L'élection de Trump tombe au plus mal pour une UE en crise
minée par la poussée populiste


12 novembre 2016, 18h37

L'élection de Donald Trump à la Maison Blanche ajoute à la
tourmente d'une Union européenne en pleine crise de doute sur
son avenir, confrontée à une montée en puissance des courants populistes
et fragilisée par le séisme du Brexit.
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Dimanche, les ministres des Affaires étrangères de 28 pays membres sont
invités par la chef de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini à
débattre des conséquences de cette victoire surprise lors d'un dîner à
Bruxelles.Car après les formules diplomatiques et autres invitations
officielles lancées mercredi dès l'annonce du résultat, des inquiétudes
s'expriment désormais ouvertement chez nombre de dirigeants
européens face à l'ère qui s'ouvre dans les relations avec un partenaire
historique. "Il est vrai que l'élection de Donald Trump comporte le
risque de voir les équilibres intercontinentaux être dérangés quant à leur
fondement et quant à la structure", a admis vendredi le président de
la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors d'un débat à
Luxembourg. Celui qui mercredi, conjointement avec le président du
Conseil européen Donald Tusk, avait convié le président élu des
Etats-Unis à un sommet UE-USA en Europe dès que possible, a ensuite
moins retenu ses mots.
- 'Deux années de temps perdu' -
Evoquant les lacunes en géographie de Donald Trump - qui en juin
avait qualifié la Belgique de "ville magnifique" -, le chef de l'exécutif
européen a lancé: "Il faudra que nous apprenions au président
désigné ce en quoi consiste l'Europe. (...) Je crois que nous aurons
deux années de temps perdu jusqu'à ce que M. Trump ait fait le tour du
monde qu'il ne connaît pas". L'irruption d'un novice en politique
étrangère comme partenaire de travail obligé sur des dossiers ultra
sensibles tels le conflit syrien, l'Ukraine ou le changement climatique,
survient alors que l'UE traverse la période la plus tourmentée de ses 60
ans d'histoire.Entre la crise migratoire aigüe, le terrorisme, l'endettement
en zone euro, l'attitude jugée menaçante de la Russie à l'Est, puis le choc
du Brexit en juin sur fond de montée des populismes , beaucoup
craignent que les secousses ne s'arrêtent jamais."La victoire de Trump est
le signe que la démocratie libérale est en train rapidement de devenir un
mouvement de résistance", s'est inquiété cette semaine le chef des libéraux
au Parlement européen, Guy Verhofstadt, exhortant les Européens à "se
réveiller" pour défendre leurs valeurs.Un écho des sombres propos de
Donald Tusk avant le référendum britannique du 23 juin, avertissant
que le Brexit pourrait conduire à la "destruction non seulement de l'Union
européenne mais aussi de la civilisation politique occidentale".
- "Revenir à la vraie démocratie" -
Le rôle des Etats-Unis comme leader mondial des démocraties libérales
occidentales depuis 1945 "se heurtait déjà à des vents contraires",
rappelle Fabian Zuleeg, du think tank European Policy Centre (EPC) à
Bruxelles. "Mais une administration Trump va renforcer les tendances
isolationnistes aux Etats-Unis, ce qui portera un coup supplémentaire
à ce rôle de leader", prédit cet expert. A l'approche de grands rendez-
vous électoraux dans plusieurs Etats membres (Autriche début
décembre, Pays-Bas, France puis Allemagne en 2017), les craintes
des dirigeants européens portent aussi sur l'effet stimulant du vote
américain sur des électeurs sensibles aux sirènes de l'extrême droite.
Marine Le Pen, Nigel Farage ou encore le Premier ministre hongrois
Viktor Orban, honnis à Bruxelles pour leurs discours antimigrants, ont
été parmi les premiers à se féliciter de l'élection de Donald Trump.
"Nous allons pouvoir revenir à la vraie démocratie, aux discussions
honnêtes, loin des contraintes paralysantes du politiquement correct",
s'est réjoui Viktor Orban, saluant ce "grand moment" où "la civilisation
occidentale a réussi à se libérer de l'emprise d'une idéologie.Pour certains
experts en géopolitique, le tableau n'est toutefois pas complètement noir
et l'arrivée d'un Trump imprévisible à la Maison Blanche devrait être
l'occasion pour les Européens d'unir davantage leurs forces, par exemple
sur la sécurité et la défense."C'est la première fois que les alliés européens
de l'Otan font face à la dure réalité d'un engagement américain qui pourrait
s'avérer plus faible sous Trump. Alors, on se demande ce qu'il faudrait
de plus pour qu'ils se réveillent", a fait valoir cette semaine Judy Dempsey,
de l'institut Carnegie Europe.

AFP