A LA/UNE/ECONOMIE_Les réserves stagnent, la demande explose
le 25.04.16|10h00
Sonatrach face à ses engagements commerciaux
Les engagements économiques et commerciaux du groupe Sonatrach durant
le quinquennat 2015-2020 étant sans commune mesure avec les réserves d’hydrocarbures
réellement disponibles, il est à craindre que nombreuses commandes ne soient pas honorées
et que la viabilité économique de certains gros investissements (nouveaux gazoducs vers
l’Espagne et l’Italie, construction de deux complexes GNL à Skikda et Arzew,
acquisition de méthaniers, etc.) soit compromise.Les 70 à 80 milliards de dollars que le Groupe
pétrolier algérien compte investir durant cette période étant essentiellement destinés à l’aval
pétrolier et gazier (construction de gazoducs, acquisition de gros méthaniers, réalisation d’usines
de liquéfaction de gaz naturel, construction de nouvelles raffineries, etc.), il y a fort à craindre que
l’amont (découvertes et exploitation de nouveaux gisements) ne soit pas à la hauteur des demandes
croissantes en provenance de l’étranger et de l’Algérie où on consomme de plus en plus d’énergie.
Toutes les quantités d’hydrocarbures supplémentaires générées par les récents investissements ont
déjà trouvé preneurs, mais la crainte est d’assister, à plus ou moins brève échéance, à une saturation
de la production par rapport aux commandes additionnelles endossées et aux gros investissements
qui avaient été lancés dans l’euphorie de la hausse des prix du pétrole.
Exporté dans à peu près les mêmes proportions, le gaz naturel, transporté au moyen de gazoducs et
ou de méthaniers verra son volume augmenter sensiblement, pour atteindre 85 milliards de mètres
cubes dans les toutes prochaines années, sans pour autant atteindre le volume des commandes
contractuellement engagées.Ce volume sur lequel a tablé Sonatrach, sans avoir la certitude de l’atteindre,
serait déjà totalement casé et il resterait encore de clients à satisfaire. En effet, tout en augmentant
les quantités de gaz naturel livrées à l’Europe à travers les 4 gazoducs en service à l’horizon 2020,
la compagnie pétrolière algérienne compte également promouvoir l’industrie du gaz naturel liquéfié avec,
à la clé, la construction de deux complexes GNL à Skikda et Arzew devant porter la capacité globale
de production supplémentaire du groupe à 40 milliards de m3 par an à l’échéance sus-indiquée.
Il est par ailleurs question d’acquérir cinq gros méthaniers pour desservir des contrées lointaines d’Asie
et d’Amérique fortement demandeuses en gaz naturel liquéfié.
Les grosses quantités de gaz supplémentaires escomptées sont en grande partie destinées à l’exportation
grâce au surcroît de capacités de transport développées par Sonatrach (gazoducs et méthaniers) devant
dépasser, une fois mises en service, 420 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep).
Des objectifs que ne corrobore malheureusement pas l’état actuel des réserves disponibles, estimées à à peine
140 milliards de barils équivalent pétrole (Bep). Les objectifs d’exportations ont-ils pris en compte
la consommation intérieure de gaz naturel dont la Commission de régulation de l’électricité et
du gaz (CREG) estimait, en 2014 déjà, à plus de 40 milliards de m3 ? Rien n’est moins sûr !
Des voix s’élèvent çà et là pour promouvoir les énergies renouvelables et non conventionnelles dans
le but de faire face à cette demande intérieure en constante progression.
Se pose alors avec acuité la question de la rentabilité des nouveaux investissements programmés et,
notamment, celle des équipements de transport (gazoducs et méthaniers) acquis à grands frais sans
qu’ils n’aient la garantie d’une utilisation optimale, les quantités de gaz à transporter n’étant
pas suffisantes au regard des réserves disponibles et des maigres découvertes (en volume) tirées de
la centaine de découvertes effectuées durant la dernière décennie.Pour que Sonatrach puisse tenir
ses engagements commerciaux, notamment avec ses clients étrangers avec lesquels de gros contrats
ont déjà été signés, mais également avec ses partenaires locaux en pleine phase d’investissement
pour augmenter leurs capacités de raffinage, développer la pétrochimie et satisfaire des besoins
énergétiques croissants de la population, il est à espérer que ce groupe fasse un effort gigantesque à
l’amont du secteur pour découvrir de nouveaux gisements et accélérer l’entrée en production de ceux
qui ont déjà été mis en évidence.Ce n’est qu’à ces conditions que le groupe Sonatrach pourra tenir
les ambitieux engagements économiques et commerciaux qu’il s’est fixés dans un évident excès d’optimisme.
A défaut, il sera contraint de se tourner plus résolument vers l’exploitation de gaz de schiste avec toutes
les conséquences que Sonatrach pourrait subir en termes de rentabilité aujourd’hui que les prix sont bas.
Cette option n’est, en tout cas, pas à exclure au regard des quantités importantes que Sonatrach doit
absolument livrer aux clients liés par des contrats fermes.Au sein des associations opposées à l’exploitation
de gaz de schiste, on susurre même que l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil, connu pour ses accointances
avec les milieux texans, serait en mission commandée par les Américains pour précisément mettre à leur service
les immenses réserves algériennes de gaz de schiste classées, de par leur importance, au troisième rang mondial .
Nordine Grim