La traversée meurtrière
Flux migratoires vers l’Europe
le 01.09.16 | 10h00
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Même si la pression médiatique est tombée ces dernières semaines,
A partir de 2014, les premiers flux de Syriens fuyant les affres de la guerre ont été reçus à bras
ouverts en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France et en Grande-Bretagne. Cette situation
a ouvert une brèche dans la forteresse Europe.
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Un flux ininterrompu de réfugiés fuit le conflit syrien pour trouver asile en Europe
le phénomène migratoire n’en demeure pas moins que les gardes-côtes
de l’autre rive de la Méditerranée ne chôment pas. Lundi et mardi derniers
ont été des jours laborieux pour la Guarda italienne qui a lancé des
opérations de sauvetage de migrants au large de la Libye.Rien d’inédit,
sauf des chiffres «record» dans cette vague de migration qui s’est accentuée
ces deux dernières années en raison du conflit syrien.«Environ 3000 migrants
ont été secourus mardi au cours de 30 opérations de secours coordonnées
par les garde-côtes», a indiqué dans la soirée un communiqué officiel. De
nombreux navires ont participé à ces opérations, dont un remorqueur, ont
précisé les garde-côtes. Après quelques semaines relativement calmes,
«plus de 1100 personnes ont été secourues dimanche et 6500 lundi, avec
l’aide des navires des garde-côtes et de la Marine italienne, de l’opération
européenne antipasseurs Sophia, de l’agence européenne Frontex ou
d’organisations humanitaires», a rapporté l’AFP. Au-delà des chiffres qui sont incontestablement effarants, il est question de l’accueil de ces migrants.
A partir de 2014, les premiers flux de Syriens fuyant les affres de la guerre
ont été reçus à bras ouverts en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en
France et en Grande-Bretagne. Ce flux humain, qui tombe sous le coup de
la Convention de Genève, a été réparti en quotas.L’Allemagne a accepté de
«prendre» plus d’un million de réfugiés. Son allié, la France, pays des droits
de l’homme, s’est contentée de quelque 12 à 13 000 cas, invoquant les
difficultés économiques qu’elle traverse. Cette situation a ouvert une brèche
dans la forteresse Europe. Un appel d’air, selon certains politiques européens,
qui voient dans ces arrivages un envahissement et auraient préféré une
«immigration choisie».Une vision d’ailleurs véhiculée grâce à la montée du
nationalisme sur le vieux continent.L’extrême droite, qui s’est décomplexée,
est revenue sur la scène politique avec parfois des représentations au sein
des Parlements favorisée par une conjoncture économique mondiale sévère.
Si elle n’a pas réussi son coup, elle a fait fléchir certaines positions
gouvernementales, particulièrement en ce qui concerne la crise des réfugiés.
En février dernier, l’Union européenne et à sa tête la chancelière allemande,
Angela Merkel, a lancé un ultimatum à la Turquie, pays de transit, pour
intervenir et «réduire le flux de migrants traversant la mer Egée». C’était
aussi un avertissement adressé à d’autres capitales européennes, dont
Athènes, qui ont laissé remonter les flux migratoires vers le Nord, culminant
à 20 000 réfugiés par semaine. Il est de notoriété publique que la crise
migratoire a divisé l’Europe.Quand les décideurs se réunissent pour tenter de
trouver une issue à ce problème de taille, ce sont les divergences d’opinions
et de perspectives qui en ressortent. Un dialogue de sourds s’est installé entre
les pays en première ligne, à savoir l’Italie et la Grèce, et les pays de destination, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Autriche et la Suède. D’aucuns ne sont arrivés
à accorder leurs violons et prendre des dispositions communes. Conséquence
d’autres pays se barricadent. A l’exemple de la Norvège, du Danemark, de
l’Autriche, de la République tchèque, de la Slovaquie, pays de transit qui ont rétabli
les contrôles frontaliers.La Hongrie et la Slovénie, principaux pays d’entrée dans
la zone Schengen, érigent des clôtures de barbelés. La politique de la porte ouverte
aux migrants est de facto mise entre parenthèses par la majorité des membres de
l’UE. Les frontières entre les Etats de l’UE sont tombées par la force de la
convention de Schengen, mais elles ne sont pas virtuelles. Elles existent grâce au
Frontex, cette agence pour la gestion et la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, opérationnelle depuis le
1er mai 2005. En termes plus simples, l’agence en question est censée garantir
un meilleur contrôle des frontières.Le dispositif Frontex a été réactionné pour
contribuer à l’endiguement du phénomène migratoire ou, du moins, canaliser au
mieux un flux discontinu. Cette agence qui facilite «l’application des mesures communautaires existantes et futures, relatives à la gestion de ces frontières et
de coordonner la coopération entre Etats membres» dispose de moyens
conséquents pour mener sa mission un budget moyen de 85 millions d’euros et
des équipements et matériels (navires, hélicoptères, avions patrouilleurs) ainsi
que des experts et les gardes-frontières.
Son intervention a-t-elle pour autant été probante ?
C’est peut-être aussi en raison de ce durcissement des gouvernements que les
flux de migrants se poursuivent ces derniers jours. Les conditions climatiques
aidant, des milliers de migrants embarquent à partir des côtes libyennes, pour
tenter de franchir le Rubicon avant l’automne où les frontières passoires
deviendront hermétiques.
Migrants africains et harraga
En Norvège, la police est autorisée à refouler toute personne se présentant à
la frontière pour demander l’asile, qu’elle soit en situation de crise ou qu’elle
vienne d’un autre pays nordique. Si cette mesure n’épargne pas les Syriens,
elle est implacable avec les migrants africains et subsahariens dont le périple
est motivé par des conditions économiques.L’UE, dans ce dossier, change de
fusil d’épaule et s’attaque à la racine du mal en jouant la carte de l’aide au
développement et des avantages commerciaux. Il est brandi «l’arme de la
rétorsion économique pour contraindre les dirigeants du continent africain à
coopérer à la lutte contre l’immigration clandestine». L’UE n’en est pas à son
premier essai. D’autres pays ont été approchés auparavant pour la même finalité,
à l’instar des pays du Maghreb ou la Turquie. Les résultats, fussent-ils
encourageants, n’ont pas réussi à assener le coup de grâce à cette mobilité
humaine indésirable. Pour preuve, les côtes libyennes sont une plaque tournante
de tous ces migrants souhaitant atteindre l’Italie, via l’île de Lampedusa.
Depuis lundi, 10 000 personnes ont été secourues au large de la Libye dans des opérations coordonnées par les gardes-côtes italiens. «Beaucoup d’entre eux
n’avaient jamais vu la mer, il y avait à bord des femmes âgées, des personnes
malades et de nombreux enfants de 13 ou 14 ans qui voyageaient seuls. Ils se
battaient pour être secourus en premier, ils sautaient dans l’eau, c’était difficile
de contrôler la situation», selon Médecins sans frontières (MSF).
L’Algérie, qui connaît ce phénomène sous l’appellation «harga», a renforcé ses
patrouilles sur le littoral national. Ce qui n’a pas dissuadé ces jeunes qui tentent
la traversée de la Méditerranée, bravant tout danger.Régulièrement,il est rapporté
par des canaux d’information officiels que des dizaines de harraga ont été
interceptés au large de Annaba, Skikda, Oran, etc.Point de chiffres exhaustifs pour
cerner l’ampleur du phénomène. Entre 2009 et 2015,ils seraient 13 272 Algériens
à avoir traversé la Méditerranée, dont 620 ont disparu, selon la LADH.
Naïma Djekhar