L'islamophobie se porte bien en Australie
Réglementation du port de la burqa, agressions, création d'un parti politique antimusulman... Le pays est en proie à de fortes tensions.
Le Parlement australien est revenu sur sa décision : le port de la burqa dans l’hémicycle ne sera finalement pas réglementé. Car la question fut posée. Le 2 octobre, la présidente de la Chambre des représentants, Bronwyn Bishop, et le président du Sénat, Stephen Parry, avaient approuvé une règle provisoire visant à faire asseoir les personnes recouvrant leur visage et pénétrant la Chambre des représentants ou le Sénat, dans des zones isolées, protégées par des panneaux de verre. Les femmes portant la burqa ne pouvaient plus circuler librement dans l’ensemble du bâtiment.
Mais les deux présidents sont finalement revenus en arrière. Les visiteurs doivent désormais montrer leur visage au personnel de sécurité à l’entrée mais peuvent ensuite se couvrir à nouveau la figure. «Une fois que ce processus a eu lieu, a précisé Bronwyn Bishop, les visiteurs sont libres de se déplacer, visage couvert, dans les différents espaces publics du bâtiment, y compris les galeries de la chambre.»
UN PARTI «ANTIMUSULMAN» A ÉTÉ CRÉÉ
L’annulation de cette décision, sous la pression exercée par le Premier ministre, Tony Abbott, illustre la virulence du débat autour des questions relatives aux musulmans en Australie. Lundi matin, trois protestants ont tenté d’entrer dans le Parlement en se couvrant respectivement la tête avec un casque de moto, une burqa et un capirote – habit traditionnel du Ku Klux Klan – pour dénoncer l’autorisation du port du voile intégral. Ces militants font de la lutte contre l’habit musulman une revendication politique. Mais dénoncent très ouvertement l’islam qu’ils jugent contraire aux valeurs australiennes.
Le sentiment islamophobe se répand dans le pays. En mars, un parti «antimusulman» a été créé. De nombreuses agressions ont été recensées. Lundi,une femme voilée a été passée à tabac par un individu scandant «Vous les musulmans, retournez d’où vous venez !» alors qu’elle faisait son shopping à Melbourne. Début octobre, une autre musulmane avait été battue sauvagement puis éjectée d’un train en marche, échappant de justesse à la mort. Relayée dans les médias, l’histoire d’une femme voilée attaquée au volant de sa voiture et défendue par un groupe de jeunes, au début du mois, avait également suscité l’exaspération générale.
DES GUIDES DANS LES MOSQUÉES
«Il y a un grand sentiment d’anxiété chez les musulmans en ce moment» a expliqué à la BBC le Cheikh Wesam Charwaki, imam à la mosquée de Sydney. Dans le but d’apaiser ces tensions, différentes mosquées australiennes ont ouvert leurs portes au public, le week-end dernier. Afin de sensibiliser la société, les guides ont accompagné les nombreux visiteurs australiens tout au long de leur visite en leur expliquant certains principes religieux, notamment les différences entre sunnites et chiites ou encore les raisons du port du voile par les femmes.
La classe politique réagit également. «L’extrémisme conduit souvent à des conflits,avait déclaré le vice-Premier ministre, Warren Truss, en mars. Les Australiens doivent se respecter mutuellement, respecter les opinions des autres, et quiconque désire promouvoir ses idées doit le faire pacifiquement, sans livrer autrui à la vindicte.» De même, Bill Shorten, le leader du Parti travailliste, appelait à davantage de mesure. «L’extrémisme, que ce soit de l’extrême gauche ou de l’extrême droite, n’est pas le bienvenu en Australie.»