Une molécule d’ARN à l’origine des maladies auto-immunes

En analysant le rôle des ARN non codants dans l’immunité, des chercheurs états-uniens ont identifié une molécule d’ARN, appelée Thril, qui contrôle la réponse inflammatoire. Cette découverte ouvre la voie vers de nouveaux traitements des maladies qui résultent d’une inflammation excessive des tissus.

Pathologie infantile, la maladie de Kawasaki est due à une inflammation excessive de certaines artères. La langue des enfants malades présente un aspect caractéristique visible sur cette image. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont découvert une molécule d’ARN associée à cette maladie. Pourra-t-on l’utiliser comme cible pour la soigner ?
Éparpillés à travers le corps, les différents acteurs du système immunitaire coordonnent leurs efforts pour protéger les tissus contre les envahisseurs. La tâche n’est pas simple, car il faut constamment maintenir un équilibre délicat afin de tuer les pathogènes sans abîmer ses propres cellules. Tout dérèglement peut en effet être fatal. Lorsque l’action des globules blancs s’affaiblit par exemple, l’organisme se retrouve rapidement envahi par les agents infectieux. Dans le cas contraire, lesystème immunitaire peut se retourner contre les cellules qu’il est censé défendre. Cela peut conduire au développement d’une maladie auto-immune, comme le lupus, le diabète de type 1 ou la maladie de Kawasaki, une pathologie infantile caractérisée par une inflammation de certainesartères.Malgré les nombreuses recherches sur le sujet, les raisons pour lesquelles le système immunitaire se dérègle subitement restent encore mystérieuses. Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego (États-Unis) se sont penchés sur le problème. Ils se sont particulièrement intéressés aux ARN non codants (ARN-nc), c’est-à-dire les ARN ne menant pas à la synthèse d’une protéine. Leurs travaux, publiés dans la revue Pnas, les ont conduits vers l’identification d’une molécule d’ARN impliquée dans le contrôle de l’équilibre immunitaire.

Le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα pour tumor necrosis factor alpha en anglais) est une importante cytokine impliquée dans l’inflammation. L’ARN non codant Thril contrôle son activation. © Eck et al., Journal of Biological Chemistry
Des centaines de gènes codent pour des ARN-nc qui participent à des procédés biologiques essentiels dans la cellule. Certains d’entre eux sont-ils impliqués dans l’immunité ? Pour le savoir, les chercheurs ont comparé l’expression globale des gènes dans différents tissus avant et après l’activation des macrophages, des cellules mangeuses d’agents infectieux et impliquées dans le déclenchement de la cascade immunitaire. Ils ont alors identifié 159 gènes d’ARN-nc exprimés différemment entre ces deux conditions, parmi lesquels se trouvait le gène Thril.


Thril, une nouvelle cible contre les maladies inflammatoires ?

Grâce à des méthodes de biochimie et de biologie moléculaire, les auteurs ont montré que l'ARN-nc Thril participait à l’activation de nombreux gènes impliqués dans la réponse immunitaire dont celui codant pour le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα), une cytokine jouant un rôle prépondérant dans la réaction inflammatoire. Ils ont également démontré que la destruction du gèneThril empêchait la stimulation de divers facteurs de l’immunité lors de l’activation desmacrophages.« Quand nous nous sommes rendu compte que Thril contrôlait l’expression du gène codant pour leTNFα, nous avons voulu tester son rôle dans le développement des pathologies pour lesquelles la réaction inflammatoire devient chronique et exagérée, comme c’est le cas pour la maladie de Kawasaki », explique Tariq Rana, le directeur de l’étude. Pour ce faire, les chercheurs ont mesuré la concentration de Thril dans des échantillons cellulaires provenant d’enfants atteints de cette pathologie. Ils ont alors observé une corrélation entre les taux de Thril et les niveaux de TNFα chez ces malades.Ces recherches ont permis l’identification d’un ARN-nc impliqué dans le déclenchement de la réponse inflammatoire lors d’une infection. Dans certains cas, la synthèse de Thril se dérègle ce qui conduit à une inflammation démesurée et peut déclencher une maladie auto-immune. « Thril pourrait être un nouveau biomarqueur de l’inflammation, indique le chercheur, il pourrait également servir de cible pour le traitement des pathologies inflammatoires comme la maladie de Kawasaki ou la maladie de Crohn. »









Une hormone pour en finir avec la dépendance au cannabis

La prégnénolone, une hormone produite par le cerveau, pourrait aider les accros au cannabis à se défaire de leur addiction. Dans une étude récente réalisée chez la souris, des chercheurs français ont montré que cette molécule pouvait inhiber le phénomène de dépendance. Ce travail ouvre la voie au développement de traitements contre les méfaits de cette drogue très appréciée des jeunes.


Consommé depuis longtemps pour un usage récréatif, le cannabis procure en général une sensation de bien-être. Il est souvent considéré comme une drogue peu nocive, en particulier par les adolescents, de plus en plus nombreux à en consommer. Le cannabis peut cependant déclencher un phénomène de dépendance. Heureusement, les chercheurs progressent vers un traitement contre cette addiction.

Loin d’être une drogue douce, le cannabis a des effets nocifs sur la santé de mieux en mieux reconnus. Tour à tour, les études ont montré qu’il altérait les facultés cérébrales, augmentait les risques d’apparition de troubles psychotiques et pouvait même conduire à la dépendance. Selon une étude de 2004, 10 % des consommateurs réguliers seraient accros à cette drogue. L’addiction au cannabis concernerait plus de 20 millions de personnes dans le monde et un peu plus d’un demi-million en France, d'après les estimations de l'Inserm.Le principe actif du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC), agit sur le cerveau par l’intermédiaire des récepteurs cannabinoïdes CB1 situés sur les neurones. Leur stimulation induit la libération excessive de dopamine dans le cerveau, provoque une diminution des capacités de mémorisation ainsi qu’une démotivation et conduit progressivement à la dépendance. De nombreux scientifiques cherchent à identifier des molécules qui pourraient contrer ces effets nocifs du cannabis. Cependant, malgré les recherches sur le sujet, il n’existe pas encore de médicament pour lutter contre cette addiction.
Le THC se fixe sur les récepteurs cannabinoïdes CB1, dont voici la structure. La prégnénolone peut également se lier à ces récepteurs, ce qui inhibe certains des effets du THC, comme la libération excessive de dopamine impliquée dans la dépendance. © Vallée et al., Science

Bientôt un médicament contre la dépendance au cannabis ?

Des chercheurs du Neurocentre Magendie à Bordeaux se sont penchés sur le problème. Dans une étude publiée dans la revue Science, ils se sont intéressés à la prégnénolone, une hormoneproduite dans le cerveau et également capable de se fixer sur les récepteurs cannabinoïdes CB1. Pour tester l’effet de cette molécule sur l’addiction au cannabis, les scientifiques l’ont administrée à des souris consommatrices de cannabis. Leurs résultats sont encourageants. Ils ont en effet observé une forte diminution de la libération de dopamine dans le cerveau, considérée comme étant à la base des effets addictifs de cette drogue. En d’autres termes, la prégnénolone diminue le phénomène de dépendance au cannabis chez la souris.« La prégnénolone ne pourra pas être utilisée telle quelle comme médicament, car elle est mal absorbée et rapidement métabolisée par l’organisme », explique Pier Vincenzo Piazza, directeur de l’étude. Toutefois, selon lui, cette découverte ouvre la voie à la mise en place d’une thérapiecontre la dépendance au cannabis. « Nous avons développé des dérivés de la prégnénolone qui sont stables et bien absorbés et qui pourront être utilisés comme médicament. Nous espérons bientôt commencer les essais cliniques