Nadia Jovanovic n’a pas de mots assez forts pour dire la douleur et la rage qui l’étreignent. « Ceux qui ont fait ça sont des chiens! Ils n’ont aucune dignité », lâche cette mère de famille qui vit à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne). Elle ne quitte pas des yeux les fossoyeurs, entourés de policiers, qui exhument le cercueil de son père, Slavoljub, puis celui de sa mère, Mira.

Elle avait 9 ans lorsqu’elle a enterré sa mère et 21 quand son père a rejoint le caveau familial, en 2000, emporté par une crise cardiaque.
Le spectacle est insoutenable : les cercueils sont vidés des restes humains à expertiser. Cette exhumation a eu lieu hier au cimetière de Montreuil, pour les besoins de l’enquête de police, à la suite de la profanation de cette sépulture le 7 janvier.
« On venait nettoyer la tombe. Nous sommes orthodoxes. Pour nous, Noël est le 7 janvier et on partage alors un moment avec nos morts », explique Suzana partie se recueillir avec ses quatre enfants et sa sœur Nadia. Les deux sœurs constatent vite que la dalle de 400 kg qui recouvre le caveau est ébréchée et descellée et elles comprennent que les cercueils ont été forcés et des bijoux dérobés. « Chez nous gitans, la tradition est d’enterrer les morts avec des bijoux et de l’argent pour le paradis », explique Ivan, petit-fils rentré de Belgique en catastrophe. Une plainte a été déposée lundi au commissariat de Montreuil mais la famille Jovanovic n’était pas au comble de sa douleur. Une nouvelle profanation aurait eu lieu dans la nuit de lundi à mardi, visant cette fois la tombe de Mira, la mère. La ville avait fait poser de la silicone lundi, disparue le lendemain.
Le député PS Razzy Hammadi, puis la maire Europe Ecologie-les Verts Dominique Voynet ont assuré la famille de leur soutien, en se rendant au cimetière hier. Eux non plus ne trouvent pas les mots pour qualifier cette profanation. Le député souligne la « nécessité de multiplier les surveillances les nuits qui viennent ». La maire indique que « des rondes ont lieu tous les jours », et pense à un « acharnement » contre cette famille. S’il y a bien des vols sur les tombes, jamais aucuns agissements de cette sorte n’ont eu lieu dans le cimetière, assurent tous les élus et agents. C’est le plus ancien de la ville, avec ses sépultures tsiganes, juives et militaires...
Les Jovanovic ont bien un nom à donner à la police, celui d’un homme avec lequel il y a « des problèmes ». « Mais rien ne justifie une atteinte aux morts », explique un petit-fils qui assure qu’en plus de quarante ans, la famille Jovanovic n’a jamais eu à faire parler d’elle en mal.
Une famille bien connue à Montreuil. Slavoljub est arrivé de Serbie dans les années 1960. A Montreuil, il était surnommé « Chapeau » en référence au chapeau de cow-boy qu’il ne quittait pas. « Son pays c’était la France, là où on est nés », explique Nadia, qui espère que l’enquête ira assez vite pour que ses parents puissent à nouveau reposer en paix.

Le Parisien