joug d'une de ces puissances européennes, la Grande-Bretagne précisément, ne pouvait se permettre d'aller trop loin. Et puis, disons-le tout net : les excités d'avant-hier et d'hier étaient moins sanguinaires que ceux d'aujourd'hui, adeptes furieux d'un Islam «m'as-tu-vu» et belliqueux.
    Les chaînes du pouvoir et les boulets des théologiens, ayant toujours fait bon ménage et cause commune, l'œuvre unique d'Ali Abderrazzaq échappa au bûcher, mais elle est condamnée au cachot. L'auteur et son œuvre sont extirpés de temps à autre de leurs oubliettes, pour être vilipendés, voire incendiés, mais rarement pour être honorés ou promus comme auteur et livre essentiels. Lorsque les Frères musulmans ont été chassés du pouvoir en Égypte, au nom du respect de «l'État civil» (la laïcité étant un mot qui fait peur aux laïcs eux-mêmes), on avait cru à un retour en force des idées d'Ali Abderrazzaq, un authentique réformiste(2). Puis, quand le ministère égyptien de l'Éducation a décidé d'expurger des manuels scolaires certains textes incitant à la haine et à la violence, on s'était dit : «ça bouge enfin !» D'autant plus que les nouveaux dirigeants ne cessaient de proclamer la nécessité de réformer et de moderniser la théologie, pour mieux lutter contre le terrorisme, et au nom du «tanouir» (3).
    Mais il arrive que les meilleures intentions produisent les pires effets, et que les causes les plus nobles soient desservies par les actions affligeantes de citoyens trop zélés ou trop opportunistes. La semaine dernière, la direction de l'éducation de Gizeh, la grande banlieue du Caire, a ainsi mobilisé ses enseignants et cadres pour une action affligeante : un autodafé, abondamment filmé par des chaînes de télévision ameutées à cet effet. Il s'agissait pour les organisateurs d'apporter leur contribution à la destruction d'ouvrages, incitant au terrorisme et/ou signés par «des Frères musulmans, réfugiés au Qatar». Parmi ces auteurs, qui dirigent des actions terroristes à partir du siège d'Al-Jazeera, figure un certain Ali Abderrazzaq, dont le livre L'Islam, et les fondements du pouvoir a été livré au «supplice» du feu. Comment ces enseignants, ces éducateurs en sont arrivés à jeter des ouvrages au bûcher, après les avoir exhibés devant les caméras ? Et surtout, qu'est-ce qui a amené Ali Abderrazzaq, censé être une source d'inspiration, à ressusciter comme «terroriste» au Qatar, comme l'a relevé un confrère égyptien?
    La réponse la plus plausible est que ces enseignants et ces enseignantes, accoutrés selon les canons actuels de la mode wahhabite, n'ont pas lu Abderrazzaq ni les autres ouvrages détruits. On peut supposer que ces voilés du cerveau n'ont regardé que les titres des ouvrages et ont supposé, ce qui est leur droit, que les Frères musulmans sont là où figure le mot Islam. Ce qui reviendrait à dire que «L'Islam et les fondements du pouvoir» aurait été brûlé par erreur, au milieu d'un tas d'autres livres, ce qui est le comble pour une œuvre qui a toujours été ignorée, sinon soumise à quarantaine. On a appris ensuite qu'Ali Abderrazzaq n'avait pas été la seule victime, présumée innocente de l'autodafé honteux de Gizeh, mais que d'autres auteurs ont subi le même sort. Le ministère égyptien de la Culture a protesté contre cet acte, en précisant que même des titres, édités sous sa supervision et portant sur la lutte contre la drogue, ou sur les droits de la femme, avaient été brûlés. Du coup, la directrice de l'éducation, à l'origine de l'autodafé, a été suspendue, mais ses collègues, incendiaires ou non, ont manifesté leur solidarité devant le ministère de l'Éducation. En principe, les manifestations publiques sont interdites au Caire, mais quand il s'agit de pyromanes…
    A. H.

    (1) Je suis un admirateur de Mustapha Kemal, mais je pense qu'il a laissé passer une chance de réformer la langue arabe, en la libérant de la gangue du sacré dans laquelle elle est toujours enlisée. Imaginons une Turquie ne quémandant pas l'entrée dans l'Europe, mais chef de file d'un ensemble arabophone (et non pas arabe) où la séparation du spirituel et du temporel serait la règle. Il n'y aurait sans doute pas d'Erdogan, et encore moins de Daesh et autres Nosra mortifères.
    (2) À ne pas confondre avec «réformateur», un mot jadis à la mode et dont se gargarisaient certains de nos confrères, jusqu'à s'en réclamer sur leurs cartes de visite.
    (3) Personnellement, je préfère traduire ce mot qui annonce en pure perte l'avènement du nouveau «Siècle des lumières», par luminescence, plutôt que par illumination, ce dernier étant par trop péjoratif et pouvant viser aussi les pyromanes du «tanouir».
    Ahmed HALLI





    Dernière modification par zadhand ; 20/04/2015 à 22h07. Motif: Les pyromanes du «tanouir»
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    Post Ils sèment, nous récoltons…

    Kiosque
    Chronique du jour
    27 Avril 2015
    Ils sèment, nous récoltons…

    Par Ahmed Halli
    [email protected]

    Je n'aime pas ceux qui tentent d'atténuer, voire de justifier la cruauté ou l'ampleur d'un massacre qui se commet de nos jours, sous nos yeux, en invoquant des faits similaires antérieurs. On a vu ainsi de bonnes âmes invoquer pêle-mêle l'équipée sanglante des Templiers sur les côtes de Syrie, le nettoyage ethnique des Indiens des Amériques, ou les crimes de la colonisation en Algérie. On a même entendu le dirigeant turc Erdogan sommer la France de cesser d'invoquer le million et demi d'Arméniens, tués par les Turcs entre 1915 et 1918, au nom du même nombre de tués en Algérie. C'est de bonne guerre au demeurant, car on peut difficilement rêver tout haut de rétablir le califat ottoman et nier le génocide arménien, l'emprise obscurantiste sur l'Islam du pourtour méditerranéen. Alors, à chacun ses célébrations, ses reconstitutions funèbres et ses deuils préférés, ainsi que ses anathèmes récurrents. Il faut certes commémorer le génocide arménien, ainsi que l'Holocauste juif dont il a été le prélude, puisque les Allemands viennent de reconnaître leur responsabilité dans l'un, comme ils l'ont fait dans l'autre. On commémore les crimes passés, dit-on, pour éviter les crimes à venir, sans pour autant pouvoir ou vouloir arrêter la machine infernale des meurtres collectifs et des pogroms méthodiques.
    Et si le génocide peut et doit être apprécié à l'aune des statistiques démographiques, joignons nos mains, en regardant vers Erevan, et n'oublions pas les Aztèques, les Indiens, les Aborigènes et les Palestiniens, chassés de leurs terres et voués, tôt ou tard, à rejoindre la filière. Des chiffres, encore des chiffres qui se bousculent sur nos lucarnes : 700 morts par noyade en Méditerranée, la semaine dernière, après avoir payé leur billet à deux passeurs, l'un tunisien et l'autre syrien. Les deux persuadés, sans doute, qu'ils étaient de bons musulmans, exerçant un métier conforme à «leur» religion et à «leur» morale, et derrière eux une relève assurée, dans la prospère industrie du malheur. Je vous livre rapidement ici les derniers mots du «testament» d'un naufragé syrien, dont je ne garantis pas l'authenticité, mais qui sent le vrai, le vécu : «Que l'administration des réfugiés se rassure, je ne serai pas un fardeau pour elle. Merci à la mer, merci à toi qui nous as accueillis sans visas et sans passeports. Merci à tes poissons qui se repaîtront de ma chair sans me poser de questions sur ma religion ou sur mon appartenance politique. Merci aux chaînes d'information qui parleront de notre mort, toutes les heures, pour cinq minutes, et pendant deux jours. Merci à vous, à tous ceux qui ressentiront du chagrin en apprenant la nouvelle. Je suis désolé de m'être noyé.»
    Un autre chiffre : celui des jeunes filles françaises qui ont rejoint Daesh en Syrie et en Irak, et qui surpasserait celui des garçons, qui ont épousé, si l'on peut dire, la même cause, même si ce n'est pas pour les mêmes services. Selon le quotidien londonien Al-Quds, la proportion garçons filles, en partance vers la Syrie, qui était de 53% contre 47%, il y a quelques mois, est en train de s'inverser.
    Ainsi, en mars dernier, les services concernés du ministère français de l'Intérieur ont reçu 136 avis de disparition de filles, parties combattre en Syrie et en Irak, contre 125 pour les garçons. Selon le journal qui cite des sources officielles, d'avril 2014 à avril 2015, quelque 3 670 jeunes Français, dont une majorité de filles, sont allés rejoindre les groupes islamistes en Syrie et en Irak. Ces candidats au djihad sont recrutés essentiellement via les réseaux sociaux, sur le Net, de plus en plus actifs, et qui font appel à un nombre de plus en plus élevé de recruteurs féminins. Les cibles principales de ces recruteurs sont généralement des adolescentes qui ont un faible caractère, très peu de culture religieuse, et qui sont donc plus facilement manipulables. Plus prosaïquement, une sociologue du cru explique cette attraction de l'aventure syrienne par le désir de fonder un foyer, après une déception sentimentale et avec un djihadiste, perçu comme le mari idéal.
    Quant aux parents, ils font le plus souvent semblant de ne rien voir et jouent les étonnés, lorsque leur progéniture verse dans le terrorisme actif ou dans les réseaux de soutien au terrorisme. Quand ils ne protestent pas de l'innocence de leurs enfants qu'ils «n'ont pas élevés comme ça», les parents se réfugient dans le déni habituel et dans un argumentaire plus propice à nourrir l'islamophobie qu'à la désarmer. Lorsqu'un imam saoudien emmène sa jeune et troisième épouse faire une «omra» à La Mecque, en guise de voyage de noces, et pour rendre grâce au ciel, cela peut faire sourire. Et quand, il profite de l'absence momentanée, avec sa permission, de la troisième, pour en épouser une quatrième, il peut, à bon droit, remercier Dieu pour ces justes et légales noces. Nous sommes libres aussi de nous offusquer de cette goujaterie, à laquelle on associe sans sourciller la divine providence.
    Mais on notera que ceci se passe à l'intérieur des frontières d'un pays d'Islam, même si c'est celui d'un Islam contestable, l'essentiel étant que notre huile ne déborde pas de notre semoule. Il importe surtout de ne pas s'évertuer à partager une certaine folie avec autrui et avec les gens qui y sont habituellement réfractaires, de surcroît. Mais si le même illuminé quitte la citadelle pour s'installer en Australie, pays de tradition chrétienne et laïque et qu'il y ouvre une «école islamique» pour y enseigner que le sprint fait courir aux filles le risque de perdre leur virginité, il y a comme un non-sens, pour ne pas dire hérésie.
    Et pourtant, ils l'ont fait, les adeptes et exportateurs du wahhabisme, tellement sûrs d'eux et assurés de notre passivité ou soumission, qu'ils sèment à tous vents les graines de l'islamophobie. Au risque de nous condamner à récolter.
    A. H.
    Ahmed HALLI
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    Post Remèdes miracles d'ici et d'ailleurs

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    Chronique du jour
    11 Mai 2015

    Remèdes miracles d'ici et d'ailleurs


    Par Ahmed Halli
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    L'image est saisissante : on y voit un jeune chameau tétant sa maman, et au premier plan un jeune garçon qui boit le contenu d'un gobelet métallique. Le titre de l'article «La guérison par les mythes», ou les remèdes de la superstition, indique d'emblée le contenu du gobelet que tient l'enfant. C'est l'illustration qu'a choisie le quotidien égyptien Al-Wafd, pour son article consacré aux derniers avatars des remèdes miraculeux, comme l'urine de chameau. Un vaste et ancien sujet, plus inépuisable qu'une vessie, mais avec des relents de bêtise ou d'ignorance, adjacents. Comme ces deux calamités du siècle se propagent irrésistiblement dans le monde arabe, il n'est pas étonnant que la pisse de chameau, comme on dit vulgairement, trouve de plus en plus d'adeptes. Pourtant, note le quotidien du Caire, les théologiens d'Al-Azhar eux-mêmes, qui n'ont pas une réputation de modernistes enragés, ont mis en garde contre cette façon de se soigner. Ils estiment que cette pratique est condamnable, et qu'elle doit être assimilée à un délit et jugée comme telle, sans toutefois remettre en cause le hadith sur lequel s'appuient ses défenseurs. Ces derniers sont, en effet, prompts à brandir l'arme de l'anathème, en arguant que le Prophète a non seulement conseillé cette cure, mais qu'il l'a expérimentée sur sa personne.
    Al-Azhar a eu beau répliquer que ce qui est valable pour les prophètes ne l'est pas nécessairement pour leurs ouailles, mais en pure perte tant qu'un prophète sommeillera en chaque musulman ! Al-Wafd, journal du parti du même nom, souligne d'ailleurs que la consommation d'urine de chameau s'est accrue, s'est développée après les «révolutions arabes», avec la montée des courants fondamentalistes. C'est ainsi qu'en Tunisie, un imam a consacré son sermon du vendredi à ce thème, et a incité les fidèles à adopter ce remède, considéré comme une «tradition certifiée». Quant aux médecins, ils y voient un danger potentiel, avec certaines substances dangereuses, comme l'urée, présente en grande proportion dans l'urine de chameau. Un scientifique égyptien a même émis l'hypothèse que sa consommation pourrait être à l'origine du coronavirus qui sévit au Moyen-Orient. Mais comme les charlatans, et autres guérisseurs faiseurs de pluie, ne sont jamais à court de ressources, ils proposent un autre remède performant, le venin d'abeille. Comme ils ne répugnent pas à mettre la barre très haut, pour les besoins de leur cause, nos «apiculteurs toxiques» se réfèrent directement à un verset coranique.
    Ce verset proclame, en effet, que l'abeille ne donne pas seulement du miel, mais d'autres liquides de différentes couleurs. Et nous voilà partis pour nous exposer aux piqûres d'abeilles, dans l'espoir d'une guérison miraculeuse, que la médecine moderne n'a pas (encore) obtenue ! Pour l'heure, le promoteur du venin d'abeille, Nadjib Bassiouni cité par le quotidien, ne donne pas de détails sur les maladies concernées par le remède. Il se contente de réciter le verset décisif, en affirmant que des études étaient actuellement menées sur les indications thérapeutiques du produit, et qu'un rapport serait transmis dans ce sens au ministère de la Santé. Toutefois, le quotidien a retrouvé un «patient», Magdy Ibrahim du Caire, qui a utilisé cette thérapie pour traiter une hernie discale. Il a raconté que sur les conseils d'un ami, il s'est rendu chez un guérisseur du Delta, qui lui a infligé la première fois trois piqûres d'abeilles, augmentant progressivement les doses lors des séances suivantes. Au bout de la quatrième séance, et avec l'augmentation de ses douleurs, Magdy Ibrahim a décidé d'arrêter la cure. Il avait d'autant plus perdu confiance en le guérisseur qui lui vendait à l'issue de chaque séance d'inoculation un flacon contenant du vinaigre de pomme (!!!), au prix de 20 livres égyptiennes l'unité.
    Al-Wafd cite encore le cas d'un vétérinaire du Fayoum qui traite aussi la hernie discale, mais en utilisant un bout de bois, préalablement lissé, avec lequel il exerce des pressions sur les régions lombaires atteintes. Là aussi, il n'y a pas de guérison miraculeuse, mais à la décharge du vétérinaire qui utilise cette technique, il n'y a pas de justificatifs religieux, à l'appui de l'enseigne. Il y a aussi une médication que l'on voit apparaître depuis quelque temps sur les réseaux sociaux et qui est destinée apparemment à susciter des vocations terroristes, par l'apologie des extases de l'Au-delà. Dans une vidéo, actuellement très partagée, on voit un imam wahhabite décrire avec force détails comment le pensionnaire du paradis est ardemment sollicité. Ainsi, de la première des houris aux grands yeux à la 72e, le bienheureux, qui peut désormais se passer de la petite pilule bleue, suit un itinéraire amoureux torride, mais en toute légitimité, et en tout bien. Aux dernières nouvelles, il semblerait que cette vidéo, exclusivement destinée aux libidos sunnites, et uniquement aux mâles pour dissiper toute équivoque, ait aussi exercé un effet néfaste sur certains chiites. La semaine dernière, un policier iranien, sans doute impatient d'avoir un avant-goût des délices promis sur les bords du Kawthar, s'est pris à rêver de houris, alors qu'il interrogeait une femme kurde. Pour échapper au viol, la jeune fille n'a eu d'autre ressource que de se jeter du quatrième étage de l'immeuble où elle se trouvait, préférant mourir que d'assouvir les désirs de son geôlier. Du coup, une vague d'indignation a soulevé la communauté kurde, répartie sur les quatre pays de la région, et le régime policier des ayatollahs est à nouveau montré du doigt. Les chiites méritent d'autant plus la condamnation et l'opprobre, qu'ils n'ont pas besoin, eux, d'attendre le trépas pour accéder aux houris. Ils ont déjà le mariage de jouissance, interdit aux mâles sunnites, en plus de tout ce qui est interdit à leurs femmes, sur terre comme au ciel.
    A. H.
    Dernière modification par zadhand ; 11/05/2015 à 22h59. Motif: Remèdes miracles d'ici et d'ailleurs
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    Post Al-Kawakibi revient en catimini

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    Chronique du jour
    18 Mai 2015
    Al-Kawakibi revient en catimini



    Par Ahmed Halli
    [email protected]




    L'événement a eu lieu à Paris, où la plupart des grands médias arabes ont pignon sur rue, mais comme il n'était pas question de contrats du siècle, il est passé pratiquement inaperçu. Il faut dire que les organisateurs aussi ont opté pour la discrétion élitiste, pour ne pas dire la clandestinité, puisqu'une centaine de personnes seulement avait été conviée à la fête. La cérémonie, qui a eu lieu le 21 avril dernier, a été celle du baptême pour la Fondation Abderrahmane Al-Kawakibi, pour une réforme de l'Islam, un nom prestigieux pour une cause ambitieuse, mais. Abderrahmane Al-Kawakibi (1855-1902) est ce penseur syrien qui a osé défier le régime ottoman, et proposé une alternative à son pouvoir. Il a d'abord exprimé son hostilité au pouvoir absolu du sultan ottoman, et publié ses propositions réformistes dans une revue qu'il a fondée à Damas, avant son emprisonnement durant une quinzaine d'années. C'est pendant son séjour dans les geôles de Damas, que le penseur a rédigé ou mis en forme la somme de ses réflexions plus sulfureuses aujourd'hui qu'elles ne l'étaient hier. Elles sont exposées dans deux ouvrages, Oum-Al-Qur, et Caractéristiques du despotisme, publiés au Caire, peu après sa mort, par empoisonnement. Du temps des ancêtres politiques d'Erdogan, la haine des opposants et des innovateurs ne s'arrêtait pas à l'emprisonnement, pour faire taire les contradicteurs.
    Quant à ceux qui viennent de reprendre le flambeau et ont choisi Al-Kawakibi comme étendard et comme source d'inspiration, ils sont d'autant plus crédibles, qu'ils ne sont pas issus du sérail dominant du moment. Promoteur de l'initiative, par vocation dirait-on, puisqu'il a été un temps chargé de communication du New-York Herald Tribune, Felix Marquardt est un nouveau venu en Islam. Par expérience, nous savons très bien à quel point la parole et l'influence d'un nouveau venu en Islam peuvent peser dans la balance. Personnage controversé et entouré d'un halo de mystère, cet Américain aisé s'est, en effet, converti à la religion musulmane en 2004 et il est pratiquant depuis 2014, comme il le précise lui-même. Il s'est d'abord fait connaître en février dernier, en France, en lançant un mouvement «Khlass», (ça suffit) sur le modèle des initiatives similaires connues dans le monde arabe. Dans la foulée, il a lancé l'idée de la Fondation Al-Kawakibi qui a l'ambition d'organiser en 2016 la première édition du Forum mondial de la réforme islamique. Avec le projet, la fondation s'est donné un visage ou des visages, avec l'adhésion de théologiens et d'universitaires, plus ou moins connus, et qui prônent un Islam éclairé. Ce sont ces cinq autres cofondateurs qu'un public privilégié a découvert pour la première fois ce mardi 21 avril 2015.
    Au contraire de Felix Marquardt, Ghaleb Bencheikh n'est pas un nouveau visage dans le paysage musulman et celui de l'Islam de France en particulier, puisqu'il est le fils de l'ancien recteur de la Mosquée de Paris et le frère de Soheib, l'actuel recteur de la Mosquée de Marseille. Il est aussi connu comme l'animateur d'une émission hebdomadaire sur l'Islam diffusée par une chaîne publique française. A ses côtés, nous trouvons un imam (en charge de la Mosquée d'Ivry), Mohamed Bajrafil, et un universitaire islamologue, Omero Marongiu-Perria. Quant au sixième, venu de Vienne, ce n'est autre que le fameux Adnane Ibrahim, enseignant et imam en Autriche, sans doute le plus sujet à polémique. Dans ses prêches et ses conférences, très largement diffusés sur YouTube, Adnane Ibrahim s'attaque de front à certaines idées reçues et à certaines absurdités propagées sur l'Islam et sur ses grandes figures. C'est ainsi qu'il n'hésite pas à incriminer certains compagnons dans les assassinats des premiers dirigeants de la communauté, comme Othmane, Omar, ou Ali. Aux théories et aux vérités qu'il assène, ses adversaires et ses détracteurs l'accusent régulièrement d'hérésie chiite, étiquette commode et en vogue.
    Le projet de réforme islamique défendu par la fondation et conforme à l'esprit qui animait Al-Kawakibi appelle à se recentrer sur une saine et intelligente compréhension de la révélation. Pour Ghaleb Bencheikh, qui l'exposait dès janvier 2015 dans une tribune, il s'agit de s'atteler à une «refondation de la pensée théologique», plutôt qu'à de simples réformettes. Et il ajoutait : «Le discours incantatoire ne règle rien. Ce n’est plus possible de pérorer que l’Islam, c’est la paix. Bien que nous connaissions la miséricorde enseignée par sa version standard, c’est aussi une compréhension obscurantiste, passéiste et rétrograde d’une partie du patrimoine calcifié qui est la cause de tous nos maux. Il faut la dirimer. Nous ne voulons pas que la partie gangrène le tout.» Ces fondamentaux se retrouvent d'ailleurs dans le texte élaboré et signé par les six personnalités de l'initiative Al-Kawakibi. L'influence du penseur est présente dans le discours des fondateurs, et notamment :
    - l'appel à la connaissance, à l'acquisition de la science et à la maîtrise du savoir ;
    - la primauté des principes de liberté fondamentale, de justice sociale et de respect du droit ;
    - l'ouverture au monde et à l'altérité, notamment confessionnelle ;
    - le respect et la célébration de la vie ;
    - l'égalité entre hommes et femmes qui nous impose de rompre avec la phallocratie maladive qui caractérise nos sociétés afin que les femmes reprennent la place qui leur est due dans la Cité et d'en finir avec la discrimination et la marginalisation religieuses et sociales dont les femmes sont victimes. De belles perspectives, notamment la dernière, mais qui apparaissent bien lointaines, au regard de ce qui se passe quotidiennement dans le monde arabe, même si les signataires notent, au passage, que trois musulmans sur quatre ne sont pas arabes. Il suffirait d'ajouter que dans le monde où nous vivons, et grâce aux pétrodollars, quatre musulmans sur quatre sont sous influence wahhabite, ou en voie de l'être. Attendons donc le forum de 2016, sans trop nous illusionner sur ses chances de succès et sur ses retombées positives, ailleurs que sur le jardin clos d'un humanisme de l'Islam, à ressusciter. Ce qui relève du miracle, donc ...
    A. H.
    Ahmed HALLI
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    Post Un siège plus grand pour la Ligue arabe

    Kiosque
    Chronique du jour
    25 Mai 2015
    Un siège plus grand pour la Ligue arabe

    Par Ahmed Halli
    [email protected]

    Humour égyptien : l'ex-président Morsi, issu du mouvement des Frères musulmans, va être jugé pour «outrage à magistrat», risquant ainsi une lourde amende, voire une peine de prison sévère. Ceci, sachant que Morsi est déjà condamné à mort pour son évasion «illégale» et mortelle lors de la «révolution» de janvier 2011, de la prison du Caire où l'avait enfermé Moubarak. Théoriquement, Morsi et ses compagnons devraient être exécutés, après l'avis favorable du mufti de la République, conformément à la tradition égyptienne, scrupuleusement respectée. Quant aux actes terroristes qui se commettent actuellement en Égypte, au nom de Morsi et du mouvement des Frères musulmans, l'ex-président ne peut pas en être accusé, l'alibi de la prison jouant à fond. De plus, les dirigeants islamistes d'Égypte, relayés par leurs porte-voix arabes, ne cessent de protester de leur pacifisme, pendant que leurs troupes tuent sans désemparer. Et puis, pourquoi se casseraient-ils la tête à nier des crimes qui sont désormais revendiqués, séance tenante, par le nouveau bras armé de l'islam politique, j'ai nommé Daesh ? Pourquoi les nouveaux «soldats de l'islam» se priveraient-ils d'occuper des espaces que la géographie et l'idéologie, ainsi que la grande stratégie de Washington leur livrent sans coup férir ?
    Humour onusien : le Conseil de sécurité des Nations-Unies décrète que Daesh, ou l'État islamique doit être vaincu (!!), et ce alors que Palmyre (Tadmor) est tombée comme un fruit mûr. La cité de la reine Zénobie était, depuis des mois, sous la menace des milices islamistes, sans que les Occidentaux s'en émeuvent et tentent de l'enrayer. Du côté des potentats locaux qui condamnent du bout des lèvres les crimes et destructions des islamistes, on sait quel genre de patrimoine et quels trésors de l'humanité les intéressent. Pour leur part, les coalisés occidentaux obéissent à une tactique qui tient en quelques mots : attendre et voir venir, traduction libre du célèbre «wait and see» anglo-saxon. Cet attentisme a été confirmé par les déclarations du sénateur américain, John McCain, qui a affirmé que 75% des avions de la coalition ne faisaient que des vols de routine et ne lâchaient pas une seule bombe. De là à suggérer que ces appareils battaient des ailes, en signe d'amitié, lorsqu'elles survolaient une colonne de Daesh... Avec la chute de Ramadi en Irak et le phagocytage de l'opposition armée syrienne par les milices islamistes pro-Daesh, on voit se dessiner les contours de cet État islamique, mobile et extensible à volonté. Du coup, la thèse d'un plan de l'architecte américain en vue d'agrandir le siège de la Ligue arabe, pour y accueillir encore plus d'Etats, se précise.
    Les actuels membres risquent, en effet, de s'y sentir bientôt à l'étroit, avec l'afflux de nouveaux adhérents.
    Pour le chroniqueur égyptien Ahmed Meslamani, considéré à juste titre comme l'héritier du grand Hamdi Qandil, la théorie du complot américain pour redessiner la carte du monde arabe ne fait aucun doute. Il a affirmé ce samedi sur le plateau de la chaîne satellitaire Al-Hayat que l'objectif était sans nul doute de faire de Daesh une «grande puissance» dans la région. Il a rappelé qu'en l'état actuel des choses, la moitié de la Syrie était entre les mains de l'État islamique, alors Baghdad était désormais à une heure de route seulement de Ramadi, bastion avancé de Daesh. Notre confrère s'est étonné que ces conquérants aient pu mener une nouvelle «guerre des Six Jours», en battant l'armée syrienne et l'armée américaine en moins d'une semaine. «Qui est cette puissance extraordinaire qui peut battre deux armées et conquérir deux villes stratégiques de façon quasi simultanée ?» Si ce n'est pas dans ce but, «on ne comprendrait pas pourquoi depuis un an, les États occidentaux, Washington en tête, ne font rien depuis un an pour s'opposer aux avancées et aux conquêtes de l'État islamique», a affirmé Ahmed Meslamani dans son émission «Sawt-Al-Kahéra» (la Voix du Caire). Le raisonnement est logique, mais il pèche par omission, car lorsque le journaliste évoque la complicité entre Daesh et l'Occident, il met de côté le rôle de l'Arabie Saoudite. Il est vrai qu'on ne peut pas trop demander à un défenseur affirmé du partenariat stratégique entre l'Égypte et le royaume wahhabite.
    Quant à la «victoire» militaire des islamistes à Palmyre (Tadmor), elle ne serait pas due à une supériorité militaire des assaillants, mais à un repli tactique des troupes syriennes, selon le magazine en ligne Transparency.
    Ce dernier affirme, en effet, que Bachar Al-Assad, moins soucieux d'archéologie et d'histoire que de survie de son régime, a décidé de concentrer son effort de guerre sur le «pays utile». Damas aurait donc donné l'ordre à son armée d'opposer une résistance de pure forme, avant d'évacuer la ville avec armes et bagages. Du même coup, Assad met les puissances occidentales au pied du mur en laissant Daesh s'emparer de la ville antique et s'employer à détruire ses sites historiques.
    Un scénario presque identique aurait présidé à la chute de Ramadi, en Irak, puisque les militaires américains eux-mêmes ont affirmé que l'armée irakienne s'était retirée sans combattre. C'est le commandant en chef du corps d'armée, chargé de défendre la ville, qui a décidé d'opérer un retrait et de se positionner sur un site plus facile à défendre. Seulement, et contrairement aux Syriens, les soldats irakiens ont «oublié» là aussi une quantité impressionnante de matériels militaires. Sans doute, est-ce le prélude à une autre intervention iranienne plus massive et plus directe, avec la bénédiction de Washington, bien sûr.
    A. H.


    A. H.
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    Post Quand Al-Azhar courtise Marine

    Kiosque
    Chronique du jour
    01 Juin 2015
    Quand Al-Azhar courtise Marine

    Par Ahmed Halli
    [email protected]


    Vespasien, l'empereur romain qui avait institué une taxe sur les urinoirs publics, avait coutume de dire à ceux qui lui reprochaient ces bas calculs que l'argent n'avait pas d'odeur. Il a donné son nom à ces édicules qu'on pouvait rencontrer autrefois dans les rues d'Alger, avant qu'ils ne soient transformés en fast-food. Certes, l'argent n'a pas d'odeur, mais il prend des couleurs et des épithètes selon les circonstances : il est sale, ou frais, selon qu'on se fasse attraper ou non. Il lui arrive aussi d'être honnête et de surfer sur les règles morales, comme lorsqu'on dépense sans états d'âme l'argent de la «vieille», sa mère, ou celui de sa sœur aînée, ou cadette. Dans le cas de la sœur, et pour profiter sans remords de son argent licite, il est recommandé de prendre l'avis de la congrégation du voile et de la jupe longue, arbitre des élégances locales. Une fois cette question préalable réglée, et pour peu que vous respectiez les horaires des mosquées et suiviez les conseils éclairés de votre imam, vous pouvez vous en rouler un. Et ne vous laissez pas arrêter par la crainte de l'odeur, puisque l'argent dépensé pour l'achat du «shit» n'en a pas, et c'est Vespasien qui le dit ! L'odeur, l'argent en a si peu qu'il attire même les plus racistes, ceux que ne peuvent pas sentir les Arabes, et devraient donc être insensibles, du point de vue des allergologues, à celui qui est dans les poches arabes. Et puis, disons-le tout net : les racistes savent distinguer l'Arabe utile et fréquentable, prêt à dépenser des milliards pour se faire aimer, l'Arabe de l'Orient, de la rente pétrolière, pour nous résumer. Quant à l'autre Arabe, celui du Maghreb, il ne passe pas, même avec des pétrodollars, et c'est, semble-t-il, irrémédiable, même si les Marocains s'obstinent à croire le contraire. Ainsi, lorsqu'une certaine Le Pen, pas Marine l'autre, envoyait du lait en Irak assiégé dans les années 90, les militants du FN chassaient l'Arabe maghrébin, sur les quais de la Seine. Nous, on compte pour du «beur», dirait notre ami Farid Mammeri, spécialiste reconnu du jeu de mots, en plus de son talent de peintre. Ne nous attardons pas sur les Américains qui sont anti-arabes, parce que violemment pro-israéliens, lorsqu'ils ont le pouvoir, et qui cèdent aux envoûtements de l'Orient, dès qu'ils sont libres de tout mandat. Le cas qui nous intéresse présentement est celui de Madame Marine Le Pen, reçue dernièrement au Caire, et plus précisément à Al-Azhar. La présence de Marine Le Pen au Caire est déjà un affront et un coup de Jarnac pour nous Algériens, mais sa réception par le recteur d'Al-Azhar et les propos qu'il lui a tenus, cela confine au scandale. On aurait aimé que cheikh Tayeb lui dise, avec la même gentillesse, qu'elle ne devrait pas, ainsi que ses sympathisants, cracher son venin sur «nos frères Algériens». Car, c'est bien ainsi que vous nous appelez, Monsieur le Recteur, ce dont nous vous savons gré, et il nous arrive souvent de vous considérer, nous aussi, comme des frères, surtout lorsque vous avez des malheurs. Pourtant, et d'après vos propos tels que rapportés dans les journaux, vous n'avez rien dit à Marine Le Pen de l'idéologie raciste de son parti et de sa haine pour notre guerre de Libération. Une guerre durant laquelle l'Egypte nous a beaucoup soutenus, avant de nous aider plus tard à prendre le mauvais chemin, et nous ne vous en tenons pas rigueur. Mais dire à Madame Le Pen, en mai 2015, et avec ce que vous savez, qu'elle devrait être plus gentille avec l'Islam, alors que l'Islam est bafoué jusque sous vos fenêtres, voilà qui est intolérable ! Autrement dit, soyez un peu plus indulgente avec l'Islam voilé, Madame Le Pen, et en contrepartie, nous vous laissons libre de massacrer, au propre et au figuré, les Algériens, avec ou sans barbe, avec ou sans hidjab ! Allô, la Ligue arabe ! Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est en religieux que cheikh Tayeb s'est exprimé et qu'il a voulu parler de l'islamophobie, alors que tout le monde sait que la célèbre université est un créateur d'islamophobie. Au même titre que ceux qui ont noyauté Al-Azhar et qui commettent des attentats en Égypte et ailleurs, au même titre que ceux qui réduisent l'Islam à un accoutrement vestimentaire. Reprocher à Marine Le Pen ses propos désobligeants sur l'Islam, c'est faire fi de tout le reste, de ces affinités meurtrières qui existent entre le Front national et Daesh, entre Daesh et les Frères musulmans, entre ces derniers et nos «frères» scrutateurs de jupes. Et c'est précisément à cette institution d'Al-Azhar que le Président Sissi a demandé en janvier dernier de réformer le discours religieux, voire de provoquer une véritable révolution en Islam. Le discours de Sissi reprochant aux théologiens de l'institution millénaire leur conservatisme et leur passivité face à la violence islamiste a certes agréablement surpris, mais à l'intérieur d'Al-Azhar, rien n'a changé. Notre confrère égyptien Sammy Al-Buhaïri se dit sceptique sur les chances de voir les théologiens de son pays remettre en cause les dogmes sur lesquels ils vivent, au risque de perdre leurs privilèges. «Ils n'ont rien à donner, puisqu'ils ne possèdent rien, sauf à jeter de la poudre aux yeux», dit-il, ou bien donner un tour de vis supplémentaire, comme ils l'ont fait récemment en censurant une émission religieuse sur la chaîne Al-Kahéra Wal-Nass (sur laquelle nous reviendrons). Sur le même sujet, Nouara Negm, qui a repris ses chroniques dans le journal Al-Yawm Al-Sabaa, est catégorique : «La clé du progrès ou de la rénovation du discours religieux, dont parle le Président (Sissi), c'est la femme et sa place dans la société et dans la loi. Ce qui implique de mener des batailles difficiles, car dans les sociétés archaïques, on croit seulement à l'efficacité de la religion comme moyen d'oppression de la femme.» La fille du poète Fouad Negm qui porte le hidjab, sans se sentir le moins du monde ligotée par lui, affirme que l'homme qui fait violence à sa mère, à sa sœur et à son épouse, est également capable de violence à l'égard de son pays. Et la répression et l'oppression de la femme ne produisent pas des sociétés modernes et civilisées, ajoute-t-elle.
    A. H.
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    Post Un minaret pour le muezzin Mansour

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    22 Juin 2015
    Un minaret pour le muezzin Mansour

    Par Ahmed Halli
    [email protected]


    Ahmed Mansour, Égyptien d'origine, Britannique par naturalisation, Qatari par vocation, l'un des présentateurs vedettes de la télévision Al-Jazeera vient d'être arrêté par les autorités allemandes. Animateur de deux émissions phares, «Un témoin du siècle», et «Sans frontières», il est accusé de kidnapping et de viol, selon les termes du mandat d'arrêt international lancé contre lui par la justice égyptienne. Appréhendé par la police allemande, samedi dernier à son arrivée à l'aéroport de Berlin, il devait être présenté hier devant la justice allemande, pour qu'elle statue sur son extradition vers l'Égypte. Du coup, Al-Jazeera a mobilisé tous ses moyens, pour ameuter l'opinion et accuser l'Allemagne de complicité avec le régime égyptien. Ancien étudiant en littérature, et muezzin occasionnel, Ahmed Mansour est surtout connu comme un militant du mouvement des Frères musulmans. C'est à ce titre, d'ailleurs, qu'il est poursuivi, et ce, pour avoir participé, avec un groupe de militants islamistes, au kidnapping d'un avocat égyptien, Oussama Kamal, et aux exactions physiques exercées à son encontre. Les faits se seraient déroulés lors des journées révolutionnaires de 2011 qui aboutirent à la chute de Moubarak, et à la prise du pouvoir par les Frères musulmans. Ces derniers avaient d'abord pratiqué la contre-révolution en attaquant les manifestants de la place Al-Tahrir, avant de tourner casaque et de surfer sur la vague révolutionnaire.
    En octobre 2014, Ahmed Mansour avait été condamné à 15 ans de prison, pour avoir séquestré et torturé l'avocat Oussama Kamal, sous prétexte qu'il était un agent de l'ancien régime. Ont participé notamment aux sévices commis sur la victime des dirigeants Frères musulmans, comme Ahmed Baltagi, le bien nommé, Safwat Hedjazi, le téléprédicateur, outre Ahmed Osman, qui avait fourni certains instruments de torture. Mû sans doute par une impulsion professionnelle irrésistible, le journaliste avait filmé les scènes, pour les exploiter plus tard, à des fins de propagande, a contrario. Le journaliste prêcheur de la chaîne qatarie ne porte pas la barbe drue et fournie de ses compagnons d'armes, mais entretient soigneusement une barbe de plusieurs jours. Il ne cache pas depuis très longtemps son appartenance au mouvement des Frères musulmans, dont il est l'un des porte-voix et harangueurs attitrés. C'est ainsi qu'il a joué un rôle actif dans le soutien et la médiatisation des pseudo-révolutions arabes, et il s'était signalé en particulier par sa remise en cause du résultat des élections présidentielles de 2014 en Tunisie. Oubliant le coup d'État qui s'était déroulé sous ses fenêtres au Qatar, il avait, en effet, qualifié la victoire électorale de Béji Caïd Essebci de «putsch par les urnes». La chaîne Al-Jazeera avait présenté ses excuses, à la suite d'un mouvement de protestation de ses journalistes tunisiens, sans toutefois remettre en cause la liberté de parole et de dérapage du militant islamiste.
    Comme attendu, l'accusé a clamé son innocence et crié au coup monté, relayé par sa chaîne et par les canaux d'expression habituels du mouvement des Frères musulmans. Toutefois, si la presse égyptienne évacue l'accusation de viol par la formule parlant «d'atteinte à l'honneur», elle est plus précise sur le reste. C'est Ahmed Mansour en personne qui aurait ligoté la victime, avant sa séquestration dans l'un des locaux d'une agence de voyages. De plus, le quotidien Al-Wafd fournit des détails concernant un vol commis par le journaliste, quand il était étudiant, à l'Université de Mansourah. Les faits remontent à 1983, lorsqu'il avait cambriolé le domicile d'un concitoyen égyptien et lui avait dérobé plusieurs objets et effets personnels. L'affaire avait été réglée à l'amiable, sur l'intervention de notables locaux, et la personne cambriolée avait retiré sa plainte, après qu'Ahmed Mansour ait restitué les objets volés à leur propriétaire légitime.
    À titre de preuve, le quotidien publie un facsimilé d'une lettre des responsables de la faculté, sollicités par la police, afin qu'ils donnent leur avis sur le comportement de l'étudiant. La lettre sollicite l'indulgence de la justice, en rappelant que le voleur avait restitué son butin et que le plaignant avait renoncé à le poursuivre, pour ne pas compromettre son avenir.
    La lettre de la faculté est accompagnée d'un rapport en annexe qui fait état du mauvais comportement et de la moralité douteuse de l'intéressé, ajoute le quotidien Al-Wafd. Les journaux égyptiens fustigent, par ailleurs, le comportement du Qatar qui vient de naturaliser in extremis son employé. La Turquie, qui mène campagne contre le nouveau régime égyptien et réprime ses journalistes, fait mine de vouloir octroyer une quatrième nationalité à Ahmed Mansour. Ce dernier vient de recevoir le soutien attendu de l'ancien Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, membre du mouvement Ennahdha, dont l'animateur de télévision était fervent partisan. L'ex-chef du gouvernement de transition tunisien a demandé à l'Allemagne de ne pas extrader le journaliste vers l'Égypte, et il devrait certainement être entendu. Quant aux commentateurs égyptiens qui s'extasient sur la victoire diplomatique de Sissi, conséquence de sa récente visite en Allemagne, ils devraient vite déchanter. Ceux qui ont fait arrêter un propagandiste des Frères musulmans, nanti d'une carte de journaliste, rendent un service inespéré aux adversaires de la liberté. Plus dangereux encore que le terrorisme islamiste, il y a ceux qui fournissent des arguments et des armes inespérés à ce même terrorisme.
    S'il est encore dans une cellule en Allemagne, Ahmed Mansour doit exulter et apprécier en muezzin accompli la hauteur et la portée du minaret qui vient de lui être offert, en plein Ramadhan.

    A. H.
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    Post Sansal et Salem, parias de leur temps

    Kiosque arabe
    Chronique du jour
    28 Septembre 2015
    Sansal et Salem, parias de leur temps

    Par Ahmed Halli
    [email protected]




    Par Ahmed Halli
    [email protected]


    Lorsqu'on évoque Ali Salem,l'écrivain satirique égyptien, décédé la semaine dernière, et notre grand écrivain, Boualem Sansal, on pense tout de suite «Ils ont fait le voyage en Israël.» Ils auraient pu y aller, et «se la fermer», c'est le cas de nombreux confrères, plus ou moins équipés ou démunis, mais ils ont aggravé leur cas, comme dirait l'un de nos vigiles.
    Boualem Sansal était un auteur encensé, voire adulé, même avec le petit couac de son roman Le village de l'Allemand, puis est venu son voyage de 2012 en Israël, qu'annonçait pourtant entre les lignes son autre grand roman Rue Darwin. Il est parti en Israël, mais sans se cacher ni faire du tapage médiatique, comme celui organisé récemment par la chaîne Al-Jazeera, sur l'esplanade des Mosquées, pour l'une de ses icônes. Au retour de ce voyage-pèlerinage, il a publié, sur son blog, un premier récit intitulé «Je suis allé à Jérusalem… et j'en suis revenu riche et heureux».
    Le titre à lui seul suffisait à déchaîner les foudres, et le texte était à l'avenant puisqu'il était question de rencontres amicales avec les «autres» et d'arrêts spirituels et historiques. L'écrivain a, en effet, visité à Al-Quds les trois hauts lieux du monothéisme, à savoir le «Mur des Lamentations», le «Saint-Sépulcre», et le «Dôme du Rocher». Il sème par-ci par-là des petites phrases, qui ne sont pas nécessairement de son cru, mais qui ont ici une autre résonance. «Je me disais aussi que la paix était avant tout une affaire d'hommes, elle est trop grave pour la laisser entre les mains des gouvernements et encore moins des partis», écrit-il à propos de l'avenir de la région, au détour d'un chapitre. Il se fait prendre en photo aussi, et comme il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, seules celles le montrant sur «Le Mur» ont envahi les réseaux sociaux. Le voilà assimilé à Moshé Dayan !
    Ali Salem, auteur de l'inoubliable pièce de théâtre Madrassat Al-Mouchaghibine(1), ou L'école des turbulents, a ensuite défrayé la chronique en soutenant le voyage de Sadate à Al-Quds. D'aucuns auraient pu parler de sens des opportunités, voire d'opportunisme, puisque l'époque s'y prêtait, et que de grands écrivains et artistes avaient apporté leur caution, sinon leurs silences. Avec Moubarak qui a scrupuleusement respecté les accords de Camp David et astucieusement pris ses distances avec Israël, Ali Salem aurait pu «se la fermer», mais allez donc ! L'éminent dramaturge, qui n'a pas oublié l'école des turbulents et des trublions qui l'a formé, choisit de lancer un nouveau pavé dans la mare, en se rendant en Israël, «pour mettre fin à la haine», selon ses propres mots. Il choisit d'effectuer son voyage dans la foulée des accords d'Oslo, entre Israéliens et Palestiniens, et il en renvient avec un livre plutôt flatteur pour les premiers. Son récit Voyage en Israël est une provocation insupportable pour les intellectuels égyptiens, y compris et surtout les plus progressistes d'entre eux, profondément hostiles à Israël, et pour cause.
    Au lieu «d'exorciser la haine», comme il le voulait, Ali Salem la retourne contre lui et il est descendu en flammes par tous ses pairs, opposés à la «normalisation» avec Israël. Avec les années, la fureur autour de lui s'est quelque peu estompée, mais l'écrivain n'a pas cessé de défendre ses convictions et de se faire l'avocat du diable, en plaidant pour cette «normalisation» décriée. Évidemment, les Israéliens n'ont pas manqué de remuer la fibre sensible, profitant même de son décès pour en rajouter une couche. Dès l'annonce de son décès, l'ambassade israélienne au Caire s'est empressée de rendre un hommage appuyé à Ali Salem. Pour ne pas être en reste, le porte-parole du gouvernement sioniste a imploré que «Dieu l'accueille dans Son Vaste Paradis», selon la formule consacrée, ce qui n'est pas de bon augure. Ce qui est remarquable aussi et réconfortant d'une certaine manière, c'est la réaction des Égyptiens eux-mêmes et le respect quasi-unanime qu'ils vouent à l'écrivain disparu. Tous les commentateurs ont fait preuve de pudeur en passant sous silence le voyage d'Ali Salem en Israël et ses prises de position favorables à l'État sioniste. La seule tonalité un tant soit peu critique est à chercher dans l'article qu'a publié le quotidien Al-Tahrir et qui conclut ainsi : «l'Histoire jugera les œuvres théâtrales d'Ali Salem. Si ces œuvres sont belles, on oubliera ou on mettra de côté ses positions en faveur de la normalisation avec Israël. Mais si ses œuvres ne résistent pas aux effets du temps qui passe, l'Histoire l'évoquera seulement comme quelqu'un qui a défié les siens et a déserté Le Caire Nouveau et ses diablotins(2) pour aller en Israël et y amadouer les démons.»
    Ali Salem partageait aussi avec Boualem Sansal, en plus du statut de parias, une aversion quasi-viscérale pour l'intégrisme islamiste, grossissant davantage les rangs de ses adversaires et de ses détracteurs, tout comme notre écrivain. Cependant, et c'est à méditer, tous les Égyptiens sensés ont pleuré et pleurent Ali Salem, et aucun écrivain digne de ce nom n'a osé dire ou écrire que seuls les Israéliens le regretteront. Il y avait pourtant matière à dire, mais il est manifeste qu'en matière d'imitation, nous sommes encore loin du compte, puisque les rémouleurs actionnent déjà leurs machines à affûter, le regard braqué sur le portrait de Sansal.
    A. H.

    (1) La pièce jouée pour la première fois en octobre 1973 a tenu les planches durant plusieurs années avant d'être exploitée sur les télévisions des pays arabes. L'interprétation réunissait des comédiens hors du commun, comme Adel Imam, Ahmed Zaki, Saïd Salah, Hassan Mustapha, Younès Chalabi, tous disparus à l'exception du premier. J'ai gardé pour la fin la maîtresse, Suhair Albabali, parce qu'elle a tourné «casaque» depuis.
    (2) Allusion ici à l'une des pièces les plus connues de l'auteur Afarit Misr aldjadida,
    ou Les diablotins du Caire Nouveau.
    Atlas-HD-200 B102 B118
    Icone I-5000

    ZsFa

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