Dimanche, Michael Jordan soufflera ses 50 bougies, et vous ne pourrez pas y échapper. Preuve que cet anniversaire est un évènement, l’ancien numéro 23 des Bulls fera la une de tous les hebdomadaires sportifs américains, mais aussi de l’Equipe Magazine avec un « hommage en images » au plus grand joueur de tous les temps. L'Equipe 21, sur la TNT, lui consacre trois documentaires tout au long du week-end.
Michael Jordan est LE joueur qui a installé la NBA en France, en Europe, dans le monde. Peut-être que sans lui, la NBA serait restée au niveau de la NFL ou du baseball, un sport américain aux vedettes méconnues du grand public outre-Atlantique.
Michael Jordan est plus qu’un sportif, c’est une marque
Qu’écrire de plus sur ce joueur aux six titres de champions NBA, aux deux titres olympiques, et aux 10 titres de meilleur marqueur ? Plus les années passent, plus on s’aperçoit qu’on a eu une chance inouïe de le voir jouer. Jordan est arrivé pile poil au moment où la NBA se mondialisait, et il doit sa renommée aux six titres des Bulls, ses dizaines de milliers de points inscrits, à ses dunks pleins de grâce, mais aussi à la Dream Team, l’explosion des salaires et Nike. Jordan était plus grand que le basket, plus grand que la NBA. C’était une marque, et ça l’est toujours.
Mais la carrière de Michael Jordan, c’est aussi une histoire pleine de rebondissements, et c’est ce qui, je pense, le sépare des autres légendes du basket comme un Bill Russell, un Kareem Abdul-Jabbar et un Larry Bird. Car Jordan, c’est aussi un père assassiné au soir de son 3e titre. Ce sont deux retraites sportives, et un passage par le baseball. C’est un retour à près de 40 ans sur les terrains pour faire la nique à la nouvelle génération.
La fin de carrière idéale était à Utah, en 1998
Michael Jordan, c'est bien sûr d'abord des dunks et un "hang time" qui lui permettaient de rester plus longtemps en l'air que ses adversaires. Il sautait avant son défenseur, et shootait après que celui-ci soit redescendu. Imparable. C'est aussi le « Flu game » ou ce coup de chaud à 3-points face aux Blazers, mais aussi des perf' exceptionnelles sur le parquet des Knicks, dans la Mecque du basket. Jordan, c’est des tirs de la gagne de légende, à Cleveland ou Utah, ou même avec North Carolina à 19 ans.
Michael Jordan, c’était aussi cette capacité à survoler la saison régulière qu’il considérait comme du "bullshit", pour élever encore son niveau de jeu en playoffs. Mais attention, c’était un basketteur incroyable mais ce n’était pas un génie. Il y avait plus de génie dans Magic Johnson ou aujourd’hui chez Lionel Messi. Ce n'était pas non plus un monstre physique comme peut l'être LeBron James aujourd'hui. En fait, Jordan était le basketteur moyen parfait : 1m98, ni trop petit, ni trop grand. Parfait pour s'identifier à lui, mais aussi pour être un héros dans un sport de géants.
Mais si Jordan est devenu le GOAT (Greatest Of All Time), c’est aussi parce que sa domination était mentale. C’était un tueur. Un vrai méchant. Peut-être même un sale mec. Un soliste capable de fédérer autour de lui, et de s’entourer des meilleurs pour aller chercher le titre.
Comme les héros des plus grandes légendes, Jordan a croisé des obstacles sur sa route. Il y a eu d’abord la blessure, puis les Celtics et les Pistons. Il y a eu ensuite la lassitude, le poids des ans, et l’arrivée d’une nouvelle génération. A chaque fois, il en est sorti gagnant, et ce shoot sur le parquet de Salt Lake City en 1998 est pour moi « The End ». La NBA plongée dans un lockout de plusieurs mois, il prend sa deuxième retraite. Pour moi, il aurait dû s’arrêter là. A 35 ans. Au sommet. La main pointé vers le ciel.
Michael Jordan (Getty Images)
Un piètre dirigeant
Mais voilà Jordan était aussi un joueur, capable de perdre des milliers de dollars par soir dans les casinos. Parfois après des matches. Un joueur qui, à 38 ans, se dit qu’il en encore dans le moteur pour se mesurer aux plus jeunes. L’Amérique est meurtri par le 11-septembre, et Jordan vient lui redonner du baume au cœur. Son salaire, il le verse aux victimes des attentats, et il repart pour une « dernière danse ». Pas avec les Bulls, mais avec Washington où il possède déjà la casquette de président.
Pour moi, ce sera la période de trop. Elle n’enlèvera rien à sa légende, mais elle n’apportera rien même si elle lui permettra de s'emparer de quelques regards de longévité. Il échouera dans son projet d’emmener les Wizards au sommet. Sur le terrain, il tient tête aux meilleurs, mais en coulisses, il se montre catastrophique en managérat et en recrutement. Il est même viré du club trois semaines après son dernier match. « Je ne serais pas revenu si j’avais su que ça se terminerait comme ça » avait-il déclaré à l’époque.
Mais Jordan est orgueilleux, et il veut montrer à tout le monde qu’il vaut mieux que ce piteux bilan aux Wizards. Alors il fait coup double : il participe à la création d’une nouvelle franchise, chez lui, en Caroline du Nord, puis en devient propriétaire majoritaire en 2010. Là encore, c’est un échec : moins de 11% de victoires en 2012, soit le plus mauvais bilan de l’histoire.
Peut-être s’agit-il de simples obstacles vers la conquête du titre, comme le furent les éliminations face aux Celtics ou aux Pistons dans les années 80. L’histoire le dira… mais je n'y crois pas. C'est un autre métier, et il semblerait qu'il ne soit pas doué.
Ce qui est certain, c’est que sur un terrain, un green ou dans un bureau, il restera un incroyable compétiteur, et pour moi, l’anecdote qui suit révèle toute sa personnalité.
Elle est racontée dans "The Jordan Rules" de Sam Smith, la Bible de ceux qui veulent tout savoir des coulisses de Bulls de la grande époque. On est en 1988, peut-être sa plus belle saison sur le plan individuel. Chicago se déplace à Utah, l’une des salles les plus chaudes de la NBA. Michael Jordan (1m98) vient de dunker sur John Stockton (1m85), et le patron du Jazz l’apostrophe :
« Pourquoi tu ne t’attaques pas à quelqu’un de ta taille ? »
Que fait Jordan ? Il grimpe sur les 2m13 de Mel Turpin, l’un des intérieurs de Utah. Et plutôt que de revenir en défense en la bouclant, il regarde le patron du Jazz, et lui dit :
« Il est assez grand celui-là ? »
Pour moi, c’est ça Jordan.