CE MONDE QUI BOUGE
09 Avril 2015



Syrie
Daesh décapite des Palestiniens

Par Hassane Zerrouky

Depuis mercredi, Yarmouk, dans la banlieue de Damas, à 8 km du centre de la capitale syrienne, est la cible de l’Etat islamique (EI) et de son allié le Front al-Nosra (branche syrienne d’Al Qaïda) qui veulent s’emparer de la totalité de ce camp. Leur objectif : faire de Yarmouk une place forte à partir de laquelle les djihadistes tenteront de lancer une offensive sur Damas.
Pour l’heure, Daesh et son allié al-Nosra ne contrôlent que les quartiers du centre, du sud, de l'est et de l'ouest de Yarmouk, alors que le nord et le nord-est de ce faubourg est encore sous contrôle palestinien. Les images diffusées par les djihadistes les montrant en train de brûler l’emblème national palestinien pour fêter leur victoire, veulent surtout accréditer l’idée d’une totale victoire. Qu’ils soient civils ou combattants, les Palestiniens, notamment les membres du Hamas, tombés entre les mains des djihadistes, sont impitoyablement exécutés. «J’ai vu des têtes coupées. Ils tuaient les enfants avant les adultes. Nous étions effrayés. Nous avions entendu parler de leur cruauté à la télévision mais quand nous les avons vus, je peux vous assurer que leur réputation n’est pas usurpée», assure un Palestinien ayant réussi à fuir le camp. Pire, des témoins affirment avoir vu les djihadistes jouer au ballon avec les têtes coupées ! Des méthodes qui rappellent celles utilisées par les milices de l’Irgoun en 1948-1950 pour chasser les Palestiniens de leurs terres. Aussi rien de surprenant qu’un vent de panique se soit emparéÒ‹ de la population civile.
Ce camp de Yarmouk, en fait il s’agit d’une ville, comparable à El-Harrach ou Hussein-Dey, avec des immeubles, des hôpitaux, des écoles et des commerces abritait quelque 200 000 Palestiniens avant le début du conflit syrien, en mars 2011. Aujourd’hui, en raison de ce conflit, il n’en reste que 18 000. Depuis l’été 2012, cette agglomération est le théâtre d’une bataille opposant les forces de Bachar al-Assad soutenues par des groupes armés palestiniens comme ceux du FPLP — commandement général d’Ahmed Jibril aux insurgés syriens, eux-mêmes soutenus par des groupes armés palestiniens comme Bayt al-Maqdas, proches du Hamas. De ce fait, Yarmouk, soumise jusque-là à un siège impitoyable par le régime de Damas, résume à elle seule toutes les contradictions et la complexité du conflit syrien et,
partant, palestinien.

Ironie de l’histoire, en cherchant à s’emparer de Yarmouk, les djihadistes de Daesh et du Front al-Nosra ont contraint les 14 organisations palestiniennes, divisées entre pro et anti-Bachar, à s’unir face à l’adversité. C’est que les djihadistes du Front al-Nosra, qui contrôle une partie du Golan syrien et dont les blessés se font soigner en Israël comme l’ont révélé les médias israéliens, et leurs alliés de Daesh, sont objectivement les principaux adversaires au droit des Palestiniens à vivre dans leur propre Etat. Aboubakr al-Baghdadi, le chef de Daesh, n’a-t-il pas déclaré que «Dieu ne lui a pas demandé de lutter contre Israël» ? C’est dire…
Si quelque 500 familles, soit environ 2 500 personnes, ont réussi à fuir Yarmouk par les lieux contrôlés par les groupes armés palestiniens, le sort de plusieurs milliers d’autres, pris au piège d’une guerre qui n’est pas la leur, suscite de vives inquiétudes. En Cisjordanie et à Ghaza, plusieurs rassemblements de Palestiniens ont appelé à «sauver Yarmouk». L’OLP mais aussi le Hamas en appellent l’ONU et à l’ouverture d’un corridor humanitaire pour permettre l'entrée de l'aide et l'évacuation de civils. «Il faut une intervention internationale rapide pour sauver nos compatriotes à Yarmouk et y faire cesser les massacres», a imploré lundi à Ghaza Mohamed Faraj al-Ghoul, un dirigeant du Hamas, tandis que Marouane Abou Rass, président de l’Union des oulémas de Palestine, a dénoncé un «énorme crime contre l’humanité» en train de se préparer à Yarmouk.
En fin de compte, à l’issue d’une rencontre entre le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad et une délégation palestinienne dirigée par Ahmed Majdalani, les autorités syriennes ont déclaré qu’elles soutiendraient «par tous les moyens, y compris militaires, les combattants palestiniens» de Yarmouk. Le régime de Bachar al-Assad a-t-il une autre solution quand on sait que l’EI et al-Nosra sont à un jet de pierre du palais présidentiel ?
H. Z.

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