Entre les économies à tous les étages et les craintes sur la ligne éditoriale, les départs d'animateurs emblématiques ajoutent à la morosité au sein de la chaîne cryptée.
Où va Canal + ? La question est sur toutes les lèvres. Jeudi, Vincent Bolloré, président des conseils de surveillance de Vivendi et du groupe Canal +, a eu beau tenter de rassurer lors de son audition au Sénat, l'inquiétude reste de mise en interne. Fin avril, l'industriel breton ne menaçait-il pas de vendre des chaînes si les pertes financières perduraient ? Autre discours ce mercredi : « Canal est redressé », a-t-il affirmé, évoquant une situation « grave » mais une hausse « du nombre d'abonnés ce mois-ci », alors que la chaîne cryptée en a perdu « près de 500 000 depuis fin 2012 ».
« On ne peut pas se projeter dans l'avenir. L'ambiance est délétère », lâche un journaliste maison. Entre la mainmise du grand patron, les économies à tous les étages et les craintes sur la ligne éditoriale, les départs d'animateurs emblématiques ajoutent à la morosité. Après Yann Barthès, Bruce Toussaint, Grégoire Margotton, Maïtena Biraben, Ali Baddou, le nom de Daphné Roulier comme partante à son tour a circulé, vite démenti. « On demande à certains animateurs des réductions de salaire de 20 à 30 % et aux prestataires de baisser leur facture de 20 % », indique un salarié qui s'interroge : « Les gens partent mais quelle est la capacité de la direction à faire venir de nouveaux talents ? C'est l'âme de la chaîne qu'on est en train de perdre. »
iTélé va perdre 50 CDD
Le dernier comité d'entreprise, mardi, n'a pas davantage rassuré. La direction a confirmé la suppression du « Zapping » durant l'été, pour la première fois, et des journaux sur Canal + en septembre, ceux de D 8 étant réduits au « tout en images ». Le magazine « Spécial investigation » et « les Guignols » risquent de ne pas revenir à la rentrée. « Le Grand Journal », lui, pourrait être en partie en clair et en crypté tandis que les commandes de documentaires sont suspendues. Quant à « la Nouvelle Edition », elle pourrait basculer sur D 8 comme « Salut les Terriens ! ». « Les émissions de divertissement n'intéressent pas Bolloré, l'information et l'investigation encore moins. Il ne parle que de cinéma, de musique, de jeux vidéo », remarque un cadre.
En pleine tourmente, les journalistes d'iTélé, qui viennent de voter une motion de défiance, perdront 50 CDD. « Or, sans eux, on ne peut pas faire tourner la chaîne », insiste-t-on en interne, où l'arrivée de Jean-Marc Morandini fin août surprend aussi.
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RIP "Le Petit Journal", RIP Canal+
"Le Petit Journal" fait ses adieux à Canal+ ce soir.
PJ-5, PJ-4, PJ-3... Le compte à rebours s'égrène depuis quelques jours au générique du "Petit Journal" comme le début d'une fin. Celle d'une émission. Mais surtout d'une chaîne. L'enterrement du clair de Canal+. Ce soir, Yann Barthès présente son dernier numéro sur le canal 4. Avec la fin de cette pastille devenue programme à part entière en 2011, et l'asile politique et cathodique de son producteur et de son animateur dans le groupe TF1, c'est l'enterrement d'une certaine façon de fabriquer la télévision. Ultra-produite, caustique, intelligente, irrévérencieuse, drôle, impertinente. Et jolie à regarder : Canal+, aidée par ses moyens financiers délirants, savait mieux que les autres mettre en images des émissions qui ont inspiré tout le PAF."Le Petit Journal" aura marqué l'histoire récente de la chaîne comme d'autres émissions avant lui, "Nulle part ailleurs", "Les Nuls", "Le Grand Journal", "Télés Dimanche", "TV+", "Dimanche+"... A mettre à son crédit ces dernières années, des trouvailles formidables comme "Catherine et Liliane", des talents révélés - Salhia Brakhlia, Eric et Quentin, Martin Weill..., des coups - Les "No-Go Zones" de Fox News, des scoops. Et bien sûr un décryptage acéré de la communication politique qui a poussé beaucoup d'élus à se moquer un peu moins de nous. LPJ, on le dit peu, était aussi une émission humaniste, toujours prête à défendre les minorités ou à mettre un coup de projecteur sur celles et ceux oubliés par les médias traditionnels. "Le Petit Journal" a aussi été critiqué toutes ces années, quelques montages tendancieux et son côté donneur de leçons ont aussi parfois crispé les téléspectateurs.
Une mort lente et douloureuse
L'émission n'était pas le seul marqueur fort de l'identité de Canal+. Mais Vincent Bolloré s'est rigoureusement employé à les flinguer un par un cette saison : "Les Guignols", "Le Grand Journal", l'investigation ou encore "Le Zapping" qui ne se relèvera sans doute pas de sa trève estivale. La mort de Canal+ aura été lente et douloureuse. Sa convalescence risque de durer plusieurs saisons mais ne l'oublions pas, la chaîne a survécu à toutes les crises.En septembre, avec des plages en clair réduites à plus grand chose, Canal sortira du radar médiatique et des emmerdes politiques. Ses animateurs stars virés ou rapatriés sur D8, plus personne ne s'intéressera à elle. Ca arrange bien l'industriel breton qui, depuis sa reprise en main du groupe il y a tout juste un an, s'est payé une polémique à chacune de ses décisions. Après avoir accusé de tous les maux la précédente direction, il n'échappera pas en janvier prochain à son premier bilan. Ce sera la saison 2 de Canal+ sauce Bolloré. Et cette fois, le Canal historique risque de bien se marrer !
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