Le mal du commerce extérieur algérien est plus profond qu’il n’y paraît. Il n’est pas dit qu’il disparaisse avec le retour de la rigueur. Il s’adapte et se tient prêt à rebondir.
Les chiffres communiqués par le gouvernement concernant le commerce extérieur font état de la baisse de la facture d’importation dans des proportions appréciables. Mais est-ce à dire, pour autant que la fraude, les fausses déclarations, les simulacres d’importation ont cessé ou ont été réduits? Il serait naïf de le penser, affirment des sources très introduites dans l’administration du commerce. En réalité, rapportent ces mêmes sources, les surfacturations, les conteneurs remplis de gravats et autres transferts illicites de devises à l’étranger ont toujours cours et les organisations criminelles disposant de complicités dans l’administration, sont aussi actives qu’avant, même si, conjoncture oblige, la discrétion est de mise. La différence entre ce qui se faisait avant et ce qui arrive aujourd’hui, après la série de scandales qui ont défrayé la chronique en 2014 et 2015, «les affairistes» ne se vantent plus d’avoir des contacts sérieux et sûrs dans l’administration. Les criminels en col blanc ont donc compris que l’argent du commerce extérieur exigeait une certaine «retenue» de façade et les «contacts» dans l’administration évitent désormais les bavards.
Anticipant sur de probables enquêtes internes ou des investigations judiciaires, les «importateurs» multiplient les précautions et, disent nos sources, consolident mieux leur stratégie, en optant pour une diversification de leur mode opératoire. Cela dit, les vieux procédés des faux registres du commerce et l’usage inconsidéré du credoc, les fausses factures, l’entente criminelle avec les faux fournisseurs et autres stratégies qui ont fait leurs fortunes sont toujours d’actualité, révèlent nos sources. Ces stratagèmes qui, dit-on, existent dans de nombreux pays comparables à l’Algérie, ne pourraient connaître une telle ampleur, sans des complicités ou tout au moins un laxisme patent au sein de l’administration.
Les coups de colère du ministre du Commerce constituent, en réalité, autant de signaux d’alerte sur une situation que nos sources qualifient de compliquée, au sens où l’on est encore loin d’une pratique saine de l’acte d’importer en Algérie. En un mot comme en mille, le système du commerce extérieur a besoin d’un sérieux coup de balai, mais il semble que l’on n’ose pas trop y mettre le doigt de peur de provoquer une réaction susceptible de créer un véritable chaos à plusieurs niveaux. Le propos est assez alarmant, mais la puissance financière des barons de l’import est assez phénoménale et malgré une relative baisse d’influence, ce qu’on pourrait qualifier de maffia, demeure encore enracinée dans les travers de l’administration et continue son business, dans la discrétion certes, mais elle dispose tout de même de «contacts» solides là où il faut, soulignent nos sources.
L’organisation mise en place n’est pas structurée à l’image de ce qu’on peut voir aux Etats-Unis, en Italie ou ailleurs dans les pays du tiers-monde. Il n’y a pas, à proprement parler, une chaîne de commandement. Tout est diffus et en même temps solidaire, racontent nos sources, affirmant que cet état de fait rend encore plus difficile la lutte contre cette pieuvre qui n’est pas anéantie, loin s’en faut.
De fait, on ne peut pas parler de résultats d’une probable lutte au quotidien contre les importations frauduleuses. Il y a certes des arrestations, à l’image de ce qui s’est passé très récemment à l’aéroport d’Alger où un individu a été pris en flagrant délit de transport d’une grosse somme en devises. Il y a également des pseudos importateurs qui se font prendre la main dans le sac.
Mais toutes les opérations montées par les services des douanes et autres services de sécurité, interviennent généralement suite à des informations recueillies presque accidentellement. Cela n’a rien de bizarre, mais il arrive très rarement qu’on remonte l’organisation jusqu’à son sommet. Lequel se trouve généralement être un simple démembrement de cette pieuvre qui se nourrit toujours d’une forme de petite corruption par-ci ou de complicité à un niveau intermédiaire de l’administration. Il y a lieu de noter qu’il est arrivé qu’on ferme les yeux sur de petites infractions qui, multipliées par mille, rapportent gros. En définitive, le mal du commerce extérieur algérien est plus profond qu’il n’y paraît. Et s’il a prospéré en raison de l’embellie financière exceptionnelle de ces dernières années, il n’est pas dit qu’il disparaisse avec le retour de la rigueur. Il s’adapte et se tient prêt à rebondir.