16 Avril 2016
Mais qui les empêche
de bosser, M’sieur ?


Par Hakim Laâlam
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Pourquoi ce lourd silence du régime après les images
affligeantes de Abdekka ? Parce qu’ils sont polis, là-
haut. Et les gens polis ne…
… parlent pas la bouche pleine !
Le garde des sots que nous sommes devenus a été très clair sur l’affaire Khelil : «Il faut laisser la justice faire son travail !» Quand tu entends ça, t’as aussitôt l’impression que nous sommes près de 40 millions à retenir les juges par leurs robes, à faire ceinture autour des tribunaux et à les empêcher de bosser. Tu te dis que c’est incroyable ce peuple qui ne laisse pas travailler tranquillement sa justice indépendante, tellement indépendante. Et puis, tant qu’à faire et tant qu’on y est, avec ce genre de sentences, «laissons la justice faire son travail sereinement», tu nous imagines tout de suite, nous, les gueux empêcheurs que justice soit faite nous réunissant à midi aux terrasses des cafés et fast-foods – les gueux mangent toujours dans les fast-foods – et comparant nos bilans respectifs de la journée : «Et sinon, toi, t’as réussi à bloquer le boulot de combien de magistrats ce matin ? Cinq ! Waouh ! Un de plus que moi. Bravo ! Eh bien l’après-midi, après la pause-déjeuner, j’essaierai de me rattraper !». M’enfin monsieur le préposé à la balance ! Pour empêcher la justice de travailler, y a un élément de l’équation indispensable que vous semblez oublier : faut qu’elle bosse cette justice ! Et pour l’heure, la seule cour où j’ai vu Chakib Khelil faire les cent pas, c’est celle de la zaouia ! Pas la salle des pas perdus du tribunal ! Juré ! Promis ! Parole de fumeur de thé, si la justice se met enfin au boulot, je vous assure le service d’ordre autour des prétoires et des bureaux des juges. Vous n’aurez même pas besoin de déranger votre collègue de l’Intérieur du système pour ça. Mes amis et moi formerons des cordons sanitaires encadrant les tribunaux, et les juges pourront arriver et partir sans aucune entrave à leur travail.
Le moindre zigoto qui osera perturber la sérénité légendaire de nos juges, de jour comme de nuit,
de nuit comme de nuit,aura affaire à nos escouades. Allez ! Au boulot ! Juste au boulot ! Tout en fumant du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue.

H. L.