Un an après son retour du Qatar, «le traumatisme est encore là» raconte Zahir Belounis






Il y a un an, Zahir Belounis retrouvait la liberté. Retenu près d'un an et demi au Qatar pour avoir réclamé son salaire à son ex-club d'Al-Jaish, le footballeur franco-algérien vit désormais en Espagne où il a tourné le dos aux terrains. Dès son retour, il a lancé un combat judiciaire contre son ancien employeur et a récemment été entendu par une juge d'instruction. En attendant de raconter son histoire dans un livre à paraître en 2015, Belounis tente aussi de se reconstruire.


Comment vous sentez-vous un an après votre retour en France?

Le traumatisme est toujours là. Chaque jour, je pense à la justice française et j’espère que cela ne va pas rester impuni. A côté de ça, je dois aussi penser à me reconstruire pour mes filles et ma femme. Elle morfle comme moi mais elle intériorise plus. Les enfants, ça va. La plus grande a oublié, ça lui paraît loin.


Comment s'est déroulé votre retour à une vie normale?

En décembre et en janvier, j’ai vécu deux mois dans le trou. J’ai eu l’impression de recommencer à marcher après un grave accident. Aujourd'hui, je remarche mais avec des béquilles et j'utilise un fauteuil roulant de temps en temps si on veut pousser la comparaison. Il faut réapprendre à vivre normalement mais il y a des séquelles. Certains matins quand je me réveille, je me demande si je suis vraiment sorti de ce calvaire. Parfois, on me dit que je suis un héros. Je n’ai pas fait ça pour être un héros mais pour défendre mes droits.


Où en est votre carrière de joueur?

Je me sens loin de tout ça maintenant. Je ne m'intéresse plus au foot. Ils m’ont fait arrêter ma carrière alors que je pensais pouvoir encore jouer pendant deux ou trois saisons. Je n’envisage pas de reprendre. J’avais du plaisir à pratiquer ce métier, des gens y ont mis un terme et j’y penserai jusqu’à la fin de ma vie. Des clubs anglais m’avaient proposé un essai à mon retour mais c’est moi qui n'ai pas donné suite. Psychologiquement, je n’étais pas capable d’aller m’entraîner.


Que faites-vous aujourd'hui?

Un ami m'a tendu la main et m'a proposé du travail dans son restaurant en Espagne, à Malaga. J’y suis allé car je voulais être loin de tout ça dans un endroit neutre pour être plus tranquille. Là-bas, j’ai appris le métier de serveur. Des clients me reconnaissent de temps en temps. La dernière fois, un Allemand est venu me voir, il avait Der Spiegel (un journal allemand)dans les mains avec un article sur moi. Il était venu au restaurant juste pour me voir. Tant mieux pour mon pote, ça lui ramène des clients.


Êtes-vous suivi par un psychologue?

Je fais ma propre thérapie. Un psy, il te parle de choses qu’il connaît. Ne pas pouvoir quitter un pays qui n’est pas le sien et être claustrophobe même en plein air, il faut l’avoir vécu pour ressentir ce que ça fait.


Que faites-vous alors?

J’écris un livre qui me doit servir de thérapie. Je ne suis pas dans l’accusation car le Qatar a aussi de bons côtés mais il a un côté qui m’a détruit. Je le fais aussi pour me faire un peu d’argent.


Avez-vous l'impression d'être compris?

Je suis beaucoup toute l’actualité autour du Qatar. J’ai l’impression que tout passe tranquillement et que les Français adhèrent à l'arrivée de ces nouveaux investisseurs parce qu'il y a de fortes sommes en jeu. Ils arrivent à faire oublier qu’ils ont séquestré d'autres Français là-bas. Je me sens seul et plus aidé par la presse de ce pays. Ça aussi, c’est difficile à vivre.


Que dire aux joueurs qui sont tentés d’aller là-bas?

Que ça peut bien se passer. Je pense qu’après moi, ils ne séquestreront plus jamais un autre joueur de la sorte. Ce n’est pas bon pour eux, ça leur fait une mauvaise publicité. Souvent, ce sont aussi des noms assez connus qui partent là-bas donc c'est aussi plus compliqué. Dans mon cas, ils ont dû se dire que ça passerait tout seul.


Qu'attendez-vous de la justice française?

J’espère qu’elle sera forte et indépendante. Ce que je voudrais, c’est que l’on dise juste que j’avais raison et que l’on reconnaisse que j’ai morflé. Ça serait symbolique. Je voudrais aussi récupérer les salaires en retard. A la limite, les dommages et intérêts, c’est accessoire. Je ne fais pas ça parce que c’est le Qatar et qu’il y a de l’argent, j’aurais fait la même chose si ça avait été le Canada ou le Bhoutan.