Cinq choses à savoir sur Zika_3/02/16 - 19h16


Transmis essentiellement par les moustiques, le virus Zika, qui touche depuis 2015 le continent américain, passe souvent inaperçu, mais il constitue une menace pour les femmes enceintes et entraîne dans certains cas de graves complications.
Alors que ce virus est désormais présent dans plus d'une quinzaine de pays en Amérique latine, la crainte principale est qu'il n'entraîne des complications neurologiques chez les personnes infectées et des malformations sur les foetus. Les cas de malformations se multipliant, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété "une urgence de santé publique de portée internationale". Les Etats-Unis ont fait état mardi d'un cas de transmission du virus par voie sexuelle, au Texas.

Qui est Zika ?
Ce virus a été repéré pour la première fois en Ouganda en 1947 chez un singe. Il tire son nom d'une forêt située au sud de Kampala, capitale du pays. Zika appartient à la même famille (Flaviviridae) que les virus de la dengue et de la fièvre jaune. Le premier cas humain de fièvre Zika a été rapporté en 1968, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Comme la dengue et le chikungunya, deux autres infections tropicales, Zika se transmet par piqûres de moustiques du type Aedes aegypti et de moustiques tigres (Aedes albopictus). Les insectes piquent une personne malade, se chargent en virus et infectent ensuite les personnes saines. Quelques cas de transmission par voie sexuelle ont aussi été rapportés.

Symptômes
Dans la grande majorité des cas (70 à 80%), l'infection passe inaperçue. Lorsqu'ils s'expriment, les symptômes sont de type grippal (fièvre, maux de tête, courbatures) avec des éruptions cutanées. L'infection peut aussi se manifester par une conjonctivite ou par une douleur derrière les yeux, ainsi que par un oedème des mains ou des pieds. - Complications Deux types de complications graves ont été décrites, des complications neurologiques et des malformations sur les foetus de femmes malades. Mais le lien causal direct entre virus et complications n'a pour le moment pas été établi. Des complications neurologiques de type syndrome de Guillain-Barré, maladie auto-immune se traduisant par une faiblesse voire une paralysie progressive des membres, ont été décrites au Brésil et en Polynésie française.

Des microcéphalies (taille anormalement réduite du crâne) et des anomalies du développement cérébral ont été observées chez des foetus et des nouveaux-nés de femmes enceintes durant des épidémies de Zika en Polynésie et au Brésil. Une recherche brésilienne suggère que les risques de malformations chez les bébés sont plus grands quand l'infection se produit chez la mère durant les trois premiers mois de sa grossesse. L'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) précise par ailleurs qu'il n'y a pour l'instant "aucune preuve que Zika puisse causer la mort".

Ni traitement, ni vaccin
Il n'existe aucun remède spécifique, ni vaccin contre ce virus. Le laboratoire français Sanofi Pasteur a toutefois annoncé qu'il se lançait dans la recherche d'un vaccin. Les seuls traitements consistent pour l'instant à réduire les douleurs par la prise d'antalgiques. Pour se protéger, il faut éviter de se faire piquer par des moustiques, en utilisant vêtements amples, répulsifs, insecticides et moustiquaires. Les femmes enceintes doivent être "particulièrement" vigilantes, recommande l'OPS. Une personne malade doit absolument éviter de se faire piquer pour stopper le cycle de transmission de la maladie. Le gouvernement colombien a conseillé aux couples d'éviter les grossesses dans les mois à venir, et celui du Salvador pour une période de deux ans, en raison de l'épidémie en cours tandis que plusieurs pays, dont les États-Unis et la France, déconseillent aux femmes enceintes de se rendre dans les pays touchés.

Où sévit Zika ?
Après avoir été signalée en Afrique, en Asie et dans le Pacifique, la maladie à virus Zika touche depuis le premier semestre 2015 le continent américain. L'OMS a averti la semaine dernière que le virus se propageait "de manière explosive" dans la région des Amériques, avec trois à quatre millions de cas attendus en 2016. Le Brésil est le principal pays touché avec près de 1,5 million de cas. La Colombie, deuxième pays le plus affecté, prévoit plus de 1.500 cas du syndrome neurologique de Guillain-Barré (SGB) pouvant être liés. En Europe et en Amérique du Nord, des dizaines de cas d'infection par le Zika ont été signalés parmi les personnes revenant de voyages dans les pays touchés. Un institut de recherche indonésien a annoncé un cas positif de virus Zika sur l'île de Sumatra et la Thaïlande a aussi fait état d'un cas. D'autres patients, contaminés localement, ont été signalés au large du continent africain, au Cap-Vert. Après des premiers cas en Guyane et Martinique fin 2015, l'épidémie a été officiellement déclarée dans ces départements français à la mi-janvier. Des cas ont été repérés en Guadeloupe et à Saint-Martin.


Cas de transmission de Zika par voie sexuelle: quelles conséquences ?




Un cas de transmission par voie sexuelle du virus Zika, dont on pensait qu'il était essentiellement propagé par les moustiques, vient d'être rapporté au Texas. Quel peut être l'impact sur la propagation de l'épidémie ? Quelles sont les mesures à prendre?

Si la transmission par voie sexuelle se confirme, peut-elle contribuer à l'extension de Zika ?
La communauté scientifique estime à l'unisson que l'impact devrait être marginal, le principal vecteur du virus restant le moustique. Elle juge la transmission intra-humaine "rare".

"Bien que cette annonce suggère que le virus peut se transmettre par voie sexuelle, cela ne change rien au fait que Zika se propage dans les Amériques, essentiellement par le biais de piqûres de moustiques", commente Jonathan Ball, professeur en virologie moléculaire à l'université britannique de Nottingham.

"Le mode de transmission de Zika est essentiellement, pour ne pas dire quasi exclusivement, via un moustique. Ce n'est pas à nos yeux un facteur de transmission important en terme de santé publique", confirme le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'Institut immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie à l'institut français Inserm.

"Ce mode de transmission semble suffisamment rare pour avoir un faible impact sur la propagation de l'épidémie", note aussi Matthew Baylis, professeur à l'université britannique de Liverpool. "Ce n'est pas le VIH", renchérit le virologue français Bruno Lima. "On a du mal à imaginer qu'un individu qui présenterait un risque de transmission sexuelle installe une épidémie de Zika dans un pays où il n'y a pas de moustique" porteur du virus.

Y-a-t-il eu des précédents de transmission par voie sexuelle?
"En 2008, un scientifique américain en voyage au Sénégal avait été infecté par Zika. Il aurait contaminé sa femme lors d'un rapport sexuel à son retour à la maison", explique le docteur Ed Wright, de l'université britannique de Westminster.

Un second cas a été rapporté en 2015 "avec une mise en évidence de Zika dans le sperme d'un patient de Polynésie où l'épidémie a sévi fin 2013/début 2014", ajoute le Pr Delfraissy.

Quelles mesures faut-il prendre?
"En dehors de la femme enceinte, Zika n'est pas grave", observe le Pr Delfraissy. "Le coeur de notre action est la femme enceinte. Il faut à tout prix la protéger par toutes les mesures de précaution et de prévention possibles", dit-il. Car Zika est fortement soupçonné de causer des microcéphalies chez les foetus, de graves malformations crâniennes.

Comme ses confrères, M. Delfraissy souligne qu'il faut recommander l'utilisation du préservatif lors de rapports sexuels chez les femmes enceintes dans les pays touchés.

"Il faut s'assurer que tous les hommes des pays touchés (par l'épidémie) et les voyageurs de sexe masculins revenant de ces mêmes pays utilisent des préservatifs, en particulier, s'ils présentent des maux susceptibles d'être associés à Zika tels que fièvre, maux de tête, douleurs musculaires, arthrite, éruption cutanée ou conjonctivite", renchérit Nathalie MacDermott de l'Imperial College London.

Cela pose-t-il de nouvelles questions à la communauté scientifique ?
"Dans la mesure où d'autres cas de transmission par voie sexuelle ont été établis il y a quelques années, ce nouveau cas souligne la nécessité de recherches sur la présence de Zika dans le sperme et la durée de cette présence après l'infection", commente le docteur MacDermott.

"Si nous considérons que nous avons potentiellement plus d'un million de cas de Zika causés par une transmission via les moustiques contre quelques cas de transmission sexuelle, les risques supplémentaires semblent faibles. Mais c'est précisément cette question que les chercheurs doivent trancher", ajoute le Dr Wright.

"Quel est le degré du risque de transmission par voie sexuelle ? La majorité des cas des infections étant asymptomatiques, y a-t-il un risque de transmission par des personnes n'ayant pas de symptôme ? Toutes ces questions soulignent notre ignorance du virus et le besoin urgent d'une réponse et d'une recherche coordonnée", estime Peter Horby, de l'université britannique d'Oxford.