Les parents de Nihal toujours sans nouvelles
Une semaine après sa disparition
le 29.07.16|10h00
Il n’y a toujours pas de nouvelles de la petite Nihal Si Mohand,
portée disparue depuis jeudi dernier à Aït Abdelouahab (Tizi Ouzou).
Une semaine après, la famille espère la retrouver saine et sauve.
La population se mobilise et les services de sécurité poursuivent les
recherches. El Watan Week-end a rencontré la famille éplorée.
Mercredi 27 juillet, sept jours se sont déjà écoulés depuis l’annonce de
la disparition de Nihal, et les recherches se poursuivent encore.
La région d’Aït Toudert, dans la daïra de Ouacifs, n’en revient pas encore.
La localité, paisible d’ordinaire, nous ouvre ses portes en ces circonstances
inhabituelles. Nous traversons le chef-lieu de Ouacifs, très animé en ce
début de journée, avant de prendre la route qui mène vers Aït Toudert.
A plusieurs reprises nous demandons notre chemin aux rares passants.
A chaque fois, la même remarque : «Vous venez pour la petite fille enlevée
la semaine dernière ? Continuez, c’est tout droit.» Certains ne manquent
pas d’ajouter «Inch’Allah ils vont la retrouver saine et sauve.» Il faut dire
que cet événement qui a plongé dans le désarroi et la détresse la famille de
Nihal a également secoué toute la population locale.Les citoyens, choqués,
ne parlent plus que de cela ; ils suivent régulièrement, de très près, l’évolution
de la situation. Le fait est inédit dans la wilaya qui n’a enregistré aucun cas
d’enlèvement d’enfant jusque-là. La région de Tizi Ouzou a connu plusieurs
cas de kidnappings d’entrepreneurs et autres commerçants ces dernières
années, où le phénomène a pris de l’ampleur, mais jamais aucun enfant n’a
été ravi à ses parents.La maison des grands-parents maternels de Nihal, où
a eu lieu l’enlèvement ce fatidique jeudi 21 juillet entre 11h et midi, surplombe
le chef-lieu de la commune d’Aït Toudert. De loin, nous apercevons les
véhicules de la Protection civile, signe que nous sommes presque arrivés.
L’endroit, entouré d’oliviers, semble inhabité, un calme presque inquiétant y
règne. En plus des éléments de la Protection civile, ceux de la Gendarmerie
nationale sont en nombre important sur les lieux. On le devine au nombre de
véhicules au bord de la route. On nous explique que ce dispositif n’a pas quitté
la région depuis l’annonce de l’enlèvement de Nihal. Nous saluons quelques
personnes assises à l’ombre, en contrebas de la chaussée, en compagnie des
sapeurs-pompiers. Un jeune nous propose de nous mener vers la maison
familiale. «Vous savez, nous sommes tous sous le choc. Ici, c’est un endroit
tellement paisible...On n’a jamais rien vécu de pareil, on n’est pas habitués à
ce genre de situation», nous dit-il en nous montrant le chemin de la maison.
Quelques marches irrégulières donnent directement sur l’entrée principale de
la petite maison qui focalise l’intérêt depuis une semaine.
«Un homme masqué»
Deux enfants jouent en compagnie d’un homme d’un certain âge, qui s’avère
par la suite être le grand-père maternel de Nihal. Il nous souhaite la bienvenue
et nous invite à entrer par une autre porte, un peu plus bas.La maison est pleine
de femmes : les deux sœurs de la maman, des cousines, quelques proches.
On nous oriente vers une pièce de l’autre côté de la cour. Les deux canapés qui
s’y trouvent ne tardent pas à être occupés par des jeunes femmes attirées par
notre visite. On demande après la maman, qui ne tarde pas à apparaître.
Sa deuxième fille d’un an et demi dans les bras, la jeune femme, la trentaine
prend place sur une chaise. Son regard est fuyant et ses traits tirés trahissent de
longues nuits sans sommeil. Mais elle dit «tenir le coup». Karima Si-Mohand
n’attend pas nos questions pour commencer à relater la triste histoire.
Elle affirme d’emblée que «Nihal n’est pas du genre à parler ou à répondre à
des inconnus». «Et puis, ma fille n’a pas pleuré, elle n’a pas crié, personne ne l’a entendue» dit-elle. La maman enchaîne et raconte les faits tels qu’ils se sont
déroulés ce jeudi noir : «Nous sommes arrivés ici avec ma sœur, son mari et les
enfants vers 11h.Ces derniers jouaient dehors avec les autres au moment où
ma sœur est moi-même sommes entrées. Les bagages étaient encore dans la
voiture et, à la maison, il n’y avait que des femmes, comme aujourd’hui. Mes
parents sont arrivés après la disparition, même si réellement on ne peut pas situer
les événements puisqu’on ne sait pas au juste quand cela s’est produit. A peine
quinze minutes après notre arrivée, les trois enfants qui se trouvaient avec ma
fille dehors sont venus dire que Nihal est partie. Dans un premier temps, on
pensait tous qu’ils continuaient de jouer, mais Nihal ne répondait pas aux appels.
Elle n’était dans aucun coin de la maison. C’est là que nous avons commencé à
nous inquiéter.» La jeune femme réajuste son foulard avant de continuer
«Les enfants m’ont dit que c’était une personne masquée qui s’était emparée de
Nihal. On pense plutôt que l’homme au masque qui s’en est pris à ma fille l’a
endormie avant de l’emmener.» «Les trois enfants témoins sont petits, à peine âgés
de quatre ans, ils ne peuvent donc donner plus de détails sur le ravisseur. Nous ne
savons même pas au juste s’ils étaient un ou deux à enlever ma fille», ajoute la
jeune maman. «Depuis, aucune nouvelle ne nous est parvenue et nous n’avons reçu aucun contact des ravisseurs», dira la maman. Les recherches initiées par les proches
de la famille, les voisins et autres citoyens du village quelques instants seulement
après l’annonce de la disparition de la fillette n’ont malheureusement abouti à rien.
«C’est comme si la terre s’était entrouverte et l’avait absorbée», s’exclame la
grand-mère de Nihal. La maman enchaîne en disant que le non-aboutissement des recherches a décidé la famille à alerter la gendarmerie. Elle ajoute que les recherches, entamées l’après-midi du jeudi par les des éléments de sécurité, se sont étendues
partout dans les environs, sans résultat.
Aucune piste n’est négligée
Nous apprendrons plus tard auprès du groupement territorial de la Gendarmerie
nationale, à Tizi Ouzou, que la section de recherche locale a mobilisé tous ses
éléments pour prendre en main les opérations sur le terrain. Les équipes de ce
corps de sécurité ont passé au peigne fin la forêt environnante en utilisant des chiens renifleurs, sans succès. La grand-mère de Nihal, au bord des larmes, profite du
moment où sa fille déserte la pièce, pour nous parler du chagrin de cette dernière
«C’est très difficile et éprouvant pour elle, elle essaye d’oublier, d’avoir un moment
de répit, puis d’un coup elle recommence à pleurer et à réclamer sa fille.
Nous essayons tous de la soutenir, moi-même je ne la quitte pas.» La petite Nihal
était chez sa grand-mère à Chellala et, deux jours avant sa venue au village, elle
a rejoint sa maman à Aïn Oussera pour le départ vers Aït Toudert, le jeudi 21 juillet.
Toute la famille devait se réunir pour prendre part à une fête, mais le sort en a voulu autrement. Le papa, commerçant, était resté à Tiaret et ne viendra au village
qu’après la triste nouvelle. D’ailleurs, Mokrane Si-Mohand se limite à dire qu’il espère
revoir au plus vite sa fille saine et sauve. L’endroit où a eu lieu l’enlèvement est situé
en contrebas bas de la maison, sur les escaliers en ciment. Depuis le jour de la
disparition de Nihal, la maison ne désemplit pas. On vient de partout pour exprimer
son soutien à la famille. La gendarmerie en charge de l’enquête ne néglige aucune
piste. L’éventualité d’étendre les investigations à d’autres secteurs et dans la wilaya
où habite la famille Si-Mohand n’est d’ailleurs pas écartée. Sur la route d’Aït Toudert,
nous croisons des véhicules portant des affiches et la photo de Nihal, appelant la population locale à la mobilisation pour retrouver la petite fille d’Ath Ouacifs dont
le séjour de fête au village n’aura duré qu’un quart d’heure.
Le plan d’alerte lancé
Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, a affirmé hier à Alger que l’enquête menée pour retrouver la fillette Nihal Si Mohand a été élargie dans le cadre
du plan d’alerte qui consiste à utiliser tous les moyens, y compris les médias.
«Nous n’avons toujours pas retrouvé la petite Nihal, a indiqué M. Louh.
Immédiatement après les faits, le parquet compétent a ouvert une enquête avec
la police judiciaire en lançant le plan d’alerte pour une plus large investigation.
Le procureur de la République territorialement compétent se chargera, lui,
d’informer l’opinion publique des développements de cette affaire.»
APS
Tassadit Chibani