Le désastre écologique du conflit en Irak

Par AFP,publié le 17/12/2016 à 16:01
mis à jour à 16:01

Al Qayyarah (Irak) - Les combats et les bombes laissées derrière eux
par les jihadistes provoquent d'importants dégâts sanitaires et
environnementaux en Irak, s'alarment les organisations internationales qui
plaident pour une réponse rapide avant que la situation ne devienne incontrôlable.

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Dans l'immédiat, les Irakiens font les frais de l'épaisse fumée noire
qui plane au-dessus des puits de pétrole qui continuent, pour certains
depuis plus de quatre mois, de brûler et de laisser s'échapper pétrole
et gaz toxiques non loin de zones d'habitation et d'élevage.
Mais sur
le plus long terme, ces incendies, de même que les eaux polluées, les
équipements militaires éparpillés et les infrastructures détruites,
risquent de mettre en danger le retour à une vie normale pour les plus
de trois millions de déplacés du pays.
Au sud de Mossoul, autour des
puits de pétrole et de l'usine de soufre incendiée par les jihadistes du
groupe Etat islamique (EI), chassés par les troupes irakiennes, "des
centaines de personnes ont été traitées après avoir été exposées à
des produits chimiques et des millions sont exposées aux particules et
aux gaz qui s'échappent des puits de pétrole
", selon un rapport du
programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP).

- 'Environnement déjà dégradé' -
Sur le terrain, les hommes de la Défense civile irakienne surveillent
anxieusement leurs appareils électroniques. "Nous évaluons le taux de
sulfure d'hydrogène
", un gaz inflammable qui peut provoquer des
brûlures, explique l'un d'eux à l'AFP devant un puits de pétrole d'où
s'échappent encore des flammèches. "Nous recouvrons la zone de terre
pour éviter que les fumées continuent de s'échapper et que l'air et
l'environnement ne soient pollués
", poursuit l'officier Ijar Fadhel.

L'inquiétude grandit aussi, renchérit Jenny Sparks, de l'Organisation
internationale pour les migrations (OIM), quant à "l'impact négatif de
cette pollution sur la capacité à reconstruire un environnement durable
et de qualité
" pour faire revenir les déplacés chez eux. Il va falloir,
plaide-t-elle, "passer des réponses d'urgence à des programmes sur la
résilience dans les semaines et mois à venir
".
Car cette reconstruction
se fait dans "une région où l'environnement a déjà été dégradé par les
précédents conflits et fait les frais d'une agriculture non-durable qui a
mené à une grave désertification et à une dégradation des sols
", note
l'UNEP.
Dans la zone, la majorité de la population vit d'élevage et
d'agriculture, ou de l'industrie pétrolière, deux secteurs que l'EI laisse
en ruines derrière lui. Dans la plaine désertique, ici ou là, des troupeaux
de moutons à la toison noircie par les fumées sont encore visibles.
Jaber,
16 ans, surveille le sien près du bourg agricole d'al-Qayyarah, sans grand
espoir de vendre ses bêtes. "Certaines sont mortes et les autres, je
n'arrive pas à les vendre car elles sont noires
" à cause des particules de
fumée, explique ce jeune Irakien à l'AFP.
Et plus de dégâts sont à attendre
alors que le conflit fait toujours rage dans la région, préviennent les
organisations internationales.
- Déchets, eau et épidémies - Les débris
et la poussière des bâtiments détruits, pour certains des stocks d'armes et
de produits chimiques, "contiennent des substances toxiques", selon l'UNEP,
et "laisseront une empreinte toxique" qui aura un impact négatif "sur le
long terme pour l'environnement si rien n'est fait
".
Quant aux engins militaires
détruits et abandonnés, ils présentent un risque "pour les enfants qui y jouent
et les hommes qui les désossent pour revendre le métal
".
L'eau, aussi, affirme
Erik Solheim, qui dirige l'UNEP, pourrait devenir source de danger. "Des
cadavres y ont été jetés, des matériaux dangereux et du pétrole s'y sont
déversés
", note-t-il.
Il existe toutefois des raisons d'espérer, veulent croire
certains. En 2003 déjà, l'usine de soufre d'al-Michraq, près d'al-Qayyarah,
avait brûlé pendant tout un mois. "La végétation et les cultures avaient été sérieusement endommagées mais deux ans plus tard, l'environnement s'en
remettait déjà
", relève l'UNEP.
Quant au pétrole qui s'est échappé, "c'est
une matière organique, donc à un moment, elle se dissout et n'impacte plus l'environnement
", affirme Wim Zwijnenburg, de l'organisation pacifiste PAX.

Mais une fois les combats terminés, "l'effondrement de la gouvernance en
termes d'environnement peut mener à l'accumulation de déchets domestiques, médicaux et industriels et causer des risques environnementaux et sanitaires
", prévient l'UNEP.
Car les pillages, déjà survenus au moment de l'invasion
américaine de l'Irak en 2003, pourraient recommencer, notamment dans les
usines. "En 2003, des civils ont emporté des produits toxiques ou intoxiqués.
Par exemple, certains avaient pris des réservoirs de réacteurs nucléaires pour
stocker leur eau de consommation
", rappelle M. Zwijnenburg.