le 12 Mai 2015
18h\09
Procès Khalifa
Yacine Ahmed, l’ex PDG de Digromed à la barre
Ex PDG de Digromed, société publique de distribution du médicament, Yacine Ahmed, 64 ans, est accusé dans l’affaire Khalifa Bank : association de malfaiteurs, vol qualifié et abus de confiance. Relaxé suite au procès de 2007, il a été convoqué lors de l’actuel procès pour qu’il soit jugé de nouveau.
Face au juge ce mardi après-midi, il semble le plus « calé » par rapport aux autres accusés qui l’ont précédé. Spécialiste en Management, il s’est bien défendu lors de son jugement. « Actuellement, j’enseigne dans une université française. J’ai un diplôme universitaire algérien, un autre délivré par l’université de Bordeaux où j’étais major de promo, et un troisième délivré par HEC Montréal en 1976, répond-t-il au juge une fois devant la barre. Abordant son parcours professionnel, il arrive à Digromed où il était PDG. On est en 2001. 375 millions de DA de cette société ont été déposés à Khalifa Bank.
Le juge veut savoir pourquoi cette banque précisément. « Effectivement, on a placé 325 millions de DA, puis 50 millions à l’agence Khalifa Bank d’El Harrach ». Et de poursuivre : « Avant ce dépôt, notre argent était déposé au CPA mais on ne pouvait plus travailler avec cet établissement du moment où le fisc a bloqué tous nos comptes pour une erreur dont on n’était pas responsable. J’ai sollicité personnellement, et à travers un écris, le chef du gouvernement de l’époque. Ses décisions n’ont pas été exécutées. On avait, certes, d’autres comptes à la Cnma, mais les offres de Khalifa Bank étaient très alléchantes pour ce qui est du taux d’intérêts ». Il dit au juge qu’il a chargé son directeur financier pour mener une prospection. « On avait opté pour Khalifa Bank d’une manière légale, soit après l’avis favorable du conseil d’administration de notre entreprise », a-t-il insisté.
Le juge, Antar Menaouer, veut le piéger : « Aviez-vous demandé des rapports officiels concernant la santé financière d’El Khalifa Bank avant le dépôt? ». « Sincèrement non. C’est une banque agréée par la République Algérienne et ça nous suffisait largement. Puis, on n’a jamais demandé ce genre de rapports avec les autres banques comme le Cpa et le Cnma », a-t-il répliqué. Là, le juge donne l’exemple de la Sonatrach et dont les responsables auraient été plus prudents et n’ont pas déposé l’argent de cette société à Khalifa Bank. « Voilà un bon reflexe, non ! », lance le juge.
« La Banque d’Algérie n’a pas émis de réserves »
« Effectivement, je reconnais que nous n’avions pas eu ce réflexe à notre niveau. Mais le contrôle est l’affaire des instances concernées comme la Banque d’Algérie. Il n’y a jamais eu d’avertissement émanant de la banque des banques quant à l’aspect douteux de Khalifa Bank. Pis, nous avions une tutelle (SGP), laquelle n’a jamais émis de réserves concernant cette banque. » « Et cette convention avec Khalifa, c’était quoi au juste ?», veut savoir Antar Menouar.
L’accusé lui répond : « On avait un centre médico-social qu’on voulait rentabiliser. On avait établi une convention avec le groupe Khalifa pour leur offrir nos services. C’était dans l’intérêt de notre société ». « Et la convention avec KRG Pharma ? », l’autre question du juge. « Nous dépendions des importateurs privés de médicaments pour approvisionner le marché. On avait, avec eux, une marge bénéficiaire de 2% seulement. KRG Pharma nous accordait jusqu'à 50% de marge, c’était très alléchant », s’est-il défendu. Le PDG profite de son passage pour critiquer la manière dont le médicament est importé dans le pays, du moins à cette époque (début des années 2000). « Avec 300 m², des opérateurs pouvaient importer facilement le médicament. A Digromed, la superficie est beaucoup plus importante mais il nous a été interdit d’importer le médicament », a-t-il regretté.
Le dépôt d’argent et l’immobilier de l’accusé
Le juge, puis le procureur veulent savoir s’il y a une relation entre les biens immobiliers de l’accusé et le dépôt d’argent de Digromed chez Khalifa Bank. L’accusé lui fait savoir que la villa de Saïd Hamdine, l’appartement de Paris et d’Alger et le lot de terrain de Bordj El Kifan ont été acquis grâce notamment à des prêts bancaires et bien avant le dépôt d’argent de Digromed chez la banque de Abdelmoumen. « En 1985, Khalifa Bank existait-elle ? Une partie de mes biens a été acquise durant cette année », lance l’accusé au procureur de la république. Concernant l’octroi d’El Khalifa Bank d’une somme de 800 millions à l’accusé, ce dernier nie que cette somme soit une contrepartie du dépôt d’argent de Digromed chez la banque en question. « La somme de 800 millions de centimes représente mes services assurés aux travailleurs du groupe Khalifa. En tant qu’universitaire formateur, j’ai formé plusieurs travailleurs de ce groupe, notamment dans le domaine du Management. L’accusé regrette que les gendarmes et les juges d’instruction doutent de cela lors de l’enquête alors que la traçabilité « prouve mon innocence.
Il y a la liste des personnes formées, leurs notes,… »
Les confidences de Yacine Ahmed
« Je vais vous faire une confidence monsieur le juge ». Voilà une phrase de l’accusé qui a provoqué un silence religieux dans la salle. Les présents s’attendaient à de graves révélations, genre citation de hautes personnalités du pays dans le procès…
« Allez-y monsieur Yacine Ahmed », lui supplie le juge.
« Je suis considérablement affaibli. Je n’ai plus envie de penser à investir en Algérie. Quand la police vient chez moi, à 05 h00 du matin, et réveiller tous le voisinage, alors que je n’ai rien fait de grave, je vous laisse imaginer les conséquences de tout cela », a-t-il regretté.
Mohamed Benzerga