Les dirigeants prennent acte du « coup porté » à l’Union européenne
LE MONDE | 24.06.2016 à 08h12
Mis à jour le 24.06.2016 à 16h18
Les dirigeants du monde entier ont réagi vendredi 24 mai au verdict sorti des urnes britanniques.
Le président américain Barack Obama a déclaré « respecter » la décision des électeurs, et affirmé
que le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) resteraient « des partenaires indispensables »
des Etats-Unis.En Europe, les dirigeants allemand et français ont également pris acte de la décision
du Royaume-Uni, premier pays à la quitter après soixante ans de construction européenne.
Angela Merkel a mis en garde contre « le coup porté » par le « Brexit » à l’UE et « au processus
d’unification européenne ». Devenue en dix ans au pouvoir la figure-clé de l’UE, Mme Merkel a invité
à Berlin le président français François Hollande et le chef du gouvernement italien Matteo Renzi pour
des pourparlers lundi dans la soirée. Elle recevra aussi séparément le président du Conseil européen
Donald Tusk. M. Hollande a, lui, souligné que « l’Europe ne peut plus faire comme avant » et a appelé
désormais à « se concentrer sur l’essentiel », une feuille de route dont les têtes de chapitre seraient
« l’investissement pour la croissance et pour l’emploi », l’« harmonisation fiscale et sociale » ainsi que
« le renforcement de la zone euro et de sa gouvernance démocratique ».
Les partis d’extrême droite réclament des référendums
M. Renzi a pour sa part jugé essentiel de « rénover » la maison Europe. Le premier ministre de Belgique
Charles Michel souhaite la tenue d’un « conclave à haut niveau » pour la prise de nouveaux
« engagements clairs » et l’ébauche d’un « nouvel avenir » au niveau européen.
Les responsables d’extrême droite ont au contraire salué le vote britannique. Aux Pays-Bas, le député
d’extrême droite néerlandais Geert Wilders a réclamé un référendum sur la sortie des Pays-Bas de l’UE.
La présidente du Front national Marine Le Pen a demandé « le même référendum en France et dans
les pays de l’UE ».Dans une déclaration à la télévision, le social-démocrate allemand Martin Schulz,
président du Parlement européen, a prévenu que « la réaction en chaîne que les eurosceptiques célèbrent
maintenant un peu partout n’aura absolument pas lieu ».Après la sortie du Royaume-Uni de
l’Union européenne, faut-il s’attendre à une onde de choc en Europe ? Quelques pays pourraient exprimer
le souhait de remettre en cause leur appartenance à l’UE en cas de « Brexit ». Revue d’effectif.
Les alliés du Royaume-Uni dans l’UE s’interrogent
Aux Pays-Bas, le Brexit a été suivi avec attention. 55% de la population souhaitaient une victoire du
« leave » et 47% attendaient une consultation sur un éventuel « Nexit » (Netherlands + exit), d’après un
sondage réalisé par l’institut Maurice de Hond la semaine dernière. Le député d’extrême droite eurosceptique
Geert Wilders, en tête de tous les sondages d’opinion depuis des mois dans le pays, a d’ailleurs demandé
ce vendredi matin un référendum “Le Parti pour la liberté (PVV) demande ainsi un référendum sur un Nexit,
une sortie néerlandaise de l’UE”, a-t-il notamment écrit dans un communiqué. Nous voulons être en charge
de notre propre pays, notre propre monnaie, nos propres frontières, et avec notre propre politique d’immigration.”
La popularité du PVV croit depuis la crise des réfugiés, alors que des élections législatives auront lieu l’année
prochaine dans le pays. En avril dernier, l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine a été soumis à un
référendum. Les néerlandais avaient alors voté majoritairement contre, à 61%. Malgré une participation
faible (32%), ce référendum a été interprété comme un rejet à l’égard des institutions européennes.
Autre pays particulièrement eurosceptique au nord de l’Europe: la Suède. 36% des Suédois voudraient
emboiter le pas des Britanniques et seuls 32% voudraient rester dans l’UE, selon un sondage Sifo.
Ce sondage réalisé en avril dernier imaginait différentes hypothèses selon l’issue du référendum anglais.
Résultat: les Suédois consentaient à rester, uniquement si la Grande-Bretagne restait aussi. Ce qui n’est
pas arrivé.Plusieurs chercheurs estiment que la Suède, comme les Pays-Bas et le Danemark, pensent
perdre un allié important au sein de l’UE avec le départ du Royaume-Uni et craignent d’être isolés.
Ces pays adoptaient souvent des positions similaires à celles de la Grande-Bretagne, un pays puissant
qui, comme eux, n’avait pas adopté l’euro.Le Danemark avait d’ailleurs refusé en décembre dernier
d’accroître la coopération dans les domaines de la sécurité et de la police avec les pays membres de l’UE
dans un référendum, avec 53% de “non”. Là aussi, la principale motivation des opposants a été interprétée
comme une défiance vis-à-vis de l’UE.
L’Europe centrale critique envers UE, mais pas au point de la quitter
En Europe Centrale, la crise des réfugiés a fait grincer des dents dans les pays du groupe de Visegrad
(République Tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne), qui ont refusé les quotas de réfugiés. La proposition
par Bruxelles d’une aide de 250 000 euros par réfugié n’a pas changé la position des pays d’Europe centrale.
Ces différences idéologiques s’expliquent par un développement historique différent entre Europe de l’Ouest
et Europe de l’Est, cette dernière n’étant pas habituée à des mouvement migratoires venant du sud, comme
l’explique Jacques Rupnik, spécialiste de l’Europe Centrale et directeur de recherche à Sciences Po,
à francetvinfo. Malgré cela, les pays d’Europe centrale ne souhaitent pas réellement quitter l’Union européenne.
Le premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka avait fait planer le doute en février dernier en déclarant que
“Si la Grande-Bretagne quitte l’UE, un débat sur le retrait de la République tchèque sera à attendre dans
quelques années“. Il a ensuite coupé court à toute idée d’un “Czexit” en déclarant à Euractiv que “toute suggestion
que la République tchèque pourrait quitter l’UE est infondée et dangereuse“. Il avait déjà évoqué en février les conséquences économiques et sécuritaires que pourrait avoir la sortie de la République Tchèque de l’UE,
qui se retrouverait selon lui dans la “sphère d’influence” de la Russie.Les économies des pays d’Europe centrale
sont désormais trop dépendantes de l’Union européenne. Il faut aussi prendre en considération le fait que ces
pays bénéficient des fonds structurels, destinés à réduire les écarts de développement entre pays européens.
Une aide non négligeable pour ces pays.Et en France ? Un sondage de février 2016 annonçait que 53% de
Français souhaitent la tenue d’un référendum sur une éventuelle sortie de l’UE, alors que le Front National
soutient une sortie de l’UE. Marine Le Pen s’est d’ailleurs réjouie du Brexit sur twitter.