Le gouvernement à l’épreuve du front social

Code du travail et Suppression de la retraite anticipée
le 14.10.16 | 10h00

Lundi et mardi prochains, plusieurs secteurs seront touchés par l’appel
à la grève de l’intersyndicale. Les syndicats autonomes tentent de s’unifier
pour exiger un débat sur le code du travail et la retraite. Il s’agit d’une première
étape en attendant de «hausser le ton».


Lundi et mardi, grève de l’intersyndicale. Structure de la santé, écoles,
administrations publiques, Fonction publique, universités, centres de
formation professionnelle sont, sauf surprise, appelés à débrayer. Au
total, ils sont 17 syndicats autonomes à avoir appelé à la grève.En détail,
dans le secteur de l’éducation : le CLA, Cnapest, Snapest, Unpef, SNTE,
Satef et SNCCOPEN ; pour l’enseignement supérieur le CNES ; pour la
santé le SNPSP (praticiens de la santé publique), le SNPSSP
(praticiens spécialistes de la santé publique), Snapsy (psychologues), le
SAP (paramédicaux) et le SNVFP (vétérinaires de la fonction publique).

Pour les entreprises : SNATEGZ (Sonelgaz), SNTFP (formation
professionnelle) et enfin le Snapap (administration publique) ont tous
appelé à la grève. Revendication : «La suppression de la retraite anticipée,
le pouvoir d’achat et le code du travail.» Meziane Meriane confirme
l’appel de son syndicat.
De son côté, Nabil Ferguenis, chargé de
communication du Snapap, assure : «Les syndicats autonomes, en
particulier ceux de l’éducation, de la santé, de la formation professionnelle,
de l’administration et de Sonelgaz ont décidé d’entamer une grève pour ce
mois d’octobre afin de demander au gouvernement de surseoir à l’application
de la décision d’annulation de la retraite anticipée et afin d’être associés à la
confection du projet de révision du code du travail.» Même son de cloche du
côté du Satef. Selon le secrétaire général, l’intersyndicale a décidé, comme
première mesure, d’observer deux jours de grève renouvelable, pour demander
au gouvernement de surseoir à l’application de la décision d’annulation de la
retraite anticipée.
L’intersyndicale revendique aussi, selon la même source,
d’être associée à la confection du projet de révision du code du travail. Il est
à noter qu’une deuxième grève de rappel est prévue les 24 et 25 du même mois,
faute d’une réponse positive de la part du gouvernement. «Nous avons décidé
d’organiser deux journées de grève. Elles seront suivies de deux autres journées
de grève la semaine suivante. Suite à ça, nous évaluerons les retombées. Nous
espérons voir les pouvoirs publics réagir dans le bon sens. S’il n’y a aucun
changement, tout le monde est décidé à aller crescendo pour mettre encore plus
de pression», soutient Lyes Merabet.

Suppression de la retraite anticipée
Le projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°83-12
du 2 juillet 1983 relative à la retraite, soumis à l’APN, propose l’abrogation des
dispositions de retraite sans condition d’âge, instituées par l’article 2 de
l’ordonnance du n°97-13 du 31 mai 1997, modifiant et complétant cette loi.
Autrement dit, même si un employé cumule 32 ans de service, il ne pourra pas
bénéficier de sa retraite avant 60 ans et cela pose problème.
A cet effet, Bachir
Hakem, porte-parole national du CLA affirme «La suppression de cette disposition,
dite exceptionnelle à l’époque de son instauration, ne fait qu’accroître la colère des syndicalistes qui souhaitent maintenir ce dispositif tel qu’il est. Ils le considèrent
comme un droit propre aux travailleurs qui sont les seuls à décider de l’âge de leur
départ, au-delà, avant ou après l’âge légal de la retraite (60ans).» Ainsi, pour les
formations composant l’intersyndicale, dont des syndicats des secteurs de
l’éducation nationale, de la santé, de l’enseignement supérieur, de la formation
professionnelle et des affaires religieuses : «Le droit à la retraite proportionnelle est
un acquis pour les travailleurs ayant cotisé à la CNAS pendant des années.»

Meziane Meriane, quant à lui, estime que «l’annulation de la retraite proportionnelle
n’est pas une solution pour renflouer les caisses et qu’il existe d’autres moyens pour
le faire.» De leur côté, les autorités campent sur leur position et estiment qu’il n’est
plus possible de continuer à laisser partir les gens en retraite avant l’âge de 60 ans.

D’ailleurs, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed
El Ghazi, a affirmé que cette loi «confortera les droits des citoyens et garantira les
équilibres financiers de la Caisse nationale des retraites (CNR)». De son côté,
Nabil Ferguenis, chargé de communication du Snapap affirme : «L’une des raisons
de cette protestation est de répondre négativement à la tripartite entérinée par le
Conseil des ministres, portant annulation de la retraite anticipée et d’exiger le
maintien de la retraite proportionnelle et sans condition d’âge.»

Le code du travail
En effet, de nombreux syndicats plaident pour la participation à l’élaboration du
code du travail. «Cette grève est une continuité logique et riposte envers un
gouvernement qui continue à tourner le dos aux syndicats autonomes, qu’il s’est
vu forcer d’agréer administrativement, et d’ignorer leur existence. Preuve en est
la tripartite qui n’a jamais associé ces syndicats à ses réunions ni à l’élaboration
du nouveau code-suicide du travail.»
Si ce code du travail pose autant de
problèmes c’est parce qu’il contient quatre chapitres qui n’enchantent pas les
syndicats. A cet effet, Bachir Hakem explique : «L’avant-projet de loi portant sur
la réforme du code du travail élaboré dans un cadre unilatérale limitera nos droits
à l’exercice syndical, nos droits de grève et consacrera la précarité de l’emploi par
la généralisation des CDD comme mode de recrutement. Le code prévoit aussi la
possibilité à un enfant de plus de 16 ans et à des mineurs de travailler, ce qui n’est
pas normal».
De son côté, Nabil Ferguinis confie : «C’est un code contre les
travailleurs et les syndicalistes. Il ne fait que dans la répression des libertés
syndicales et contient beaucoup d injustices et d’anomalies. D’ailleurs, quatre
principaux chapitres de ce code du travail nous posent problème, à savoir les CDD,
les conditions et l’organisation et la durée du travail, le licenciement et le travail des
enfants à l’âge de 16 ans.» Néanmoins, ce dernier reste perplexe «Je ne pense pas
que la démarche consisterait à modifier certains articles. Ils sont tellement nombreux.

C’est toute la philosophie sur laquelle s’appuie cet avant-projet qui est à rejeter.
C’est le contraire qu’il faut. Il appartient au gouvernement de justifier tous les articles introduits. La démarche consisterait à refuser tout ce qui tend à renforcer la précarité
du CDD (pourquoi 3 renouvellements ? c’est énorme), emploi intérimaire et de
sous-traitance. De même pour les horaires de travail, facilités de licenciement, justice
de travaille, inspection du travail, droit syndical, droit de grève, négociations collectives, œuvres sociales...»

Le pouvoir d’achat
En effet, l’intersyndicale insiste particulièrement sur «la protection du pouvoir d’achat
et l’augmentation des salaires, afin d’assurer les besoins premiers des travailleurs, en particulier les corps communs et les ouvriers professionnels», confie Nabil Ferguenis.
Une revendication exigée par les autres syndicats, notamment le Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP).
Dans son communiqué, le SNPSP appelle
l’ensemble de ses adhérents à participer massivement à la grève cyclique de
l’intersyndicale prévue les 17 et 18 octobre et 24 et 25 du même mois. D’ailleurs, la
décision de participer à cette action commune a été prise, précise le même document,
à l’issue de la réunion extraordinaire du conseil national du syndicat, tenue le 21
septembre, et conformément aux décisions de l’intersyndicale réunie le 24 du même
mois au siège du Syndicat algérien des paramédicaux.
Mais alors, quel est le réel sens
de cette revendication ? Bachir Hakem explique : «Le pouvoir d’achat des travailleurs
et de l’éducation a diminué de plus de 50% car au moment où on a une grande inflation,
le point indiciaire au niveau de la Fonction publique est resté à 45 DA. Les salaires ont
donc stagné, ce qui fait que la paye d’un travailleur de l’éducation ne tient pas plus de
15 jours. Donc pour rattraper un pouvoir d’achat, il faut dans l’immédiat augmenter
les salaires d’au moins 50% et delà avoir un point indiciaire à 70 DA.
Pour l’avenir, il
faut trouver une équation entre le point indiciaire et l’inflation pour contrôler le pouvoir d’achat du travailleur.» De son côté, Nabil explique : «Le travail précaire c’est un travail
payé à un salaire minable : ANEM/ADAS. C’est pour cela qu’on plaide pour
l’amélioration du pouvoir d’achat, notamment des corps communs et ouvriers
professionnels qui ne touchent pas plus de 20 000 DA et cela même après 10 ans de
service, ce qui n’est pas normal.» Même si elle ne fait pas partie de la plateforme des revendications générales, le Snapap plaide aussi, via cette grève, pour la régularisation
de tous les contractuels.
En effet, après les déclarations de Abdelmalek Sellal
s’adressant à ceux qui souhaitent partir à la retraite «Ceux qui souhaitent partir avant
la fin de l’année sont libres de le faire», nombreux sont ceux qui ont déposé leurs
dossiers. «Suite à cela, la Fonction publique a subi des départs en masse à la retraite,
c’est pour cela que notre syndicat encourage la permanisation. En fait, le Snapap est
contre la contractualisation», confie Nabil Ferguenis.

Perturbation
Concrètement, si les travailleurs répondent au mot d’ordre, plusieurs secteurs seront sérieusement perturbés. Dans la santé par exemple, même si dans les CHU, l’arrêt de
travail ne se ressent pas, dans les autres structures de la santé, le travail sera arrêté.
Car la grève concernera le Syndicat des praticiens médicaux de la santé publique qui
regroupe des médecins, des pharmaciens et des dentistes spécialistes et généralistes.

Mais, si un malade se rend à l’hôpital le jour de la grève sera-t-il renvoyé ?
«L’essentiel de nos adhérents exercent dans des établissements publics tels les EPEP
et les EPH. Aux CHU tels que Mustapha Bacha, Maillot ou encore Beni Messous,
les patriciens de la santé publique ne sont pas nombreux.
La majorité est constituée
de confrères hospitalo-universitaires qui ne sont pas concernés par la grève», confie
Lyes Merabet. Ce dernier poursuit : «Nos délégués et nos adhérents dans les CHU
sont pour l’essentiel dans le SAMU et les services d’urgence, d’hémodialyse.
Le jour de la grève, ces derniers assureront un service minimum. Nos collègues
paramédicaux seront aussi en grève avec nous.»
Sofia Ouahib