Reuters

La justice algérienne a lancé un mandat d'arrêt international contre l'ancien ministre de l'Energie et des Mines dans l'affaire des pots de vin dite "Sonatrach II".
Les autorités algériennes ont annoncé lundi qu'un mandat d'arrêt international avait été lancé contre l'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil, dans le cadre d'un scandale de corruption touchant l'entreprise publique d'hydrocarbures Sonatrach, poumon de l'économie nationale.

Au total, neuf personnes sont recherchées, dont l'épouse de M. Khelil, ses deux enfants, son ancien chef de cabinet Redha Hamche et un de ses hommes de confiance, Farid Bedjaoui, a annoncé le procureur général près la Cour d'Alger Belcacem Zeghmati, cité par l'agence APS, lors d'une conférence avec la presse algérienne.

M. Bedjaoui a été largement cité dans la presse ces dernières semaines, tant algérienne qu'italienne, car il est considéré comme l'intermédiaire dans le versement de commissions pour l'obtention de contrats pétroliers en Algérie au profit de la compagnie italienne Saipem, filiale du géant ENI.

Le parquet de Milan a d'ailleurs aussi lancé un mandat d'arrêt international contre M. Bedjaoui. Selon la presse italienne, la justice cherche à saisir 123 millions de dollars (92 millions d'euros) déposés sur des comptes à Singapour et Hong Kong contrôlés par M. Bedjaoui, qui serait installé à Dubaï et détenteur d'un passeport français.

Selon la juge italienne Alfonsa Ferraro, citée par le Corriere della Sera, Saipem a obtenu en Algérie sept contrats d'une valeur totale de huit milliards d'euros. Pour obtenir ces marchés, le groupe a payé 197 millions de dollars de pots-de-vin, présentés comme des frais d'intermédiation de la société "Pearl Partners Limited", une société contrôlée par M. Bedjaoui.

Mais selon la presse, un haut responsable de la Saipem a assuré aux magistrats italiens: "Pearl Partners et Bedjaoui sont la même chose" et "Bedjaoui a dit clairement qu'il donnait l'argent au ministre de l'Energie Khelil". Début juillet, le ministre algérien de la Justice, Mohamed Charfi, avait déclaré devant le Parlement que l'enquête autour du scandale de la Sonatrach avait révélé "un véritable réseau de corruption internationale".

Ce réseau avait des tentacules s'étendant "à tous les continents" et il "suçait la sève de Sonatrach grâce à des mécanismes financiers complexes", a assuré le ministre. "La matrice de ce réseau est en train d'être progressivement noircie, grâce à la coopération des magistrats des pays saisis par la justice algérienne", avait-il ajouté, rappelant qu'Alger avait saisi en 2012 les autorités judiciaires françaises, suisses et italiennes sur cette affaire.

Ancien directeur de la Sonatrach, Chakib Khelil a été ministre de l'Energie pendant 10 ans avant d'être démis de ses fonctions fin mai 2010 à la suite de soupçons de corruption au sein de son équipe.

A la Sonatrach, qui assure 95% des exportations d'hydrocarbures de l'Algérie, une série de scandales de corruption ont éclaté dès janvier 2010, après le limogeage de son PDG Mohamed Meziane, qui était en poste depuis sept ans. M. Meziane a été condamné en appel en décembre 2011 à deux ans de prison dont un an ferme pour malversations. Puis d'autres responsables de l'entreprise publique ont été condamnés dans cette affaire désormais qualifiée de "Sonatrach I".

Le 10 février, le parquet d'Alger a ouvert l'affaire "Sonatrach II" en ordonnant une enquête sur une éventuelle corruption liée à des contrats entre ENI et Sonatrach. Le nouveau ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, avait promis de se montrer "inflexible" envers toute personne impliquée.

La Sonatrach, l'une des compagnies pétrolières les plus importantes au monde, assure près de 98% des recettes en devises de l'Algérie. En 2011, elle a réalisé un chiffre d'affaires à l'exportation de 72 milliards de dollars.

AFP
13/08/2013