Quel avenir ?


Bac
le 15.07.16|10h00

Révision des coefficients des matières, suppression des épreuves
secondaires, réduction du volume horaire des épreuves, organisation
d’une session anticipée et instauration de matières optionnelles. Le bac
2017 ne sera plus le même. Les propositions sont multiples et le dernier
mot reviendra au gouvernement. El Watan Week-end ouvre le débat sur
la nécessité de réformer le bac ou de le supprimer.
Huitième du genre,
la réunion de la commission mixte chargée du dossier de la refonte du bac
a eu lieu à huis clos afin d’élaborer des propositions pour un nouveau
baccalauréat, qui seront ensuite soumises au gouvernement pour adoption.
Hier, la rencontre tenue à Alger a regroupé aussi les représentants du
ministère de l’Enseignement supérieur. Depuis octobre dernier, les différents
intervenants ont été unanimes sur quelques changements à apporter à cet
examen après de nombreuses propositions à l’étude, dont la durée de
l’examen, qui passera en principe à trois jours seulement avec la prise en
considération de la fiche de synthèse pour les matières non composées.

Les matières en question ne seront pas comptabilisées différemment. C’est
-à-dire que la moyenne de l’ensemble des notes de ces matières avec un
coefficient supérieur ou égal à 4 sera additionnée aux notes obtenues au bac.
Puis le nombre de matières : les candidats composeront dans 6 matières
seulement. Mardi soir, les résultats du baccalauréat 2016 ont été annoncés.

Le taux de réussite de 49,79% est, sans surprise, inférieur à celui de l’année
précédente qui était de 51,36%. Nouria Benghebrit argumente : les fuites de
sujets diffusés sur les réseaux sociaux ont été une «action criminelle» qui a
déstabilisé les candidats. «L’année était stable, les programmes respectés, malheureusement on a été victimes d’une action criminelle», a-t-elle déploré.
La ministre n’a pas attendu le «scandale» du bac 2016, refait partiellement le
19 juin, pour entamer une réflexion sur sa réforme. Mme Benghebrit est
catégorique le bac 2017 ne sera pas le même.
Des changements seront
apportés. Hier, le secrétaire général du ministère de l’Education nationale,
Abdelhakim Belabed a affirmé que ce dossier, qui est en phase d’examen,
sera soumis à d’autres parties qui prendront «des décisions souveraines».
Les conclusions issues des différentes rencontres organisées seront ensuite
présentées à des experts puis au gouvernement et au Conseil des ministres,
habilité à trancher cette question avec «professionnalisme et objectivité»,
a-t-il indiqué. Il a cité à cet effet les ateliers installés depuis une année au
niveau du ministère de l’Education nationale en vue de procéder à la refonte
de cet examen, avec la contribution des partenaires sociaux (syndicats,
associations et parents d’élèves) en vue de recueillir leurs avis.
La refonte du
baccalauréat est dictée par «la volonté de l’Etat, de la société et des autorités
publiques de le hisser à de plus hauts niveaux», a estimé M. Belabed. Il a
rappelé les points qui font polémique, notamment «la durée des épreuves qui
est actuellement de cinq jours, la prise en compte des évaluations continues et
la refonte de cet examen». La refonte du baccalauréat inclura, dit-il encore,
«la révision de l’organisation, du fonctionnement et des prérogatives de l’Office
national des examens et concours (ONEC), qui est un organe technique et
exécutif chargé de l’organisation de cet examen, pour devenir une véritable
institution capable de préparer le baccalauréat».
Problématique faut-il
abandonner cet examen définitivement, seule garantie d’égalité des chances
de réussite ? Ou bien faut-il le garder et le réformer ? Beaucoup sont favorables
au système anglo-saxon dans lequel le bac ne figure pas. Ahmed Tessa,
pédagogue, retraité du ministère de l’Education nationale explique «L’examen
du baccalauréat comme unique moyen d’accès à l’université est une vieille
création de la France napoléonienne en 1806.
Ses objectifs n’ont pas changé
depuis deux siècles. Son organisation s’est durcie et militarisée au point de devenir
une affaire d’Etat, accompagnée d’un plan Orsec dans toutes les wilayas.» Selon
lui, sur le plan psychopédagogique, cet examen terminal est une véritable tombola
pour une certaine catégorie d’élèves. Il explique : «Les plus émotifs paniquent
devant leurs copies, d’autres tombent malades la veille : ils passent à la trappe de
l’échec alors qu’ils ont été excellents durant toute leur scolarité.»

Choc
C’est pour ces raisons que le pédagogue plaide pour la suppression de cet examen
«A moins d’être sadique au point d’imposer une telle épreuve, nous devons revoir
de fond en comble le système d’évaluation : le bac, la sixième et le brevet compris. N’oublions pas que les dérives de tout ordre se retrouvent aussi bien au bac qu’au
cours des deux autres examens de fin de cycle.» Bachir Hakem, enseignant et
membre du CLA, fait aussi partie de ceux qui espèrent un changement de système d’évaluation. Il veut la suppression du bac : «Il est dépassé, lourd et coûteux aussi
bien pour l’élève et les parents que pour l’Etat.
Chaque année, le déroulement et
les résultats du bac sont remis en cause et c’est la crédibilité de cet examen qui est
mise en cause.» De son côté, Abderrezak Dourari, professeur de sciences du langage
et de traductologie, assure : «On a vu au cours des années passées comment le bac
est devenu non pas un simple diplôme de fin de cycle secondaire, mais s’est transmuté
en un véritable cauchemar pour l’Etat et pour les candidats.
Le coût de 500 milliards
par an est ahurissant notamment au regard des maigres résultats que cet examen
permet de garantir en termes d’indice sérieux des compétences effectivement
acquises.» Tous les défenseurs de la suppression de cet examen, sacré jusqu’à aujourd’hui, le sont particulièrement à cause des dérives pédagogiques. Ahmed Tessa explique : «Les dérives pédagogiques font le plus de mal aux élèves. Ils sont
conditionnés et dopés au bachotage par le professeur, au parcœurisme et aux
évaluations de restitution et non d’intelligence. On a au bout du processus des
bacheliers et plus tard des universitaires dépourvus d’esprit logique, de sens de
l’analyse et de la synthèse et surtout d’esprit critique.
Et ce n’est pas de leur
faute !» Selon lui, la réforme de 2003 avait pour objectif de supprimer ces
dérives pédagogiques et de solliciter l’intelligence de l’élève au détriment de la mémorisation/restitution. «Malheureusement, cela n’a pas marché. Sa mise en
œuvre a sombré dans les travers et les défauts de la pédagogie traditionnelle
sans pour autant profiter de ses bons côtés. Ces carences de la réforme ont été
établies par les participants à la Conférence d’évaluation de la réforme organisée
en juillet de l’année passée», se désole-t-il.

Échec
C’est ce que Abderrezak Dourari explique aussi : «Les meilleurs bac n’arrivent
pas à donner à la formation supérieure de bons étudiants, capables
linguistiquement et cognitivement de suivre les enseignements et de réussir
correctement. Nous ne sommes plus dans la posture d’attendre d’eux qu’ils
poussent l’université vers le haut grâce à leurs supposées connaissances pointues,
à leur dynamisme et à leur demande inextinguible de savoir.
Et c’est déjà l’échec consommé.» Pour le spécialiste, le niveau des universités baisse chaque année «Aujourd’hui, on fait chez nous non pas des études supérieures approfondies,
mais des études primaires très approfondies pour reprendre la formule de
l’humoriste français Coluche. Et l’on continue nonchalamment de tricher encore
dans certaines universités en célébrant la triche à travers les cérémonies
fastidieuses et emphatiques de remise de diplômes ou de prix d’excellence de fin
de formation sans honte.»
Mais alors, pourquoi sommes-nous si attachés au bac ?
«Depuis plus de trente ans, la France officielle est décidée à emboîter le pas au
système anglo-saxon, mais ce sont les familles socio-culturellement défavorisées
qui s’y opposent. Ces dernières ont gardé leur frustration d’un diplôme, symbole de l’aristocratie et de la bourgeoisie française. Ce même syndrome frapperait-il les
Algériens ? Sûrement.
En Allemagne et en Suisse notamment, près des deux tiers
des élèves de fin de collège choisissent la filière de l’enseignement professionnel
au lieu de la filière enseignement général. Ce qui a permis à l’économie de ces pays
d’être les plus performantes au monde. Et parmi ces élèves, il y a les meilleurs»,
confie Ahmed Tessa. Selon lui, l’exemple des pays scandinaves est hautement
instructif. «Une lueur d’espoir nous vient de l’actuelle équipe ministérielle qui est
décidée à réformer l’ensemble de notre système d’évaluation scolaire.
L’école
moderne, efficace dans ses prestations et ouverte sur les réels besoins de nos
enfants, est à ce prix. A la presse, aux familles et aux autorités du pays de prendre conscience que le passage à l’université dans sa version actuelle est une ‘‘arnaque’’,
pour reprendre le titre d’un livre paru en 2009 et écrit par un ancien président de la Sorbonne.» Pour le Snapap, c’est aussi la suppression qui est une solution.

«Nous sommes pour la suppression de cet examen, mais pour le moment il faut
prendre des décisions après réflexion et associer tous les acteurs pour trouver une alternative, c’est une toute autre question qui demande réflexion», explique Ferguenis Nabil, chargé de communication à la fédération nationale de l’éducation Snapap.
Côté ministère, on n’évoque aucunement sa suppression, mais Mme Benghebrit
confirme : «Je veux ce bac réformé pour l’année prochaine.» Moins catégoriques et aventuriers, il y a ceux qui proposent, du moins pour le moment, des changements
afin de rendre à cet examen sa crédibilité.

Bac professionnel
Kamel Nouari, directeur d’un établissement scolaire, propose «la mise en place
d’un baccalauréat professionnel avec un nombre de filières qui pourrait atteindre les
15. Annulation du bac sportif ; limiter la durée des examens à trois jours en limitant
le nombre des matières. Un scientifique ne passerait le bac que pour les matières scientifiques, par exemple». Pour plus de sécurité et afin d’éviter le scénario de cette année, il propose de «transférer les sujets directement aux centres d’examen par mail
le jour-même de l’examen, de les imprimer sur place et de faire appel aux directeurs
des centres d’examen et leurs collaborateurs en dehors des wilayas». De son côté, Meziane Meriane du Snapest, membre de la commission mixte, est plutôt pour le
maintien du bac.
Il explique : «Si l’objectif recherché est cette double spécificité,
à savoir évaluer la fin des études secondaires et ouvrir l’accès à l’enseignement
supérieur, il y a obligation de le maintenir, mais de le reformer. Le bac est aussi un
repère de savoir et un motivant pour nos élèves.» Cependant, actuellement, avec le nombre de matières à l’examen, un élève de la filière scientifique peut être admis à l’examen du bac avec des notes en dessous de la moyenne dans les matières scientifiques, mais de bonnes notes dans les matières littéraires.
La question qui se
pose est de savoir si cet élève est un scientifique ? Non, pourtant il aura accès à une
filière scientifique à l’université. De plus, Meziane Meriane propose «cinq jours
d’examen stressent l’enfant et lui font perdre les capacités de concentration et de
réflexion. Le maintenir et le réformer avec une réduction du nombre de journées
d’examen à trois et la bonification des coefficients des matières essentielles ou bien
passer l’examen en deux sessions».
Pour Abderezak Dourari, «la réforme du système éducatif engagée par l’actuelle équipe avec détermination et pugnacité mérite d’être soutenue par la société dans son entièreté en dépit de critiques méritées, car il y
va de l’intérêt de toutes les tendances idéologiques pour au moins la bonne raison
que tout le monde a besoin de militants et de cadres compétents». Il s’agit d’un enjeu scientifique et non pas d’un enjeu interne, car aujourd’hui il s’agit de la maîtrise de l’économie de la connaissance.

Idéologie
«La réforme du bac est donc nécessaire, selon M. Dourari, pour toutes ces raisons et
bien d’autres.» Allusion faite aux obstacles idéologiques qui bloquent un consensus
dans la commission. C’est-à-dire l’inquiétude de toucher à l’éducation islamique, à l’histoire, à tamazight... «Le nombre de jours d’examen doit absolument être rédui
t et recentré sur des items qualitatifs relatifs à la filière. Les autres matières, même importantes, peuvent être examinées soit en deuxième année secondaire ou même
se contenter de l’examen de fin d’année du lycée. Il n’y a aucune raison pédagogique
ni même identitaire de réduire l’importance de ces évaluations continues, alors que
bien des nations développées s’en contentent pour le passage au supérieur.

Ces examens permettraient en plus aux élèves de redonner de l’importance au suivi
des cours de leurs enseignants et de ne pas se contenter du bachotage. Il est tout
aussi nécessaire de réviser profondément le système des coefficients des matières en
les recalculant selon l’importance de ladite matière au regard non pas de l’idéologie
quelle qu’elle soit, mais du noyau disciplinaire de chaque filière», affirme M. Dourari.
De son côté, Ahmed Tessa préfère parler de la réforme du passage à l’université et
non de la réforme du bac.
Il explique «Une telle réforme du passage à l’université
nécessite une refonte totale du fonctionnement et de l’organisation de l’université algérienne. Il est grand temps de valoriser l’enseignement professionnel, de l’élargir
à tout le territoire national et de faire accéder ses lauréats à des filières d’ingéniorat à l’université. Sans ces deux préalables, il n’y aura pas de changement efficace.
L’université algérienne doit lever le verrou hérité de l’esprit de mandarinat cher à l’université française d’avant 1968.»


Le taux d’échec en première année universitaire est dû à la mauvaise orientation


Le taux d’échec en première année universitaire dans certaines spécialités atteint
50% à 60%, a indiqué hier le secrétaire général du ministère de l’Enseignement
supérieur, Seddiki Mohamed Salah Eddine.«Le taux d’échec en première année universitaire est plus élevé dans certaines universités et varie entre 50% et 60% en
raison de la mauvaise orientation», a déclaré hier M. Seddiki en marge de l’atelier
portant sur la refonte du baccalauréat. Les sciences technologiques figurent parmi
les spécialités qui enregistrent le plus grand taux d’échec en première année dans
nombre d’universités, a-t-il précisé.L’analyse montre que l’examen «ne reflète pas
le savoir acquis par l’élève durant son cursus scolaire», a estimé le responsable,
pour qui la note du baccalauréat doit correspondre à l’orientation en comptabilisant,
par exemple, les notes des matières essentielles.Lors de son intervention, M. Seddiki
a souligné que la rencontre qui regroupe des experts des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et de l’Education nationale constitue
«un jalon supplémentaire» pour développer le système éducatif et améliorer sa performance et son rendement de façon à répondre aux normes scientifiques et pédagogiques. Il a ajouté que cette rencontre vise à «améliorer le système d’évaluation
du baccalauréat en partant d’une vision globale du système des examens nationaux
et officiels».M. Seddiki estime que «l’engagement d’une réflexion pour une nouvelle conception du baccalauréat, la rationalisation de son organisation, le renouvellement
des méthodes d’élaboration des examens et le renforcement de la formation des formateurs spécialisés dans la préparation des examens peuvent constituer les
premiers pas de la réforme globale du cycle d’enseignement secondaire».

La refonte du baccalauréat doit «avoir une approche globale, une démarche
participative», a-t-il souligné. «La réforme du baccalauréat ne doit pas être considérée comme une fin en soi mais plutôt comme un processus de développement visant à améliorer les compétences des bacheliers et renforcer leurs connaissances».

«Les efforts déployés à moyen terme pour la refonte et l’amélioration de cet examen doivent se concentrer sur le ciblage des connaissances à évaluer chez l’élève, outre
la nécessité de faire la distinction entre les différentes branches en réajustant les
matières d’examen dans chaque branche et en s’assurant que chaque coefficient est
établi suivant la nature et les caractéristiques de la branche», a indiqué M. Sediki.APS

Nassima Oulebsir