A La Une/Panama papers
07.04.2016 10:30
Entre démissions, enquêtes et vains démentisPar Amar Naït Messaoud
Parallèlement au traitement médiatique dont a bénéficié une affaire dans laquelle sont mises
en cause des dizaines de milliers de personnes, et qui ne risque pas de tarir de sitôt, chaque
pays ou personnalité citée ou réellement impliquée a eu des réactions qui n’est pas partout
la même. C’est pourquoi, le journal français Les Echos a fait sa manchette du lundi 4 avril
en titrant: « Les réactions oscillent entre indignation, enquêtes et démentis ».
Suite à une pression de la rue, faite de grandes manifestations populaires organisées lundi dernier,
le Premier ministre islandais, Sigmundur David Gunnlaugsson, avait annoncé sa démission.
Du moins, sa déclaration a été ainsi comprise par la population et les médias, avant que
le communiqué du Premier ministre ne soit « élucidé ». Il y est expliqué que
« le Premier ministre a proposé au Parti du progrès que le vice-président du parti le remplace
pour une période non déterminée. Le Premier ministre n’a pas démissionné
et continuera à présider le Parti du progrès. »
Démissions
Cependant, une journée plus tard, le mardi 5 avril, l’information de sa démission a été donnée à
la télévision par le vice-président du parti et ministre de l’Agriculture.
David Gunnlaugsson, embarrassé par la citation de son nom dans l’affaire des Panama papers,
avait, auparavant, demandé l’autorisation de dissoudre le Parlement au président qui la lui a refusée.
Ce dernier a expliqué qu’il souhaitait au préalable consulter notamment le Parti de l’indépendance,
allié du Premier ministre et de son Parti du progrès, afin de connaître sa position. Le Premier ministre
s’est dit prêt à dissoudre le Parlement et convoquer des législatives anticipées « si les parlementaires
du Parti de l’indépendance (avec lequel il a fait alliance, Ndlr) estiment qu’ils ne peuvent plus soutenir
le gouvernement ». Des partis de gauche réclament le départ du Premier ministre, alors que le Parti
de l’indépendance apparaît divisé. C’est que cette formation politique elle-même a des choses à
se reprocher, sachant que son président, Bjarni Benediktsson, qui est ministre des Finances,
est lui aussi impliqué dans l’affaire de Panama papers.
David Gunnlaugsson est cité dans l’affaire de Panama papers, pour avoir domicilié, avec sa femme,
une entreprise dans le paradis fiscal des îles Vierges britanniques. La population s’est sentie « flouée »
par cette fuite de capitaux nationaux pour se soustraire au fisc. Dans un sondage réalisé le jour même
de la grande manifestion de rue, 81% des citoyens interrogés tiennent à la démission de
leur Premier ministre.Au Chili, le président de « Chili Transparent », faisant partie de l’ONG
Transparency International qui se donne pour vocation la lutte contre la corruption, a démissionné de
son poste, dès qu’il a vu son nom figurer sur la liste de Panama papers de ceux qui ont installé
leurs actifs en dehors des territoires de la fiscalité.
Enquêtes
Au Pakistan, le Premier ministre, Nawaz Sharif, dont la famille est mise en cause dans le scandale
Panama papers, a annoncé mardi la formation d’une commission d’enquête. « J’ai décidé de mettre
en place une commission judiciaire de haut niveau dirigée par un juge à la retraite de la Cour suprême.
Cette commission tranchera sur la réalité et sur le poids de ces allégations »a-t-il déclaré à
la télévision pakistanaise.Parmi les personnes proches du Premier ministre, citées dans l’affaire,
figurent trois de ses quatre enfants, sa fille Maryam, pressentie comme son successeur, et
ses fils Hassan et Hussain, propriétaires de biens immobiliers à Londres par le biais de compagnies
offshore gérées par le cabinet panaméen Mossack Fonseca.
En annonçant la création d’une commission d’enquête, Nawaz Sharif reconnaissait à la télévision
« Des amis m’ont dit que comme il n’y a rien contre moi et que mes deux fils sont adultes et responsables
de leurs actes, je devrais me tenir à l’écart… Mais mes compatriotes, je veux que les faits soient
présentés devant la nation et que tout Pakistanais puisse connaître ces allégations ».
Aux Etats-Unis, les autorités américaines sont en train d’examiner les informations relatives à l’affaire
« Nous sommes au courant des publications et sommes en train de les examiner », a déclaré à
l’AFP Peter Carr, porte-parole du département de la Justice.De son côté, le porte-parole de
la Maison Blanche Josh Earnest, a indiqué que les Etats-Unis souhaitaient continuer à se battre en faveur
« d’une plus grande transparence dans le système financier international », afin, en particulier,
de « lutter contre la corruption ».En France, le président François Hollande a réagi en promettant
des enquêtes fiscales et des procédures judiciaires. « Toutes les informations qui seront livrées donneront
lieu à des enquêtes des services fiscaux et à des procédures judiciaires », a-t-il assuré selon le site
lepoint.fr. A l’occasion des révélations relatives aux comptes off shore et aux paradis fiscaux,
il remercié ceux qu’il appelés les « lanceurs d’alerte » et la presse pour ces révélations qui vont, selon lui,
« permettre de nouvelles rentrées fiscales ».François Hollande précisera: « Ce que je peux vous assurer,
c’est qu’à mesure que les informations seront connues, toutes les enquêtes seront diligentées, toutes
les procédures seront instruites et les procès éventuellement auront lieu ».
Silence radio
Les réactions enregistrées et les mesures engagées diffèrent d’un pays à l’autre. Là où il y a une certaine
tradition de rigueur fiscale, de transparence et de démocratie, des enquêtes sont ou seront diligentées
pour confirmer les faits reprochés aux détenteurs de comptes off shore et déterminer éventuellement
l’origine des fonds (corruption, terrorisme, drogue, ou simple domiciliation motivée par la volonté
de fuir le fisc,…).Ailleurs, l’illustration nous est faite par l’image que donne le présentateur télé Ibrahim Issa,
officiant sur une télévision égyptienne, sur monde arabe. Il se pose la question de savoir
« où est l’intérêt de mentionner les noms des rois arabes qui n’ont de toute façon pas d’impôts dans
leur pays ».Si, en Russie, des médias proche du régime préparent la riposte pour soutenir Vladimir Poutine,
dont on a cité des proches dans l’affaire des Panama papers, au Maroc, en Chine et dans certains pays africains,
c’est quasiment le silence radio du côté des officiels. L’affaire n’est traitée que par certains médias privés.
L’Algérie convoque l’ambassadeur français
Comme, d’ailleurs en Algérie où la seule réaction officielle est celle du ministère des Affaires étrangères qui
a protesté auprès de l’ambassade de France à Alger pour ce qu’il appelle une « campagne de presse,
hostile à l’Algérie et à ses institutions » menée en France. L’ambassadeur d’Algérie en France a, lui aussi,
protesté auprès de la rédaction du journal Le Monde suite à la publication de la photo du président Bouteflika
dans une de ses éditions où elle a traité de l’affaire des Panama papers. L’on sait que dans cette affaire,
ce n’est pas le nom du président de la République qui est cité, mais ce sont les noms de Abdeslam Bouchouareb,
Farid Bedjaoui et Chekib Khelil.L’autre réaction, relative à la citation du nom du ministre de l’Industrie et
des Mines ayant bénéficié de support de l’agence de presse officielle (APS), est venue d’une entité qui a
pour nom « Compagnie d’études et de conseil » (CEC), qui déclare que « la société appartenant à
M. Bouchouareb Abdeslam, ministre de l’Industrie et des Mines, la ‘Royal Arrival Corp’, a été créée à l’initiative
de la Compagnie d’études et de conseil (CEC) pour gérer son patrimoine privé, mais n’a jamais été active »
et « ne possède aucun compte bancaire ».Le sujet, tout en soulevant une tempête médiatique dans
le landerneau algérien, n’a pas donné, jusqu’à présent, suite à une quelconque investigation ou enquête.A.N.M