La mémoire, aussi, a besoin de fidèles !
SOIT DIT EN PASSANT
28 Juillet 2016
Par Malika Boussouf
journaliste, écrivaine
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Il est des jours comme ça où j’ignore pourquoi je m’endors et me réveille
avec l’Algérie en tête alors que j’y vis et ne devrais, logiquement, pas
être obsédée par elle. Je m’empresse, pourtant, de chercher une réponse
crédible au fait que les Algériens n’aiment pas, sauf à le faire entre eux,
que l’on critique leur pays. Mais qui d’autre, me diriez-vous, accepterait
que quiconque le fasse pour le sien ? Je ne sais pas, non plus,
pourquoi j’éprouve, de temps à autre, comme c’est le cas aujourd’hui,
de louer ce qui fait la grandeur d’un pays où l’on a plus souvent
l’impression que les choses vont de travers que le contraire. Et pourtant,
il suffit qu’une potentielle menace, fut-elle imaginaire, nous soit signalée
pour que l’on s’élève contre le complot ourdi et que l’on manifeste sa
détermination à en protéger la souveraineté, quitte à en payer le prix fort.
Les hauts responsables du pays, qui le savent bien, n’hésitent jamais à
jouer la partition du «c’est nous ou le chaos» à chaque fois qu’ils
sentent leur autorité dangereusement contestée. Lorsqu’ils s’empressent
d’alerter sur un danger à nos portes, ils savent qu’ils n’auront pas à
mettre, longtemps, la pression, avant d’enregistrer le feed-back pronostiqué.
La contribution, dont j’ai dit hier qu’elle m’avait beaucoup émue, m’a
interpellée sur l’attachement que chacun d’entre nous peut éprouver à l’égard
de son pays. La lecture a réveillé en moi un souvenir désagréable.
L’image d’un compatriote qui m’a un jour confié, à propos de son épouse,
qu’elle s’était plus investie dans la campagne pour la présidentielle de
Nicolas Sarkozy qu’un Français de souche ne l’aurait fait. Je ne sais plus si
j’avais décelé de la fierté dans la confidence. Je pense que oui, sinon
pourquoi m’en serais-je souvenu et surtout pourquoi s’il n’en avait pas été
fier, m’aurait-il fait une telle révélation ? Autant dire que face à pareil aveu,
je me réjouis que nous ne soyons plus sous occupation. La trahison
qui se montre, toujours, plus zélée que la fidélité explique pourquoi on
s’accroche à ce qui se met au service de la mémoire, fut-elle fugitive. M. B.