L’affaire Morandini, un coup dur pour Europe 1 et i-Télé

Un animateur connu, tout de noir vêtu, qui se dit victime d’un « assassinat public » déclenché par un rival « maître chanteur », qui brandit des pages reproduisant des tweets ou des documents d’avocat, avant de finir sur une évocation de ses origines corses… Accusé d’avoir organisé des castings scabreux pour une websérie, Jean-Marc Morandini a fait, mardi 19 juillet, une déclaration à la presse très médiatique, mais sans questions de journalistes.
Un « clash » spectaculaire… et une affaire embarrassante pour les employeurs actuels et futurs de l’animateur, Europe 1, NRJ 12 et i-Télé. Si la direction de la radio ne fait « pas de commentaires », elle envisagerait de suspendresa collaboration avec M. Morandini, qui assure pourtant trois heures de direct quotidien, de 9 h à 12 h. « En l’état, on ne voit pas comment il pourrait être à l’antenne à la rentrée », explique une source interne. Le directeur général d’Europe 1, Fabien Namias, devait rencontrer l’animateur mercredi.
« Chantage »
Tout a commencé le 13 juillet. Ce jour-là, un article des Inrockuptibles assure que M. Morandini a poussé de jeunes acteurs à se dénuder ou à se masturber, dans le cadre de castings organisés pour la websérie « Les Faucons », centrée sur la vie d’une équipe de football et produite par sa société NZPP. Selon le magazine, l’animateur aurait profité d’une forme d’ascendant sur ces comédiens, lié à son statut de personnalité et d’employeur.
« Je n’ai jamais abusé de personne »
De plus, les échanges ont souvent eu lieu par e-mail avec une certaine « Catherine », en fait un nom d’emprunt utilisé par des collaborateurs de M. Morandini, voire lui-même. Un message cité par Les Inrocks suggère à un témoin de venir à un casting accompagné de son frère de 14 ans. Dans un second article, le magazine cite un témoin qui, âgé de 15 ans en 2012, se serait vu proposer de se faire épiler le sexe. Deux avocats représentant trois comédiens ont annoncé des plaintes pour « harcèlement » et « travail dissimulé ».
En réponse, M. Morandini a dénoncé « des articles dégueulasses ». La série « n’était ni cachée, ni secrète », « ni glauque, ni sordide », a-t-il expliqué devant la presse, assumant la « nudité »dans cette fiction. « Les acteurs savaient ce qu’ils venaient tourner », a-t-il affirmé. Il a nié qu’un casting ait eu lieu dans les locaux d’Europe 1. « Je n’ai jamais abusé de personne ou forcé quiconque à avoir des relations sexuelles avec moi », ni « couché avec un mineur », a-t-il clamé.
M. Morandini a contre-attaqué en pointant du doigt Marc-Olivier Fogiel, un animateur de RTL avec lequel il a une brouille notoire. Il s’est dit victime d’un « chantage », M. Fogiel l’ayant menacé de « balancer tous les dossiers » s’il n’arrêtait pas de brocarder les audiences de ses émissions. M. Morandini a accusé M. Fogiel d’avoir fait appel au soutien du chroniqueur de l’émission « Touche pas à mon poste » Matthieu Delormeau, ou à Matthieu Pigasse, propriétaire des Inrocks (et actionnaire du Monde). Il a annoncé des plaintes visant le magazine et MM. Fogiel et Delormeau.
Des audiences en baisse
« Morandini fait une tentative pathétique de diversion », rétorque M. Fogiel. « Oui, je lui ai envoyé des SMS, mais ce n’était pas dans le sens où il le prétend », ajoute l’animateur, qui précise ne pas avoir vu M. Pigasse « depuis trois ans ». Comme M. Delormeau, M. Fogiel annonce qu’il va porter plainte contre Jean-Marc Morandini.
Jusqu’ici, Europe 1 s’est montrée très prudente dans sa communication. Depuis le 13 juillet, M. Namias a parlé trois fois à M. Morandini. Celui-ci a tout démenti. « C’est compliqué, il y a la présomption d’innocence, mais aussi les conséquences d’image pour l’antenne », résume une source en interne.
« Le problème, c’est que Morandini pèse vraiment lourd dans l’audience d’Europe 1, qui est en difficulté. S’en séparer est une grosse galère, d’autant que le mercato est déjà fini », confirme un salarié.
D’avril à juin, Europe 1 a atteint son plus bas historique, avec 7,8 % d’audience cumulée (– 1,1 point sur un an). Pour répondre à l’échec du remplacement de Laurent Ruquier par Cyril Hanouna, la station avait annoncé une refonte de sa grille, mais limitée aux après-midi…
A i-Télé, l’arrivée de l’animateur était aussi prévue fin août, pour une tranche d’actualité de fin de journée. La chaîne d’information du groupe Vivendi présidé par Vincent Bolloré, que M. Morandini a connu à Direct 8, n’a pas fait de commentaire.« Avant l’affaire, on avait déjà regretté le choix du profil de Morandini, estime néanmoins un journaliste d’i-Télé. Notre fonds de commerce, c’est la crédibilité, lui n’en a désormais plus pour de l’info. »