"Scène de film, exercice ou attentat?" A Orly, les témoins sous le choc

Un assaillant qui prend "en otage une militaire par le cou", des magasins qui ferment leurs rideaux instantanément, des valises abandonnées en plein aéroport: les témoins qui ont assisté à l'attaque samedi matin à l'aéroport d'Orly-Sud décrivent une scène aussi brève qui violente.
Un homme a été abattu vers 08H30 par les forces de sécurité à l'aéroport d'Orly-Sud (Val-de-Marne) après avoir tenté de dérober une arme à une militaire de l'opération Sentinelle.
"J'ai entendu des éclats de voix, et j'ai vu des militaires qui tenaient en joue une personne". Dominique (qui ne souhaite pas donner son nom de famille), 58 ans, devait prendre un avion avec son épouse pour la République dominicaine quand il a vu au premier étage de l'aérogare "un homme qui tenait en otage une militaire", a-t-il raconté à l'AFP : "il la tenait par le cou, et il menaçait les deux autres militaires avec le fusil de la femme" qu'il tentait d'arracher. Il comprend que c'est "sérieux". "Alors on s'est éloigné et en descendant les escaliers, j'ai entendu des coups de feu".
Hakim, qui devait prendre un vol pour l'Algérie avec ses parents et sa soeur, confirme que tout s'est passé très vite. Il se trouvait au "dépose-bagages" au rez-de-chaussée de l'aéroport, quand il a entendu des coups de feu. "On a compris que c'était assez loin de nous". L'attaque a eu lieu à 08H30 au premier étage du terminal Sud, dans la zone publique de l'aéroport,avant les contrôles de sécurité.

"On a pensé à un attentat"
"Le personnel nous a demandé de partir. On a laissé les bagages et on s'est mis à l'abri plus loin" tandis que les "magasins fermaient leurs rideaux". Lui et sa famille ne sont restés que "cinq minutes après les coups de feu". Mais, confie-t-il, "tout de suite on a pensé à un attentat". "Les gens ne comprenaient pas trop", explique Hakim. Sa mère qui est en fauteuil roulant n'a pas été bousculée malgré l'évacuation de l'aéroport. Enveloppée dans une couverture de survie dorée, la dame de 69 ans attendait patiemment, retranchée avec d'autres passagers derrière le cordon de sécurité, devant l'aérogare, sous la pluie.
Sofiane Slim, un agent d'escale de la Royal Air Maroc de 30 ans, lui, a cru que "c'était soit un film soit un exercice d'entraînement". Il se trouvait au rez-de-chaussée quand ont retenti les coups de feu. "C'a été la panique générale: les gens couraient de partout". "Dans la cohue, j'ai essayé de rassurer un peu les gens. Pendant dix minutes, on a dû se débrouiller un peu seuls. Il n'y avait que quelques policiers autour de nous. Ca courait dans tous les sens", raconte-t-il.
L'aéroport d'Orly a été entièrement évacué. Devant les terminaux, des files de voitures se sont formées tandis des centaines de passagers désorientés évoluaient au milieu des véhicules, traînant leur valises à roulette derrière eux. De nombreux véhicules de pompiers et de la police étaient sur place, ainsi que la Croix-Rouge. Des bouchons monstres se sont formés sur la voie rapide qui mène jusqu'à l'aéroport, les passagers descendant de voiture en quête d'explications.




Orly: ce que l'on sait

Un homme connu des services de police et de renseignement a attaqué samedi matin une patrouille de l'opération Sentinelle à l'aéroport d'Orly, avant d'être abattu. Ce que l'on sait de cette attaque, qui fait l'objet d'une enquête ouverte par le parquet antiterroriste.
Samedi matin vers 06H55, un homme a tiré sur trois policiers lors d'un contrôle routier à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), au nord de Paris, blessant légèrement l'un d'entre eux à la tête avec un pistolet à grenailles. Il a ensuite pris la fuite. Puis il est repéré au sud de Paris, à une trentaine de kilomètres à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) où il fait "irruption dans un bar en proférant des menaces" et vole son véhicule à une femme, a affirmé le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux.
Il se rend ensuite à l'aéroport d'Orly, à une dizaine de kilomètres. Vers 8H30, au premier étage du hall 1 d'Orly-Sud, il "essaye d'aggresser une patrouille Sentinelle pour s'emparer de l'arme à feu de l'une des militaires" de la patrouille, composée de soldats de l'armée de l'air, a indiqué le ministre.
Selon une source proche de l'enquête, après avoir braqué la militaire avec le pistolet qu'il avait utilisé à Garges, il a bien réussi à s'emparer du fusil Famas de cette dernière, avant d'être immédiatement abattu. La militaire "mise à terre" par l'assaillant, ses deux collègues ont "ouvert le feu pour la protéger" et "protéger tout le public", a déclaré le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
Une opération de déminage a été menée mais aucun explosif n'a été retrouvé sur lui et à proximité.
Ce Français de 39 ans "est connu des services de police et de renseignement", a affirmé le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux. Selon les premiers éléments, il est né le 14 février 1978 et a des attaches dans le Val-d'Oise.
Les papiers présentés à la police à Garges-lès-Gonesse sont ceux qui ont été retrouvés sur l'homme abattu à l'aéroport, ont précisé des sources policières. L'homme n'était pas fiché S, mais fiché "J" au Fichier des personnes recherchées (FPR), et était donc recherché par la police judiciaire pour des faits de vol à main armée. Il a été incarcéré de mars à novembre 2016. Son casier judiciaire comporte "neuf mentions" pour des faits de droit commun, dont des vols à main armée et du trafic de stupéfiants.
"Détecté comme radicalisé", il avait fait l'objet en 2015 d'une perquisition administrative, qui "n'avait rien donné", selon une source policière.
Samedi vers midi, les enquêteurs ont placé en garde à vue son père et son frère, des auditions menées notamment pour dresser son profil.
La section antiterroriste du parquet de Paris s'est saisie de l'enquête, confiée à la section antiterroriste de la Brigade criminelle (SAT), la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la police judiciaire et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Près de 3.000 personnes ont été évacuées du terminal Sud d'Orly ou confinées dans le terminal Ouest voisin. Orly-Ouest, où le trafic était interrompu depuis l'agression, a rouvert ses portes samedi vers midi mais celui d'Orly-Sud restait partiellement fermé.
Le trafic aérien est interrompu depuis 08H50, les vols étant suspendus dans les deux terminaux d'Orly, selon la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et Aéroports de Paris (ADP).
Des cellules de crise ont été mises en place pour accueillir les voyageurs à Orly comme à Roissy-Charles-de-Gaulle, où 28 vols à destination d'Orly ont été déroutés samedi matin, selon une source préfectorale.