Google a-t-il définitivement perdu sa bataille contre la censure en Chine? C'est la question qui se pose après la décision du géant américain du Net d'abandonner un système lancé en mai 2012 et qui dévoilait aux usagers le système de censure de Pékin, le fameux "Great Firewall" ("Grande Muraille numérique").

En mai, Google avait annoncé sur son blog officiel le lancement de ce service de notifications. Quand un caractère ou des mots chinois étaient censurés, ce qui perturbait la recherche, ils étaient signalés à l'utilisateur, qui pouvait cliquer dessus. Une fenêtre apparaissait alors, comme celle-ci :

A l'époque, Google avait souligné vouloir que "le plus possible de gens dans le monde aient accès à [ses] services" : "Notre espoir est que ces notifications écrites contribueront à améliorer l'usage du moteur de recherche en Chine continentale". Même si les responsables de l'entreprise ne l'ont jamais dit officiellement, c'était surtout une manière d'exposer le travail du système de censure chinois.

Cependant, de manière tout à fait discrète, Google a abandonné ce système en décembre, ont remarqué plusieurs sites spécialisés. Pour le site GreatFire, consacré à la censure en Chine, Google "s'incline devant le gouvernement chinois". Cette décision peut en effet écorner l'image positive de l'entreprise. D'autant plus que cet abandon est médiatisé au moment même où, hasard du calendrier, le patron du géant américain se trouve en visite en Corée du Nord, le pays qui censure le plus l'Internet... Un porte-parole de Google a confirmé au Wall Street Journal l'abandon du système, sans donner plus de précisions.
Google entretient une histoire tumultueuse avec la Chine. En 2010, le géant américain avait décidé de transférer son moteur de recherches vers Hongkong quatre ans après avoir lancé son site en Chine continentale, invoquant des cyberattaques. Dans l'ancienne colonie britannique, il n'avait pas à se soumettre aux règles d'autocensure imposée par Pékin et contraires à la "philosophie" contenue dans le slogan de Google (Don't Be Evil, "Ne soyez pas malveillants"). Si les autorités chinoises bloquent ses services, comme YouTube, Blogger ou Google Plus, elles ont cependant épargné le site de recherches lui-même. Pour certains, il est devenu trop populaire auprès d'une couche aisée et influente de la population urbaine pour qu'il soit possible d'y toucher. De plus, si le moteur de recherches de Google en chinois est écrasé par celui de Baidu, ce dernier détenant près des deux tiers des parts de marché, contre 5 à 6% pour l'Américain, le système d'exploitation Android est utilisé par les opérateurs chinois.