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Discussion: Noureddine Boukrouh

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    NOUREDDINE BOUKROUH
    LA THEORIE DES IDEES
    Noureddine Boukrouh·JEUDI 4 FÉVRIER 2016

    Le Soir d’Algérie du jeudi 04/02/2016

    Qu’est-ce qui incite les peuples à entreprendre, au-delà de leurs
    besoins ordinaires, de grandes choses ? Les peuples réalisent sous
    l’impulsion de leurs rois, de leurs gouvernements ou de leurs élites
    lorsqu’ils sont tendus par un idéal ou la volonté de marquer
    leur passage sur la terre. Que ce soit pour se défendre
    (muraille de Chine), perpétuer leur souvenir (mausolées) ou plaire
    à Dieu (mosquées, cathédrales, synagogues, temples…) ils entreprennent
    des ouvrages magnifiques (merveilles du monde) ou créent des institutions
    géniales (république, démocratie, assistance sociale…).
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    Post êtes-vous sûrs de vouloir la verite ?

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    NOUREDDINE BOUKROUH
    ÊTES-VOUS SÛRS DE VOULOIR LA VERITE ?

    Publié Mardi 09 Février 2016

    « Que ce qui est dans la jarre sorte au milieu de l’assemblée !"
    (( "ألي فالقسط يخرج للوسط"
    « Win rahi la verité ? » s’interrogeait Bâaziz dans une chanson de 1990. « On s’en fout ! » est-on tenté de lui répondre en restant dans l’air et les paroles de sa chansonnette alors que le pays est pris dans une furie de déballage allant de la bataille d’Alger aux tortures d’octobre 88, du départ de Chadli aux grandes affaires de corruption, de Toufik « éplucheur de patates » avant l’indépendance à « rab dzaïr » il n’y a pas longtemps…
    Quand on voit à quoi se rapporte la question on a envie de dire « On n’en a que faire de la vérité, Bâaziz, elle est trop sale !»

    Elle pleut ces jours-ci, la prétendue vérité, elle nous inonde en ces temps de sècheresse, elle tombe du ciel, monte de la terre, sort de l’oubli, rentre d’exil… Elle est sur toutes les bouches, dans les cafés, les chaumières, à la une des journaux, sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision. Elle pousse toute seule, comme le chiendent et le « cactus berberus » (hendi). On ne pensait pas la connaître de notre vivant, la voilà courant les rues comme si elle était plus pressée de se montrer que nous de la voir.
    On voulait bien être édifié sur deux ou trois évènements, prendre connaissance de quelques hauts faits cachés par modestie, deviner de l’intelligence derrière les décisions prises à certains moments cruciaux mais c’est au plus dégueulasse qu’on a eu droit : des révélations sordides, de la pure délation, des accusations mutuelles de trahison, des raisonnements enfantins, des comportements de brutes épaisses… Qu’est-ce qu’il leur a pris à ces déballeurs avares de mots durant leur vie active de devenir d’intarissables perroquets à un âge où on est généralement peu causeur ?
    Nezzar a longtemps été seul sur le créneau des scoops mais le voilà rejoint par une flopée de compétiteurs rappelant les célèbres marionnettes du Muppet Show : le colonel Benaouda, le général Betchine, l’ancien Premier ministre Abdelhamid Brahimi qui n’a pas pu patienter jusqu’à sa sortie de l’aéroport pour nous apprendre que
    Nezzar est un agent des services français et Toufik un ancien aide-cuisinier.

    On ne sait pas ce qu’il est arrivé à madame l’Histoire en Algérie, mais on dirait qu’elle a jailli des boîtes d’archives classées « top secret » pour ne laisser personne frustré de la connaissance de la vérité. Elle s’est emparée d’un mégaphone et poussé devant elle les derniers témoins en vie qu’elle a trouvés sur son chemin pour les forcer à dégurgiter
    ce qu’ils ont longtemps caché les uns sur les autres.

    Un proverbe algérien dit : « Sdour al-ahrar, qbour al-asrar » (poitrines de nobles, tombeaux des secrets). Cette belle parole valait peut-être au temps de l’Emir Abdelkader, cheikh al-Mokrani, Fatma Nsoumer ou Bouamama, elle ne convient pas à la triste époque que nous vivons et aux petits « haggarin » qui l’ont souillée de leurs vilénies.
    C’est pour vous dire, messieurs les généraux à la retraite, anciens chefs de gouvernement et anciens maquisards que nous ne voulons pas de vos vérités vengeresses, de vos dénonciations tardives, de vos haines séniles, car vous avez achevé de détruire le respect que nous vous accordions bien que nous n’étions pas dupes. Nous préférons ne rien savoir sur vous ou venant de vous.
    Nous nous doutions à la seule vue de vos personnages mal fagotés, de votre langage de rue, de ce qu’on a appris sur vous, qu’il y avait plus de mensonge que de vérité dans ce que vous nous racontiez ou que vous vous prêtiez mutuellement pour entretenir vos légendes; que la Révolution a été faite par ceux qui sont morts plutôt que par ceux qui y ont survécu ; que quelques uns de ces derniers ont aidé quelques uns des premiers à rejoindre le paradis auquel ils ont préféré
    les richesses terrestres et le pouvoir qui les permet et les sécurise.

    Mais, à bien y réfléchir, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas encourager ce désir de se confesser même si on sait que sa motivation n’est pas le témoignage mais la vengeance : « a’mili aïn » pour que mon ennemi perde les deux. C’est peut-être nous qui ne comprenons pas ces vocations tardives, cette illumination de la vieillesse, ce feu d’artifices, et continuons à voir
    du mal là où il n’y a plus que rémission et résilience.

    Oui, effectivement, pourquoi Zéroual ne nous apprendrait-il pas lui-même, au lieu de compter sur l’Histoire, dans quelles conditions il a abandonné ses fonctions moins de trois ans après que le peuple lui eut accordé sa confiance dans une ambiance patriotique mémorable ? Yacef Sâadi, malgré le grand film réalisé, le paquet de livres écrits et les interviews données tout au long de sa vie est revenu ces jours-ci sur l’ouvrage à quatre-vingt-dix ans.
    La vérité, braves Algériens, est dans l’étalage de médiocrité qui nous a dirigés en vertu des aberrations de notre histoire où la mauvaise monnaie a de toujours chassé la bonne, les voyous les fils de famille et les analphabètes les hommes de pensée, pendant la Révolution comme après l’indépendance. Elle est dans le niveau intellectuel de notre leadership de 1926 (création de l’Etoile Nord-africaine ») à février 2016 où viennent de se jouer, avec la dernière révision constitutionnelle
    et dans l’inconscience la plus totale, les 5e et 6e mandats au profit d’un homme disqualifié physiquement
    et moralement et dont on ne voit la silhouette tassée que de loin en loin.

    Si le « faiseur de rois » épluchait jadis patates et carottes à en croire les révélations d’ « Abdelhamid la science », le « zaïm » du mouvement national, Messali Hadj, les vendait sur une charrette à en croire ses biographes.
    Près d’un siècle plus tard, nous sommes dirigés par un homme qui a mis le pays à plat ventre
    comme personne avant et lui roule dessus comme on passe le fer à repasser sur un linge.

    La vérité, braves Algériens, est que tout cela ne date pas d’hier. Si on remonte plus haut dans notre histoire on tombe sur « l’homme à l’âne », Maysara « le porteur d’eau » ou le rusé Djouha. Quand ce n’est pas l’un, c’est l’autre. Il ne pouvait qu’en être ainsi après 1962, un ignorant succédant à un autre, s’entourant de plus illettré que lui pour les postes de confiance, de légèrement plus compétent pour les postes techniques mais le compensant par une servilité illimitée,
    et de corrompus pour gérer les affaires du « système ».

    On veut des preuves « alternatives » ? Si le FIS, les GIA, l’AIS, le GSPC et AQMI avaient gagné la partie dans les années 90 on aurait aujourd’hui à la tête du califat ou de l’Etat islamique d’Algérie moult marchand de volaille, tôlier, maître d’école coranique, imam et « faqih » de rue, vite promis au despotisme et à l’enrichissement sans cause qui va avec.
    Ce n’aurait pas été l’un ou l’autre, mais les uns et les autres.

    On voudrait des preuves plus récentes ? A l’élection présidentielle de 2014 il y avait parmi les candidats, entre pelés et tondus, un marchand de légumes prospère dont le programme était de… déléguer son mandat à Ali Benhadj. Il y a même des preuves « d’à-venir » si vous voulez: un Belahmar ne sera-t-il pas élu haut la main par l’esprit du douar s’il se présentait en 2029 ? Un Benouari ou un autre « Suisse » de ce temps-là aura-t-il une chance devant un autre Benhadj
    en 3029 ou en 3979 pour être fidèle à notre vieux calendrier berbère ?

    En réalité, braves Algériens, ni le pouvoir ni personne d’entre nous ne voudra de la vraie vérité, de toute la vérité. Un morceau, quelques lambeaux par-ci par-là, de temps en temps, celle des autres, oui, c’est acceptable. La nôtre, celle de chacun de nous, non, il n’en est pas question sinon tous les tribunaux du monde ne suffiraient pas pour nous juger, le siècle s’avérerait trop court, les prisons de toute la planète n’offriraient pas assez de places pour nous héberger, les sabres d’Arabie saoudite et les pierres de son désert ne feraient pas le compte pour nous décapiter et nous lapider pour nos fautes et nos crimes cachés, non avoués et non expiés.
    « Win rahi la vérité ? » Il vaut mieux ne pas le savoir car elle serait trop honteuse pour nous, trop accablante pour notre soi-disant dignité. Elle ressemble au voleur du dernier billet de Saïd Mekbel se faufilant dans l’obscurité pour déposer son sachet-poubelle devant la porte du voisin ; elle a les traits du conducteur regardant à droite et à gauche avant de jeter quelque chose de son véhicule sur la voie publique ; elle est dans la discrétion de ce resquilleur volant avec sa progéniture sa consommation d’électricité à Sonelgaz ou d’eau à Seal avant d’aller accomplir les « tarawih »; elle est dans l’élégance des hommes d’affaires maquillant leurs chiffres pour ne pas payer ce qu’il doivent au fisc; elle est dans chaque construction illicite, dans l’absence de toilettes publiques dans l’ensemble du pays, dans l’irrespect mutuel dans lequel nous nous tenons, dans la culture
    de « takhti rassi », dans les viols incessants de la Constitution…

    Qu’enseigne-t-on à nos enfants à la maison ? De laisser passer quelqu’un devant soi ? De céder le passage à un autre ? D’aider un vieillard à traverser ? De se lever pour laisser s’asseoir une vieille ? D’être poli avec les autres ? De ne pas escroquer autrui ? On ne sait même pas ce que c’est tant que ces règles ne sont pas estampillées d’un verset, confirmées par un hadith « çahih » ou imposées par la loi moyennant sanctions. C’est la « kfaza », la « chtara », la débrouille, la méfiance des autres et leur mépris qu’on leur apprend : « tag âla man tâg », « adarbou ya’raf madarbou » et autres directives du même genre ponctuent le langage quotidien. On n’est pas content de se l’entendre dire ? Ce n’est pourtant que la vérité.
    Nous sommes tous, de haut en bas de l’échelle sociale, de petits, moyens ou grands criminels, permanents ou intermittents. Nous sommes tous, d’une façon ou d’une autre, des voleurs, des menteurs, des transgresseurs des lois, des corrompus ou des corrupteurs, réguliers ou occasionnels. Le tout est de ne pas être vu, surpris, arrêté ou tué, sinon nous sommes prêts à tous les attentats civiques, à tous les terrorismes intellectuels et religieux, à toutes les trahisons politiques et lâchetés sociales. En suivant à la télévision le vote de la Constitution, je me suis demandé combien de députés et sénateurs auraient voté en sa faveur si le scrutin avait été réellement secret. Car les Algériens sont très rarement les mêmes selon qu’ils agissent en secret ou en public.
    Notre vie nationale telle que faite, notre mentalité et nos traditions telles que nous en avons hérité, nous portent, nous obligent, nous condamnent à ces maladies sociales. On ne résiste pas à la force gravitationnelle, on n’échappe pas à son naturel et à son patrimoine génétique. Ce qu’on reproche aux autres, ce pour quoi nous les haïssons et les insultons dans leur dos, c’est d’avoir pris au-delà de ce que nous avons pu prendre nous-mêmes parce que nous n’en avons pas eu la possibilité ou l’audace : « alli ykhaf, razkou klil » dit un adage algérien, et c’est pourquoi il y a plus de pauvres que de riches. Un autre proverbe atteste de l’ancienneté de notre inclination à la cachoterie et à la duperie: « Qui t’aime voilera tes défauts »
    (elli ihebak yastor aybek), il faut laisser « lbir baghtah »…

    La culture étatique et politique du secret remonte, pense-t-on, à la Révolution. En effet il fallait se cacher pour ne pas être pris, ne pas laisser de traces, brouiller les pistes, masquer la vérité… Quelques uns, arrêtés dans le souffle de la bataille, ou pour éviter de l’être, ont été contraints de « donner » leurs frères. D’autres, venus à la Révolution dans on ne sait quels buts et circonstances et ayant donc plus de raisons de dissimuler leur itinéraire et leurs « faits de guerre », y ont trouvé un prétexte inespéré.
    Lorsqu’on réfléchit un peu plus, qu’on relie le présent au passé, on s’aperçoit que la tendance à la dissimulation, à la fourberie, au « dribblage », plonge ses racines dans notre inconscient collectif millénaire. Et si nous creusons davantage, on le trouve intriqué avec la culture religieuse : un péché caché est à moitié pardonné ; « essatra mliha ! », « astar ma star Allah » et autres sentences, surtout quand elles arrangent nos petits calculs, sont pieusement recommandées.
    Lorsque le projet de révision de la Constitution avait été rendu public, j’avais compris comme tout le monde que la langue tamazight avait définitivement conquis son statut de langue nationale et officielle mais qu’il faudrait du temps pour uniformiser son usage et son écriture (dix à quinze ans a dit Ouyahia), ce qui était compréhensible. Puis il m’a paru incongru, incompréhensible, de donner d’une main ce que de l’autre on retirait car dans la même Constitution il était dit une chose et son contraire, à savoir que tamazight était langue officielle mais que l’arabe demeurerait l’unique langue officielle de l’Etat.
    Où était le problème, me suis-demandé ? Dans la conception des amendements ou dans les mots utilisés ? Comme il est plus facile d’entrer dans un dictionnaire que dans la tête de l’auteur des amendements, je me suis précipité sur le Larousse pour m’assurer du sens du mot « officiel » et j’ai lu, comme je m’y attendais : « qui a un caractère légal, qui émane du gouvernement, de l’administration ». Mais en descendant plus bas dans la note de définition je suis tombé sur un autre sens
    « qui est donné pour vrai mais qui laisse supposer une autre réalité ».

    Là j’ai compris que Djouha venait encore de frapper : tamazight sera officielle sans être utilisée par l’Etat et l’administration. Comme pour notre système politique, notre économie, notre culture : la forme ne correspond pas au fond, la lettre au fait, l’étiquette à la marchandise, le discours à la réalité, le promis au tenu : tout est faux et usage de faux, apparences et artifices, ruses et tromperies… Je retrouvais la patine qui a laissé sa trace sur tout ce qui s’est fait depuis 1999. Je me suis imaginé la scène
    « Et les Kabyles, qu’est-ce qu’on va leur donner pour les calmer ? » Réponse : le mot mais pas la réalité !

    Il n’y a plus rien à faire ou à attendre quand c’est du plus haut niveau de l’Etat que viennent les pires exemples, les atteintes à l’unité nationale, à l’intérêt général, à la morale publique, à l’échelle des valeurs... Que retiendront les nouvelles générations de cette attitude systématique de mépris et de ruse fourbe envers la nation ? De leur Président recevant n’importe quel quidam étranger de passage et refusant de dire le moindre mot à son peuple depuis plusieurs années ? De telles attitudes incitent-elles au respect de l’Etat et des dirigeants, au bon exemple et à l’amour du pays ? Et ces scandales incessants, quotidiens, ce viol permanent de la souveraineté populaire, cet abaissement systématique des institutions?
    Au regard de ce qui précède, braves Algériens, les carottes sont bel et bien cuites. Il n’est plus possible dans notre pays de croire à la Constitution, aux promesses publiques, d’espérer du bien des politiques suivies, de filer droit en tant que citoyen, de respecter la loi par conviction et non par peur d’être pris, d’être honnête, bien éduqué, propre au physique et au moral. Il n’y a plus comment…
    NB

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    NOUREDDINE BOUKROUH
    LE GÉNIE DES PEUPLES

    12 Mars 2016

    "La critique et l’autocritique sont un devoir pour chaque militant. Elles permettent de renforcer la combativité du Parti, stimuler ses activités créatrices et ses liens avec les masses. Chaque militant doit pouvoir défendre courageusement ses opinions, dénoncer les insuffisances et proposer des corrections."Charte Nationale » (p.47)
    Le "génie des peuples"(abqariyat ech-chouoûb) est une expression qu’a particulièrement chérie le discours public algérien des vingt dernières années. Mais il n’en a pas toujours fait un usage raisonné. Affirmer la fierté et la grandeur de son peuple est peut-être une bonne chose, l’intention est certainement louable, mais c’est aussi une bonne chose que les mots aient un sens, un contenu, une vie même, et qu’ils tiennent à être protégés de l’abus,
    du non-sens, de l’emploi inconsidéré qui peuvent leur être fatals.

    Le génie" d’un peuple (du Latin genicus, mais surtout ingenium, c’est-à-dire le caractère distinctif d’un être, d’une race, etc), c’est sa marque particulière, ce par quoi il brille par rapport aux autres peuples, son type de "réponse au vide cosmique" comme dirait Bennabi. C’est sa manière, mais une manière positive, créatrice, de vivre sa chance d’exister dans l’Histoire, ce sont ses triomphes sur la nature et sur lui-même, ses réalisations techniques et spirituelles, ses découvertes scientifiques et sociales, son apport au reste de l’humanité, sa poésie de la vie, sa prestance architecturale…On a pu ainsi parler de génie grec, de génie romain, de génie islamique, de génie russe (pour Pierre Le Grand qu’on a aussi surnommé le "Préobrazovatel", c’est-à-dire le "transfigurateur", le "civilisateur"), etc, pour exprimer les performances morales et matérielles d’une nation, l’empreinte de sa main et de son esprit sur l’espace et le temps. Le "génie des peuples" n’est donc pas une fiction, une "qualité" vague et indéterminée, un artifice du langage politique,
    mais une réalité sublime, prouvée et reconnue de tous.

    Certes, la conjonction de l’ignorance et de la démagogie peut en faire un slogan, une flatterie, un mythe - et elle l’a fait - mais en général ce genre de slogan, de flatterie et de mythe ne durent pas, ne résistent pas à la critique. C’est d’ailleurs le sort de tous les mots menteurs que d’être tôt ou tard démasqués, démystifiés, puis abandonnés au profit de la vérité.Et la vérité aujourd’hui pour nous Algériens et Algériennes, c’est l’état dans lequel nous surprend la "lutte contre les fléaux sociaux", une lutte contre nous-mêmes (al-djihad al-akbar) que nous appelions du fond de l’abime social où nous nous trouvions, malheureux et impuissants. Ibn Khaldoun n’a jamais eu autant raison que lorsqu’il a écrit : "Tout dépend du gouvernement : quand celui-ci évite l’injustice, la partialité, la faiblesse et la corruption, et qu’il décide à marcher droit, sans écart, alors son marché ne traite que l’or pur et l’argent fin. Mais que l’Etat se laisse mener par l’intérêt personnel et les rivalités, par les marchands de tyrannie et de déloyauté, et voilà que
    la fausse monnaie seule a cours sur place" (Al Muqaddima).

    Le "génie" tout court cette fois, a-t-on dit, c’est 25% d’inspiration et 75% de transpiration. L’Allemand, par exemple, est réputé pour son sens du travail et de la discipline, le Britannique pour sa sobriété et sa retenue, le Suisse pour sa manie de la propreté publique, le Japonais pour sa précision et son affabilité, etc. Mais l’Algérien ? Qu’est-ce qui fait notre "génie" ? Par quoi nous distinguons-nous des autres? Quelle idée a-t-on de nous à travers le monde (du moins là où nous ne sommes pas, quoique nous fassions, le "bougnoule")? Que pensent de nous en réalité les étrangers résidant dans notre pays? Que dit-on de nous dans les rapports diplomatiques? Et même sans référence aux autres, qu’est-ce qui nous singularise? Qu’est-ce qui nous est commun ? En quoi consiste ce "génie" dont on nous a tant rebattu les oreilles ?Nous fonctionnons, ô combien, en-deçà de nos capacités économiques ; nous proclamons, avouons une réalité mais en vivons une autre ; nous nous sommes implicitement entendus sur le mal ; nous nous sommes mis d’accord sur l’indifférence à l’égard de la chose publique ; nous nous sommes accordés sur la démagogie, le sabotage le contournement des lois, le détournement des moyens de l’Etat, l’absentéisme, la vie facile, la spéculation, la saleté, l’achèvement des malades… Nous nous comportons exactement comme si la vie devait cesser avec nous!Tout nous est indifférent tant que cela ne touche pas nos intérêts ; délits et crimes de toutes natures se commettent sous nos yeux sinon avec notre approbation, du moins avec notre tacite complicité ; nous avons abjuré Dieu, trahi l’esprit de la Révolution, nous avons fait toutes les concessions du monde, nous nous bluffons à l’envi, nous mentons, nous raillons, nous soudoyons, nous trafiquons, nous "brossons", nous nous bagarrons, nous convoitons la fille, la sœur ou la femme de l’autre, nous lui manquons de respect dans la rue, nous sommes vulgaires, obscènes, nous blasphémons,
    nous nous parjurons, nos enfants s’élèvent à notre images…

    Et nous « militons » par-dessus le marché pour n’avoir l’air de rien ou pour l’impunité. "Maudit instinct de la médiocrité!" (Nietzsche). Développées, généralisées, démocratisées, ces marques sont devenues notre "génie". "Hchicha talba maïcha", "haff taïch", et bien d’autres tournures du même crû fournissent à notre comportement leur justification "philosophique".L’Algérien est sorti de l’ère pré-économique pour tomber dans l’économisme. Celui-ci nous a avilis, abrutis, dénaturés. Il nous a précipités dans un ilotisme sans nom, il nous a réduits à l’état honteux de consommateurs, de tubes digestifs, il a fait de nous des "minus habens". L’économisme n’est pas un mal de socialisme, il aurait aussi bien germé en terrain capitaliste ; l’économisme n’est pas une doctrine économique, mais une vision erronée du rôle de l’économique dans un processus de développement. C’est l’attitude qui consiste à ne voir dans les phénomènes que leur aspect matériel, c’est l’illusion de croire qu’ayant hissé l’homme à un certain PNB on l’a développé, c’est l’erreur de penser qu’on n’est au monde que pour assumer la charge d’argent économique (de préférence, celle de consommateur).Il y a une trentaine d’année, l’"homme" c’était le fétichisme de la moustache dans un univers mental où valeurs et non-valeurs faisaient bon voisinage. De nos jours, le "radjel" c’est celui qui touche gros, qui loge en résidence, qui roule en seize chevaux, qui se soigne à l’étranger, qui échappe aux lois et ne rend de comptes à personne. A l’origine de cette métanoïa vous avez justement l’économisme. Entre autres méfaits celui-ci a désarmé l’honnête homme, il l’a déclassé, humilié, vaincu. Il l’a livré aux sarcasmes de l’arriviste bien pansu, il en a fait un objet de risée. L’économisme a agi de même avec la révolutionnaire authentique, avec l’intellectuel désintéressé, il a pointé un doigt railleur sur la pensée, sur les idées, et déclaré l’une et les autres actes honteux et inutiles. D’où le "choséisme" effarant de nos conceptions,
    notre étroit concrétisme, la myopie de nos vues.

    Notre culture? Elle consiste en quelques misérables scénarios de films où les sempiternels personnages du fou (la conscience populaire), de l’imam (la réaction) et du propriétaire (la bourgeoisie compradore) se disputent la palme du grotesque et du simplisme "engagé", quelques cheikhs de la musique trônant avec toute la majesté de leur "djahl" sur un domaine ouvert à des ouailles mi-artistes, mi-voyous, en trois ou quatre romanciers insipides et arrogants qui ont un pied dans les petites "affaires" et un autre dans la harangue télévisée…Nos beaux-arts? Voyez un peu ces minables statues dans quelques-uns de nos jardins publics, au "Padovani" ou au souk al-fellah de Chéraga par exemple, voyez cette monumentale et innommable crotte juchée en face du Mazafran comme pour offenser les cieux, voyez ces hideuses peintures sur panneaux un peu partout dans la capitale… Qui donc est derrière cette prostitution de l’art? Qui nous inflige avec tant de générosité ce "réalisme socialiste"? Qui est à l’origine de la baptisation des villages agricoles "Guaâdat at-tarfas" (intraduisible),
    "Fartassa" (chauve), "Magoûra" (trouée), et j’en oublie…

    Notre économie? Elle ne repose pas sur la sueur, sur le travail, sur la production de richesses, mais sur le troc d’une "rahma" du Ciel ou du hasard, comme bon vous semble. Nous vivons en rentiers de nos sols et sous-sol. Nous sommes pour si peu dans notre survie que nous aurions mille et une fois crevé si nous n’avions compté pour vivre comme nous le faisons que sur ce que nous produisons réellement. Mais, insolents et pleins de gloriole, nous ne voulons pas qu’on le sache. Nous nous le disons bien entre nous mais il ne faut pas l’admettre, le reconnaître: par "principe"!Pour davantage nous leurrer nous remercions à tout de champ les "oummal", hurlons à la réaction ou à l’impérialisme dès que ça ne tourne pas rond, après quoi nous nous retrouvons Gros-jean comme devant face à nos éternels problèmes. C’est que les slogans, tout comme Dieu, " ne transforme (nt) rien à l’état d’un peuple tant que celui-ci n’a pas transformé son âme" (Coran). Et "production et productivité", "bataille de la production", "bataille de la gestion", etc, ne sont rien d’autre que des slogans, des litanies qui n’élèveront jamais la courbe de notre croissance, tout au contraire. Ouvrons ici une petite parenthèse : il est pour le moins curieux que nous ne voyons jamais les choses que sous un angle belliqueux, belliciste, que tout se présente à notre esprit sous forme de mêlée, d’échauffourée, de bataille,
    donc de confusion, de désordre, de kahlouta…

    Le "génie du peuple"…Trêve! Trente-six articles, cent discours sur la place publique, mille sermons télévisés de Ali Chentir sur Bliss, un million de banderoles au-dessus de nos artères ne changeraient rien à rien. Ce qu’il fallait, c’était des décisions, des mesures, des actes! Que soient louées les instances dirigeants, et à leur tête le Président de la république, pour avoir pris celles-ci. "Rien n’est assez désastreux pour que la destinée ne puisse en faire un bien" disait Goethe.Quelle joie, quel bonheur, quelle satisfaction! Nous étions donc capables de traverser au passage clouté, de respecter une chaine (je veux dire de l’observer car on aurait voulu que jamais on n’en connût), de nettoyer nos rues, de céder une priorité, de ne pas cracher rageusement notre chique à l’émoi des passants… Nous pouvions donc sans risque de mourir nous conduire en gens sensés, nous conformer aux règles universelles de la vie en société, circuler dans la rue Ben Mhidi à quinze heures sans redouter une agression armée, aller au cinéma et suivre paisiblement son film…Inouï! Pendant dix-sept ans nous pouvions vivre ainsi, la paix civile était si près de nos moyens - nous ne nous sommes pas ruinés aujourd’hui à l’établir - et pourtant nous vivions un véritable enfer, l’enfer de ceux qui doivent gagner laborieusement leur vie d’honnêtes gens, l’enfer de ceux qui doivent emprunter les transports publics, l’enfer de ceux qui sont contraints de faire toutes les chaînes du monde pour ne pas crever, l’enfer de ceux qui envoient travailler leur fille ou leur épouse pour boucler le mois. L’agent de l’ordre dans la rue ne nous a jamais paru aussi sympathique, aussi bien mis dans sa tenue, aussi vigilant. Il ne nous a jamais semblé aussi propre, aussi vigoureux, aussi propre, aussi imbu de son rôle social. L’état désormais est là, sous nos yeux, fort, actif, soucieux du bien du citoyen.Et foin de ceux, ici ou à l’étranger, qui raillent, qui persiflent, qui tournent en dérision. Certains se sont déjà manifestés, d’autres guettent l’occasion, attendent patiemment le détail qui libérera leur hargne, leur venin, leur rage. Ils nous parleront à coup sûr de respect des libertés, de répression, de fascisme, d’intégrisme… Mais nous les connaissons assez maintenant pour les avoir eus maintes fois sur le paletot. Ils sont ceux-là qui veulent nous faire croire que le "génie des peuples" c’est l’état dans lequel nous étions avant le déclenchement de la lutte contre les fléaux sociaux, ils sont ceux-là qui ne veulent à aucun prix de l’Algérien du 1er novembre, un homme inébranlable,
    intransigeant, moral, sérieux, fraternel, désintéressé…

    Cet homme leur a fait du mal, il a déplacé des montagnes, il a donné ses biens et sa vie, il a soulevé l’admiration du monde, il a incarné l’idéal du Héros. Après l’indépendance cet homme, avant d’être déçu, écœuré par le comportement de certains de ses chefs, a encore donné la mesure de son amour pour sa patrie, pour un socialisme authentique, pour une justice intégrale. Cet Algérien qui a fait la gloire de notre pays par ses valeurs morales principalement, on ne veut pas de lui. Il est dangereux, il ne permet aucun laisser-aller, ne ferme les yeux sur nulle magouille. Quand il est pris par l’idéal du bien, quand il n’entend plus que la voix du devoir, il va jusqu’au bout : d’une guerre contre l’ennemi, d’une lutte contre soi-même, ou pour triomphe du sous développement. "Ô heureux le peuple dont l’âme a frémi et qui s’est recréé lui-même avec sa propre argile! Pour les anges qui portent le trône de Dieu,
    c’est un matin de fête que le moment où un peuples se réveille" (Iqbal)

    (« El-Moudjahid »» du 8 octobre 1979)

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    NOUREDDINE BOUKROUH



    Une fausse nation
    09 Juin 2016

    Ayant été mal faite, l’Algérie est appelée à être refaite.
    On ne sait quand ni à quel prix, mais presque tout devra
    être refait un jour. Surtout dans la tête, l’esprit,
    les idées des Algériens car c’est là que
    les plus grands dégâts ont été Suite...

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    Dernière modification par zadhand ; 09/06/2016 à 17h24.
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    Une vraie nation




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    NOUREDDINE BOUKROUH

    L’impact produit par ma contribution intitulée
    «Une fausse nation» parue la semaine dernière
    ici m’a surpris par son ampleur mesurable,
    notamment, au nombre de lectures, de partages
    et de commentaires sur ma page Facebook.
    Parmi eux, beaucoup m’ont reproché mon
    Code:
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    Post L’esprit d’une nation

    L’esprit d’une nation



    Des penseurs reconnus ont donné des définitions célèbres de la nation comme Renan qui l’a résumée dans le
    «désir de vivre ensemble» qui a bénéficié longtemps de la faveur universelle avant qu’un de ses compatriotes,
    Régis Debray, ne la tempère



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    Post La mauvaise leçon anglaise

    La mauvaise leçon anglaise




    Lorsque Zbigniew Brzezinski qualifiait dans son fameux livre
    Le grand échiquier : l’Amérique et le reste du monde
    la Grande-Bretagne d’«acteur géostratégique à la retraite»,
    il ne croyait pas si bien dire. La voilà, après le référendum de
    vendredi qui a décidé de sa sortie de l’Union européenne,
    qui fait valoir ses droits à retraite après quarante-trois ans
    de compagnonnage difficile avec la CEE puis l’UE

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