Affichage des résultats 1 à 10 sur 37

Mode arborescent

Message précédent Message précédent   Message suivant Message suivant
  1. #1
    Date d'inscription
    novembre 2012
    Messages
    12 943
    Thanks
    0
    Total, Thanks 15 317 fois
    Pouvoir de réputation
    167

    Post Putsch... Coup d'État

    Il y a quarante ans, l'autre 11 septembre


    L'attaque de la Moneda



    Le 11 septembre 1973 à l'aube, l'armée chilienne commandée par le général Pinochet renversait le président socialiste Salvador Allende, démocratiquement élu trois ans plus tôt, inaugurant un longue et sanglante dictature. L'aboutissement d'une lutte sans merci unissant dans la haine du pouvoir "marxiste" et sous l’œil bienveillant des Etats-Unis une droite irréductible, un patronat radicalisé et une petite bourgeoisie apeurée.



    Nuit

    10.09.2013par Pascal PriestleyD'abord un silence. Il est 5h 45 ce 11 septembre 1973 lorsque les services de renseignement neutralisent les téléphones, télégraphes et radios dans la province de Valparaiso. Le coup d’État a commencé au Chili. Réveillé, le Président Allende tente sans succès d'entrer en contact avec les putschistes. Vers 7h, la capitale est déjà en grande partie passée sous leur contrôle. Allende s'adresse à la nation et annonce son intention de « défendre le gouvernement qui représente la volonté du peuple ». Un avion est mis à sa disposition ; il refuse de fuir. Menacé de bombardement, il refuse également de se rendre (voir ci-contre).




    Salvador Allende durant l'attaque du Palais présidentiel de la Moneda. DR

    A 9 h 10 commence le mitraillage par des tanks du palais présidentiel de la Moneda. Sa garde résiste. A midi, des avions de chasse bombardent le bâtiment. A 14 h, une délégation de ses occupants munis d'un drapeau blanc sort pour organiser la reddition. Allende leur a dit qu'il les suivrait. Il se suicide à l'aide de son pistolet mitrailleur. Le putsch triomphe. Fin d'un songe de trois années, début d'une nuit de près de vingt ans.

    A travers le monde, l'événement est, en dépit de quelques signes, une considérable surprise. Le Chili est alors considéré comme le pays « le plus démocratique d'Amérique latine » et son armée la plus légaliste du continent. Jusqu'à l'été 73, elle est commandée par le Général Carlos Prats qui a toujours exclu toute intervention militaire même en cas d'accession des communistes au pouvoir. Devenu ministre de l'intérieur, celui-ci vient certes d'être acculé à la démission par l'hostilité de ses pairs mais son successeur, Augusto Pinochet est également réputé loyaliste.

    Loin d'un nouveau Castro, le Président Salvador Allende, 65 ans, apparaît pour sa part comme un socialiste bon teint allié dans "l'Unité Populaire" à un parti communiste très « assagi », plus conciliant avec le centre-droit qu'avec l'extrême-gauche (MIR, MAPU...). Quoique reconnue par ses adversaires, sa victoire à l'élection de novembre 1970 n'est obtenue que de justesse (une majorité relative de 36,6 %, 40.000 voix d'avance) à l'issue d'une triangulaire. Son accession proprement dite à la magistrature suprême – qui selon la Constitution nécessite un vote du parlement – est rendue possible par l'appui circonstanciel des sénateurs démocrates-chrétiens.



    L'ombre des Etats-Unis


    Très impliqués dans l'économie chilienne (ils sont les principaux clients et opérateurs des mines de cuivres, première ressource du pays) les États-Unis prennent, eux, assez mal l'irruption d'un gouvernement « marxiste » dans leur « backyard » latino-américaine (arrière-cour; « Je ne vois pas pourquoi nous resterions là sans bouger à contempler un pays sombrer dans le communisme, du fait de l’irresponsabilité de son peuple » avait averti le secrétaire d’État Henri Kissinger un peu plus tôt ) et fomentent sans succès plusieurs actes de déstabilisation avant la prise de fonction d'Allende. Un groupe d'extrême-droite tente de son côté d'enlever le commandant en chef des forces armées, le Général Schneider mais celui-ci est blessé à mort et l'opération tourne au fiasco.




    Allende en meeting (dr)

    Durant leurs trois années de pouvoir, Allende et son gouvernement respecteront de leur côté rigoureusement la « démocratie formelle ». La nationalisation du cuivre est votée à l'unanimité. Celles des charbonnage et de la sidérurgie ou des hausses de salaires , décrétées par ordonnances, sont en revanche âprement contestées par une opposition de droite de plus en plus virulente, sur fond de manifestations - favorables ou hostiles - et de sabotage économique interne ou externe. La baisse des cours internationaux du cuivre est aggravée par des appels au boycott du Chili venus des États-Unis. Une partie du patronat chilien spécule et organise des pénuries. Après la croissance des premiers mois stimulée par la politique de consommation, la hausse des prix prend fin 1971 un tour incontrôlé.

    En octobre 1972, la grève des camionneurs marque une radicalisation de la droite et, derrière elle, d'une partie des classes moyennes. La géographie du pays (4300 km de long sur, en moyenne, 180 km de large) lui donne une efficacité d'autant plus redoutable que les services secrets américains la soutiennent financièrement. Dans un pays frappé de quasi-paralysie, des commerçants et des médecins rejoignent le mouvement attisé par le Parti National (droite).




    Manifestation de "casseroles vides" fin 1971. DR

    A Santiago, des manifestations mettent spectaculairement en scène des femmes de la petite bourgeoisie brandissant des casseroles vides. Des affrontements ont lieu. L'entrée au ministère de l'intérieur du Général Prats et d'autres ministres issus de l'armée aboutit à la fin de la grève mais n'éteint pas les tensions. Face au durcissement de la droite, la gauche révolutionnaire (chrétiens radicaux du MAPU ou marxistes du MIR) organise des coordinations dans les communes ou les zones industrielles pour pousser le pouvoir à « avancer sans transiger »... diminuant aussi sa marge de manœuvre.

    Les élections législatives d'avril 1973 donnent 44 % à l'Unité Populaire. Ce n'est pas un désastre, mais cependant un recul par rapport à des municipales qui lui avaient accordé, deux ans plus tôt, près de 50 % des voix. Parti charnière, la démocratie-chrétienne hésite encore à s'allier à la droite pour la destitution – constitutionnellement possible- du Président Allende. Dans le même temps, une grève des mineurs particulièrement dure (78 jours) est « retournée » par l'opposition contre l'Unité Populaire.

    Le 29 juin éclate une mutinerie des régiments de blindés de Santiago. Elle n'est pas suivie des autres et le Général Prats parvient à l'arrêter mais l'armée est à son tour devenue un lieu de complot. Prats est acculé à la démission et Augusto Pinochet le remplace le 23 août. Salvador Allende prévoit d'annoncer le 11 septembre l'organisation d'un plébiscite pour reprendre l'initiative. Il n'en aura pas le temps.



    Le Général Augusto Pinochet peu après sa prise du pouvoir. DR

    La terreur brune


    La répression qui s'abat sur le Chili avec le coup d'Etat est à la fois sanglante, profonde, multiforme et durable. L'Etat de siège est immédiatement instauré. Le Général Pinochet, dont le monde découvre le visage caricaturalement chaussé de lunettes noires, concentre tous les pouvoirs. Le Parlement est dissous, les libertés syndicales suspendues, les partis politiques et la presse de gauche interdits. Près de 100 000 personnes sont arrêtées. Les stades deviennent lieux de détention et d'exactions. La terreur est aussi bien l’œuvre de l'armée elle-même, de groupes paramilitaires – telle la « Caravane de la mort » qui sévit dés octobre 1973 – ou d'une police politique créée dans les mois suivants, la DINA.




    Dans un stade de Santiago, peu après le putsch. L'armée garde des personnes arrêtées. DR

    Selon les estimations, sur les dix millions de personnes que comptait le pays en 1973, 3200 ont été tuées ou ont disparu durant les années de dictature militaire. 35 000 ont été torturées. 200 000 Chiliens ont pris le chemin de l'exil. Parmi les victimes, des centaines de dirigeants des partis de l'Unité Populaire ou de la gauche révolutionnaire mais aussi des intellectuels. Le chanteur populaire Victor Jara est assassiné d'une rafale de mitraillette le 16 septembre 1973 au Stade National après qu'un policier lui eût broyé ses mains de guitariste. L'écrivain Pablo Neruda, malade, décède pour sa part quelques jours plus tard dans sa maison saccagée, ses livres brûlés. Des meurtres sont opérés à l'étranger. Le Général Carlos Prats est tué en septembre 1974 à Buenos Aires où il s'était réfugié; l'ex-ministre socialiste Orlando Letelier à Washington en 1976.

    Sur le plan économique, le Chili de Pinochet devient un laboratoire libéral où sont mises en œuvre les idées de l'Américain Milton Friedman et son « École de Chicago ». Les secteurs nationalisés sous Allende sont rendus à leurs anciens propriétaires et de nombreuses entreprises publiques sont privatisées. Le contrôle des prix est aboli et les barrières douanières sont réduites. La croissance revient, mais une part considérable de la population (jusqu'à 40 %) sombre dans la pauvreté.




    Manifestation de parents de disparus devant le palais du gouvernement de Santiago en 1983.

    La dictature, pourtant, échoue à éradiquer totalement une opposition qui se reforme progressivement dès la fin des années 70. De 1983 à 1986, des luttes sanglantes renaissent, mobilisant des forces clandestines intérieures ou en exil mais aussi une part importante de la société chilienne, Église incluse.

    En octobre 1988, Pinochet organise un plebiscite destiné à renouveler son « mandat » à la tête de l’État. Il est rejeté à 56 %. Un compromis s'ensuit, ouvrant la voie à une transition démocratique, non sans garantir aux assassins une impunité qui, à l'inverse de l'Argentine, n'a jamais été totalement remise en cause.

    Arrêté à Londres en 1998 à la suite d'une plainte internationale déposée en Espagne pour « génocide, terrorisme et tortures », Augusto Pinochet est libéré "pour raisons de santé" en mars 2000 et peut retourner au Chili. Il y meurt en décembre 2006, avant que les procédures judiciaires engagées contre lui n'aient abouti.
    Des Chiliens commémorent le coup d'Etat de 1973 contre Allende

    Images attachées Images attachées
    Dernière modification par zadhand ; 07/04/2016 à 11h32.
    Atlas-HD-200 B102 B118
    Icone I-5000

    ZsFa

Règles de messages

  • Vous ne pouvez pas créer de nouvelles discussions
  • Vous ne pouvez pas envoyer des réponses
  • Vous ne pouvez pas envoyer des pièces jointes
  • Vous ne pouvez pas modifier vos messages
  •