Les tracas de Gérard Longuet avec son yacht



L'ancien ministre est attaqué aux prud'hommes pour travail dissimulé par l'ancien employé qui veillait sur son voilier de 17 mètres.

"Cher Roger, les temps sont durs. Ce job me coûte un max en perte de revenu et ne me donne le temps ni de préparer ni de naviguer." Le 30 juin 2011, Gérard Longuet prend la plume pour se plaindre qu'il a du mal à boucler ses fins de mois depuis qu'il est entré au gouvernement Sarkozy (consulter le document). Le destinataire du bristol à en-tête de la République est un certain Roger H., l'homme à tout faire du ministre qui veille sur son yacht amarré à Saint-Tropez. Dans son courrier, l'élu de la Meuse explique que sa nouvelle fonction de ministre, pourtant rémunérée 12 000 euros net par mois, l'oblige à revoir à la baisse le salaire de son "employé".


Le ministre et sa femme (en rouge) sur le Silver Shadow

Gérard Longuet, skipper aguerri, a déboursé 170 000 euros en 2003 pour accomplir un rêve de gosse. "Ce bateau était amarré face au mien depuis 20 ans à Saint-Tropez. Un jour, son propriétaire m'a dit qu'il voulait le vendre. Je l'ai acheté", confie Longuet au Point.

Un rêve de bateau au nom prémonitoire, Silver Shadow, l'ombre argentée en français, magnifique voilier de 17 mètres construit enItalie à Sangermani, dans le meilleur chantier du monde. Sauf que, pour entretenir un tel bijou, il faut pouvoir débourser chaque année entre 50 000 et 100 000 euros. "Je sais que mon bateau est grand et donc cher", écrit-il à son salarié dans le même courrier. Et de poursuivre à l'attention de Roger H. : "Programme ton travail sur six mois, décris-le-moi et j'accompagnerai, mais sans être ni Bernard Arnault ni Vincent Bolloré." Pour l'encourager malgré tout à terminer les travaux programmés sur le bateau, le ministre lui adresse quelques jours plus tard un chèque de 2 525,62 euros.
Un salaire déclaré de... 100 euros par mois


Parfois, Roger sert de skipper à Brigitte Longuet, l'épouse du ministre, pour des régates, comme la Juris Cup. Une course réservée aux avocats que l'ancienne candidate au bâtonnat a disputée avec son mari. Malgré les efforts du skipper, le Silver Shadow n'a pas été classé.


Roger, qui demande depuis des mois au ministre de régulariser son emploi, perd patience. Cela fait plus de six ans qu'il brique le pont, tout en donnant parfois un coup de main pour entretenir la demeure des Longuet, cette fameuse villa les pieds dans l'eau à Saint-Tropez qui avait valu des ennuis judiciaires à Gérard Longuet à la fin des années 1990. L'ancien ministre a été relaxé dans cette affaire.


© Maxppp

Roger, l'homme à tout faire, était payé au noir, selon lui, autour 3 000 euros par mois. Le tout était réglé par chèque. À force de protestations, et parce qu'il menace de ne plus travailler, Roger obtient de Brigitte Longuet une déclaration d'embauche pour 2011. Mais le salaire n'est pas à la hauteur : 100 euros net par mois réglés en chèque emploi service (consulter le bulletin de salaire de février 2012 émis par le Centre national du chèque emploi service). Soit 12 chèques pour un montant total de 1 200 euros, glissés en décembre 2001 dans une seule et même enveloppe et correspondant, selon Gérard Longuet, à un emploi de gardiennage.
"Il a très mauvais caractère" (Longuet)


Au mois de mai de l'année dernière, Roger saisit les prud'hommes pour travail dissimulé. Contacté par Le Point.fr, Gérard Longuet réplique : "Il ne s'agit en rien d'une activité dissimulée. Il travaillait d'ailleurs pour d'autres propriétaires de bateau. Je ne me suis jamais caché, d'ailleurs je le payais par chèque en tant que prestataire de services, comme d'autres." Le Point a pu joindre l'un de ces autres plaisanciers. Il confirme avoir employé Roger et l'avoir rémunéré comme l'affirme l'ancien ministre, précisant que celui-ci avait monté une petite société. Sauf que cette entreprise, si elle a vraiment existé, n'a jamais été enregistrée au greffe, comme Le Point a pu le vérifier, pas même sous le statut d'auto-entrepreneur. Solidarité entre employeurs indélicats ? En effet, ce témoin a pu recourir aux services de l'homme à tout faire en le rémunérant en liquide, car seuls les chèques de Gérard Longuet apparaissent sur le compte de l'employé. Autre élément gênant pour le ministre, les chèques emploi-service versé à Roger rémunère bien un individu, pas une société, comme le montre notre document.

Gérard Longuet estime n'avoir rien à se reprocher : "J'ai été plus que patient avec lui, je lui prêtais même mon bateau. Il fait certaines choses très bien, comme le vernis, mais d'autres choses moins bien. Certains propriétaires se sont plaints de ses services. Il a très mauvais caractère, il est fâché avec la moitié de Saint-Tropez."
Récemment reportée, l'audience aux prud'hommes a été fixée au mois d'avril. Florence Rollin-Garcia, avocate de Roger, n'exclut pas d'attaquer les époux Longuet au pénal.