le cauchemar d'une Coupe du monde à 48 équipes



La Fifa annoncera ce mardi la formule adoptée pour les prochaines Coupes du monde à partir de l'édition 2026. Le projet de 48 pays qualifiés devrait être privilégié, malgré les risques pour l'attrait et la crédibilité de la compétition.

C'est une promesse de campagne qui a de fortes chances de se concrétiser. Élu en février dernier à la tête de la Fifa, Gianni Infantino avait proposé, entre autres, d'élargir le format de la Coupe du monde en passant de 32 à 40 équipes à partir de l'édition 2026. Il avait été encore plus loin début octobre en soumettant l'idée d'un Mondial à 48 nations.
Une révolution qui pourrait être actée ce mardi 10 janvier au siège de la Fifa à Zurich, en Suisse, où se réuniront les membres du conseil de l'instance internationale pour trancher entre plusieurs options. Soit le format actuel à 32 équipes est conservé, soit la Fifa décide de passer à 40 ou carrément à 48 équipes. Cette troisième hypothèse apparaît aujourd'hui comme la plus probable au vu des voeux répétés d'Infantino en faveur d'un Mondial très élargi. Une décision qui serait tout sauf une bonne nouvelle.




Le Mondial perdra son prestige

Réunir les meilleures nations mondiales, voici l'essence même de la Coupe du monde, la compétition suprême dont rêve chaque footballeur. Instauré en 1930, le Mondial a construit sa légende au fil des éditions et de ses duels entre cadors internationaux. Un prestige qui risque d'être réduit en miettes en cas d'élargissement à 48 équipes. Déjà parce qu'un tel format signifierait qu'un quart des 211 membres de la Fifa serait désormais de la partie.


Avec un tel changement, le Mondial deviendrait donc bien plus accessible et perdrait automatiquement en attraction. Une idée qui ne plaît pas à Joachim Löw, le sélectionneur des champions du monde allemands. "Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de diluer la valeur sportive de la Coupe du monde. À long terme, la qualité en souffrira. Il ne faut pas exagérer", s'est-il inquiété en octobre dans une interview au quotidien allemand Welt am Sonntag. Si la réforme à 48 équipes est validée, l'enjeu résidera dans le nombre de places supplémentaires attribuées à chaque confédération.
Le président de la Fifa Gianni Infantino après une réunion du conseil de l'instance internationale à Zurich, en Suisse, le 14 octobre 2016.
REUTERS/Arnd Wiegmann
Il y aura moins de spectacle

Dans un entretien accordé en octobre à l'AFP, Gianni Infantino a assuré qu'un Mondial à 48 renforcerait "le niveau sportif" et offrirait "plus de chances à plus d'équipes". Sauf que ce projet est un leurre. Car l'objectif de l'Italo-Suisse est d'imposer un format à 48 équipes avec 16 équipes qui seraient directement qualifiées après les éliminatoires et 32 autres qui joueraient un match de barrage trois jours avant le début de la compétition pour définir les 16 dernières nations qualifiées. Les 32 équipes restantes s'affronteraient ensuite dans une phase de groupes classique, avant de disputer des matchs à élimination directe.
Autrement dit, 32 sélections seraient donc engagées dans une pré-compétition et parmi elles, 16 seraient obligées de faire leurs bagages après un seul petit match disputé. Dans ces conditions, certains supporters pourraient décider de ne pas faire le déplacement sachant que leur équipe risque d'être éliminée après seulement 90 minutes de jeu. L'intérêt sportif de ces 16 premiers matchs pose également question. L'Euro 2016, élargi à 24 participants contre 16 auparavant, n'a pas offert un premier tour très emballant. Ce sont surtout les chocs entre nations réputées qui ont offert un beau spectacle, comme le duel entre la Croatie et Espagne ou celui entre la Belgique et l'Italie. Il faudra s'attendre au même scénario si le système de play-off désiré par Infantino est appliqué.
Le calendrier posera problème

Avant chaque compétition internationale, les sélectionneurs se plaignent souvent de récupérer des joueurs épuisés par des saisons à rallonges. Certains d'entre eux auront encore plus de raisons de râler avec un Mondial à 48 équipes puisqu'il leur faudra gérer le fameux match de barrage. D'accord, Infantino a assuré qu'il n'y aurait "pas d'impact sur le calendrier, car ces matchs-là se joueraient avant le Mondial à la place des matchs amicaux". Mais le patron de la Fifa a visiblement oublié de préciser qu'un match de barrage décisif pour une équipe ne présente pas vraiment le même enjeu qu'une rencontre amicale qui permet d'ordinaire à un sélectionneur de faire souffler son groupe.
Un problème mis en avant par Karl-Heinz Rummenigge, ancienne légende du Bayern Munich et actuel président de l'Association européenne des clubs (ECA), qui défend les intérêts de nombreux clubs professionnels. "Le nombre de matchs joués durant l'année est devenu inacceptable, en particulier pour les joueurs d'équipes nationales. Il faut désormais se concentrer sur le sport. Le commerce et la politique ne doivent plus être des priorités dans le monde du football", a-t-il commenté mi-décembre dans un communiqué.


Le président de l'Association des clubs européens (ECA), ici lors d'une conférence de presse à Genève en Suisse le 6 septembre 2016, n'est pas favorable à l'élargissement de la Coupe du monde à 48 participants.
REUTERS/Denis Balibouse
Ce choix n'est pas dicté par des motifs sportifs

Officiellement, les arguments de Gianni Infantino sont parfaitement louables. Sauf qu'officieusement, le successeur de Sepp Blatter sait très bien qu'un Mondial à 48 équipes serait surtout une excellente nouvelle pour la Fifa et ses intérêts financiers. L'instance internationale, dont 90% des revenus sont liés à la Coupe du monde, pourrait toucher un joli pactole.


Selon un rapport confidentiel de la Fifa consulté par l'AFP, un Mondial à 48 équipes rapporterait 605 millions d'euros de plus à la Fifa qu'une édition à 32 nations. Elle pourrait ainsi toucher 3,95 milliards d'euros en 2026 contre environ 3,37 milliards pour le Mondial 2018 en Russie, grâce notamment à la hausse des droits télé.
L'augmentation du nombre de sélections servirait également Infantino sur le plan politique. Ce serait pour lui une manière de remercier les présidents de fédérations qui l'ont porté en février à la présidence de la Fifa en votant pour lui et qui pourraient lui être utile en vue d'une éventuelle réélection. Le discours d'Infantino apparaît tout de suite beaucoup moins romantique.