Le Canada ouvre enfin une enquête sur les disparitions
et les meurtres de 1 200 femmes autochtones
publié le Août 4, 2016
Le gouvernement canadien a lancé ce mercredi une enquête, attendue
de longue date, sur de nombreuses disparitions et meurtres de femmes
autochtones. Les autorités ont aussi promis près de 12 millions de dollars
afin de fournir aux familles « les informations qu'elles cherchent à propos
de la perte de leur être cher ».Plus de 1 200 femmes et jeunes filles
autochtones ont été assassinées ou ont disparu à travers le pays depuis 1980
bien que les avocats aient signalé que ce nombre pourrait être plus élevé, de
l'ordre de 4 000. Les représentants du gouvernement ont promis mercredi matin
que l'enquête se concentrera sur les causes systémiques de la violence à l'égard
de ces femmes et de ces jeunes filles qui ont six fois plus de chances d'être
victimes de meurtre que les femmes non autochtones et sur la manière de prévenir
cette violence. Les 12 millions de dollars promis vont permettre de financer des
unités de liaison de la police afin d'aider les familles, qui peinent à obtenir des
informations de la part des inspecteurs concernant leur proche morte ou disparue.
Les services de police estiment de leur côté qu'ils ont besoin de garder sous silence
des informations importantes pour pouvoir résoudre ces affaires. Partager ces
informations avec les familles risque d'être particulièrement compliqué puisque,
dans certains cas, des membres de la famille sont eux-mêmes des suspects.
Alors qu'elle faisait cette annonce pendant une conférence de presse pleine
d'émotion, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, avait la gorge nouée.
« Dans les sessions de pré-enquête qui se sont tenues à travers le pays, certaines
des familles nous ont dit qu'elles voulaient en savoir plus sur ce qui est arrivé à
leur être cher », a expliqué Wilson-Raybould. « Elles trouvaient cela compliqué
d'obtenir des informations. Donc, pour les aider, le ministère de la Justice
augmentera immédiatement l'aide financière aux provinces et aux territoires.
Le ministère fournira spécifiquement 11,67 millions de dollars sur trois ans pour
aider les provinces et les territoires à créer de nouvelles unités de liaison
d'informations avec les familles. » Ces unités de liaison travailleront directement
avec les familles et les gouvernements provinciaux et territoriaux « pour aider
les familles à trouver les informations qu'elles cherchent concernant leur proche
disparue », a-t-elle déclaré. « Ces unités aideront aussi les familles à faire face
au traumatisme représenté par leur perte et les aideront à entrer en contact avec
les ressources dont elles ont besoin. » La Native Women's Association of Canada
(NWAC) l'Association des femmes autochtones du Canada attendait cette enquête
depuis plus de 11 ans, a déclaré l'organisation dans un communiqué publié ce
mercredi. Si l'association se réjouit de la décision du gouvernement, elle regrette
que les autorités n'aient pas inclus de procédure séparée et indépendante pour
réexaminer et rouvrir des dossiers, « quand il y a des preuves que l'affaire
nécessite un second examen ».
« Ceci semble avoir été complètement ignoré », indique le communiqué.
La NWAC avait aussi appelé le gouvernement à inclure les provinces et les territoires
dans le processus. « Le rôle des provinces et des territoires n'est pas mentionné »,
déclare le communiqué de la NWAC. « La manière dont les provinces et les territoires seront capables de contribuer n'est pas claire. Ceci est pourtant essentiel étant donné
que beaucoup des problèmes systémiques qui ont besoin d'être résolus dépendent de
la juridiction provinciale, comme la protection des enfants, les services de santé et la plupart des services de police. » Avant l'annonce, un document détaillant le mandat
de l'enquête avait fuité et avait suscité un vif débat car il ne mentionnait pas le rôle de
la police dans les morts et les disparitions. Pendant la phase de pré-enquête,
les familles souhaitaient que le rôle de la police soit examiné de près, parce qu'elles estiment que la police n'en fait pas suffisamment pour protéger les femmes autochtones
et enquêter sur leurs cas quand elles disparaissent.Cependant, la ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien Carolyn Bennett a essayé d'enterrer ces critiques.
« Nous comprenons bien que les systèmes de police et de protection des enfants ont besoin d'être examinés », a déclaré Bennett. Cependant, elle n'a pas promis directement que la commission examinerait le rôle de la police.Plusieurs juges et avocats
autochtones, principalement des femmes, seront à la tête de cette enquête.
Marion Buller, une juge de la cour provinciale de Colombie Britannique, a été nommée commissaire en chef. Les quatre autres commissaires sont Michele Audette, l'ancienne présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec, Qajaq Robinson, une avocate née dans la ville d'Iqaluit qui parle couramment inuktitut, Marilyn Poitras, professeure adjointe en droit à l'Université de la Saskatchewan, et Brian Eyolfson,
avocat et directeur adjoint du ministère des Affaires autochtones.L'enquête se
focalisera sur les femmes et non sur les hommes autochtones.Pourtant, selon certains groupes de défense des droits des autochtones, les hommes autochtones ont trois fois plus de chances d'être assassinés que leurs homologues féminines.