La greffe fécale : une nouvelle forme de thérapie ?

Face aux résistances aux antibiotiques, les médecins sont dans une impasse. Des chercheurs états-uniens confirment l’efficacité de la transplantation fécale pour évincer Clostridium difficile, un germe intestinal parfois mortel. Pourrait-on optimiser cette stratégie pour lutter contre certaines maladies chroniques comme le diabète et l’obésité ?

Clostridium difficile,une bactérie intestinale anaérobie, est le principal agent responsable de la diarrhée chez les patients sous antibiothérapie. La greffe fécale serait une alternative de traitement prometteuse

L’histoire semble se répéter sans cesse. Les chercheurs mettent au point une molécule miracle contre une infection bactérienne mais le germe trouve rapidement une parade et la rend caduque. Les staphylocoques, pseudomonas, et clostridies sont devenus les bêtes noires des hôpitaux. Malgré les recherches intensives, certains scientifiques sont pessimistes et pensent même que la guerre contre les bactéries est en passe d’être perdue.En quelques années seulement, la multirésistance aux antibiotiques est devenue un problème de santé publique majeur. Les chercheurs ne perdent cependant pas espoir et font preuve d’une ingéniosité sans faille pour se défendre contre les microbes. Dans une étude récente par exemple, une équipe a fabriqué des nanoéponges capables d’absorber les toxines bactériennes directement dans le sang.

Découverts il y a un peu moins d’un siècle, les antibiotiques sont de moins en moins efficaces pour lutter contre les bactéries. © sparktography, Flickr, cc by nd 2.0
Une autre approche fait progressivement son chemin. Elle n’est pas appétissante mais pourrait fonctionner. Il s’agit de la greffe fécale, autrement dit du dépôt d’une flore intestinale saine dans un intestin malade pour éradiquer les bactéries pathogènes. L’idée est simple : lorsqu’une bactérie pathogène pénètre dans le système digestif et se développe, elle perturbe l’équilibre microbien et empêche les gentilles bactéries de venir à la rescousse. En envoyant de nouveauxmicrobes intestinaux en renfort, les médecins espèrent pouvoir réduire à néant l’envahisseur sans avoir recours aux antibiotiques.


Injecter de nouvelles selles dans un côlon malade

Par cette méthode, on éviterait le problème des résistances aux antibiotiques et on reconstruirait rapidement la flore intestinale indispensable à la santé. Malheureusement, un tel traitement n’est pas sans danger. Il est en effet difficile de déterminer le contenu bactérien exact de la matière fécale récoltée. Il est donc possible que des microbes dangereux y résident et entraînent une nouvelle maladie une fois injectés dans le patient.Les recherches sur le sujet se focalisent principalement sur l’espèce Clostridium difficile(C.difficile), une bactérie responsable de graves infections intestinales et qui, comme la plupart de ses cousines, a appris à résister à la majorité des antibiotiques utilisés pour la combattre. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Plos one, une équipe de l’université du Maryland aux États-Unis confirme l’efficacité de la bactériothérapie fécale.

De bonnes selles pour vaincre Clostridium difficile

Les chercheurs ont récolté les selles de 14 personnes en bonne santé et les ont analysées afin de vérifier qu’elles étaient dépourvues de parasites et de bactéries dangereuses comme Salmonella,Shigella, Yersinia ou C. difficile. Ils les ont ensuite déposées dans le côlon de 14 patients infectés par C.difficile avec un cathéter.Grâce à des technologies de génomique et de bioinformatique, les scientifiques ont ensuite analysé la composition microbienne de l’intestin au cours du temps. Ils ont confirmé que la flore intestinale des patients contaminés par C.difficile était beaucoup moins diversifiée que celle des personnes saines, en particulier en ce qui concerne les firmicutes et les protéobacteries. Cependant, une semaine seulement après la transplantation fécale, elle redevient beaucoup plus variée et est même comparable à celle d’une personne non infectée par C.difficile. Mieux encore, les populations bactériennes injectées persistent après une année. Cela signifie que la bactériothérapie dure dans le temps et ne laisse plus l’opportunité à C. difficile de reprendre le dessus.

Une méthode applicable à d’autres maladies ?

Ces travaux confirment l’efficacité de la greffe fécale lors d’une infection par C.difficile. Les perspectives sont multiples. Des études de plus en plus nombreuses révèlent l’importance de la flore intestinale pour la santé. Les milliards de microbes qui nous habitent nous sont en effet bénéfique à plus d’un titre : ils nous aident à bien digérer, améliorent l’efficacité de notre système immunitaire et influencent le développement de certaines maladies comme l’obésité, le diabète de type 2 et lesallergies. Une étude récente a même montré qu’ils participaient au développement de ladépression !Ainsi, en contrôlant le microbiote intestinal, les médecins pourraient non seulement vaincre les infections digestives mais également nous protéger contre certaines pathologies chroniques graves. La transplantation fécale représente une nouvelle forme de thérapie très prometteuse.







VIH : bilan mitigé d’une nouvelle année de progrès

Ce 1er décembre sera la Journée mondiale du Sida. L’occasion de balayer une année d’avancées scientifiques, d’abord placée sous le sceau de l’espoir… avant qu’une mauvaise nouvelle ne vienne ternir tout cela. Mais restons optimistes.
En 2011, le VIH a tué 1,7 million de personnes, sur les 34 millions de séropositifs. Bien qu'on relate le cas de quelques personnes en guérison fonctionnelle ou vivant longtemps malgré l'infection, l'essentiel des patients vit en Afrique, où trop peu bénéficient des traitements.

Une nouvelle saison d’une saga commencée le 5 juin 1981 vient de s'achever. C’est ce vendredi-là que l’épidémie de Sida est déclarée aux États-Unis. Depuis cette date, la recherche s’est attelée à comprendre les causes de ce mal qu’on a d’abord cru limité aux homosexuels, avant de s’apercevoir que tout-un-chacun pouvait être concerné.En mai dernier, on a d’ailleurs célébré les 30 ans de la première observation au microscope du coupable, le VIH. Année après année, les progrès sont conséquents, mais les scientifiques doivent faire face à de nouvelles difficultés. Quoi de neuf depuis le 1er décembre 2012, date de la précédente édition de la Journée mondiale du Sida ? Futura-Sciences dresse le bilan non exhaustif des découvertes les plus remarquables qui ont marqué 2013. Même s’il n’y a pas que des bonnes nouvelles…


Une petite fille qui pourrait être guérie

Entre les annonces régulières de nouveaux médicaments potentiels ou de vaccins qui intègrent les phases cliniques, la première grosse info de l’année écoulée est tombée début mars. Deborah Persaud, virologiste au Johns Hopkins Children’s Center, annonce lors d’une conférence qu’une petite fille née avec le VIH est alors, à 2 ans et demi, en situation de guérison fonctionnelle. En d’autres termes, le VIH n’est pas complètement éradiqué mais, sans traitement, l’enfant parvient à contrôler la charge virale à des seuils que les machines les plus précises ne détectent plus.Bien qu’elle soit séropositive, elle pourrait échapper à la prise de médicaments quotidienne, à laquelle sont condamnées toutes les personnes infectées qui se soignent. Sa chance : avoir été traitée dans les premières heures de sa vie, au tout début de l’infection. Cela atteste donc des résultats précédents, confirmés au cours de l’année écoulée et obtenus auprès de 14 patients français : une prise en charge précoce permet, au moins dans certains cas, de placer les personnes infectées en situation de guérison fonctionnelle. Une pratique qui devra être vérifiée auprès de nombreux enfants à risque, mais qui pourrait sauver de nombreuses vies humaines.

L’infection au VIH n'est plus une maladie systématiquement mortelle

Quelques jours après, c’est la revue Aids qui annonçait une grande nouvelle. Car dans ses colonnes, on pouvait y lire une étude qui montrait que l’infection au VIH n’était pas toujours synonyme de mort prématurée. Les patients chez qui les trithérapies sont efficaces ne décèdent presque plus du Sida, mais de maladies cardiovasculaires, de cancers ou d’autres raisons communes, non liées à lacontamination.

Les médicaments antirétroviaux, comme la stavudine, permettent dans le meilleur des cas de contrôler l'infection, ce qui est déjà un grand pas ! © MykeBlyth, Flickr, cc by nc sa 2.0
Bien que ces résultats ne concernent pas tous les malades, ce travail met en évidence les progrès thérapeutiques des dernières années, les médicaments permettant de réduire l'expression du virusau silence. Mais pas encore de l’exterminer. Car le VIH dispose d’une arme secrète : une partie des particules virales reste tapie dans certaines cellules de l’organisme, principalement les lymphocytesT CD4+ et les macrophages, et celles-ci se multiplient dès l’arrêt des traitements et l’infection reprend alors. On parle de réservoirs viraux. Voilà pourquoi les personnes infectées avalent des médicaments à vie.


La chasse aux réservoirs viraux touche-t-elle au but ?

L’objectif des scientifiques est désormais de détruire ces réservoirs viraux. Et des Danois ont annoncé en mai dernier avoir trouvé la molécule idoine, grâce à laquelle ils pensent pouvoir guérir du Sida. En tout cas, in vitro, le panobinostat (c’est le nom du médicament) fait sortir le VIH de sa torpeur, le rendant alors accessible aux antirétroviraux conventionnels, qui pourront finir le travail. C’est du moins avec cette idée qu’ils ont entamé les essais cliniques, dont les résultats ne sont pas encore connus.À l’époque, les chercheurs que nous avions interrogés tempéraient leur optimisme. Car ils se rappelaient que cette famille de principes actifs (appelés HDAC) n’a pas tenu ses promesses. D’autre part, ils mentionnaient les propos récents d’un des grands spécialistes de la discipline, Robert Siliciano, qui évoquait les résultats préliminaires de ses travaux, semblant montrer qu’on aurait sous-estimé l’ampleur des réservoirs viraux. Et de beaucoup !

Le Sida, toujours là, mais jusqu’à quand ?

Le verdict est tombé à la fin du mois d’octobre dernier, dans la revue Cell. Ils seraient 60 fois plus importants que prévu. Or, les médicaments testés jusque-là ne peuvent faire sortir de la léthargie qu’une faible proportion des VIH latents. Le rêve que l’on pensait toucher du doigt, guérir le Sida, n’était apparemment qu’un mirage. Vers lequel on continue malgré tout de se rapprocher.Car la recherche se poursuit, et un maximum de pistes sont exploitées (ou réexploitées), à l’image de ce vaccin expérimental qui vient tout juste d’être proposé par des Français, de la firme PX’Therapeutics, et financé par l’Union européenne. Si le succès est loin d’être garanti, à force d’essayer de comprendre l’origine de ces échecs, les scientifiques vont finir par franchir les obstacles. Les années du VIH sont comptées.