Véhicules d’occasion : un marché de plusieurs milliards de dollars qui échappe au contrôle de l’État

Chaque année, plus d’un million de véhicules d’occasion changent de main en Algérie. Selon les dernières statistiques de l’ONS, 618.358 véhicules d’occasion ont changé de main durant le 2e semestre 2015. Pendant les derniers six mois de l’année passée, 776.423 véhicules ont été immatriculés ou ré-immatriculés dont 158.065 véhicules neufs, selon la même source. Le marché de l’occasion pèse donc beaucoup plus que le marché du véhicule neuf.« On prend une moyenne d’un million de dinars pour un véhicule d’occasion, cela fait des transactions de plus de 600 milliards de dinars entre le 1er juillet 2015 et le 31 décembre 2015, soit près de 5,5 milliards de dollars », explique un concessionnaire automobile. Au rythme annuel, c’est plus que 10 milliards de dollars. Cette somme échappe au contrôle de L’État. Sur le marché de l’occasion, les transactions s’effectuent souvent en espèces et les montants ne sont pas déclarés à l’administration fiscale. Aucune réglementation n’exige en effet des acheteurs de passer par la banque pour acheter des voitures sur le marché de l’occasion.Mais confronté à la crise, le gouvernement pense désormais à prélever une taxe sur la vente des véhicules d’occasion. La mesure, contenue dans le projet de loi de Finances pour 2017, reste floue, en raison de l’absence des modalités d’application. Le ministre de l’Industrie et des mines, Abdeslam Bouchouareb, a annoncé la mise en place prochaine d’un cahier des charges pour l’organisation du marché du véhicule d’occasion. « Le cahier des charges qui va réguler le marché des véhicules d’occasion est en cours d’élaboration. Des équipes sont en train de travailler dessus et on annoncera ses conditions dès qu’il sera prêt », a déclaré M. Bouchouareb ce mercredi 5 octobre en marge de l’inauguration du Salon international de la récupération et de la valorisation des déchets à Alger.« L’organisation de ce marché est possible et cela dans l’intérêt de l’État, des revendeurs et des acheteurs », soutient le même concessionnaire. En obligeant les acheteurs à payer par le biais des banques (chèques ou virement), le gouvernement peut contrôler les transactions et détecter d’éventuelles opérations de blanchiment d’argent. Mais pas seulement.« Le gouvernement doit imposer une taxe sur la transaction et obliger les revendeurs professionnels à créer de petites entreprises, ce qui créera des emplois, et offrir une garantie d’au moins six à l’acheteur pour éviter que des véhicules présentant un danger pour la circulation automobile changent de main facilement », ajoute le même concessionnaire. « Chaque revendeur doit disposer d’un local et peut créer au moins trois emplois », explique-t-il.L’économiste Ferhat Ait Ali propose une autre méthode : la mise en place d’une taxe forfaitaire d’un montant plafonné à 8.000 DA pour chaque transaction. « Le montant à payer par le vendeur sera déterminé en fonction de la cylindrée et de l’année de mise en circulation de la voiture. Cette taxe sera payée le jour de l’établissement de l’acte de vente à la mairie. Elle peut être réglée sous forme de vignette », explique-t-il.Pour les revendeurs professionnels, M. Ait Ali propose de majorer la taxe forfaitaire de 15% pour chaque véhicule vendu. « Un particulier qui vend son véhicule pour en acheter un autre ne peut pas être de la même façon qu’un revendeur professionnel qui achète et vend des véhicules d’occasion », explique-t-il.Ferhat Ait Ali pense que la proposition du gouvernement de taxer la marge bénéficiaire du revendeur est mauvaise. « Si on oblige le revendeur à créer une entreprise, il est inconcevable de prélever une taxe sur sa marge bénéficiaire qui représente la différence entre le prix de vente et le prix d’achat », soutient-il.Pour lui, le projet du gouvernement de mettre de l’ordre dans le marché du véhicule d’occasion sera voué à l’échec si la proposition de taxer la marge bénéficiaire est maintenue. « Taxer la marge bénéficiaire va tuer le projet dans l’œuf », prévient-il.

By TSA