Le port du voile est-il une obligation faite aux musulmanes?
Je vous laisse lire la réponse d'un père (algérien) à une question posée par son fils sur le voile islamique en 2013.
Avant l’avènement de l’intégrisme religieux qui a ébranlé sévèrement notre pays, la majorité de la gente féminine sortait sans voile, mis à part les vieilles et les mariées qui portaient le haïk. Jadis, la jeune fille s’habillait comme l’exigeait l’époque en prenant les précautions nécessaires quant à son éducation religieuse. Elles étaient bien habillées, souvent avec un joli foulard en fleur (selon les saisons) sur la tête et les cheveux bien tressés. Même la fille de l’Imam s’habillait élégamment en conservant son éducation et les saines relations. Les jeunes filles empruntaient souvent la bicyclette en toute quiétude pour rejoindre le collège ou le lycée en tenue saisonnière respectable. A aucun moment, les imams de l’époque n’ont engagé des discours sur le port du voile, ni obliger leur progéniture à le porter. L’islam d’hier est-il différent de celui d’aujourd’hui ? Bien sûr que non. La situation a complètement changé de nos jours, c’est-à-dire avec l’apparition de l’intégrisme religieux bien façonné dans les laboratoires Nazo-sionistes.
Le port du voile est devenu une partie obligatoire de l’habillement, même à partir d’un âge précoce. Une obligation qui ne fait pas l’unanimité chez la famille musulmane maghrébine..Beaucoup de juristes et intellectuels musulmans pensent que l’islam ne doit pas s’isoler pour devenir une proie facile à manier. Il doit être en harmonie avec la marche du temps dont le coran demeure la pierre angulaire dans le fond et la forme. Pour mieux cerner cette question du port du voile, je vous propose la réponse de notre ami Sid Ahmed SAHLA (journaliste et dramaturge) sur la question : Le port du voile est-il une obligation faite aux musulmanes ? Le débat reste ouvert.
Docteur Driss REFFAS.
« Mon fils Mounir m’a posé cette question-colle. Je tente d’apporter une réponse avec ce texte. Et vous mes amies et amis, vous en pensez quoi?
Sid Ahmed SAHLA.
Salut mon fils,
Tu me demandes de répondre en quelques mots simples à une question qui suscite depuis quatorze siècles, des débats passionnés et contradictoires au sein de la communauté musulmane. Je te précise pour commencer, que parmi les grandes controverses de la lecture et l’interprétation des versets du Saint Coran (1), la plus saillante demeure la question du port du voile parce qu’elle est liée intimement à la condition de la femme. Mais quelles sont les références disponibles pour se faire une idée plus ou moins précise?
En premier lieu le Coran, bien évidemment, en second lieu les hadiths (2) de notre Prophète et en dernier lieu la conscience et la rationalité. Pour t’apporter donc une réponse qui me semble suffisante et complète, il me faut cadrer la démarche. Établissons les principes…
-Premier principe: l’Islam n’est pas une religion de contrainte. Dieu impose le libre arbitre aux musulmans. Le Coran dit que l’homme est le délégué de Dieu sur terre. Le musulman est capable de choix, d’initiative et de tolérance. L’Islam est une religion du juste milieu qui favorise dans tous les cas de figures la solution la plus facile et la plus accessible. Et ce n’est pas parce que les intégristes et les fondamentalistes recourent à des versets coraniques, et les appliquent rigoureusement à la lettre à des fins politiques et idéologiques que l’Islam se résume à l’exhibition de signes et de symboles. L’Islam est une religion de pensée et d’élévation. Même Maimounide le grand rabbin juif andalous reconnaît à l’Islam son attribut de religion la plus pure. Mais on ne peut absolument parler de l’Islam sans se référer au Coran et aux Hadiths de Sidna Mohammed.
-Deuxième principe: Contrairement à la Thora, la Bible ou les Évangiles, la lecture du Saint Coran ne peut pas être linéaire, sémantique ou historique; parce que le Coran nous enseigne l’Absolu. Une qualité qui permet -au chinois de Pékin en l’an 860, à l’africain noir en 1750 ou à l’américain en 2008- d’accéder à ses énigmes. En d’autres termes la puissance du Coran transcende le temps et l’espace. Mohamed Arkoun (3) dit que le Coran est a-historique.
-Troisième principe: Tous les hadiths attribués aux Prophète Mohammed ne sont pas authentiques. A travers l’histoire les faits, gestes et textes du Prophète ont fait l’objet de manipulation par des imposteurs à des fins politiques et économiques. Le maître incontesté de la science des hadiths El Boukhari a débusqué, deux siècles après la mort de Sidna Mohammed, plus de 596.725 faux hadiths. «Sahih El Boukhari» (L’authentique d’ El Boukhari ) est la référence d’excellence et première pour les musulmans en ce qui concerne les hadiths.
– Quatrième principe: Toute la pratique de la religion musulmane doit se réaliser par la rationalité pour le bien-être de l’homme et exclusivement pour son bonheur. «L’Islam considère que les hommes agissent pour eux-mêmes et par eux-mêmes» précise Abdel Madjid Meziane (4). D’ailleurs les cinq rites de l’Islam comme la chahada, la prière, l’aumône, ramadhan ou le hadj ont des fonctions sociales déterminantes. (Nous aurons la possibilité d’en parler de ce chapitre si cela t’intéresse). C’est pour cela que Abdel Madjid Meziane précise que «la Charia (Droit musulman) doit s’adapter à l’évolution de la société».
A ta question «le port du voile est-il une obligation pour les musulmanes?», je te réponds NON! Pour la simple raison que l’Islam est une religion qui libère la femme de toute domination, exploitation et esclavage. Elle est l’égale en toute circonstance de l’homme en droit et en devoir. Toute la difficulté de savoir si «le port du voile est une obligation pour les musulmanes» est intrinsèque justement à la condition de la femme. A la veille de l’avènement de l’Islam, la femme -à part quelques rares exception- faisait partie des propriétés «matérielles et animales» de l’homme, au même niveau que les bagages et moins que les chevaux. Notre Prophète va révolutionner la vie des arabes en mettant la femme au centre de toutes ses stratégies religieuses, politiques et économiques. Et durant sa vie Sidna Mohammed fera des femmes ses principales partenaires et conseillers.
Mais revenons à l’emploi du voile («hidjab») dans l’histoire des arabes: l’usage du «hidjab» se pratiquait avant l’avènement de l’Islam. Le port du voile est une tradition commune à toutes les religions monothéistes. Que ce soit pour les juifs, les chrétiens ou les musulmans. En Islam même les hommes religieux, -imams, docteurs de loi et docteurs de foi- le portent pour se distinguer du reste de la société civile. En Islam c’est une marque d’humilité et de pudeur face à Dieu que la musulmane doit manifester dans les moments de la piété comme en accomplissant la prière ou en effectuant le hadj. Mais comme l’affirme Cheikh Bouamrane –actuel président du Haut Conseil Islamique en Algérie- il s’agit d’un FOULARD, c’est-à-dire une écharpe d’étoffe ouverte. La précision du Cheikh Cherif Bouamrane est tout indiquée puisque le «hidjab» dans la langue arabe ante-islamique désigne un tissu, un paravent ou un arbre derrière lesquels on se met pour ne pas être vu. Le «hidjab» ici a une signification de réclusion. Le «hidjab» délimitait l’espace public de l’espace privé. Il y a aussi «le khimar» un effet vestimentaire très courant dans la société ante-islamique en Arabie. Semblable au voilage porté par les européennes du sud durant le siècle dernier, les femmes esclaves à la Mecque et Médine l’enroulaient sur la tête pour aller faire les courses dans les souks. On s’en tient à ce stade pour éviter la confusion.
Mais dans quel contexte les versets coraniques se rapportant au port du voile ont été révélés? Entre la «Lettre» de ses versets coraniques qui font mention au voile et «l’Esprit» qu’ils inspirent, c’est toute la complexité du problème, dont le débat d’ailleurs demeure ouvert. Je m’explique.
Plusieurs sources de la Tradition (Sunna) parlent du contexte de la révélation du verset coranique qui mentionne le port du voile. Selon la première version Sidna Mohamed a eu la révélation du «Voile» le jour de son mariage avec la belle Zayneb bint Djahsh qui tourmentait les hommes par sa beauté. La deuxième version de la Sunna évoque «l’affaire du collier» qui se rapporte à Aïcha l’épouse préférée du Prophète qui était d’une beauté, d’une intelligence et d’une culture hors du commun. Dans «l’affaire du collier» Aïcha est accusée d’adultère ce qui avait provoqué de grands scandales. Au point ou un verset coranique est révélé pour innocenter Aïcha. Cet incident servit de précédent. Les conclusions tirées furent que les femmes du Prophète doivent être protégées. Pour soutenir cette protection des femmes du Prophète un verset coranique est révélé et rappelle que seules les femmes –épouses et concubines- et les filles du Prophète et les nouvelles croyantes -pour les différencier de celle qui ne sont encore converties-, sont tenues de porter le voile. Quand à la généralisation du port du voile une troisième version avance que l’usage a été imposé par le Calife Omar aux femmes de Medine, ville aux mœurs plus relâchées qu’à la Mecque. Mais encore une fois pour des motivations sociales et non de morale. La preuve le Calife Omar ne s’est pas gêné pour nommer pour la première fois dans l’histoire du monde arabo- musulman la première femme ministre, Chafia bint Abd Allah. Cette dame assumait les charges de ministre de la Justice et ne se voilait pas. Il y a une quatrième version qui atteste que le port du voile est imposé à Médine par Sidna Mohammed en pleine guerre civile. Une conjoncture ou le Prophète est affaibli et les «mounaffiquine (Les hypocrites) qui perdaient leurs privilèges et leurs ressources financières qui leur provenaient de l’esclavage des femmes sont devenus menaçants. Même les femmes du Prophètes sont agressées dans la rue par ces mounaffiquine. Il ne s’agissait plus de libérer les femmes mais de les protéger.» En tout cas il n’existe pas de verset coranique explicite qui impose aux musulmanes le port du voile en dehors du moment de la prière et de la saison du hadj. En guise de conclusion , je te précise que tout ce qui peut constituer un obstacle, une gêne ou une menace dans la vie d’un musulman est contraire à l’Islam. Le musulman doit vivre dans la quiétude et la sérénité. Là ou réside la foi musulmane , il n’existe pas de contrainte.
J’espère un tant soit peu, avoir répondu à ta question.
Papa qui t’embrasse
Forever HD 7420, Géant 2500 HD
"Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console"
"Qui que tu sois, viens, viens. Même si tu es un athée, c'est ici la demeure de l'espoir"