M6
La Rue des allocs ou l’impasse de l’abjection ?

MERCREDI, 17 AOÛT, 2016

M6 dégaine son nouveau feuilleton, adapté d’un format anglais qui a fait
scandale en 2014 la Rue des allocs. Le nouveau terrain de jeu de la chaîne
de Nicolas de Tavernost, c’est de taper sur les plus déshérités, tout en affirmant
qu’on veut les aider. À vomir. « Dis chéri, si ce soir on regardait les pauvres se
vautrer dans leurs allocs » ? Ça peut paraître violent, mais c’est, en termes plus
civilisés, l’invitation que fait M6 aux Français ce soir, en les conviant à regarder
son nouveau programme, la Rue des allocs. Un programme de « docu-réalité »,
où le spectateur est entraîné dans un mignon quartier d’Amiens, à la rencontre
de personnes qui n’ont que le RSA, ou des allocations diverses, pour vivre.
Le réalisateur, Stéphane Munka, s’y est plongé en immersion pendant quelques
mois, pour en tirer cinq épisodes de 52 minutes. Lui voulait montrer la misère.
Il n’a pas capté qu’il bossait sur M6, par aveuglement peut-être ? Ce qu’il en ressort,
au final, c’est évidemment un défilé ahurissant de personnages caricaturés.
Qui boivent, volent, truandent. Une vraie Cour des miracles. Parce que la caméra
n’est pas neutre, ni juste. Mais aussi et surtout parce que, lorsque M6 se lance dans
un tel projet, ce n’est pas par charité d’âme. La chaîne de Nicolas de Tavernost,
avec sa Rue des allocs, au titre si évocateur, n’a pas pour vocation d’informer.
Juste de divertir. Les pauvres sont une forme de spectacle, pas plus. M6 a exploré,
depuis le Loft en 2001, à peu près tous les formats mondiaux de la télé-réalité
le néant (le Loft), la famille (Super Nanny), la recherche ou la vente immobilière
(avec Stéphane Plaza), sans compter toutes les déclinaisons d’émissions culinaires,
de Top Chef à Un dîner presque parfait en passant par le petit dernier, Commis d’office,
où un quidam dénonce ni plus ni moins le plat infect confectionné par un proche à un
« grand » cuisinier. La chaîne s’est aussi fendue d’émissions sur le thème
« c’était mieux avant » (le Pensionnat de Chavagnes, Garde à vous), où l’on nous expliquait, en gros, que se faire humilier est un chouette programme éducatif. Enfin,
dans la toute dernière période, M6 a développé deux concepts autour du monde du
travail  Patron incognito, où un dirigeant d’entreprise se grime en employé de base
pour mieux choper les défauts des petits malins à son service.
Et The Apprentice, arrêté faute d’audience au bout de deux épisodes, où quatorze candidats devaient se battre pour obtenir un CDI. M6, c’est aussi la première chaîne
à avoir un magazine d’information, Capital, présenté par un dirigeant d’entreprise,
Bastien Cadeac, et non par un journaliste.