Report de la 3G : bloquer l’Algérie pour sauver le système

Par : Mustapha Hammouche
Les Algériens auraient dû enfin disposer de la 3G à compter d’aujourd’hui. Il n’en sera rien. Le gouvernement n’a pas tenu sa promesse. Sans surprise.
Ce n’est pas dans la culture de nos dirigeants et gestionnaires d’être au rendez-vous de leurs engagements : plus d’un quart de siècle de rendez-vous manqués avec le métro d’Alger, vingt ans de “lièvres” posés pour l’aérogare, des dizaines d’inaugurations ratées de l’autoroute Est-Ouest…
Ne parlons pas des petits projets qui ne font pas la “une”. Ce n’est pas dans leur culture, mais la précision de la date de lancement — la précision est un fait de modernité — a fait qu’on y a cru.
C’est donc la ministre de la Poste et des TIC qui annonce que le lancement de la 3G vient de rencontrer un nouvel obstacle : il faudra que “le décret exécutif de délivrance de la licence soit signé et notifié aux trois opérateurs”. Ensuite, quand le gouvernement aura pris le temps de signer le décret et de le notifier aux opérateurs, l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications s’accordera à son tour le délai nécessaire à l’étude de leurs offres commerciales. Ces derniers devront, enfin, attendre que leur soient attribués les numéros spécifiques à la 3G, avant de confectionner leurs puces et de les commercialiser… “Avant la fin du mois de décembre”, promet la ministre.
On le voit : ce ne sont pas les écueils qui manquent si l’on veut éloigner l’avènement de la 3G. On aurait tout aussi bien pu recycler le prétexte du processus d’acquisition de Djezzy par l’État ou en inventer d’autres. Les sciences et technologies de transmission des sons et des signes sont subversives du point de vue des régimes qui craignent le libre-échange d'idées entre les citoyens. Le nôtre a commencé par s’opposer à la libération de l’audiovisuel avant de s’accommoder d’une loi… pour prévenir la liberté d’information et de débat télévisuels. Quant à la 3G qui accumule plus d’une décennie de retard, elle constitue un modèle de résistance politique au progrès technologique. Avec bien moins de moyens, la Mauritanie s’est approprié cette technologie dès… 2007.
C’est peut-être la promesse d’une démocratisation de la 3G (même numéro, mêmes tarifs) faite par le directeur général de Nedjma qui a effrayé notre pouvoir ! Il veut, peut-être bien, que les Algériens puissent s’échanger des messages, des documents et des images à la vitesse moderne, c’est-à-dire, instantanément, mais après les élections. On vous demande d’aider à faire gagner l’équipe nationale, pas la démocratie, monsieur Ged ! Si les jeunes veulent défiler et klaxonner, il y aura même des ministres en survêtement pour partager leur sonore agitation. Mais leur donner les moyens de se concerter en temps réel… On verra ça après avril 2014.
Dans le discours prospectif du pouvoir algérien, il a toujours été fait usage de la formule “horizon…”. L’avantage connu de cette fameuse “ligne imaginaire”, c’est qu’elle se retire à mesure qu’on s’en approche. C’est pour cela que tout en ajournant le lancement prévu pour aujourd’hui de la G3, la ministre nous promet la 4G pour 2015 ! C’est tellement plus simple de faire de grandes promesses que d’exécuter de petites réalisations !
Dans sa fuite en avant autoritariste, le pouvoir tente d’étouffer l’expression, faute d’imposer le silence total.