Nuage sur l’élection du conseil des magistrats
Cour des comptes
le 05.10.16 | 10h00
L’élection de renouvellement des membres du conseil des magistrats de la Cour des comptes,
prévue aujourd’hui, est sérieusement écornée, suite à la plainte introduite par l’un des magistrats
de cette Cour, en poste à Constantine, critiquant la légalité et la transparence du scrutin.
Brahim Belaïd conteste en effet l’organisation de l’élection dans la forme
et dans le fond en saisissant le Conseil d’Etat. A travers son avocat,
Me Abdallah Haboul, le plaignant demande l’annulation pure et simple de
la décision d’organisation des élections et demande aussi, en action
simultanée et en référé, de surseoir à l’exécution de l’arrêté invoqué dans
la décision d’organisation de l’élection.Dans ce document daté du 30 août
dernier, et dont El Watan détient une copie, le président de la Cour des
comptes, Abdelkader Benmarouf, a motivé sa décision par deux visas
le décret exécutif n°30/96 du 13 janvier 1996 relatif aux modalités
d’application de l’ordonnance 85/253 du 25 août 1995, portant statut des
magistrats de la Cour des comptes, et un arrêté daté du 14 mai 2006,
portant sur les modalités d’organisation et de déroulement des élections
des magistrats de la Cour des comptes. Or, si l’ordonnance invoquée et
ses textes d’exécution sont connus, on ne trouve trace nulle part de l’arrêté,
notamment au Journal officiel de la République algérienne, ce qui a poussé
le magistrat Belaïd, lui-même candidat à l’élection, de saisir son président
afin de lui fournir l’arrêté en question. Curieusement, sa requête est
demeurée sans suite, ce qui a poussé le concerné à déposer un recours en
annulation devant le Conseil d’Etat. L’action du juge Belaïd attire soudain
l’attention sur cet organisme censé jouer le rôle de gendarme des finances
publiques, mais qui se fait oublier par une léthargie chronique. Des zones
d’ombre entourent la tenue de cette élection, prévue chaque trois ans. Les
magistrats eux-mêmes disent ignorer comment est établie la liste des
candidatures, et celle des candidats acceptés et si les cas rejetés peuvent
faire un recours. On ignore aussi comment se fait le dépouillement, la
proclamation des résultats, et le plus grave, ajoute Me Haboul, est de savoir
comment doivent faire les candidats en poste dans les 8 cours régionales,
dépendant de la Cour des comptes, pour participer à l’élection ? Doivent-ils
tous se déplacer à Alger ? Tout ce qu’on sait est que le scrutin est secret,
qu’il se déroule au siège de la cour à Alger et concerne les postes désignés
dans l’ordonnance de 1995. En outre, conformément à l’article 63 de ladite
ordonnance, les membres sont élus pour un mandat de 3 ans, or l’équipe
sortante avait été élue en février 2013, mais n’a été installée qu’en septembre
de la même année ! Ce n’est pas tout en matière de bizarrerie, car la
composante du conseil, comme stipulé dans l’article 59 de l’ordonnance,
comporte des membres désignés es qualité, des membres élus et, enfin, deux
membres désignés par le président de la République.
On se rend compte que depuis 1999, ces deux membres n’ont jamais été
désignés ; en tout cas le Journal officiel n’en parle pas ! Le juge Benmarouf,
en poste depuis 1995, peut-il dans ces conditions organiser cette élection
et garantir sa légitimité ? Aussi, est-il possible pour les candidats de se
préparer sérieusement en à peine 11 jours, soit le délai limité entre la fin
officielle du mandat de l’équipe sortante,le 11 septembre, et la date désignée
pour l’élection ? Dans le cas du Conseil supérieur de la magistrature (CSM),
par exemple, ce délai est de 3 mois.
Nouri Nesrouche