Ce qui s’est passé à Guerrara
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le 11.07.15 | 10h00
Une vingtaine de morts dans Les affrontements de mercrediCe qui s’est passé à GuerraraGuerrara (Iguirraren). La «montagne tabulaire» a accouché de la bête immonde. vendredi, 10 juillet.
Des lendemains de boucherie et de furie incendiaires qui dégoulinent de sordide.
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Un calme plat préside à la destinée de Guerrara, la ville du M’zab sise à 120 km au nord-est de Ghardaïa
plongée dans l’enfer des interminables affrontements intercommunautaires.
Sa population, plus de 60 000 habitants, a frôlé l’irrémédiable et l’ethnocide rwandais. Sans Tutsi ni Hutu. Deux nuits (celles de lundi et du mardi à mercredi derniers), immanquables nuits des longs couteaux et des fusils de chasse, ont précipité la vallée dans l’horreur et les vertiges des massacres à grande échelle.
Les Algériens de Ghardaïa ont fait parler la poudre. Pour la première fois. L’Etat et sa police s’étant mis en retrait, notamment après la mort d’un policier à Berriane. Résultat macabre : 25 morts, 22 selon la version officielle, et des centaines de blessés.
Les routes menant de et/ou vers Guerrara (la RN1, le CW33 et la RN49) par Zelfana au Sud ou Berriane à l’Ouest, sont devenues de véritables coupe-gorges, parsemés de guet-apens. Caillassage de véhicules, faux barrages et agressions y sont devenus légion.
Chaque mètre d’asphalte est synonyme d’aventure porteuse de gros risques. Les routes sont désertes, quasi désertes, systématiquement contournées par les automobilistes.
Il en est ainsi de l’axe Guerrara-Berriane, très fréquenté en temps de paix par les gros tonnages et transporteurs de marchandises, qui est devenu le terrain de chasse de bandes de «cagoulés». A l’hôpital Cherifi de la daïra, 18 dépouilles d’Algériens refroidis gisent encore dans les armoires de la morgue, attendant un visa d’inhumation.
Celles notamment d’une douzaine de Mozabites dont les funérailles sont prévues aujourd’hui. L’enterrement des cinq Chaâmbi morts des suites de leurs blessures, programmé pour hier, a été annulé. Une fournée de policiers à cran garde l’édifice.
La mise sur internet de vidéos montrant des corps criblés de chevrotines exacerbe la paranoïa générale. «Je ne vous dirai rien du tout, s’emporte le directeur de l’hôpital. Sans autorisation express de la direction de la santé, je ne vous laisserai approcher ni les blessés ni le personnel médical.» Inconsolable.
La tête entre les mains, le visage en suie, Ouiri El Hadj Ali, le boulanger quinquagénaire mozabite de haï Mahmoud pleure comme un môme. Sa boulangerie, ses magasins, sa superbe villa ont été ravagés par les flammes.
Pour la seconde fois en moins de trois ans.
La carcasse de son fourgon flambant neuf trône dans le garage dont la porte a été arrachée. A genoux dans le hall de ce qui fut autrefois sa superbe demeure, il pleure ses 35 ans de labeur partis en fumée.
«Au téléphone, j’implorais l’officier de police pour qu’il intervienne ne serait-ce que pour sauver mes enfants et la dizaine de femmes réfugiées chez moi, mais rien. Eddoula, l’Etat nous a abandonnés.»
Sa famille n’a eu la vie sauve que grâce aux renforts des gens de sa communauté.
A l’odeur de brûlé des meubles consumés par les flammes, s’ajoutent des relents fétides provenant de la terrasse où gît le chien de garde abattu et dont le cadavre est partiellement carbonisé. Le jeune Younès, 16 ans, a du mal à raconter la nuit d’épouvante.
Ses mots sont comme cisaillés par la terreur laissée par l’assaut violent, le sauve-qui-peut à travers la forêt de palmiers, les cris des femmes et des enfants terrorisés. «Ils (les assaillants) sont venus à 2h nous attaquer avec des cocktails Molotov, dit-il. Hadou machi Ibade…ce ne sont pas des êtres humains.» Le pâté de maisons est désormais hanté, déserté par ses occupants.
Quelques silhouettes, celles de revenants furtifs et de pompiers, tentent de vider les caves et sous-sols des eaux d’extinction ou pour récupérer ce qui peut l’être et a échappé à la mise à sac. «Nous ne sommes intervenus que bien plus tard, affirme un pompier, soit lorsque le calme est revenu, et ce, pour éviter notamment les reprises d’incendie.» Hamou Oudjana, membre du comité local de suivi et de coordination, dénombre quelque 73 maisons incendiées rien qu’à haï Mahmoud. Sur les grands boulevards éponymes, les façades d’habitations ont changé de teinte, léchées par les flammes.
De la pierraille, des milliers de douilles de cartouches lacrymogènes jonchent les rues et trottoirs. A l’entrée de la ville, une colonne de fourgons cellulaires de la gendarmerie. Au rond-point, les traces de trois véhicules. Au quartier Asmar, l’école primaire donne asile à quelques familles de néo-SDF venant de Mouden et autres quartiers martyrs.
Le quartier voisin à haï Mahmoud, celui de Ouled Aïssa (haï Aïssat Iddir), les pères de famille chaâmbi racontent, non sans effroi aussi, les longs quarts d’heure de démence accusant, pour certains, la police pour son «parti pris».
Au-dessus de Sakiet El Aïn, l’oued (de sang) séparant depuis toujours les deux communautés, fait danser les mirages sous une chaleur suffocante et grand cagnard. «Ce n’est pas une question malékite-ibadite, ni arabe-amazigh.
Ces gens-là nous ont donné l’assaut et on s’est défendus», rétorque Mohamed, membre du comité de vigilance chaâmbi. Il nous montre l’endroit où un jeune de son quartier fut surpris par une salve de fusil de chasse. Cette nuit-là, dit-il, les Mozabites étaient plus de 3000 à donner l’assaut à partir de leur palmeraie.
Il est 13h. Par petites grappes, les fidèles de haï Ouled Aïssa rejoignent leur mosquée portant le nom d’un illustre calife. La mèche est partie lundi dernier de la mosquée Al Masdjid Al Attik, la mosquée malékite située non loin de l’enclave du vieux ksar. Les fidèles auraient été empêchés de rejoindre leur mosquée, ce qui a déclenché les hostilités.
Les deux communautés s’observent sans se regarder.
Ghardaïa. Jeudi, dans l’après-midi. Alors que les chaâmbas s’affairent à enterrer un jeune de 17 ans ravi à la vie, le cortège du Premier ministre quitte sur les chapeaux de roues la pentapole. Sa réunion avec les âyanes, les notables, a été expéditive.
Il a laissé quelques «menaces», des mises en garde, la promesse d’une «poigne de fer», et un échafaud dressé pour Fekhar, l’autonomiste du M’zab, affublé du statut de «Ras El FItna». «Je sais qu’ici il y a le MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie)», disait-il sous les applaudissements de notables arabes. «Mais, il y a aussi les autres», ajoutait-il. Fekhar et ses compagnons furent arrêtés quelques heures après, les coupables, eux, courent toujours ou rentrent chez eux par avion !
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