Islam de notre temps : Comment & Pourquoi ?
Par le Dr. Ja`far Sheikh Idris, article paru dans Al Jumuah Vol 11 Issue 9.
Qu’entend-on nous quand on dit l’Islam est valable pour tous les temps ? Comment l’appliquer à notre époque ?

L’Islam, exactement tel qu’il a été révélé au Prophète Mohammad et sans aucune modification ni altération, est la religion qu’Allah a choisi pour l’humanité depuis le moment où il a envoyé Son Messager jusqu’à la fin des temps.
L’Islam existe donc pour les contemporains comme il a existé dans les premiers temps. Mais, tandis que les textes de cette religion sont immuables, les conditions des gens ne le sont pas. Que pouvons nous faire ? En répondant à cette question, les gens se sont divisés principalement en deux camps : les sincères et les révisionnistes.
LE REVISIONNISTE DIT : Gardez les textes religieux comme ils sont mais donnez leur un sens qui s’accorde avec la culture contemporaine, tout comme ceux avant vous avaient donné un sens qui s’accordait avec leurs cultures particulières. Les textes sont des révélations divines, mais leur compréhension résulte d’un effort humain. Les mots divins sont absolus, mais leur sens interprété est relatif.
LE SINCERE REPOND : Mais le Coran fut révélé en mots arabes clairs,
« Nous l’avons fait descendre, un Coran en langue arabe, afin que vous raisonniez.
»
Sourate 12, Youssouf (Joseph), verset 2
Le Prophète a expliqué le Coran verbalement et par l’exemple. Toutes les actions et paroles du Prophète sont considérées comme un commentaire vivant du Coran. Les Compagnons du Prophète étaient mieux placés que les générations suivantes pour comprendre le Coran, car l’arabe était leur langue maternelle, et parce qu’ils avaient connaissance des circonstances de la révélation des versets, et des situations dans lesquelles les mots du Prophète furent énoncés.
Puis vinrent des générations et des générations d’immenses savants de premier plan, dont les travaux exhaustifs sont un témoignage vivant du fait qu’ils ont compris les significations de base des versets du Coran de la même manière générale que les premières générations. Quand vous affirmez en substance que chaque génération a donné aux paroles du Coran et celles du Prophète un sens adapté aux cultures contemporaines, ceci est clairement démenti par l’histoire.
LE REVISIONNISTE : Est ce que vous dites qu’il n’y a jamais eu de divergences ?
LE SINCERE : la divergence fut extrêmement minime pour ce qui est du sens fondamental des versets et des hadiths. Mais naturellement, il y a eu quelques fois divergence sur des sujets qui nécessitaient une déduction logique à partir des textes ou sur la manière d’appliquer certaines règles à une situation nouvelle.
Le plus important ici est que les divergences, quelqu’elles furent, ne furent pas le résultat d’une différence de culture.
Il existe ainsi des différences individuelles qui naquirent même entre contemporains vivant dans le même milieu culturel. En vérité, on trouve des différences radicales, chez ceux qui adhéraient à la méthode correcte aussi bien que chez ceux qui ont adopté une méthode irrationnelle.
LE REVISIONNISTE : Affirmez vous qu’il existe une méthode scientifique d’interprétation du texte islamique ?
LE SINCERE : Je dis plutôt qu’il existe une méthode scientifique pour la compréhension de n’importe quel texte, Islamique ou pas.
LE REVISIONNISTE : Laquelle ?
LE SINCERE : Si vous voulez comprendre un poème de Shakespeare, par exemple, que faites vous ?
LE REVISIONNISTE : Je consulte les livres qui expliquent ce que Shakespeare signifiait par là.
LE SINCERE : Voulez vous dire que vous ne comprenez pas ce poème à la lumière de votre culture contemporaine ?
LE REVISIONNISTE : Non, car mon but est de comprendre ce que Shakespeare voulait dire par ce poème.
LE SINCERE : Est-ce que vous voulez dire que vous allez donner à ses mots et phrases le sens qu’il leur donnait lui quand il a écrit ce poème, même si le sens diffère de l’anglais courant ?
LE REVISIONNISTE : Bien sûr ; car mon objectif, comme je l’ai dit, est de comprendre ce que Shakespeare voulait vraiment dire. Si je donnais à ses mots un sens qu’il n’a pas voulu, je lui attribuerai quelque chose qu’il n’a pas dit.
LE SINCERE : Suivez vous la même méthode si vous voulez devenir, par exemple, un expert d’Aristote ? Allez vous, disons, apprendre le grec ancien dans lequel il a écrit sa philosophie ?
LE REVISIONNISTE : Je le ferais certainement, et j’essaierais de ne pas confondre avec le grec moderne, car mon objectif encore une fois est de comprendre ce que Aristote a voulu dire.
LE SINCERE : Y a-t-il, d’autres méthodes, à part le langage original, que vous croyez être utiles pour vous aider à comprendre sa philosophie ?
LE REVISIONNISTE : Oui, j’essaierais, par exemple, de voir comment ses contemporains l’ont compris car ils étaient mieux placés pour ce faire que moi. Je consulterais aussi les travaux des experts qui m’ont précédé, entre autres.
LE SINCERE : Et bien, c’est cette méthode que nous qualifions de scientifique, et que nous recommandons pour comprendre les textes islamiques.
LE REVISIONNISTE : Mais vous ignorez maintenant les grandes différences entre les textes ordinaires et les textes islamiques.
LE SINCERE : Pourriez-vous je vous prie, expliciter ces différences pour moi ?
LE REVISIONNISTE : Je peux vous en citer une : je peux comprendre ce que veulent vraiment dire les humains comme moi car je suis aussi un être humain, et qu’ils s’adressent à moi en termes humains ; Mais Dieu est absolu et ce qu’Il veut dire est absolu, et ne peut donc pas être exprimé en termes humains limités. Mais si chaque lecteur de texte islamique avait le droit d’interpréter le texte selon sa propre compréhension, il y aurait une multiplicité de significations approchant l’absolu.
LE SINCERE : Laissons de coté vos vagues propos sur le limité et l’absolu. L’essentiel de ce que vous affirmez est que les hommes arrivent à transmettre avec succès ce qu’ils veulent dire en utilisant un media comme l’Arabe, alors que Dieu échoue dans ce même cas. Mais ceci va à l’encontre de Dieu quand Il dit Lui-même qu’Il a utilisé ce langage humain pour que ceux qui le parlent comprennent Son message.
LE REVISIONNISTE : Cela peut être un bon argument. Mais, en relation avec la différence qu’on vient d’aborder, il y en a une autre importante. L’Islam, dit-on, est valable pour tous les temps et toutes les époques. Et si nous donnions aux mots de ces textes, le même sens que celui d’une génération précédente, comme celle des Compagnons du Prophète , nous aurions limité l’Islam à un âge particulier.
LE SINCERE : Alors, quelle est l’alternative ?
LE REVISIONNISTE : L’alternative est celle que j’ai proposé au début de notre dialogue. Chaque génération de Musulmans doit donner aux textes la signification qui s’accorde avec sa culture.
LE SINCERE : Est-ce là l’application du principe d’adaptation de l’Islam à tous les temps et lieux ?
LE REVISIONNISTE : C’est cela, et je ne vois pas comment il peut en être autrement.
LE SINCERE : Si c’est cela la caractéristique de l’adaptation d’un message sans limite de lieux ni de temps. alors même un message défendu par le plus stupide des êtres humains entre dans votre définition.
LE REVISIONNISTE : Je crois que vous exagérez.
LE SINCERE : Je ne plaisante pas. Supposez que quelqu’un du nom de M.Bourriquet ait formulé une idéologie exhaustive qui consiste en plusieurs doctrines portant sur différents aspects de la vie. Supposez maintenant que, pour la rendre adéquate à tous les temps et lieux, M. Bourriquet conclut par cette déclaration : " Par la présente, j’autorise tous les croyants de cette idéologie mondiale le droit d’y apporter n’importe quel changement qu’ils estiment nécessaire pour l’adapter aux différentes sociétés et époques. "
LE REVISIONNISTE : On observerait des changements dans le Bourriquetisme peu après son apparition, et tellement qu’après un court laps de temps, rien ne resterait si ce n’est cette déclaration finale. Mais les Bourriquetistes continueront à se vanter de l’adaptation de leur idéologie à tous les temps et les lieux.
LE SINCERE : Est-ce ainsi que vous concevez l’avenir de l’Islam ?
LE REVISIONNISTE : Bien sûr que non. Mais alors, quelle est votre conception de cette caractéristique de la religion Islamique ?
LE SINCERE : Je conçois que cela signifie que l’Islam, comme il a été révélé à Mohammed , et sans la plus petite altération, est valable pour tous les temps et tous les lieux. Ce qui rend possible ce miracle est que l’Islam n’est pas une religion artificielle. C’est un message de guidance du Créateur de l’humanité Qui sait ce que les hommes sont par essence, et donc s’adresse à eux comme des êtres humains, sans tenir compte de leurs différentes cultures, leurs couleurs, époques, lieux, niveaux de vie, etc.
LE REVISIONNISTE : Dans ce cas, que voulez vous dire par l’expression ’Islam de notre temps’ ?
LE SINCERE : Ce que je dis, c’est que bien que la religion ne change pas, les circonstances et les problèmes des gens changent.
Et donc, pour que cette religion immuable reste utile et appropriée aux circonstances particulières des gens, nous devons la présenter dans un langage que nos contemporains comprennent, mais aussi évaluer, à la lumière de cette religion toutes nouvelles idées ou idéologies ayant rapport à elle, réfuter toute déclaration qui l’entache d’un doute, et trouver en elle les solutions aux nouveaux problèmes intellectuels.
Enfin, il est important d’utiliser les découvertes scientifiques pour renforcer la foi de ses partisans, et aussi comme moyen d’invitation à l’Islam. Et bien d’autres choses encore, chacune étant possible parce que bien que les textes soient limités, ce qu’on peut en déduire et en apprendre ne l’est pas.
Traduction par

Abd-ul-Jalîl B.