Pour lutter contre une criminalit� en constante augmentation, les services de police se tournent vers les nouvelles technologies. Num�risation et impression 3D de sc�nes de crime, pr�dictions morphologiques, anticipation d'actes criminels, la r�alit� d�passe parfois la fiction. Gr�ce � ces nouvelles m�thodes d'investigation, le taux d'�lucidation des crimes et d�lits en tous genres ne cesse de s'am�liorer. Focus sur l'arsenal technologique au service de la justice.

Les criminels n'ont qu'� bien se tenir... Un peu partout dans le monde, �tats-Unis en t�te, des inspecteurs 2.0 arm�s d'ordinateurs et de tablettes r�alisent de v�ritables prouesses techniques pour les immobiliser. Gr�ce aux progr�s de la science et des nouvelles technologies, ils sont d�sormais capables d'�lucider des crimes sans t�moin, d'�tablir des portraits-robots g�n�tiques � partir de minuscules traces d'ADN, voire d'arr�ter des criminels, juste avant qu'ils ne passent � l'acte !

C'est une v�ritable r�volution qui s'annonce pour la police scientifique.



La 3D au service de la criminalistique

Depuis quelques ann�es, de plus en plus de services de police technique et scientifique (NDLR : la criminalistique) effectuent des relev�s en 3D pour geler une sc�ne d'homicide, d'un cambriolage, ou d'un accident de la route. Ils utilisent principalement des scanners laser 3D portables capables d'effectuer des relev�s d'une tr�s grande pr�cision sur plusieurs centaines de m�tres en seulement quelques minutes.

Dot�s d'un GPS, d'une boussole, d'un altim�tre, et d'un puissant capteur photo (jusqu'� 70 m�gapixels), ces appareils num�risent tout ce qui se trouve dans l'environnement jusque dans les moindres d�tails, tout en fournissant des donn�es topographiques pr�cises de l'ordre du millim�tre (environ 2 mm d'incertitude de mesure). � condition que la sc�ne de crime n'ait pas �t� pollu�e et les �ventuelles preuves d�grad�es, un scanner laser peut r�aliser un sch�ma 3D proche de la perfection.

Ratissage num�rique


Couramment utilis�s dans l'architecture, la construction, la conservation du patrimoine, ou encore l'a�ronautique, les scanners laser 3D s'imposent d�sormais comme des outils indispensables pour la m�decine l�gale et la police scientifique. Tr�s en avance, les services de police fran�ais figurent parmi les premiers � avoir num�ris� des sc�nes de crime en 3D avec des scanners du fabricant am�ricain Faro. Ils s'en �taient notamment servis en 2012 pour enqu�ter sur l'affaire ultra m�diatis�e du quadruple meurtre de la Chevaline en Haute-Savoie.

Pos� sur un grand tr�pied, l'appareil, muni d'une t�te motoris�e, pivote � 360� sur lui-m�me et peut ainsi balayer m�ticuleusement une zone, jusqu'� une distance d'environ 300 m�tres. Selon les mod�les, les donn�es peuvent �tre enregistr�es sur une carte SD ou envoy�es directement sur le cloud pour �tre ensuite visionn�es sur ordinateur.


Le scanner laser Focus3D de Faro.


Un scanner 3D ne se contente pas de fournir une image 3D d'une sc�ne, il est �galement capable de d�livrer de pr�cieuses informations permettant d'analyser les angles de vision, les projections de sang, ou encore, les trajectoires balistiques. Ces donn�es peuvent non seulement constituer des preuves num�riques dans un tribunal, mais �galement servir � cr�er des simulations par le biais d'animations 3D pour reconstituer le d�roulement d'un acte criminel. Autre avantage par rapport aux m�thodes de relev�s traditionnelles (photographies, relev�s topographiques complexes...), les inspecteurs ont la possibilit� de r�examiner une sc�ne de crime virtuelle autant de fois qu'ils le souhaitent sous diff�rents angles. Dans certains cas, cette technique permet d'�viter � la justice de devoir proc�der � de couteuses reconstitutions sur les lieux d'un crime.

Ce n'est qu'un d�but... Des chercheurs du CSIRO (l'agence nationale de recherche scientifique australienne) ont r�ussi � mettre au point un scanner laser 3D baptis� Zebedee qui tient dans la main. Con�u � l'origine pour scanner des grottes et des monuments historiques en vue de leur restauration, il est aujourd'hui utilis� par la police scientifique de la ville de Queensland en Australie pour num�riser les sc�nes de crime. Sa petite taille repr�sente un v�ritable atout pour les policiers qui peuvent le porter sur eux et � geler � facilement une sc�ne avant qu'elle ne soit contamin�e.

La police scientifique fran�aise n'est pas en reste et exp�rimente, quant � elle, un drone capable de r�aliser des images a�riennes tridimensionnelles. Baptis� le VAI (Vecteur a�rien d'investigation criminelle), l'appareil fournit une vision globale d'une sc�ne, y compris dans des zones difficiles d'acc�s. Autre atout, il peut fonctionner de nuit gr�ce � un puissant syst�me d'�clairage miniature. Un outil criminalistique � faire p�lir les sc�naristes des s�ries TV polici�res.



Sc�nes de crime et portraits-robots 3D


L'utilisation de l'impression 3D par la police demeure encore anecdotique, mais elle devrait �tre amen�e � se d�velopper dans les ann�es � venir. La police japonaise est l'une des premi�res � y avoir eu recours en 2013 pour traquer le dernier responsable des attentats du m�tro au gaz sarin de 1995. Elle avait fait imprimer un portrait-robot 3D de l'homme, plus vrai que nature, pour le diffuser ensuite en boucle sur les cha�nes de t�l�vision. Il fut interpell� peu de temps apr�s sans que l'on sache si c'�tait gr�ce � ce fameux portrait. Fin 2014, les forces de l'ordre nippones ont r�it�r� l'exp�rience, mais pour tenter d'�lucider cette fois-ci un myst�rieux quadruple meurtre qui s'�tait d�roul� dans une maison de Tokyo.

Demeurant sans aucun indice apr�s 13 ans d'enqu�te, ils ont imprim� une maquette 3D de l'ext�rieur et de l'int�rieur de la maison, pour essayer de raviver la m�moire des inspecteurs ayant couvert l'affaire. Dans l'espoir de trouver d'�ventuels t�moins, la maquette fut �galement expos�e au public. M�me si cette exp�rience n'a pas permis de mettre cette affaire au clair, de nombreux nouveaux indices ont pu �tre r�colt�s. La police scientifique japonaise continue d'utiliser cette technique pour enqu�ter sur d'anciennes affaires non r�solues.


Pr�dictions g�n�tiques

Pr�s de la moiti� des enqu�tes en France sont �lucid�es gr�ce � des traces d'ADN. Popularis�es par les s�ries t�l�vis�es - Engrenages, R.I.S Police Scientifique, Les Experts etc. -, ces analyses g�n�tiques combin�es aux outils technologiques permettent aux enqu�teurs de r�aliser de v�ritables prouesses. Depuis les ann�es 80, la recherche d'ADN est devenue la priorit� des enqu�teurs. Que cela soit sur une sc�ne de crime ou d'un simple cambriolage, ils se mettent quasi syst�matiquement en qu�te du Graal en enfilant combinaisons jetables, gants, masques et lunettes pour ne pas contaminer les lieux. Et pour cause, il n'est plus n�cessaire, comme par le pass�, de d�tecter des traces fortement marqu�es (sang, salive, s�cr�tions corporelles...), les experts peuvent d�sormais identifier un code ADN sur un brin de cheveu, une cellule morte, ou m�me une simple trace de contact de doigt sur un objet de moins de 1 millim�tre !



Lorsqu'ils trouvaient un code ADN sur une sc�ne de crime, les enqu�teurs se contentaient de le rentrer dans le fichier national pour voir s'il correspondait � l'un des 2,5 millions de profils ADN enregistr�s de personnes ayant commis des d�lits en France. Gr�ce aux progr�s de la science, les enqu�teurs peuvent d�sormais faire parler l'ADN. Depuis quelques mois, la police scientifique fran�aise notamment, utilise un logiciel de pr�diction permettant d'�tablir des portraits-robots g�n�tiques. Origine, couleur de la peau, des yeux et des cheveux, sexe... la pr�diction morphologique repr�sente une avanc�e majeure. � partir d'une simple trace ADN, le logiciel est capable de fournir des indications pr�cises sur les caract�ristiques physiques d'un individu. Bien que cette m�thode n'en soit qu'� ses balbutiements, elle peut �tre d�terminante dans certaines affaires sans t�moin. Seuls quelques pays comme la France, l'Espagne, l'Angleterre, ou encore, les �tats-Unis autorisent pour le moment ce type d'analyses.

Le directeur du laboratoire d'anthropologie g�n�tique de l'universit� de Pennsylvanie, Mark Shriver, est all� plus loin en d�veloppant un programme informatique capable de reproduire un mod�le en trois dimensions d'un visage � partir d'un profil ADN. Avec son �quipe, il a constitu� une base de donn�es de photographies 3D, en tr�s haute r�solution, des visages de 592 volontaires de diff�rentes origines (Afrique, Europe, Am�rique du Sud...). Les chercheurs ont superpos� une grille de 7 000 points sur les images 3D et enregistr� la distance pr�cise entre chaque point. En combinant ces donn�es avec le profil g�n�tique des candidats, ils sont parvenus � d�velopper un mod�le statistique pour analyser comment les g�nes, le sexe et l'origine, influent sur la position de ces points et donc, sur les traits du visage. Les r�sultats obtenus avec le logiciel pr�dictif de Mark Shriver sont variables, mais tr�s prometteurs.

Pour s'en rendre compte, des journalistes du New York Times ont tent� l'exp�rience en envoyant aux chercheurs un �chantillon de leur ADN pour se faire tirer le portrait. L'exp�rience s'est r�v�l�e plut�t concluante sachant que cette technologie n'en est qu'� ses pr�misses et n�cessitera encore plusieurs ann�es de recherches.




Les photos des journalistes du New York Times et leurs portraits-robots.


Anticipation de crimes

Dans le film de science-fiction Minority Report, le h�ros incarn� par Tom Cruise dirige une agence gouvernementale qui arr�te les criminels juste avant qu'ils ne commentent leurs m�faits. Pour cela, ses agents se basent sur les visions des pr�cogs, des humains-mutants capables de fournir le nom de l'agresseur et de la victime, ainsi que la date et l'heure auxquelles le drame va se d�rouler. Par contre, ils n'ont aucune information sur l'endroit o� il va avoir lieu, et doivent essayer de trouver des indices sur les images transmises par le cerveau des pr�cogs. De la science-fiction ? Pas si s�r...

Depuis quelques ann�es, diff�rentes unit�s de police � travers le monde sont �quip�es de logiciels de pr�diction de crimes de plus en plus performants : PredPol aux �tats-Unis, Corto en France, Precobs en Allemagne, etc. � l'inverse du film, les agents de police ne peuvent pas conna�tre � l'avance l'identit� des criminels, mais les lieux potentiellement criminog�nes � une date donn�e.



Dans Minority Report, Tom Cruise consulte les images des futurs crimes transmises par le cerveau de mutants.


Les logiciels pr�dictifs ne sont ni plus ni moins que des puissants outils de statistiques qui analysent les milliers d'informations relatives aux d�lits enregistr�s au quotidien par les policiers : type d'infraction (crimes, vols de voiture, cambriolages, agressions...), adresse, date, heure, etc. Gr�ce � un algorithme propre � chaque logiciel, ils sont en mesure de pr�dire o�, et quand, un d�lit a toutes les chances de se reproduire. � charge ensuite aux forces de l'ordre d'augmenter leurs patrouilles dans tel ou tel secteur en fonction des indications fournies.

L'efficacit� des pr�dictions d�pend surtout de la quantit� d'informations dont les logiciels disposent. Si par exemple d'une ann�e � l'autre, un grand nombre de cambriolages se perp�tue dans un quartier � la m�me p�riode, ils indiquent aux policiers la zone � risques. En France, le logiciel Corto d�velopp� par la soci�t�Spallian qui est utilis� par la Police Municipale depuis 2011 fournit chaque jour des donn�es cartographiques en temps r�el avec les points chauds � surveiller. Les homicides ne font par partie des donn�es analys�es, seuls les d�lits r�p�titifs comme les vols de v�hicules, les cambriolages, ou les agressions sont trait�s.



Cette cartographie de Corto signale les d�lits par des points rouges.


Dans le domaine de la pr�diction criminelle, les �tats-Unis font la course en t�te gr�ce, notamment, aux prouesses du logiciel PredPol (Predictive Policing). Fruit de plus de six ans de d�veloppement d'une �quipe de chercheurs et de math�maticiens de l'universit� d'UCLA, en collaboration avec des agents du d�partement de police de Los Angeles, il aurait permis de faire baisser significativement la criminalit� dans plusieurs villes.

Les chiffres sont impressionnants. Le d�partement de police de Los Angeles qui utilise PredPol depuis le mois de janvier 2013, a constat� une baisse de 20 % de la criminalit� globale. � Atlanta o� il a �t� lanc� quelques mois plus tard, la criminalit� a baiss� de 8 et 9 % dans les deux zones o� il a �t� d�ploy�. Dans les autres zones o� les forces de l'ordre ne disposent pas de cet outil, le taux de criminalit� a augment� sur la m�me p�riode de 1 � 8 % ! Des r�sultats qui ont incit� plusieurs autres villes am�ricaines (Seattle, Richmond, Santa Cruz, Norcross, Alhambra...) � utiliser le programme. Le record revient � la ville de Richmond qui a enregistr� en 2014 une baisse de 50 % des cambriolages, et une diminution de 34 % des vols de voitures. Reste � savoir si sur le long terme les criminels ne vont pas trouver la parade et commencer � se d�placer dans d'autres secteurs moins surveill�s.




Chaque jour, les policiers am�ricains re�oivent les pr�dictions de PredPol directement sur l'�cran de bord de leur voiture de patrouille.

Conclusion

Ces nouvelles m�thodes d'investigations polici�res � la pointe de la science et de la technologie m�tamorphosent le travail des enqu�teurs. En se projetant dans le futur, on peut imaginer que la recherche d'ADN deviendra syst�matique et qu'� partir d'une squame invisible � l'�il nu, les enqu�teurs auront la possibilit� d'imprimer un portrait-robot 3D 100 % fiable pour confondre les auteurs d'homicides, de vols, d'agressions, etc. Concr�tement, cela signifie que si demain les criminels laissent la moindre trace sur leur passage, ils pourront �tre imm�diatement identifi�s.

Mais peut-�tre qu'il ne sera m�me plus n�cessaire de faire de telles investigations si les logiciels de pr�dictions permettent un jour d'arr�ter les d�linquants avant qu'ils ne passent � l'acte ! Ce serait �videmment sans compter sur le fait que les technologies ne sont pas infaillibles et que les criminels peuvent s'adapter et modifier leurs habitudes pour tromper ces nouveaux outils. Malgr� toute leur efficacit�, ils ne remplaceront �videmment jamais le travail des policiers sur le terrain, et c'est sans doute mieux ainsi.