Trottoirs d’Alger, je vous déteste !
SOIT DIT EN PASSANT
10 Mars 2016
Trottoirs d’Alger, je vous déteste !
Malika Boussouf
Journaliste, écrivaine
Pièce jointe 21735
Par Malika Boussouf
[email protected]
Il est des jours comme ça où il suffit qu’il tombe quelques gouttes d’eau pour que les rues
se transforment en pataugeoires dans lesquelles vous vous vautrez au moins une fois.
Et pendant que d’une main vous vous massez la cheville qui vient de se tordre et que
de l’autre vous cherchez un point d’appui à votre portée, vous râlez, en constatant,
une fois de plus, que l’incurie des pouvoirs publics a encore de beaux jours devant elle.
Vous essayez de reprendre vos esprits, mais vous n’arrivez pas à surmonter votre colère
parce que, en plus d’être trempé, vous avez mal partout. Personnellement, je prends vite
en grippe le trottoir défoncé qui vient de m’estropier. Je reste assise, le souffle à moitié
coupé par la douleur, le temps de m’assurer qu’à l’exception de mes genoux bien amochés
et mes mains en sang, tout le reste est en place. Mon sac ne s’est pas vidé dans l’eau boueuse
et personne ne tente de me faire les poches pendant que je me remets lentement de ma chute.
Evidemment, comme toute personne en prise avec une aussi désagréable réalité, je me demande
pourquoi c’est à moi que cela arrive alors que ma journée vient tout juste de commencer
et que j’ai tellement d’autres problèmes à régler. Pendant que je bougonne après le trottoir
et fustige ceux qui l’ont mis dans cet état, des passants curieux de savoir comment je m’en sors
et dans quel état je suis s’arrêtent pensant pouvoir abréger mes lamentations
en partageant avec moi leurs propres mésaventures. Et avant même que les gens ne vaquent
de nouveau à leurs occupations et moi aux miennes, une voix s’élève pour lancer à la cantonade
«Comment rendre sympathiques ces élus locaux qui préfèrent les privilèges aux responsabilités ?»
Les gens alentour approuvent et ils n’ont pas tort ! Parce que la preuve est ainsi faite que l’état
de délabrement avancé des rues d’Algérie n’empêche aucun responsable de dormir.
Qui se soucie,une fois élu, de concrétiser les promesses faites à ses électeurs ?
Dans nos villes en éternel chantier,plus les contrats sont juteux,
plus les travaux s’éternisent ! Allez savoir pourquoi...
M. B.
Si je ne joue pas, tu ne joues pas !
SOIT DIT EN PASSANT
13 Mars 2016
Si je ne joue pas, tu ne joues pas !
Malika Boussouf
Journaliste, écrivaine
Pièce jointe 21735
Par Malika Boussouf
[email protected]
Il est des jours comme ça où, le soir, avant de fermer les yeux et alors que je fais le bilan
de ma journée, me reviennent à l’esprit ces belles personnes qui travaillent chez nous
à faire évoluer la pensée et dont le nombre se réduit, hélas, comme une peau de chagrin.
Et en les évoquant, me revient, inévitablement, à l’esprit l’image de cette intransigeance,
violente à bien des égards, à l’encontre de ceux qui osent encourager le questionnement,
la relecture ou la réforme, par exemple, de textes inadaptés au monde d’aujourd’hui.
C’est là que je me surprends à espérer voir l’inspiration sortir indemne des procès
à répétition faits à l’intelligence par des auteurs qui ont posé leur stylo, donné congé à leur
imagination et troqué leur lyrisme contre une tribune que certains accaparent,
lorsqu’ils sentent leur notoriété en ballottage et à laquelle personne ne les a conviés.
Il faut croire que les répercussions d’une réflexion en manque d’essentialité sont terribles.
Et elles le sont davantage en ces temps troubles et incertains où les points de vue
et autres positions semblent en attente d’un je ne sais quoi qui les délivrerait d’une entrave,
d’une sorte d’asservissement avant de leur restituer la capacité de repenser la vie par eux-mêmes.
C’est fou comme pour approcher, y compris le domaine littéraire, on devrait s’assurer
le parrainage de penseurs encadrés qui ont cessé de séduire lorsqu’ils ont opté pour un mode
de création normalisé. Quand la bien-pensance se met en branle pour confisquer le droit
de réfléchir et de concevoir par soi-même, les choses se font plus dangereuses.
Qu’est-ce qui expliquerait le manque d’enthousiasme à louer ceux qui continuent à produire
dans une Algérie qui traîne les pieds ? Je trouve peu glorieux le comportement de gens ulcérés
par la réussite des autres et qui leur contestent l’aisance qu’ils ont à séduire une opinion conquise
par leur talent. Les reproches injustifiés, parce qu’ils n’apportent ni contradiction
ni éclairage philosophique à une œuvre littéraire, n’ont rien d’intelligent ou de glorieux
et encore moins de respectable.
M. B.
Un prêcheur à El Harrach ?
SOIT DIT EN PASSANT
14 Mars 2016
Un prêcheur à El Harrach ?
Malika Boussouf
Journaliste, écrivaine
Pièce jointe 21735
Par Malika Boussouf
[email protected]
Il est des jours comme ça où il fait franchement bon vaquer à ses occupations le sourire
aux lèvres et des étoiles plein les yeux, quand une nouvelle est aussi plaisante ! Je vous
le dis franchement, un verdict pareil me met du baume au cœur ! Je le trouve
magnifique et courageux dans le sens où depuis l’arrivée au pouvoir de Bouteflika,
les assassins graciés par lui et réconciliés avec son entourage défient les populations
civiles qu’ils ont terrorisées et en partie décimées. Est-il utile de noter qu’aujourd’hui encore,
Ils bombent le torse en vainqueurs d’un combat mené au nom d’une cause officiellement
reconnue comme défendable, tandis que les pourvoyeurs de fatwas n’ont, eux, aucun souci
à se faire quant à leur avenir.On en veut pour preuve qu’ils ne cessent de proliférer !
Quoi de plus normal étant donné toutes les sollicitudes dont ils continuent à faire l’objet
et les privilèges dont ils bénéficient au nom d’une entente trop fructueuse pour être abandonnée.
C’est en cela que la condamnation d’un sombre prédicateur, passé maître dans l’approximation
religieuse et qui hurle à la mort de tout ce qui démythifie ce qu’il tente d’incarner, m’a parue
tellement surprenante que j’ai aimé la garder en tête le temps de poser un pied à terre
et de me dire que le combat contre l’obscurantisme a encore de beaux jours devant lui !
Avec tous ces hurluberlus qui fleurissent à chaque angle de rue et qui, en ces temps
de maigre création, n’ont pas beaucoup d’efforts à faire pour s’attirer la solidarité de penseurs
au rabais ; les Kamel Daoud n’ont qu’à se protéger les flancs, parce qu’ils n’en ont pas fini avec
les intimidations et autres menaces pour leur vie !
Trois mois de prison ferme pour le sinistre Hamadache, ça fait du bien à entendre même si
l’on sait que cela ne suffira à décourager ni les nouveaux prophètes ni leurs courtisans.
Mais il est tout de même bon de rompre avec ce sentiment diffus d’impuissance et d’impunité.
Et alors ! Quand le talent d’un journaliste-écrivain, qui sait de quoi il parle, met en émoi une frange
de la société en panne de repères, comment ne pas trouver cela pathétique ?
M. B.
Une antichambre pour le paradis !
SOIT DIT EN PASSANT
15 Mars 2016
Une antichambre pour le paradis !
Malika Boussouf
Journaliste, écrivaine
Pièce jointe 21735
Par Malika Boussouf
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Il est des jours comme ça où je trouve bien injuste de se faire allumer à chaque fois
que l’on fait allusion à la Grande Mosquée de Bouteflika qui a toujours su quoi faire
pour rendre au pays la grandeur qui lui est déniée. Comment oser contester l’escroquerie
qui a consisté un jour à décider, en haut lieu, que la construction d’un gigantesque espace
de prière pourrait contribuer à apaiser les tensions, à redonner le sourire, à étendre
la fraternisation des assassins avec leurs victimes et à faire renaître l’espoir dans tous
les cœurs, le tout, en redorant le blason d’une Algérie en mal d’éclat ? Comment oser
louer les mérites de ceux qui, dans l’ombre, travaillent à préserver le pays du désastre,
plutôt que d’en attribuer les qualités à un commandant de navire que l’on n’aperçoit plus
qu’occasionnellement, mais qui n’en perd pas pour autant son pouvoir de conviction ?
Tous ceux qui, par un heureux hasard, n’ont pas été drogués au culte de
la «famille révolutionnaire» ont échappé à la contamination à laquelle se sont volontairement
exposées toutes ces clientèles intéressées. Celles-là mêmes qui, soucieuses d’arriver,
ont considéré que si l’on enfourchait vite le cheval de la réconciliation et qu’on se
convertissait, tout aussi vite, au mysticisme du légendaire Président,
plus rien de méchant ne pourrait les atteindre.Et bientôt, dans cette immense mosquée,
qui aura exigé plus d’argent que de noblesse, pourront être regroupés 120 000 fidèles.
Livrés à la science de prédicateurs qui confondent aisément héritage spirituel et message
originel avant d’en faire une religion à respecter à la lettre, leur dévouement, attendu,
ne surprendra personne. Parce qu’alors, il n’y aura plus au sein de la construction sacralisée
ni menteur ni détracteur ! Seuls seront autorisés à conduire la prière ceux convaincus
de détenir la vérité vraie sur tout ce qui s’organise autour de l’islam et de la pensée qui
se structure en son nom ! A se demander s’il ne faut pas craindre le pire pour ceux
qui préfèrent contempler le ciel au lieu de réfléchir à ses recommandations ! Et si le faste
d’un pays se mesurait à la surface de sa mosquée ?
M. B.
Chronique d’une journée ordinaire
SOIT DIT EN PASSANT
17 Mars 2016
Chronique d’une journée ordinaire
Malika Boussouf
Journaliste, écrivaine
Pièce jointe 21735
Par Malika Boussouf
[email protected]
Il est des jours comme ça où quand on me parle d’énergie positive et qu’on essaie
de me convaincre qu’il suffit d’en invoquer l’idée pour se sentir mieux, j’ai les poils
qui se hérissent et le sang qui me monte à la tête. Comment faire autrement quand,
en voulant prendre un taxi le matin pour vous rendre, par exemple, à un rendez-vous
médical, à Hydra, vous vous entendez répondre des «je vais à El-Biar»,
«non, je tourne à droite», «non, c’est pas ma route» ,«lala man rouhch el Hydra ya madame !
Fiha la circulation trop, trop, bezzef !», «ana nakhdem ghir
la ville, hadja khra, non !», «neddik coursa, 400 DA» ! S’il y a un corps de métier que
je ne soutiendrai pas en cas de protestations, ce sera celui des chauffeurs de taxi qui
préfèrent rester stationnés plutôt que de vous conduire là où ça n’arrange pas leurs affaires.
C’est là qu’une forte envie de remettre au goût du jour le principe même de la contestation
vous submerge. Une fois décroché celui qui accepte de vous conduire à bon port,
vous poussez un gros soupir de soulagement pensant que vous en avez enfin fini avec
la galère. Eh bien non ! Parce que lorsque vous arrivez chez le médecin, il y a déjà tellement
d’autres qui attendent que même avec un rendez-vous pris à l’avance, vous savez que vous
allez en avoir pour un petit moment. Mais ce n’est pas
ce qui vous déprime le plus. Ce qui vous démonte le moral, c’est le nombre !
Avoir l’impression que toute l’Algérie est malade n’a rien de réjouissant. Vous pensez,
en optant pour une consultation privée,que les conditions seront meilleures qu’à l’hôpital ?
Pensez donc ! Les cabinets privés sont, eux aussi, débordés même si l’accueil y est plus
correct. Vous constatez au passage que la consultation est passée en quelques mois
de 1 500 à 2 000 DA, mais ce qui vous frappe le plus c’est qu’il y ait du monde partout !
Chez le médecin, chez le pharmacien, chez le radiologue, dans les laboratoires
d’analyses… Vous faites la queue partout sans être sûr d’en sortir satisfait.
A la pharmacie, vous craquez quand on vous parle de rupture ou
qu’on vous propose un équivalent.
M. B.
Le bon traitement et le mauvais !
SOIT DIT EN PASSANT
20 Mars 2016
Le bon traitement et le mauvais !
Malika Boussouf
Journaliste, écrivaine
Pièce jointe 21735
Par Malika Boussouf
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Il est des jours comme ça où, même contraints de garder le lit, certains d’entre nous
vont longuement hésiter avant d’avaler les comprimés ou les gouttes qui leur ont
été prescrits, auparavant, pour les mêmes symptômes. Ils sont nombreux ceux qui,
aujourd’hui, réfléchissent à deux fois avant d’aller se faire examiner par un médecin,
quand beaucoup de ceux qui ne peuvent pas faire autrement se rendent chez
ce dernier en traînant les pieds. Il ne faut pas croire que tout le monde peut se permettre
de surfer sur les prix en toute décontraction. J’en connais qui s’arrangent comme
ils peuvent avec le contenu de leur boîte à pharmacie pour éviter de casquer,
et pour la consultation et pour le contenu de l’ordonnance.
Quand ils n’en ont pas les moyens, ce qui peut fréquemment leur arriver, ils renoncent à aller
se faire examiner parce qu’ils ont, selon eux, des besoins plus urgents. Il m’est,
personnellement, arrivé, même si je fais rarement dans l’automédication, de me soigner
avec un reste d’antibiotiques ou d’anti-inflammatoires. Mais je ne le fais plus, depuis
un certain temps, parce que j’ignore si ceux qui ont, précédemment, eu l’effet escompté sur
moi possèdent toujours les mêmes vertus et produiront les mêmes résultats. Je me pose
souvent la question de savoir pourquoi certains antibiotiques, qui hier étaient prescrits
pour soigner une infection, et qui effectivement l’ont enrayée, sont parfois retirés de la vente
et soudainement déclarés dangereux ? Qui décide que tel médicament est à un temps T1
expressément recommandé et à un temps T2 fortement déconseillé ? Qui du ministère de
la Santé, seul habilité à accorder une autorisation de mise sur le marché, des laboratoires
pharmaceutiques ou de leurs généreux sponsors décide de la mise en quarantaine
d’un médicament ? Celui qui finance la production, celui qui distribue ou celui qui cherche
et qui, parce qu’il a trouvé plus efficace, préconise d’abandonner le premier ?
Ce qui me fait froid dans le dos c’est d’apprendre, à propos d’un traitement dont
j’ai usé pendant des années, que ses effets pourraient parfois s’avérer mortels.
M. B.
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