ZOHRA DRIF-BITAT RIPOSTE AU BUREAU POLITIQUE DU FLN

“Saâdani veut mettre le pays sous tutelle étrangère”
05 Août 2016

Pour la moudjahida Zohra Drif-Bitat, la réaction du bureau politique du FLN à l’appel
des 14 moudjahidine pour “libérer” le parti de la direction actuelle confirme que
ses membres sont des “usurpateurs et des détourneurs”.
Visiblement profondément “touchée dans son être”, mais loin d’être
“désespérée” ou “abattue”, la moudjahida et ex-vice-présidente du Sénat,
Zohra Drif-Bitat, rencontrée, hier, à Alger, s’est expliquée sur l’appel des
“14” pour “la libération du FLN”, mais a aussi apporté une réponse à la
réaction du bureau politique de l’ex-parti unique. Celle qui a rejoint et
combattu sous le FLN de la guerre de Libération nationale, alors qu’elle
n’était encore qu’une jeune adolescente issue d’une famille pourtant
bourgeoise et aisée, évoque d’abord un devoir de mémoire envers ses
compagnons d’armes tombés au champ d’honneur. Car elle se rappelle,
qu’à l’époque, “le Front de libération nationale était porté par le peuple” et
qu’“il n’était pas question de mettre la main sur les caisses du FLN mais
de travailler plutôt pour les renflouer”. Et cet engagement, précise-t-elle,
“allait de soi puisque nous savions que nous devions tout au peuple réduit
pourtant à la misère par la France coloniale”. Ce qui la choque donc
aujourd’hui, c’est “de voir des personnes puiser des milliards dans le Trésor
public et subtiliser l’argent du peuple au profit de leur propre personne”.
Et au nom de qui ? Zohra Drif-Bitat regrette que ce soit “au nom de ce sigle
qui a mené la guerre libératrice du pays”. Mais pourquoi donc avoir attendu
aujourd’hui pour un tel sursaut ? L’ex-vice-présidente du Sénat dit que
“le couteau a atteint l’os”. Elle s’explique davantage “Avant, on reprochait au
FLN surtout son système de parti unique, l’absence de liberté, de démocratie,
de droits de l’Homme, de droits de la femme, mais la direction du FLN
d’aujourd’hui organise la rapine et tend à mettre le pays sous tutelle étrangère.
” Zohra Drif-Bitat fait notamment allusion à la loi de finances 2016, mais aussi
au nouveau code de l’investissement, lesquels, à son avis, “remettent en cause
la souveraineté du pays” et, donc, l’“indépendance nationale”.Elle se rappelle,
d’ailleurs, les déclarations de l’actuel secrétaire général du FLN, Amar Saâdani,
sur la question des causes sahraouie et palestinienne. Pour elle, il s’agit d’“une
remise en cause du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, et, donc,
d’“une remise en cause des principes fondamentaux et fondateurs du FLN”.
Et qu’en est-il de la réaction du bureau politique du FLN qui s’est réuni en
urgence, lundi, en l’absence du SG du parti, Amar Saâdani, en vacances à
l’étranger ? Zohra Drif-Bitat dit “avoir vaguement parcouru leur communiqué”,
mais elle retient que leur message voulait surtout dire “de quoi vous mêlez-vous ?”.
Ce qui est, à ses yeux, “un grave précédent”, et avoue être tentée d’“en rire si la
situation n’était pas dramatique pour le pays”. Cependant, en réponse aux
membres du bureau politique du FLN qui avaient souligné que les
14 moudjahidine signataires de l’appel ne sont pas militants dans le parti, elle
rappelle “deux choses fondamentales”. D’abord, que “tous les Algériens ont le
droit de se mêler de ce qu’il advient du FLN qui représente un patrimoine collectif
et national”. Ensuite, que “plus que tout autre, les moudjahidine ont non seulement
le droit mais aussi le devoir de s’en mêler, pour la simple raison qu’ils sont les
fondateurs du FLN”. Et que la direction du FLN version Saâdani s’offusque
aujourd’hui de l’appel des “14”, cela prouve, aux yeux de Zohra Drif-Bitat,
“leur nature d’usurpateurs et de détourneurs”. Mais, peut-être, se pose-t-elle,
enfin, la question que “cela fait partie du processus en cours de privatisation de
l’État ?” Une chose est certaine, conclut-elle : “Il y a une appropriation des biens
et du patrimoine des Algériens, y compris de ses instruments historiques de
combat pour la libération.”