LA UNE/ACTUALITÉ_Éxécution du Chimisite de la Bataille d’Alger
publié le Avr 24,2014
Cela s’est passé un 24 avril 1958, exécution du chimisite de la bataille d’Alger
Taleb Taleb Abderrahmane, artificier de l’Armée de libération nationale (ALN)
affecté à la Zone autonome d’Alger (ZAA), est guillotiné à la prison
de Barberousse (Serkadji) à l’âge de 28 ans après
avoir été arrêté en juin 1957, lors de la Bataille d’Alger.
Le chahid Taleb Abderrahmane est né le 5 mars 1930, rue des Sarrazins, au cœur de
la Casbah d’Alger. Enfant précoce et studieux, il entra à l’âge de six ans à l’école
Brahim Fatah. Admis à l’examen de sixième, il passe au cours complémentaire Sarrouy.
Le brevet en poche, il entre, en 1948, en classe de seconde du collège moderne de
l’ex-boulevard Guillemin, (aujourd’hui Taleb Abderrahmane), à Bab el Oued.
Il rencontre Nour Eddine Rebah qui est en classe de Première. Ils deviennent vite de bons
copains. Après un bref passage ensemble dans les groupes El Islah et El Kotb des Scouts
musulmans (SMA), les deux amis se retrouvent au cercle El Mokrani de l’Union de la Jeunesse
Démocratique Algérienne (UJDA), face à la Medersa d’Alger. Ils ont des amis communs
Ahmed Ould Amrouche, (militant du PPA-MTLD, Abderrahmane Akkache, Tayeb Bouheraoua,
Hadj Omar, comédien de la troupe El Mesrah El Djazaïri. Le cercle était également fréquenté
par Mohamed Zinet.Dans ces années cinquante où le mouvement national se déploie,
Abderrahmane Taleb est en contact avec Hamid Méraoubi, Ahmed Laghouati, H’Didouche Bouzrina,
Sadji, Ahcène Laskri. Il les rencontre au café Tlemçani. L’été 1954, il est très affecté par la crise qui
scinda le PPA-MTLD en deux parties et a vu des militants s’affronter durement.
Pendant les vacances universitaires de l’été 1955, il organise, pour les djounoud de l’ALN,
un stage d’artificiers, dans la forêt d’Azzefoun. Omar Gaitouchen, son voisin de la Casbah, est à
ses côtés. Suite à la grève du 19 mai 1956, il quitte les bancs de l’Ecole de Chimie de l’Université d’Alger,
et rejoint le maquis des monts de Blida où le futur colonel de la Wilaya IV, Amar Ouamrane,
l’affecte à l’infirmerie.Il prend pour nom de guerre Mohand Akli. Sur instruction du commandant militaire,
Slimane Dehilès, il quitte le maquis pour Alger où il intègre l’atelier de fabrication de bombes créé par
la Zone autonome d’Alger. Il retrouve son jeune camarade de quartier, Salah Bazi. H’didouche Bouzrina,
à qui Ahmed Laghouati avait parlé, l’introduit chez son beau-frère Yacef Saadi, alors chef de la Zone
autonome, témoigne Youcef Zani dont la maison familiale servait de refuge.
L’artificier de la Casbah
Yacef Saadi charge Abderrahmane Taleb de fabriquer des explosifs. Il accepte à la condition que les cibles
soient exclusivement militaires, témoigne Yacef Saadi.L’atelier est installé impasse de la Grenade,
chez un vieux militant du PPA et de l’OS, Abdelghani Marsali. Il y avait avec ce premier groupe,
Tayeb Khemsan. Par mesure de sécurité, ce laboratoire fut transféré chez les Bouhired puis au quartier
de La Scala.Dans le réseau de la Zone Autonome, les frères Bouchouchi étaient chargés, entre autres,
de l’acheminement des bombes, raconte Youcef Zani.Fin janvier 1957, passant à travers les mailles du
filet tendu par le général Massu, Abderrahmane Taleb quitte la Casbah et rejoint de nouveau le maquis
de Blida, au djebel Béni Salah.Sur dénonciation, il est capturé au mois d’avril par les parachutistes.
Il venait d’échapper à une embuscade tendue la nuit dans une clairière par les mêmes parachutistes.
Conduit à la ferme Chenu, au faubourg de Blida, il fut identifié après avoir été sauvagement torturé.
Trois fois condamné à la peine capitale, Abderrahmane Taleb fut exécuté, le 24 avril 1958, à l’aube,
malgré les pressantes démarches effectuées auprès du président de la République française, René Coty,
par d’éminentes personnalités françaises comme Jean-Paul Sartre, François Mauriac, Henri-Lévy Brühl,
Francisque Gay, Maurice Duverger, Henri Laugier, Maurice Haudiou, Pierre Emmanuel et par de grands
écrivains et publicistes. Réunies à Londres, vingt-deux associations nationales d’étudiants de différents
pays avaient demandé, en vain, la révision du procès. Son nom et son parcours furent présentés au
Collège de France, dans les Instituts de recherche, les Facultés et dans les Grandes Ecoles.
Le journal l’Humanité, organe central du PCF, titrait : « Taleb ne doit pas mourir ».
Le jour de son exécution, il dit au Cheikh, désigné par l’administration coloniale pour lire la Fatiha
« Prends une arme et rejoins le maquis! ». Aucun mot ne sortit de la gorge nouée de l’imam,
raconte Hamid Guerrab, un rescapé de la guillotine. Les lunettes qu’avait retirées à Abderrahmane Taleb,
Fernand Meissonnier, l’exécuteur des basses œuvres, se trouvent toujours en France, à Fontaine-de-Vaucluse.
» Je les ai gardées en souvenir », a dit son bourreau.« Pour ma patrie, pour mon idéal et pour mon peuple,
périr n’est qu’un sublime sacrifice auquel je suis résigné… Je saurais mourir. L’Algérie sera libre envers et
contre tout », avait-il lancé à la face de ses bourreaux